— Allô, Papa Tango Brodsky… Allô, Papa Tango Brodsky… Répondez, nous vous cherchons…
— Ici Papa Tango Brodsky ; identifiez-vous.
— Allô, Papa Tango Brodsky… Allô, Papa Tango Brodsky… Vous vous dirigez plein Sud, vers le triangle des Bermudes…
— Ici Papa Tango Brodsky, je vous entends très bien… Identifiez-vous s’il vous plaît !
— Allô, Papa Tango Brodsky, ici la tour de contrôle du Jardin d'Aphrodite.
— Ah, cool, les mecs… Content de vous entendre.
— Nous aussi, Brod’. Ça faisait un bail…
— C’est toi, Lioubov ?
— Ouais, mec…
— Qu’est-ce que tu foutais ? On t’a attendu…
— Le monde était en danger. Tu me connais, il a fallu que je le sauve…
— Tu ne peux pas t’empêcher de faire des conneries, toi !
— Ben… on se refait pas.
— Au fait, mon copilote te fait un bisou.
— C’est qui, ton copilote ?
— Mériade.
— Tu me la passes ?
— Impossible : elle tient le manche, si tu vois ce que je veux dire…
— Putain, Brod’, arrête un peu tes conneries ! Tu vas planter l’appareil !
— T’en fais pas pour çaaaaaa… Oh, putain !
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— …
— Brod’ ? Allô, Papa Tango Brodsky… Allô, Papa Tango Brodsky… Répondez, nous vous cherchons. Allô, Papa Tango Brodsky ; vous n’allez pas d’habitude vers le triangle des Bermudes.
— Ici Papa Tango Brodsky… Je vous entends moins bien…
— Mériade ?
— Ouaip !
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Rien de grave, Lioubov : c’est mon tour de prendre la radio, c’est tout.
— Mais… j’ai entendu crier.
— Faut que je te fasse un dessin ?
— Ah, d’accord… Vous n’arrêtez jamais tous les deux ?
— Jamais… D’ailleurs là, il ne va plus pouvoir te parler pendant un moment.
— Il est out ?
— Non, mais sa langue est oooccupée et il a les mains menottée dans le dos.
— Non mais, Mériade… c’est dangereux ; là, vous jouez aux cons !
— Aaaffirmatif, tour de contrôle… Brodsky adore jouer avec les cons. D’où les menottes et les joujoux que j’ai emportés. Il a besoin d’être tenu en laisse. Tu permets que je mette un peu de musique ?
— Tant que ça ne brouille pas la communication…
— Ça va comme ça ?
— Oui… C’est joli ; c’est quoi ?
— Shuman. Attends un instant… Quoi, Brodsky ?
— Mmmm… Mmmm… Mmmm…
— Mais qu’est-ce que t’es con ! Allez, continue ton travail… Allô, tour de contrôle, toujours là ?
— Oui… Qu’est-ce qu’il disait, Brod’ ?
— Des conneries, comme d’habitude : « Il est mort Shuman ». Comme si je n’étais pas au courant…
— Euh, Mériade, sans vouloir te fâcher…
— Quoi ?
— « Il est mort Shuman »… Dans la situation actuelle, c’est un jeu de mots éblouissant.
— Explique.
— Ben… Mort Shuman… c’était un chanteur des années 70. Et il a créé Papa Tango Charlie.
— Et il est mort ?
— Oui.
— Donc, j’avais raison.
— Mais… le jeu de mots…
— Lioubov, des jeux de mots pourris et des blagues à la con comme ça, Brodsky en fait à longueur de journée.
— C’est cool…
— Sauf quand il a autre chose de plus important à faire, comme en ce moment !
— Moi, je trouve que faire de l’esprit dans ces moments-là, c’est quand même vachement chouette.
— Ah ouais ? Imagine que ta partenaire te raconte des blagues pendant que tu essaies de la limer, tu crois que ça te plairait ?
— Ah oui, alors… Moi, ça m’excite grave. Dans ces moments-là, on m’appelle LE TOUT PUISSANT.
— Putain, mais vous êtes vraiment deux vieux pervers tous les deux !

BRAOUM BRAOUM BRAOUM… TCHAKATCHAKATCHAK… BRAOUM BRAOUM

— Allô, Papa Tango Brodsky… Allô, Papa Tango Brodsky… Répondez, nous vous cherchons… Allô, Papa Tango Brodsky… Vous perdez de l’altitude sur le triangle des Bermudes…
— Ici Papa Tango Brodsky… Je n’entends cette fois plus rien…
— Qu’est-ce qu’il se passe, Mériade ?
— C’est Charline et Inanna qui foutent le bordel dans l’avion.
— Pourquoi ?
— Attends, je mets l’appareil sur pilote automatique et je vais voir…
— Euh… si tu libérais Brod’, il pourrait…
— Pas question : il n’a pas fini. Ne bouge pas.

CLIC-CLAC CLIC-CLAC…

— Ah, c’est toi qui affoles tout le monde… Allez, viens là mon chéri… Viens voir maman… Voilà… Sage… Allô, tour de contrôle, ici Mériade.
— On te reçoit, Mériade… C’est quoi ce bordel, merde !
— Rien… C’est Kiri qui s’est échappé de sa cage et qui a fait peur aux passagères.
— Kiri ? C’est qui, lui ?
— Mon perroquet ; un ara.
— Ton ara ?
— Oui, mon ara. Et c’est encore un des jeux de mots à la con de ton copain Brodsky. Il l’a appelé Kiri, comme l’Ara Kiri.
— Ouah ah ah ah…
— Ben tiens, écoute-le rigoler… Pfft… Allez, lèche-moi, et correctement cette fois !
— Hein ?
— Je parle à Brodsky, Lioubov… Et arrête de te palucher en me parlant, s’il te plaît.
— Mais… je ne me paluche pas.
— C’est ça… Bon, je pense qu’on n’est plus très loin…
— Vous êtes en approche, Mériade. Vous allez bientôt pouvoir atterrir.
— N’empêche que c’est une sacrée bonne idée que vous avez eue de vous planquer ici… dans le triangle du Diable.
— Mmmm Mmmm Mmmm…
— Mais c’est pas vrai, Brodsky ! Lèche ; et ferme-la, putain !
— Qu’est-ce qu’il a dit ?
— À ton avis ?
— Je vois pas…
— « Le triangle du Diable, Satan l’habite. »
— Hein ?
— Ça tend la bite !
— Ouah ah ah ah… Brod’ est impayable ! Il va recevoir le Grand Prix de l’Humour à sa descente de l’avion…
— Il va recevoir vingt coups de badine… Et quarante si je ne jouis pas avant l’atterrissage.
— Vous avez encore vingt minutes avant d’opérer la descente, les enfants…
— T’as entendu, toi ? Allez, active-toi… Oui, comme ça… Mieux que ça… Oh oui, bouffe-moi la chatte, putain ! Ouiii… Ouiii… Aspire… Ouiii… Comme ça, sur mon clito… Oh putain, c’est bon… Qu’est-ce que tu lèches bien, bordel ! Non, je ne retirerai pas les menottes… Vas-y… Ouiii… Comme ça… Encore… Encore…
— Aaaah !
— Allô, Papa Tango Brodsky, qu’est-ce qu’il se passe encore ?
— Putain, on n’y arrivera jamais… C’est ce connard d’ara qui vient de mordre Brodsky.
— Il vous reste dix minutes ; magnez-vous.
— T’entends ? Dix minutes ! Active-toi, maintenant. Mais non, tu ne vas pas mourir… Oui, Kiri a tous ses vaccins… Non, il n’a pas la rage, et tu ne l’auras pas non plus. Mais moi, je la sens monter ! Allez… Oui, comme ça… Ouiii… C’est bien… Plus vite… Plus vite… Ouiii… Encore… encore… ça vient… ça vient… Oui… Ouiii… OUIIIIIIIIII !

BZZZZ-BZZZZ-BZZZZ

— Allô, Papa Tango Brodsky… Ici tour de contrôle… Vous perdez dangereusement de l’altitude… Répondez… Putain, vous allez vous crasher ! Répondez, Papa Tango Brodsky !
— Ouais, Lioubov… Ici Brod’… C’est la merde : Mériade est KO et j’ai les mains dans le dos.
— Tu peux redresser l’appareil ?
— Négatif.
— Putain… Non… Pas ça… C’est trop con…
— Lioubov… je crois que c’est la fin, cette fois…
— Brod’…
— Chut… Écoute… Dis à toute l’équipe que mes dernières pensées auront été pour eux…
— Brod’… on te rendra un hommage solennel ; on fera une minute de silence en votre mémoire.
— Putain, une minute seulement ?
— On t’érigera une statue…
— Avec une femme en train de me sucer la queue, alors…
— Si tu veux.
— Promets !
— C’est promis.
— OK… Alors adieu les gars…
— Attends, Brod’, qu’est-ce que t’as foutu ?
— Ben, rien…
— L’appareil s’est redressé.
— Attends, je regarde… Ouah… C’est ce putain d’ara qui appuie sur les boutons avec son bec… et Mériade semble reprendre conscience. Mon cœur ? Mon cœur, magne-toi, on est arrivés. Retire-moi ces putains de bracelets, vite !
— Allô, tour de contrôle, ici Mériade. J’ai repris les choses en main.
— C’est pas le moment, Lilas… Laisse « les choses » tranquilles et délivre Brod’.
— Tout va bien, je tiens le manche…
— MÉRIADE !
— LE MANCHE DE L’AVION !
— Ouf ! Allô, Papa Tango Brodsky, ici tour de contrôle ; vous pouvez atterrir. Bienvenue à la maison, les enfants.