Premier chapitre un peu chiant :

En cet après-midi champêtre, je chevauche ma mobylette 103SP et je défile le bitume. J'aime ça, rouler et rouler vers l'infini et au-delà. Il fait beau, les oiseaux chantent, ça sent un peu le purin, c'est le printemps.

Arrivé à un feu rouge, un blouson noir sur une bécane (probablement un fan de Johnny) se place juste à côté de moi et joue avec son accélérateur : il veut faire une course. Ça, c'est intéressant : compétiteur, je ne suis jamais contre un petit défi, et en plus j'aime la vitesse. Mais il est de notoriété que les blousons noirs trafiquent les moteurs de leur mob. En ligne droite, je perdrais à coup sûr tandis que, s'il y a plusieurs virages, c'est bien la dextérité qui nous départagera.

Je fais signe au voyou que je relève le défi mais que je vais aller vers la droite en direction du centre-ville où les routes zigzaguent comme des serpents en mouvement.

Le feu est long ; l'impatience me gagne et je fais vrombir mon moteur. Une pom-pom girl arrive avec un drapeau, se place entre nous puis enfin abaisse le drapeau. C'est parti ! D'un coup de reins terrible je déplace ma mobylette 103SP vers la droite et fais rugir le moteur en une pétarade extraordinaire (à tel point qu'on ne parle plus de pétarade mais bien de pétaradade) ! Je viens de scotcher mon adversaire : sa machine est plus lourde, il a bien du mal à négocier le premier virage. Ma tactique est sans nul doute la bonne. J'enchaîne les virages avec brio et distance encore un peu plus le blouson noir, mais se dresse devant moi une importante ligne droite, la grande avenue menant au centre-ville.

Je fais un saut dans mon stand afin de changer les pneus et opte pour des pneus surgonflés : ça rendra plus aérienne ma machine. Mais est-ce un bon choix ?
Vous le saurez dans le prochain épisode !


Chapitre du prochain épisode :

C'est un pari complètement fou : un arrêt au stand peut me coûter la victoire si mon équipe n'est pas en place et si elle n'est pas assez efficace. Mon adversaire, quant à lui, décide de se passer de cet arrêt. C'est un choix tactique : il gagne des mètres sur moi, mais risque à tout moment d'éclater ses pneus. Lui a fait le choix de gommes élastomères ; je ne sais pas ce que cela veut dire, mais cela lui permet d'atteindre des vitesses vertigineuses. Le moindre caillou, et c'est l'accident assuré : c'est un fou !

Le suspense est à son comble, et lorsque je quitte mon stand le sale type à la bécane est passé devant. Encore cinq-cents mètres et la victoire m'échappe ! Je mets la gomme, à fond sur l'accélérateur ; la vitesse se décuple. Il semblerait que mon choix s'avère payant : je peux voir devant moi la Camino rouge de mon adversaire commencer à fumer !

Encore quatre-cents mètres, et la distance qui nous sépare n'est que de trente mètres. C'est rien, c'est rattrapable ! Mes pneus rendent ma machine infernale plus aérienne et je commence à décoller du sol, exempt de frottements. J'élève encore un peu plus ma vitesse ; je suis plus rapide que lui à présent.

Trois-cents mètres à parcourir, et la distance entre nous n'est plus que de vingt mètres. À ce rythme, je vais le coiffer au poteau ! Des flammes jaillissent de la mobylette de mon adversaire : il vient de faire exploser son pot d'échappement ! Le bruit de sa machine est assourdissant…

Deux-cents mètres ; dix mètres nous séparent l'un de l'autre, il peut me voir dans son rétroviseur. Il panique, ça se voit, ça se sent (à moins que ce soit la fumée noirâtre qui sort par tous les pores de sa Camino).

Qui c'est qui va gagner ?
Oh, que oui : ça sent bon la victoire, mon ami !

Cent mètres et je suis juste derrière lui à respirer les vapeurs toxiques de son engin motorisé, mais les flammes sont si importantes que cela me brûle les narines. Comment fait-il pour tenir sur ce brasier roulant ? Un nuage noir épais et dense sort de ce qui reste de son pot d'échappement et m' empêche de voir devant ! Je ne peux pas le dépasser !
NOOOONNNN !
C'est trop bête, je ne vais quand même pas perdre à cause de cette vacherie ? Le seul moyen de le dépasser sera de passer non pas sur les côtés, mais au- dessus de lui. Hop ! Ni une ni deux – ni même trois – je donne une grande impulsion, et grâce aux pneus surgonflés qui rendent ma machine aérienne je m'envole à environ deux mètres du sol, juste suffisant pour ne pas me prendre mon adversaire sur les roues.

Le branleur franchit la ligne d'arrivée et lève les bras, triomphant. Il ne m'a pas vu le survoler. Puis il arrête sa course pour m'attendre mais aussi pour ne pas exploser avec son engin de mort. Il était temps : à peine a-t-il mis le pied au sol que sa mobylette éclate en un merveilleux feu d'artifice !

Il jubile, il croit qu'il a gagné. C'est alors que j'apparais, la ligne d'arrivée franchie entre nous, preuve indiscutable que je suis arrivé le premier ! Il n'en revient pas, il n'en croit pas ses yeux globuleux. « Mais par où diable est-il passé ? » doit-il se demander dans le dedans de sa tête de linotte…
Fair-play, je veux lui serrer la main mais ce dernier refuse catégoriquement – ce n'est pas très sport – puis conteste ma victoire :

— Comment ça, j'ai pas gagné ? Tu te fous de moi ou quoi ? J'ai franchi la ligne d'arrivée largement avant toi. T'as rien vu parce que t'étais dans la fumée !
— Non, je suis passé avant toi. Personne ne peut me battre : je suis le meilleur ! C'est parce que tu ne sais pas perdre que tu inventes ça !

OOOHHH ! Le malotru ! C'est lui qui ne sait pas perdre !

Nous décidons dès lors de nous battre. Le combat ne changera rien à l'histoire, mais lui casser la gueule me fera sans doute énormément de bien. C'est au chapitre juste après.


Chapitre juste après :

Comme précédemment précisé, le combat ne changera rien à l'histoire mais il aura le mérite de me faire du bien : une bonne tarte dans la gueule fait du bien à celui qui la reçoit comme à celui qui la donne !

Mon adversaire est plus grand, mais il a une allonge moindre. Rester à bonne distance me permettra à coup sûr de lui envoyer quelques marrons dans la tronche tout en étant à l'abri d'une riposte. Le branquignol essaiera de casser la distance, et donc va probablement se précipiter sur moi.

Côté gauche, accusant 87 kilos à la pesée, 1,80 m avec une allonge de 2 m, vainqueur de 110 combats dont 110 avant la limite sur 110 disputés, champion absolu du quartier : l'imbattable Blouson Noir !

Mon profil et mon palmarès sont certes moins impressionnants, mais j'ai l'œil du tigre, la rage de vaincre et l'envie d'en découdre. Ce n'est que lorsque la cloche retentira que nous nous mettrons dessus. D'ici là, le jeu consiste à prendre l'ascendant psychologique en inquiétant par le regard mon adversaire. Face à face, si nos yeux étaient des armes bactériologiques, nous serions tous deux malades comme des chiens !

L'arbitre de fortune nous demande de nous serrer la main, tradition oblige.

— T'es un homme mort ! lui dis-je lorsque j'empoigne avec fermeté cette main si fluette que je vais détruire tantôt.

Et lui de répondre :

— On verra ça.

C'est un peu léger… S'il compte me faire douter avec de tels propos, il va droit dans le mur. Puis nous nous dirigeons chacun dans notre coin. Monsieur le blouson noir est entouré de soigneurs, coach, gogo-dancers qui le conseillent sur la tactique à adopter ; c'est ce qui risque fort de lui nuire car, pendant qu'il écoutera les stratégies proposées, je profiterai de l'inattention pour lui éclater la gueule.

Enfin la cloche tinte. Tels deux fauves se disputant les faveurs d'une belle, nous tournons, recherchons nos marques, appréhendons le combat avec prudence (mon adversaire peut se révéler dangereux) ; je prends donc maintes précautions dans mon approche.

Hop ! Un petit pas de danse cubaine pour le distraire et paf ! Une grande claque du plat de la main qui claque en plein visage. Très vexant, très blessant, très offensant ! Le public apprécie : il aime les shows, et nous sommes partis pour en donner un des plus spectaculaires.
Monsieur le blouson noir est désorienté : la claque était si imprévue que le voilà tout décontenancé. Son entourage hurle des conseils de bon aloi :

— Fais attention à son jeu de jambes !

Obéissant, son regard plonge vers mes pieds, laissant libre cours à mes bras. Il se prend une terrible droite bien puissante qui s'écrase sur son nez. Le voyou a les naseaux en compote, pisse le sang, se retourne vers son coin en disant :

— Bravo ! Merci les gars…

Ironique, le gaillard, mais pas efficace car le temps qu'il se tourne pour vociférer son point de vue je lui envoie un coup de pied dans les fesses, au risque de lui briser le sacrum.
Il hurle la mort et réclame une pause :

— Pouce, s'il te plaît. Allez, quoi, pouce…

J'attrape ce fameux pouce puis le retourne : clé au pouce. Le blouson noir manque de tomber dans les pommes. Son coin l'avise :

— Pince-le ! Pince-le !

Ce qu'il fait. Je lâche l'animal et lui dis :

— Chien ! Je vais te faire regretter cette fourberie !
— Amène-toi ; ma mère frappe plus fort que toi !

Le public est désormais dans ma poche. Des « olas » se forment ; cela fait très joli, et je l'entends scander mon blaze. Tandis qu'il chante mon nom, je me laisse bercer par cette transe et danse une valse : le show, toujours le show. Cela laisse le temps au blouson noir d'adopter une autre tactique : il se vêt d'un boa et tente de me séduire. Une fois sous le charme de cette belle prostituée, il se dévoilera et profitera de la surprise pour m'éclater. Malin… Malin, mais un point lui a échappé dans la logique de son plan : se vêtir d'un boa dans un combat est quasi suicidaire. À la vue de ce froufrou, mes forces se décuplent, ma rage de vaincre également. Une frénésie guerrière s'empare de mon être. Une voix intérieure me ressasse sans cesse « Bats le boa ! Bats le boa ! ».

Dans une frénésie absolue, je le massacre à grands coups de tatane dans le foie, le plexus, la trachée artère, l'humérus plat. Heureusement pour lui, le gong vient de retentir ; c'est la fin du premier round. Nous rejoignons nos côtés respectifs .
Une minute de pause, une minute de réflexion. Mon coach m'exhorte à ne pas accepter le close-combat :

— Reste à distance. Continue de lui envoyer ton jab et enchaîne comme à l'entraînement : droite gauche, droite droite, puis gauche droite, gauche gauche (ce qu'on appelle le moulin).


Chapitre du deuxième round :

J'adopte la position Petit dragon en équilibre sur fleur de Lotus, une position de combat qui date des Samouraïs. Mon air belliqueux et l'incitation au combat préviennent d'un danger imminent : une attaque à coups de Mawashis ou de Takas (violents coups de pied à hauteur du visage). Quant au blouson noir, il opte pour la position nettement moins esthétique du Rhinocéros haineux, tactique de combat qui date de la préhistoire. Fou de rage, mon adversaire se dirige vers moi en levant les poings, prêt à en découdre. Moi, je reste calme, à bonne distance, et lui envoie un jab qui fait mouche : ça a le don de l'énerver encore un peu plus. Puis j'enchaîne droite, gauche, crochet droit et low kick pour le déséquilibrer. Autant le dire, il en prend plein la gueule, et franchement, c'est bien fait !

Mais mon adversaire n'est toujours pas au sol : il encaisse mais ne bronche pas ; c'est assez déstabilisant… Je lui envoie encore un crochet large qui le touche en pleine tempe et un uppercut des familles en plein sur son menton poilu. Il perd deux dents. Mais ce vaurien n'est toujours pas à terre… Avec un high kick qui vient s'écraser sur son oreille, je pense en avoir fini ; mais non, il vacille mais ne tombe pas. Franchement, j'en perds mon latin.

Je continue d'appliquer à la lettre les consignes de mon coach, et elles opèrent on ne peut mieux ; mon adversaire plie mais ne rompt pas. Maintenant, il a une tronche qui fait peur mais il reste alerte, toujours dangereux : on n'est jamais à l'abri d'un mauvais coup…

À présent il me chambre ; c'est peut-être la dernière arme qu'il peut utiliser contre moi : il sait qu'il a perdu le combat.

— Ma grand-mère frappe plus fort que toi !

Mon coach hurle de ne pas l'écouter :

— N'entre pas dans son jeu, n'entre pas dans sa tête, continue la tactique qu'on a mise au point. Et change de niveau.

Ce que je fais. Je passe de son visage à son foie. Crochet au foie : imparable ! Je lui fais mal mais il continue de chambrer :

— Tu tapes comme une fillette, et encore je connais des fillettes qui ont plus de poigne.

Soudain, sans prévenir, c'est la charge : le blouson noir fond sur moi. J'esquive un coup à droite, un coup à gauche en n'oubliant pas de toucher du doigt un des 64 points vitaux.
Nous nous faisons face à présent. La sueur coule par grosses gouttes tant le suspens et la concentration sont de mise. Le blouson noir a bien senti mon coup d'index. Là-dessus, le regard brillant de fierté et le sourire en coin, je lui dis :

— Dans quinze secondes tu convulseras car j'ai touché de mon index un des soixante-quatre points vitaux de ton organisme. Par cette touche, j'ai arrêté le flux de ton sang dans tes artères, lesquelles vont réclamer leur taux de globules. Puis, après les convulsions, la douleur se fera sentir ; une odeur de vieille chaussette, infecte : tu devras te boucher le nez. Le sang ne passant plus, la respiration perturbée par le nez bouché, ton cerveau ne sera plus assez oxygéné. Tu connaîtras dès lors des vertiges puis tomberas, tes jambes ne répondant plus à tes sollicitations. Une fois au sol, tu constateras que, dans ta chute, tu t'es cassé le bras. Les hôpitaux étant en manque d'effectifs, tu seras mal soigné… Ah-ah-ah !

Les secondes passent. Le fan de Johnny pleure et, insensible, je quitte ces lieux funestes. J'enjambe ma 103SP et rejoins mes pénates.

Et voilà, de l'art d'écrire n'importe quoi. J'ai perdu un temps fou à écrire c'te truc.
Mais bon, quand on a envie…