À Anne Zamberlan

Un couloir sombre, une petite fille grave. Et le bruit de la course, venue de très loin, précède la grosse dame nue qui surgit de l'obscurité. Elle a une voix douce. Son corps massif, ourlé de multiples draperies, effraie un peu la petite fille.

Orage, théâtre, question sans réponse ; elle est venue d'un autre monde et d'un autre âge.

C'est Ève, Vénus, sortie de nulle part, dans la joyeuse cavalcade affolée pour la forme. C'est Anne de la Tour de Guet qui cherche, scrute, attend vainement. C'est Jeanne qui file la laine devant l'âtre ; c'est Jeanne vieillie avant l'âge qui s'accroupit avec peine dans le bain.

C'est Annie-Claude qui susurre, souricette, vulnérable, pâle, blonde et translucide comme du verre, fragile comme porcelaine, que j'imagine à peine nue, mais fétu de blé, bouquet délicat, brassée de vent entre mes mains où elle ne sera jamais.

Anne pour toujours dans la force de l'âge, icône profane, vierge rose et jalouse, qui a sacrifié sa chair, éteint son souffle en pleine course.