— Coco ! Tu viens, on va se coucher ? Le film est fini et tu dors à moitié sur le canapé.
— Oui, j'arrive, voilà. Tu… tu n'as pas un peu…
— Ah non, tu n'es pas possible, toi ! Tu ronfles pendant le film, et dès que tu traverses le couloir te voici revenu en forme ; mais moi je n'ai pas forcément envie de ça.
— « Ça », comme tu dis, on croirait que c'est quelque chose de désagréable, de sale même, à t'entendre.
— Bon. Michel, on ne va pas encore se prendre la tête pour une envie que je n'ai pas. J'ai sommeil, et toi tu as déjà pris un acompte sur la nuit.
— Tu as de moins en moins envie, à croire que tu ne veux plus de moi. C'est désespérant d'être obligé de quémander de la sorte ; je ne te demande pas le grand jeu, mais juste un petit coup avant de nous endormir.
— Je ne veux pas me forcer : je n'ai pas envie, je n'ai pas envie. Ça ne se commande pas, ce genre de truc.
— Bon, tu as raison. Bonne nuit. Demain, je demanderai à ma secrétaire si elle, elle ne veut pas…
— Idiot ! Si tu crois que c'est avec ce genre d'argument que tu vas me faire changer d'avis ! Et puis je demande à voir. Je t'imagine bien avec Simone ; déjà que tu n'aurais pas assez de tes deux bras pour en faire le tour…
— En plus tu deviens mesquine, limite méchante même, là. Allez, bonne nuit quand même.
— Bonne nuit, Michel, et pardon… pour Simone.


— Bonjour Simone.
— Bonjour patron. Oh, vous avez une petite mine ce matin ! Mal dormi, on dirait.
— Non, ça peut aller. Et vous ? Vous avez passé un bon week-end ?
— Vous savez, les enfants étaient à la maison, et c'est toujours un peu mouvementé quand les gosses courent partout.
— Non, je ne sais pas.
— Oh ! Je vous prie de m'excuser, patron, je ne voulais pas…
— Ce n'est pas de votre faute ; simplement la vie qui n'a pas voulu. Mais vous êtes mariée depuis combien de temps ?
— Notre fils a vingt-six ans et notre fille un an de moins. Donc nous nous sommes mariés onze mois avant la naissance de Julien ; ça fait vingt-sept ans maintenant.
— Ah oui, c'est beau ! Et jamais de problème ?
— De problème ? Vous voulez dire entre Jean-Pierre et moi ?
— Oui. Enfin, je suis peut-être indiscret.
— Non, mais parfois nous avons eu quelques passages à vide. Puis avec les naissances et quand les enfants sont petits, ce n'est pas toujours évident, mais mon mari et moi avons su nous épauler. Mais sans vouloir paraître trop envahissante, vous n'avez pas de problème de couple ; je n'arriverais pas à vous imaginer sans Madame Claude.
— Non, non, entre nous tout va bien. Nous avons surmonté l'épreuve de ne pas avoir d'enfant, mais c'est vrai que depuis quelque temps je la sens plus distante. Elle me semble avoir moins envie de… de certaines choses. Moins passionnée également, comme si elle se désintéressait de…
— Vous avez des soucis, Monsieur ? Je veux dire que vous avez peur de la perdre ? Je vois bien que depuis plusieurs mois vous arrivez au bureau en traînant les pieds. Pourtant, ici il fait bon vivre, et vous n'êtes pas un patron… pardon pour le mot, mais vous n'êtes pas un patron « emmerdant ».
— J'adore votre franc-parler, Simone. En tout cas, merci pour votre franchise. Non, c'est autre chose ; j'ai juste l'impression qu'elle se détache, pas seulement de moi, mais de tout.
— Sans doute un moment difficile. Vous savez, nous les femmes, avons parfois des états d'âme que vous les hommes ne saurez jamais comprendre.
— Je m'en doute. Mais je le trouve un peu long, le passage à vide. Mais bon… Mettons-nous au boulot, voulez-vous ? Le dossier des Écrins d'Or est appelé à l'audience ce jeudi. Nous sommes prêts ?
— Oh oui, Monsieur, tout est sur votre bureau.
— Vous êtes une petite fée ; c'est un bonheur de travailler avec vous, Simone. Faites-moi penser à vous augmenter ; je crois que j'aurais déjà dû le faire depuis longtemps.
— Pour cela aussi, Monsieur, vous pouvez compter sur moi…


— Alors, ta matinée au bureau ?
— Bien passée, comme toujours. J'ai un gros morceau, jeudi, Les Écrins d'Or. Tu sais, l'histoire de ce restaurant revendu par son propriétaire et qui n'avait pas de permis de construire. Mais bon, Simone avait tout bouclé, comme d'habitude. Une perle, cette femme-là.
— Tu… lui as demandé pour…
— Arrête de rire ! Je ne te trouve pas très drôle sur ce coup-là. Si je venais un jour à coucher avec une autre, tu ne rirais pas de cette manière.
— Je suis désolée. Je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai plus envie de faire l'amour. C'est compliqué, je ne sais pas moi-même pourquoi, je ne comprends pas ce qui m'arrive.
— Après des années où tout allait bien, je peux comprendre que tu te lasses, mais pour moi c'est difficile à vivre. Tes refus sont comme des gifles, des camouflets.
— À ton amour-propre seulement. Mais rassure-toi, personne ne profite de mes faveurs. Je suis à toi, c'est juste que, côté libido, ce n'est plus vraiment cela. L'âge qui avance, l'usure du temps. Que sais-je encore, moi ? Je voudrais te faire plaisir, mais… Tu te souviens quand tu me disais « En sexe, personne ne doit se forcer, tout doit être naturel. » ? Eh bien, j'en suis arrivée à un tel point que j'ai du mal à assumer tes envies. J'espère juste que ce ne sera que passager.
— Ne t'inquiète donc pas : je grogne bien un peu, mais je saurai attendre… enfin, pas dix ans non plus ! Bon, je file au bureau ; je dois peaufiner ce foutu dossier. Ça risque d'être corsé, cette histoire : le notaire n'a pas fait correctement son boulot. Il y a quelques milliers d'euros en jeu, et quand il y a du pognon…
— Attends ! Tu pars sans me faire un bisou ? Ah, mon Dieu, les mecs… Tu leur dis non une fois et ils ne veulent plus t'embrasser. Bon après-midi.
— Non, c'est juste que je suis à fond, déjà, dans mon affaire.
— Oui, oui, on dit cela…


— Ah, Simone, vous voulez bien appeler Maître Digon, à Épinal ? Vous me le passez à mon bureau.
— Tout de suite, patron.
— Pff ! Je préférerais que vous m'appeliez « Maître ».
— Ah bon ?
— Mais non, Simone, je plaisantais ; « Michel » serait mieux, depuis le temps que nous travaillons ensemble.
— Je vous fais votre numéro.
— Parfait.
— Dites, il faudra qu'on parle parce que je voudrais quelques jours de congé bientôt.
— D'accord. Je règle mon problème avec mon confrère et vous viendrez me dire ce dont vous avez besoin. On s'arrangera bien.
— Ah… et pour votre problème, je crois que j'ai aussi une solution.
— D'accord, on en parle tout à l'heure.


— Bien, Simone, c'est bon vous pouvez venir.
— Merci, patron. Voilà ; mes petits-enfants seront là encore tout le prochain week-end et je dois les avoir pour les vacances scolaires. J'aimerais prendre du lundi au mercredi en congés pour m'occuper de mes petits diables.
— Tant que vous êtes là jeudi pour le jour des audiences du tribunal, ça ne me pose pas de cas de conscience. Seulement vous veillerez à basculer le standard sur la messagerie. Je n'aime pas trop être sans arrêt dérangé par des appels téléphoniques.
— Oui, bien sûr ; vous pouvez compter sur moi. J'ai aussi autre chose à vous dire. J'ai cru comprendre que… entre vous et votre épouse… une éclipse durait depuis un long moment.
— J'aime le terme employé ; il n'y a que vous pour trouver des vocables pareils. Une éclipse, c'est exactement ça.
— Eh bien, je crois qu'il existe un moyen pour que cesse cette traversée du désert.
— Je ne veux pas entendre parler de médicament ; et Claude, de toute façon, refuserait cette idée de se doper.
— Il n'est pas question de cela du tout. Mais voici pour vous l'adresse d'un… d'un homme qui sait régler ces choses-là.
— Vous me proposez un spirite ou quelque chose de ce genre ?
— Non, pas du tout ; je crois que c'est religieux, ou similaire un peu quand même. Enfin, entre mon fils et sa femme, il y a eu un passage qui les menait tout droit au divorce et ce type a arrangé les choses. Je crois qu'il fait des incantations, mais religieuses. Finalement, si le truc a fonctionné pour mes enfants, pourquoi devrait-il en être autrement pour votre couple ?
— Tout dépend de ce qu'eux recherchaient. Moi, c'est simplement, comment dire… un retour d'affection, si vous voyez où je veux en venir.
— Je crois, oui. Je ne le formulerai pas de cette manière, mais je pense que vous aimeriez que Claude vous fasse l'amour plus souvent, n'est-ce pas ?
— C'est exactement cela, sauf que j'aimerais qu'elle le fasse de nouveau, tout bêtement. Depuis des mois, rien… et c'est devenu une obsession chez moi.
— Je sais maintenant pourquoi vous avez cette tête de déterré les matins alors que vous arrivez au travail.
— Ça se voit tant que cela ? Vous me charriez, non ?
— Pas du tout : bon nombre de vos clients m'ont parfois demandé si vous étiez souffrant. Je n'ai jamais osé aborder le sujet avec vous.
— En tout cas, merci de votre sollicitude. Et entre vos jeunes, tout va mieux désormais ?
— Je crois que cela n'a jamais aussi bien marché. Ils parlent de me refaire encore un petit bonhomme ; c'est vous dire si ça roule.
— Et en quoi consistait le traitement, alors ?
— Je crois que ma bru est allée avec mon fils chez ce monsieur, une ou deux fois, mais je ne sais pas ce qu'il leur a dit. Toujours est-il que le couple est reparti sur de bonnes bases. Je pense que le problème était du même ordre que le vôtre. Tenez, voici son adresse et son téléphone, si ça peut vous aider…
— Merci, Simone ; j'en parlerai à Claude et nous verrons bien. Vous êtes la meilleure secrétaire du monde !
— Tant mieux, parce que je ne crois pas que je pourrais retrouver un patron mieux que vous, alors je fais tout pour le préserver.
— Si nous parlions de votre traitement, maintenant ? J'ai fait mes comptes ; je crois que je peux faire un effort sur votre salaire.


— Tu aimerais que nous allions dîner au restaurant, Claude ? Il y a si longtemps que cela ne nous est plus arrivé…
— Pourquoi pas ? C'est une bonne idée. Un peu de détente pourrait arranger les choses, non ?
— Un tête-à-tête dans un lieu avec plein d'autres gens, ça me va bien aussi. Alors vendu ! Choisis celui qui te plairait.
— J'hésite entre Le Montagnard de La Bresse et Les Trois Sapins du Ménil : bouffe du terroir ou raffinement gustatif.
— Tu veux dire éventail entre cochonnailles ou foie gras ? Choix cornélien… décide-toi.
— Bien. Puisque Monsieur me laisse faire, ce sera tartiflette et tarte aux myrtilles ; j'en ai déjà l'eau à la bouche.
— Dommage que ce ne soit pas ailleurs que se situent tes envies ce soir encore…
— Allons, ne sois pas désobligeant. Qui sait ? Peut-être que… Enfin, qui vivra verra.
— Ainsi soit-il ! Dieu t'entende, parce que, sans mentir, j'ai parfois mal aux… d'avoir envie. Et me masturber à côté d'une femme comme toi, ça devient aussi une forme de supplice. Et puis je voudrais discuter un peu de cela avec toi. Comme à la maison nos conversations nous crispent l'un et l'autre, dans un lieu tel qu'un restaurant sans doute parviendrons-nous à ne pas nous chamailler.
— Ce n'était donc pas tout à fait désintéressé, cette histoire de restau…
— Je l'avoue, oui, sans fausse pudeur.
— D'accord pour Le Montagnard.


— Madame, Monsieur, bonsoir et bienvenue ! Ça fait longtemps que nous n'avions pas eu le plaisir de vous recevoir. Vous prendrez bien un apéritif…
— Oui : pour moi, ce sera votre kir maison ; et pour toi, Claude ?
— Je voudrais une Suze, pour changer un peu.
— On vous apporte cela de suite. En attendant, merci de votre visite.
— Ça fait des années qu'on vient ici, non ? Eh bien tu vois, le cadre me semble toujours aussi agréable. Je suis heureux que tu aies choisi ce restaurant, Claude.
— J'aime leur cuisine et ils sont sympathiques. Leur tarte est… hum, un régal ! Alors, cette grande nouvelle dont tu voulais m'entretenir ?
— Eh bien, au travail, j'ai suivi tes conseils : j'ai parlé avec Simone. C'est une femme de bon sens.
— J'ai hâte d'entendre la suite. Tu as… parlé avec Simone ? En clair, tu veux dire que… tu lui as fait des avances ?
— Mais non ! Je veux juste dire que nous avons dialogué des problèmes des uns et des autres. Pas question de parler, ni même de penser une seconde que je pourrais faire quoi que ce soit avec elle. Du reste, elle est grand-mère depuis quelques années déjà.
— Parce que tu penses que ce sont des choses, des arguments qui empêchent de faire l'amour, ça ?
— Bien sûr que non, mais je ne mélange pas travail et plaisir ; tu me connais bien, et tu me sais incapable de te faire des petits dans le dos. Et puis Simone semble heureuse avec son Fernand ; elle ne se préoccupe de moi qu'en tant que patron, et bon patron si j'en juge par ce qu'elle me raconte.
— Tu parles de notre vie de couple avec elle ? Mais c'est la honte pour moi ! Elle sait que…
— Disons qu'avec la tête que je fais – paraît-il – en arrivant au bureau, elle s'en est doutée. Et comme son fils et sa belle-fille ont eu ce genre de galère, elle m'a conseillé un peu.
— Mais c'est pas vrai ! Je n'y crois pas ! Tu prends des conseils conjugaux auprès de ta secrétaire ? Ce n'est tout bonnement pas possible. Tu me fais passer pour qui ? Pour quoi ?
— Hé, calme-toi. Rien de dramatique là-dedans : elle a seulement vu que j'étais mal, elle s'est fait du mouron pour son job. Dans un petit cabinet comme le mien, elle a un travail qui lui va bien, alors elle craint qu'il ne se passe quelque chose et qu'elle se retrouve sur le carreau.
— Oui, mais de là à jouer à la conseillère matrimoniale… il y a quand même tout un monde. Et que suggère-t-elle, la dame ?
— Elle m'a donné l'adresse d'un type qui a arrangé les choses entre sa bru et son gamin. Apparemment, pas de médicament ; elle m'a seulement parlé d'incantations religieuses. C'est à voir, sans doute. Puis rien ne t'oblige à le faire : c'est seulement une suggestion.
— Je suis bien consciente, Michel, que c'est compliqué, notre vie de couple en ce moment ; mais…
— En ce moment, tu sais que ça fait plus de six mois que je ne t'ai pas touchée ? Six mois, tu penses que c'est juste « en ce moment » ? Soyons réalistes : notre couple va droit dans le mur si ça continue de la sorte. Je ne pense pas être un obsédé, pas plus porté sur le sexe que n'importe qui, mais bon sang… six mois Claude !
— En plus tu tiens des comptes ? Ça ne fait pas six mois… Il ne me semble pas que…
— Vous avez choisi, Messieurs-dame ?
— Oui : une tartiflette pour tous les deux, s'il vous plaît.
— Et comme boisson ? Je vous recommande notre petit pinot noir.
— Claude, pinot noir ou vin blanc ?
— Non. Le pinot me semble être un bon compromis.
— Je suis certain que vous en serez satisfaits. Il est… tout simplement fait pour se marier avec le plat que vous avez choisi. Il rehausse la saveur du reblochon et exhorte les sens des palais les plus délicats.
— D'accord, nous allons goûter votre nectar.
— Merci, Madame, Monsieur, et bon appétit.
— Où en étions-nous, nous deux ? Ah oui ! Tu me parlais de ce type recommandé par ta secrétaire. Et que fait-il exactement ?
— C'est encore un mystère. Je n'ai rien fait d'autre que prendre l'adresse et son numéro de téléphone. Pour le moment, j'attends ton avis sur la question.
— Je sens bien que tu voudrais que je fasse les premiers pas, mais j'ai peur de raconter notre vie, tu saisis ? Ce n'est pas facile d'aborder avec des inconnus ce genre de… situation.
— Moi, j'ai surtout peur de te perdre, alors entre parler de nous et ne plus être avec toi, j'ai vite pesé le pour et le contre : c'est toi, sans contestation possible.
— Bon, d'accord. Tu me donneras toutes les indications à la maison ; je te promets de l'appeler.
— Tu ne préfères pas que nous le fassions ensemble ? C'est un peu notre vie à tous les deux…
— Non. Je veux bien faire quelque chose, mais je le fais seule ; ceci n'est pas négociable. Je me sentirai moins gênée d'exposer seule notre… non, mon souci.
— Comme tu veux. Moi, du moment que nos relations s'améliorent…


— Allô ? Bonjour, Monsieur. Veuillez m'excuser de vous déranger. J'ai eu votre numéro de téléphone par une amie, et celle-ci m'a dit que vous pourriez peut-être faire quelque chose pour moi. Disons qu'entre mon mari et moi il y a actuellement quelques dissensions et que je voudrais y remédier. Il paraît que vous êtes un maître dans l'art du retour d'affection, c'est pourquoi je m'adresse à vous.
— Oui, je sais faire cela, mais jamais par téléphone. Si vous êtes vraiment décidée à retrouver votre mari, ou tout du moins son affection, je peux vous donner un rendez-vous, ici, à mon cabinet.
— Je voudrais seulement savoir si c'est long et si votre… enfin, le traitement est douloureux.
— Rien de douloureux, je vous assure ; et pour le temps, cela dépend uniquement de la volonté de ceux qui viennent me voir. En règle générale, en deux ou trois séances les choses s'améliorent réellement. Mais j'ai parfois aussi des échecs, je me dois d'être honnête avec vous.
— Une dernière question : pour le prix ?
— Ne parlons pas d'argent, Madame ; il ne s'agit que d'amour entre votre mari et vous, n'est-ce pas ? Alors pensez-vous que ceci ait un prix ?
— Évidemment ! Mais je suppose que vous ne faites pas cela pour le plaisir de faire se retrouver des gens perdus. Alors je peux vous rappeler après avoir consulté mon mari ? Dans l'après-midi sans doute.
— Bien entendu ; ne vous précipitez pas. Par contre, je n'ai plus qu'une place pour vendredi à quatorze heures. Alors confirmez-moi rapidement si je vous la conserve ou si je peux prendre un autre rendez-vous.
— Oh, je vous assure que même en cas de refus je vous le dirai dans le courant de la journée.
— Bien. J'attends de vos nouvelles. Au revoir, Madame.
— Au revoir, Monsieur.


— Michel, je veux seulement te dire que j'ai appelé le numéro que tu m'as donné.
— Ah ! Et alors ? Ça t'a paru comment ? Sérieux ou pas ? Vas-y, raconte.
— Tu veux baisser un peu le son de la télé ? On ne s'entend plus avec cette pub. J'ai donc eu ce gars au téléphone. Il a une voix agréable, mais ne m'a rien dit de spécial. Il m'a simplement proposé un rendez-vous pour vendredi quatorze heures. Il a juste un peu d'accent, mais je ne saurais pas dire lequel. Je n'ai pas encore décidé si j'allais m'y rendre ; je tenais à t'en parler avant. Après tout, ça te concerne également, et j'ai un peu la trouille. Je souhaite que tu comprennes que c'est pour toi, pour nous, que je veux faire cela.
— Je t'en remercie, Claude. Tu sais bien comme je t'aime, comme je veux te garder, comme cette histoire de sexe nous gâche la vie.
— Tu veux dire la tienne surtout. Mais j'avoue que je suis peinée de ne pas te donner ce que tu désires. Alors, que décide-t-on ? J'y vais ou pas ?
— Ton avis sur le sujet…
— S'il te plaît, ne me touche pas ! Non, je sais bien que tu bandes, mais… il n'y a pas le petit déclic dans ma tête, celui qui devrait me donner envie de faire l'amour.
— J'en crève, moi. Si au moins tu…
— Quoi ? Tu veux ma main ? Franchement, je me sens obligée ; vraiment, c'est plus fort que moi. Mais pourquoi tu ne te masturbes pas ?
— Tu m'imagines me branler à côté de toi ? Non, mais regarde ; tu ne trouverais pas bizarre que je me donne du plaisir à côté de ce corps qui me fait envie ? J'ai presque l'idée de te sauter dessus. Alors si en plus je m'astique le jonc, ça ne peut qu'être pire.
— Je te promets d'aller vendredi voir ce gars-là, alors. Finis donc ton café. Je peux desservir la table ?
— Un beau moyen de m'opposer une fin de non-recevoir. Je repars au boulot. Fait comme tu veux pour ton rendez-vous, et je peux venir avec toi si tu le désires.
— Non, j'assume toute seule. C'est bon, tu as assez à faire avec tes audiences et tes clients. Tu ne voudrais pas me serrer contre toi ? J'ai besoin de toi, surtout en ce moment.
— Viens dans mes bras, ma belle. Tu sens comme j'ai envie de toi ? Tu me sens, là, tout raide contre toi ?
— Oui, et j'en suis malade ; mais franchement, je n'y peux absolument rien. Il n'a y plus ce petit truc qui me donnait envie, tu vois, cette flamme qui s'allumait en moi. J'espère seulement qu'elle n'est que passagèrement éteinte, que ce type saura la rallumer. Allez, va, Michel, et dis-toi que ce ne sera plus long : vendredi, c'est seulement dans deux jours. Nous verrons bien où cela va nous mener.
— C'est pourtant une éternité… non, mais sens-moi ça : elle va exploser à rester tendue de la sorte !


— Allô, Monsieur ? C'est pour le rendez-vous de vendredi. Mon mari et moi avons décidé ; c'est d'accord, je viendrai.
— Vous m'en voyez ravi. J'aimerais seulement que vous ameniez une photo du visage de votre mari et un de ses objets les plus personnels. Un stylo ou quelque chose qui lui sert tous les jours. J'ai besoin de son fluide pour opérer.
— Je vous apporte de l'argent ? Vous prenez les chèques ?
— Ne vous préoccupez pas d'argent. Venez et nous dialoguerons pour voir ce que nous pouvons faire.
— Entendu. Alors à vendredi quatorze heures.
— D'accord.


— Tu es certaine que tu ne veux pas que je t'accompagne ? Je peux encore prendre mon après-midi. Simone n'est pas là, alors…
— Non. Je te l'ai déjà dit : le problème vient de moi, c'est donc à moi de le régler. Et puis je ne serais pas à l'aise si tu étais dans mes pattes. J'en rougis de honte de parler de mes soucis avec un inconnu, mais avec toi ce serait pire encore. Il est préférable que je fasse cette démarche seule.
— Comme tu veux, mais je suis inquiet. Tu m'appelles dès que tu sors de chez ce… bonhomme.
— Je serais heureuse de pouvoir enfin refaire l'amour avec toi ; prendre du plaisir me rend moi aussi joyeuse, et je souhaite que ce mec ne soit pas un charlatan. Pour toi, Michel, je prie pour ça marche.
— Tu me tiens au courant ; n'hésite pas à me téléphoner, ne serait-ce que pour me rassurer.
— Oui, oui, promis.
— À tout à l'heure, alors.
— Michel…
— Claude ?
— Je veux que tu saches… je t'aime.
— Je n'en ai jamais douté.


— Madame, bonjour. Vous voulez bien entrer ?
— Bonjour…
— Ah, ne faites pas cette tête… c'est ma couleur qui vous surprend ? Vous ne vous attendiez pas à voir un Noir, je suppose.
— Non, ce n'est pas cela : c'est que la situation n'est pas des plus sympas pour moi. Je n'aime pas trop parler de mes problèmes avec un inconnu.
— Dans cinq minutes nous ne serons plus des inconnus, vous savez. Bien, je vous écoute, Madame. Racontez-moi donc vos attentes, vos espoirs, ensuite je vous dirai si je peux vous être vraiment utile. N'omettez rien ; allez même rechercher le petit détail : c'est souvent celui-là qui pourrait faire basculer mon action, dans un sens ou dans l'autre.
— Tout d'abord, je n'ai qu'un seul souci particulier avec mon mari. Lui et moi nous entendons fort bien dans presque tous les domaines, mais j'ai une absence d'envie, et à ses dires depuis plus de six mois nous n'avons pas… Il me semblait que ce n'était pas aussi lointain, mais il a l'air très affirmatif. Sa secrétaire lui a dit que vous aviez agi sur son fils et sa belle-fille, alors nous nous adressons à vous pour tenter d'arranger nos affaires.
— Quel est son prénom ?
— À mon mari ?
— Oui, bien sûr.
— Michel. Pardon, je pensais que vous vouliez celui du fils de la secrétaire.
— Non. Avez-vous amené un objet très personnel ?
— Oui, tenez, voici : c'est sa montre. Il la porte tous les jours et il en a mis une autre ce matin, à ma demande.
— Parfait. C'est vrai que c'est très près de sa peau, ce genre d'objet. C'est idéal. Bon, maintenant parlons encore un peu de vous. Comment vous sentez-vous, là, maintenant ?
— On ne peut pas dire que je sois cent pour cent à l'aise, mais ça va.
— Vous croyez en moi ?
— Croire en vous ? Je ne me pose pas la question : je veux seulement sauver notre couple, si c'est encore possible. Je suis consciente qu'un jour ou l'autre Michel ira voir ailleurs si je persiste à ne plus avoir d'envies, alors toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
— Si je parle de Vaudou, qu'est-ce que cela évoque pour vous ?
— Ben, je pense immédiatement à des poupées, des aiguilles… Enfin, des choses très déplaisantes.
— Vous ne trouvez pas que c'est un peu réducteur ? Cependant je ne nie pas que cela existe aussi. Et puis c'est vrai que dans l'opinion des gens, ces choses sont ancrées profondément depuis des lustres, mais parce que bon nombre de charlatans ont œuvré dans ce sens, et surtout pour le besoin des films : tout comme les zombies, beaucoup de mythes ont vu le jour grâce à la pellicule et au cinéma. Mais je pratique aussi la sorcellerie gentille ; le dieu que j'invoque toujours reste Mawu. Il règne sur tous les autres et m'offre le pouvoir de changer certaines choses. Le retour d'affection en fait partie ; je peux donc vous aider, mais pour cela il vous faudra me laisser prendre le contrôle de votre esprit, en quelque sorte vous fier aveuglément à moi.
— Je comprends parfaitement, mais puis-je en espérer une réelle amélioration pour retrouver une libido suffisante pour sauver mon mariage ?
— Vous seule avez la réponse, en vous. Mon aide ne peut qu'être un déclencheur ; le reste est en vous. Il vous faut au minimum avoir envie que ça réussisse.
— Et pouvez-vous m'expliquer ce que j'aurai à faire ? Comment cela se passera ? Comment procéderez-vous ?
— Il y a des choses que je peux vous dire, d'autres non. Tout d'abord, j'entre en vous, je remets en place tout ce qui s'y trouve dérangé – ou décalé –, comme vous voulez. Ce n'est absolument pas dangereux. Mais je dois avouer que comme pour le cognac, il peut y avoir la part des anges. Je ne peux pas vous le cacher : une petite part de vous pourrait ensuite tromper votre mari. C'est à vous de décider si le jeu en vaut la chandelle.
— Que voulez-vous dire ? Que mon corps pourrait m'échapper par moments ?
— C'est un peu cela, mais uniquement pendant le traitement. Je pense que d'après ce que vous me dites, deux, voire trois séances après celle-ci devraient suffire. Mais entre chacune d'elle, c'est vrai que vous pourriez avoir… des absences, ou de grosses envies sexuelles inattendues. Irrépressibles, et selon les circonstances, impératives. Ce que j'appelle « la part des anges ». Donc le choix vous appartient.
— Mais c'est systématique, cette « part des anges », comme vous dite ?
— Non, mais je tiens à dire que ça peut arriver ; c'est même une fois sur deux. Vous me donnerez donc votre accord en toute connaissance de cause, je ne veux tromper personne.
— Vous pensez que j'aurai tellement de besoins que je pourrais tromper Michel ? Je ne sais plus quoi vous dire… Je ne veux pas lui faire de mal ; mais le laisser dans l'attente, est-ce mieux que ce que vous me dites ? Je ne sais plus que faire… Oser et risquer ? Ne rien faire et le perdre ? Ça me fait tellement peur !
— C'est vous seule qui voyez ce que vous devez faire ; je ne peux pas me mettre à votre place, à ce stade-là. Je ne peux que vous demander de bien y réfléchir.
— Si j'accepte, nous commencerions quand ? Je veux dire vous débuteriez votre thérapie bientôt ?
— Tout de suite après avoir eu votre accord. Mais il me faut celui-là, que vous adhériez à tout et que je vous entende le dire haut et fort.
— Vous me garantissez que c'est indolore et que ni Michel ni moi ne risquons rien ?
— Je peux vous l'assurer : aucun risque pour personne.
— Alors, allons-y ! Autant que je me jette à l'eau de suite, sinon je n'aurai plus jamais le courage de revenir.
— C'est bien ! Vous êtes donc consciente, Madame, que pendant un très court instant vous n'aurez plus le contrôle de vos sens, de votre corps, et que je serai votre guide ?
— Oui, je suis d'accord et j'aimerais que nous débutions rapidement, s'il vous plaît.
— Bien ! Alors voulez-vous me remettre la photo de votre mari ? Ensuite vous passerez dans la petite salle à côté. Là, il y a un lit ; vous voudrez bien vous y coucher, nue sur le drap. Avant de vous y allonger, prenez une gorgée d'eau qui se trouve dans le verre sur la table de nuit. Quand vous serez prête, appelez-moi.
— Est-ce indispensable que je sois nue ? Vraiment ?
— Oui, c'est essentiel, Madame. Tout comme la gorgée d'eau de Lune. Vous devez me laisser prendre le contrôle de votre corps, et les vêtements sont un frein assez fort pour me résister.
— Bon. Eh bien… mais j'ai quand même une sacrée peur !
— Elle n'a jamais évité le danger, Madame.


— Voilà, je suis prête, comme vous me l'avez demandé.
— Je vais donc poser la photographie de votre mari et sa montre sur vous. Vous avez pris de l'eau ?
— Oui, bien sûr. J'ai respecté à la lettre vos demandes.
— Tenez alors, ouvrez la bouche ! Non pas de crainte, ce n'est que de la réglisse. Veuillez la mâcher lentement, laisser le jus doux glisser dans votre gorge. Doucement… là, c'est bien. Vous vous sentez mieux ? Décontractée maintenant ?
— Oui…
— Non ne parlez pas, contentez-vous de me faire un signe avec les yeux. Je vais relever le drap, vous comprenez ? Je le lève maintenant, lentement, vous avez froid ?
— Non… mais peur… oui.
— Calmez-vous. Je vais mettre l'image de Michel sur votre ventre, c'est le symbole de votre amour et sa montre va aller juste un peu plus bas. Vous êtes très belle ! Vous sentez cette chaleur qui entre en vous ? C'est simplement l'envie qui va revenir. L'objet, je le pose là, ça va être un peu froid. Vous voulez bien desserrer les jambes que je puisse mettre la montre bien à plat ? Parfait ! Ne bougez plus ; fermez les yeux. Vous sentez cette force qui remonte de partout, cette douceur qui vous envahit ? Vous avez envie, vous avez chaud… C'est bien, votre corps ne vous appartient plus. Il est comme un soleil, il va s'ouvrir ; votre peau est douce, votre peau est tout entière vouée à votre désir. Vous sentez ce vent frais qui vous parcourt ? C'est votre mari qui revient vous prendre la main. C'est cela, serrez-la plus fortement.
— Oui… oui… je sens… Hum ! Michel…
— Murmurez-lui encore des mots comme ceux-là : il va percevoir les mêmes vibrations que celles que vous connaissez là. C'est cela, laissez-vous aller. C'est parfait, la thérapie fonctionne complètement. Détendez-vous, gardez vos cuisses bien ouvertes. Le plus possible. Encore, oui, plus, plus. Vous sentez en vous ce serpent qui vous pénètre ? Gardez les yeux fermés : c'est le sexe de votre mari, il vous pénètre très, très lentement, il est en vous.
— Oui… oui, Michel, prends-moi, oui. Encore, encore, s'il te plaît, n'arrête pas. Vas-y, plus fort ! Donne-moi du plaisir… S'il te plaît, continue, ne ressors pas, je t'en prie… Oh, c'est trop bon ! Caresse-moi, caresse mes seins ! Oui, tire sur le bout, vas-y, allons, ne sois pas trop doux, j'ai envie que tu me fasses mal, allez !
— C'est bien, vous réagissez positivement. Et là, vous le sentez mieux en vous ? Vous aimeriez qu'il pousse plus fort ? Qu'il vous possède profondément ?
— Baise-moi, Michel, ne parle plus, ne me laisse pas languir. Oh ! Baise-moi, allez, fais-moi mal. Merde, ne reste pas inactif, bouge-toi ! J'ai envie que tu me baises comme une salope, vas-y, je veux être ta chienne. Oui… ouiii… baise-moi, encore, encore, donne, donne… donne-moi ta bite. Je voudrais te sucer, te sentir me prendre, savoir que tu vas m'enculer… Donne-toi à moi, vas-y, je veux mouiller pour toi, je veux que tu me sautes…
— C'est bien, Madame, vous faites sauter tous les verrous : vous êtes sur le chemin de la guérison. Vous êtes faite pour le sexe. Votre mari va vous retrouver ce soir… différente… tellement changée. Vous lui ferez l'amour avec une telle violence qu'il sera fou de désir et de joie.
— Tu ne veux donc pas te taire, Michel ? Baise-moi au lieu de perdre ton énergie à parler. Tu es si doux avec la voix… Prends-moi, oui, remue-toi ! Non, moins vite ; je veux te sentir longtemps, je veux que tu me déchires, je veux hurler mon envie ! Mon désir ne vient pas tout de suite, et pas là : je voudrais que tu éclates dans ma bouche, j'ai envie de te boire, de te manger. Oui… donne-moi ta bite à sucer, s'il te plaît, donne-la-moi. Vas-y, crache-moi dans la bouche, je t'en supplie… c'est trop bon ! Ah… oui encore, encore…
— On ne peut pas dire que vous soyez frigide ! À la première séance, vous mouillez comme une petite fontaine. Il va en avoir de la chance, votre mari ! Tenez, buvez un peu de ce verre.


— Que m'est-il arrivé ? Je me sens toute bizarre. J'ai chaud, j'ai froid… J'ai une sensation étrange ; j'ai le ventre en feu ! Mon Dieu, mais… que s'est-il passé ? J'ai taché tout le lit ? Pourquoi ? Que m'avez-vous fait ?
— Mais rien que vous n'ayez voulu : j'ai remis une deux petites choses en place dans votre tête, et votre corps s'en est trouvé beaucoup mieux. Je pense qu'avec une autre séance vous serez redevenue la parfaite petite épouse modèle de votre mari.
— Vous êtes certain que ce soir j'aurai envie de… de mon mari ?
— J'en suis persuadé. Mais attention : vous devrez suivre à la lettre ce que je vais vous dire.
— D'accord. Je suis heureuse que ça fonctionne, si ça marche vraiment.
— Aucun doute possible. Je vous l'assure, vous êtes faites pour faire l'amour et votre couple va se ressouder. Je vous avoue que Michel est un homme chanceux.
— Vous… vous en êtes si sûr ? Mais c'est aussi vrai que je sens cette petite pointe en moi qui… comme si j'avais besoin de faire l'amour.
— Ce soir, en rentrant chez vous, vous devrez prendre un verre de cette eau que je vais vous remettre. Un seul verre – pas une goutte de plus – et vous en ferez autant tous les soirs jusqu'à ce que vous reveniez me voir dans une semaine exactement.
— Oh merci ! Merci, vous êtes le diable sans doute, mais merci.
— Surtout, si vous voulez que ça marche, vous devez impérativement revenir vendredi à quatorze heures. Ensuite je ne pense pas que vous aurez besoin de mes services à nouveau. Faites mes amitiés à votre mari et… prenez le plus grand plaisir avec lui.
— Vous pouvez y compter : si jamais votre intervention est bénéfique, je ne saurai jamais assez vous remercier.
— Allez, je vous assure que le résultat sera au-delà de toutes vos espérances. Mais attention ! Il reste la part des anges.
— Je n'ai toujours pas saisi de quoi il s'agissait vraiment.
— Le moment venu – s'il survient, évidemment – vous saurez le reconnaître toute seule.
— Alors à vendredi, comme prévu.
— Oui, à vendredi. Bonne chance ! Et surtout n'omettez pas de boire tous les soirs un verre de ce flacon.
— Je vous dois combien ?
— Attendez donc que vous soyez guérie complètement.
— À votre guise. Bonne semaine, et à très vite. Et mille mercis !


— Ah, Claude, c'est toi ? Je commençais à m'inquiéter sérieusement. Alors, raconte-moi comment ça s'est passé.
— À vrai dire, je n'en sais rien. Je ne peux rien dire ; il m'a juste donné de l'eau à boire, il appelle cela de l'eau de lune. Ça n'a aucun goût, aucune saveur sauf celle… de l'eau. Mais bon, je te raconterai tout quand tu seras rentré à la maison. Pas trop tard, j'espère, Michel…
— Non, je boucle le dossier sur lequel je travaille et je serai de retour dans une petite heure environ ; ça te convient ?
— Oui, oui. Tu veux que nous sortions ce soir ? Une pizza, prise chez nos amis Nathalie et Roland ? À table, je pourrai te raconter ; mais vraiment, il n'y a pas grand-chose à dire.
— Comme tu veux. Je me presse un peu, et à tout de suite. Bisou, ma belle !
— Je t'embrasse aussi, Michel.


— Ça sent drôlement bon ! C'est ton parfum, Claude ? Tu t'es mise sur ton trente-et-un pour juste aller manger une pizza ? Aurais-tu une idée derrière la tête ?
— Pourquoi seulement une ? Laisse-toi donc bercer par tes illusions, mon chéri.
— Je vois que tu as l'air d'être toute guillerette ; j'aime bien te voir comme ça. Alors on va dîner ? Tu es belle comme un cœur ce soir. Quel plaisir de te retrouver aussi… pimpante !
— Dis-moi que d'habitude je suis moche pendant que tu y es… C'est bien ça, les mecs ! Tu crois que parce que j'avais envie de sortir tu vas pouvoir me filer des vannes toute la soirée ?
— Je te retrouve de plus en plus. Sur le qui-vive immédiatement. Allez, tiens, voilà une place pour me garer.
— Parce que tu ne peux pas en trouver une plus près de chez la Nath ?
— J'ai envie de marcher avec ta main dans la mienne, tu vois, envie d'être fier de la femme avec qui je suis. Tu attires les regards ; jette donc un coup d'œil autour de nous.
— Il n'y a rien aux alentours, tu plaisantes, là… Un vrai marrant quand tu t'y mets !


— Excellentes, les pizzas, comme d'habitude ; tu ne crois pas, Claude ?
— Je pense surtout que si elles ne nous plaisaient pas, il y a bien longtemps que nous irions en déguster d'autres ailleurs. Pourquoi tu ne vas pas droit au but ? Je sens bien que sous ta carapace de calme tu bous d'impatience ; tu crèves d'envie de savoir ce que ce type m'a dit !
— Là, tu as raison. Mais bon, je te laisse choisir le moment où tu auras envie de me raconter cette fameuse séance.
— Finalement, je me demande si je ne vais pas garder cela pour moi… C'est bien aussi une part de mystère, qu'en penses-tu ?
— Libre à toi ; pour moi, seul le résultat m'importe. Et j'ai bien l'impression que du changement, il y en a. Positif à mon avis.
— Ah, et comment peux-tu juger de cela ?
— La première chose, c'est que tu as décidé de sortir ce soir. La seconde, c'est ta tenue vestimentaire. Pour un événement somme toute banal, tu t'es habillée en princesse. Je dois t'avouer que depuis des mois je remarquais que tu étais moins attentionnée envers ton propre corps. Par exemple la touche de parfum, ce Chanel N° 5, dis-moi voir quand tu l'as utilisé pour la dernière fois ?
— Tu remarques ce genre de détail ? Tu sais que m'impressionneras toujours. Tu as raison, j'ai eu envie de m'occuper de moi, donc de te faire plaisir. C'est un bon début, non ?
— Une amélioration notoire. Je ne sais pas si ce sont les bons mots, mais tu m'en vois ravi. Maintenant, si tu pouvais avoir envie de… ce serait miraculeux !
— Qui te dit que je n'ai pas déjà ce désir fiché en moi ? Et peut-être que je mouille, finalement. Regarde-moi bien dans les yeux. Oui, comme cela, c'est bien. Alors, imagine… Pense que tu me touches, là, maintenant. Tu sens ma peau qui frémit sous tes doigts ?
— Arrête, tu vas finir par me faire bander au milieu de tous ces gens qui, comme nous, mangent de bon cœur.
— Mais on s'en fout des autres, non ? Soyons fous, tu veux ? Tiens, par exemple, si je mets mon pied ici, ça ne te fait rien ? Allons, dis-moi que tu ne deviens pas chaud-bouillant…
— Tu veux m'allumer en plein restaurant ? Il a vraiment fait un miracle, ce type ! Rappelle-moi d'augmenter Simone : son tuyau était de premier ordre. Attention ! Si tu joues la pyromane, il te faudra aussi te transformer en pompier.
— Mais j'en ai bien l'intention. Entre nous, tu as choisi ce vocable intentionnellement. Mais rassure-toi, j'irai jusqu'au bout de ce jeu qui t'émoustille. Si tu pouvais toucher ma culotte, tu saurais que c'est déjà plus qu'un rêve. Rien que d'en parler, mon ventre en transpire. Je crois qu'elle serait bonne à tordre.
— Tu ne peux pas rester les fesses mouillées ; ne risque pas un rhume. Tu peux aussi la retirer et me la donner là, sur la table ? Tu n'es pas cap !
— Chiche ! Redis-le encore une fois et tu vas en rougir de honte.
— Je ne demande qu'à voir… à apprécier aussi.
— Tant pis pour toi. Regarde bien, Michel. Voilà, je me mets debout. Tu zieutes bien ma jupe qui se lève ? Voici ma culotte. Je la fais glisser le long de mes cuisses, elle descend, doucement – je veux que tu en profites – lentement. Elle est sur les genoux. Tiens, elle est sur mes chevilles. Quel plaisir trouble que celui de me baisser pour la ramasser… Regarde ce petit triangle d'étoffe ; vas-y, prends-le ! C'est cela, porte-la, cette culotte, à ton nez. Tu sens ma chatte ? Alors, tu es content ? Est-ce que tu bandes ? N'est-elle pas trempée ?
— J'admire quand tu oses ce genre de chose : enfin je te retrouve. Tous les mecs, en couple ou non, te suivent des yeux. Claude, ce soir, tu vas faire le bonheur de quelques femmes ; grâce à toi, leurs maris, amants ou copains vont les baiser avec ton image dans la tête. J'adore cette idée, finalement. Et moi j'ai l'original ; enfin, j'espère en faire autant. C'est vrai que je bande ; aussi réel que cette mouille qui tache ta culotte. Tu es à nouveau toi, cette jolie cochonne avec qui j'ai tant de plaisir. Tu es… divine.
— Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué : il me faut encore une séance, aux dires de mon gourou.
— Je ne veux rien savoir : seul compte le résultat, et c'est le jour et la nuit. Vise-moi cela ! Des dizaines de paires d'yeux qui suivent tes moindres faits et gestes. Tous ces gars-là aimeraient que tu leur en montres encore plus. Finalement, ils doivent me jalouser un peu… Je peux moi aussi porter mon pied sur toi ?
— Et tu veux en faire quoi de ce peton ?
— Ah ! Ah oui ! C'est ça, vas y, laisse-le se poser.
— Non, pas comme cela. Mets-le juste à plat. C'est bien, je vais avancer un peu ; garde seulement la jambe bien tendue. Je parle de la vraie. Laisse-moi faire. C'est bien, je peux me frotter contre la plante ; toi, tu ne bouges pas. Je veux uniquement cette sensation de chaleur que tu me communiques.
— Parfait ; j'aime bien… Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que je suis… une salope.
— Tu es ma salope.
— Non, dis-le-moi plus fort : je veux que les autres là, tout autour, je veux qu'ils entendent, qu'ils sachent, qu'ils imaginent, qu'ils rêvent ! Je suis certaine que toi aussi ça te fait de l'effet, je me trompe ?
— Non.
— Alors redis-le-moi, plus fort, qu'ils en profitent tous ! Allez, je t'écoute.
— Tu es ma salope, et j'ai envie de te baiser. Tu me fais bander. Je t'aime.
— Ce n'était pas si compliqué. Vois comme ils ont tous le nez dans leur assiette… Leurs femmes sont jalouses ? C'est tant pis pour elles, elles n'ont qu'à oser à leur tour. Et si elles le font, je te jure que nous ferons une gigantesque partouze ici, sur place.
— Eh bien, ça dépasse toutes mes espérances, cette thérapie ! J'étais loin de m'imaginer… mais j'aime ça, je te rassure.
— Alors, on s'en va ? Nous partons puisque les pisse-froid des tables avoisinantes ne semblent pas décidés à remuer leur cul.
— Chut… tu vas trop loin, maintenant : nous ne sommes pas là pour nous faire des ennemis.
— Rentrons à la maison, vite, vite. Tu ne te plaignais pas que depuis six mois tu n'avais plus rien ?


— Michel, j'adore notre chalet. J'ai envie de faire l'amour. Notre dîner m'a donné faim… d'une autre nourriture, plus charnelle. J'ose espérer que tu vas m'en donner pour ces six derniers mois.
— Incroyable ! Dire qu'hier encore je te croyais prête à me quitter… Viens donc par ici ; je veux sentir le goût de ta bouche, mordre dans ces fruits mûrs qui me semblent terriblement… appétissants, juteux. Tu es belle ! Attends, doucement, ne m'arrache pas la queue, elle peut encore servir. Oui : là, c'est beaucoup mieux. Ah, je retrouve ma Claude, celle qui sait divinement se servir de ses lèvres. Pas trop vite ! Je ne veux pas gicler tout de suite.
— Je m'aperçois que l'obélisque n'est pas seulement qu'à Paris. Elle est belle, mais c'est parce que j'en ai envie. Donne-la-moi ! Allez, je la veux ! Je veux te sentir me fouiller avec ça. Entre, s'il te plaît. Plus vite, bon sang ! Je suis impatiente de te sentir vibrer au fond. Oui, c'est bon comme ça… Oh ! Tes mouvements qui la font coulisser en moi, ça me fiche des frissons partout. Oui ! Oui, encore, allez ! Bouge, plus fort, baise-moi plus vite ou… ouou… oui. Ah… ahhhh…
— Pff… c'était trop bon ! Je n'ai pas pu me retenir : il y avait trop d'envie, trop de temps que nous n'avions pas…
— Bon, je sais maintenant que le type m'a remis d'aplomb. Une seule séance, et tu vois le résultat. Après la seconde, je vais devenir nymphomane ! Non, je rigole… Oups ! Si tu voyais ta tête… Tu vas réussir à me faire rire. Allez ! Arrête, ne te renfrogne pas de cette façon, ce n'était qu'une boutade. Et si tu recharges tes batteries assez rapidement, tu auras droit à une seconde tournée : mon appétit n'est pas tout à fait calmé. Je sens bien que j'y retournerais volontiers. Je peux te… sucer ? Juste pour me faire plaisir.
— Ne te gêne surtout pas ! Je suis plutôt partageur, ce soir. Et quoi que ce gars t'ait dit ou fait, je dois le féliciter. Tout doux avec Popaul, tu veux bien ? Je n'ai plus vingt ans non plus ; il apprécie aussi un peu de tendresse.
— Tu vas me laisser faire, oui ? C'est moi qui décide, c'est moi qui mène la danse maintenant. Toi, tu te tais et je suce ; je mords comme je veux. Je ne vais sûrement pas l'abîmer, sinon avec quoi je jouerais après ? Tranquillise-toi. Ah, tu vois qu'elle est d'accord ? Elle remonte un peu. C'est bien, ma belle bite ; montre à papa que tu es fière, que tu sais te remettre au garde-à-vous. Monsieur est content ? Elle est assez dure pour que je vienne sur toi. C'est ça, je vois que tu as compris. Reste étendu sur le dos, je vais faire le boulot. Alors, Maître, fier de votre petite épouse un peu salope, comme vous en rêviez ? Hum…c'est trop bien. Laisse-toi aller, je vais te montrer que ça valait le coup d'attendre…


— Mon chéri… Tu as bien joui ? Tu as aimé vraiment ?
— À ton avis, tu penses que j'ai fait semblant d'éjaculer deux fois ?
— Je peux te poser une question ?
— Évidemment, pourquoi tu demandes ; vas-y, je t'écoute.
— Sais-tu… ce qu'est la part des anges ?
— La quoi ?
— La part des anges.
— Tu t'intéresses au cognac, toi, maintenant ? La part des anges, c'est l'évaporation d'une partie de l'alcool contenu dans les fûts de cognac. Cet alcool évaporé doit être remplacé par du cognac provenant d'un autre fût du même cru. Il fait aussi proliférer un champignon microscopique qui donne une sorte de couleur noire aux murs et aux toitures des chais qui contiennent ce genre d'alcool. Mais pourquoi tu me parles de la part des anges ?
— Oh, pour rien. On peut dormir un peu ? Encore merci pour ces moments… très tendres et chauds à la fois. Tu es heureux, alors je le suis également. J'ai adoré faire l'amour de cette manière, ce soir.
— C'est surtout à moi de te dire mille fois merci… Bonne nuit, mon ange.