À Régine Deforges

Un jour de septembre où l'été s'étire en longueur et s'alanguit comme s'il ne voulait pas mourir.
Le petit restaurant italien sur la rue qui longe le canal a sorti ses tables : quelques places sur un trottoir un peu large font une terrasse, et enivré par le soleil, petit à petit, le monde est arrivé pour profiter de ce qui sera peut-être les derniers chauds rayons de l'année.
Il fait doux, pas au point d'avoir envie de s'en abriter : le soleil cuit juste ce qu'il faut. Tout le monde a repris le boulot.
Seul, je déjeune à ma table ; les pâtes sont fines, excellentes. La mamma qui sert en salle, patronne brune à souhait, aux fesses comme deux gros ballons fidèles, moulées dans un pantalon sombre.
Des tables de deux et une plus grande où une petite assemblée s'installe (collègues de travail ?) ; toutes les places ne sont pas occupées, comme celle qui fait face à cette jolie blonde, quadra un peu pulpeuse qui a pris place. Avec sa jupe blanche et sa peau encore dorée, elle respire les vacances qu'elle vient de quitter à regret.
D'ailleurs, ils trinquent à ces vacances, à la rentrée.
L'été, la villégiature, ce sont des paysages lumineux qui emplissent nos yeux mieux que les appareils photo, et que l'on stocke dans nos mémoires plus sûrement que dans les cartes électroniques, et avec l'émotion en plus.
L'été, c'est ce coin de verdure encore pur et encore épargné par l'avancée des jours, petit îlot intact au bout de la ville, borné par ce dernier restaurant, au bord de l'Ourcq, cet instant éphémère oublié des peintres.
L'été, ce sont ces rires clairs, ces éclats de voix, ces timbres féminins, cette gaieté qui voudrait se faire croire que la routine n'a pas repris.
L'été, ce sont ces cuisses replètes et cuivrées encore ouvertes parce que la femme n'a pas conscience du spectacle qu'elle m'offre.
L'été, c'est cette petite tache blanche, étoffe sur un pubis renflé, comme la voile immaculée du yawl agile qui fendait les eaux brillantes de la mer et qui tranche sur la peau mordorée comme le sable dans la lumière d'août tranchait sur l'ombre des pins.
L'été, ce sont les ballets silencieux qu'ont livré ces cuisses et ces jambes luisantes dans la fièvre de rares étreintes avec son régulier, dans les soupirs d'une nuit chaude et envoûtante.
L'été, ce sont ces souvenirs émus inscrits dans les corps et qui s'effaceront avec les premières pluies.
Ultime sursaut de conscience.
L'été a refermé ses volets avec les derniers vacanciers.
La dame a refermé ses cuisses.