Ce matin, en me rendant à la gare pour prendre un train qui n’allait nulle part, je croisai, sur le quai, une jolie petite blonde aux grands yeux bleus et au cul d’actrice porno. Elle portait un de ces collants noirs, transparents, et un joli string blanc qui reposait délicatement sur ses douces rondeurs. Une lycéenne, rien de plus, musique dans les oreilles, tête dans la lune, réveillée beaucoup trop tôt, devenue adulte beaucoup trop tôt. Je me tenais juste derrière elle, en transe, me rinçant l’âme à en faire péter mon esprit. Dans un élan de fierté et d’intuition, je détournai le regard et lâchai prise. Je me sentais ridicule, pervers, raté, mendiant, humain.

Le train arriva ; nous montâmes, la blonde, le reste du monde et moi, dans le wagon. Elle prit à gauche, moi à droite, et elle disparut de ma vie.
Quand je descendis à ma station, elle revint dans mon champ de vision et bifurqua dans le passage souterrain à toute vitesse. Un ultime coup d’œil crève-cœur pour moi. Je me rendais quelque part pour faire des choses inutiles, et la journée passa comme une mort sans fin.

En revenant à la gare pour rentrer chez moi, je découvris le quai rempli à ras bord. Je pris à droite et me rendis en fond de voie afin de prendre le train au début des wagons. Contemplant le ciel rosé du crépuscule, je me sentais comme vide, coupé de tout, et inutile. Toute cette jeunesse pleine de vie, prometteuse, les joues rouges, clope au bec, parlant de lendemains pleins de promesses me transperçait l’âme.

J’étais sur le point de pleurer quand une silhouette se rua sur moi ; je l’évitai de justesse. C’était la blonde du matin. Elle posa ses fesses par terre, accompagnée d’une dizaine de copines, toutes aussi fraîches les unes que les autres. L’étonnement fut ma première réaction. Mon esprit, affaibli et malheureux, commença à élaborer toutes sortes d’hypothèses et d’idées farfelues quant à la réapparition inopinée de mon désir. J’y jetai quelques regards, puis une intuition, comme une voix sourde en moi, me donna l’ordre de m’en détourner, de ne plus mendier, d’abandonner. J’écoutai cette émotion et me concentrai sur le rose tombant.

Le train arriva. Il était bondé. Je me retrouvai derrière la blonde et ses copines qui ricanaient joyeusement. Nous montâmes de justesse avant que les portes ne se referment. À l’intérieur, je me retrouvai sur les escaliers, entouré de jeunes filles. Elles me frôlaient de leurs jambes, leur bras, leurs hanches. Impossible de monter plus haut. La blonde se tenait en haut des marches, assise jambes écartées. Les filles riaient. Hilares, elles se frappaient du bout des doigts, se caressaient, se disaient des choses incompréhensibles.
Je me retrouvai soudain au cœur du cyclone. Quelque chose se passait, spécialement à mon intention. J’étais face à moi-même.

— Holà ! ricana la blonde à tue-tête.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda une jeune rousse aux joues potelées, à hauteur de ma braguette.
— J’ai envie de chier et de pisser, répondit ma blonde.

Le groupe de gazelles pouffa. Les gens au pied des marches, gênés, levèrent la tête pour en savoir plus.

— Mais t’es folle ? dit une jeune brune au visage magnifique brûlé par de l’acné, assise à côté de ma blonde.
— Ben quoi, c’est naturel… signala la blonde en me souriant.

La joie de vivre me prit et je commençai à rire.

— T’as vu ? répondit la belle au bois d’acné, le type, il se moque de toi.
— Ça craint, ajouta une grande godiche au pied de l’escalier, les mains sur la bouche, les yeux humides, retenant un rire.
— De toute façon, dit ma blonde en s’adressant à moi, vous ne me reverrez jamais !
— Je t’ai vue ce matin, répondis-je du tac au tac.
— Non…! s’exclama-t-elle.

Ses camarades de classe se moquèrent d’elle.

— Tu t’appelles comment ? demandai-je.
— Je ne te le dis pas.
— Éloïse, cafarda le visage à hauteur de mes couilles.
— Éloïse, répétai-je. Il vaut mieux que je connaisse ton prénom parce que pour l’instant, quand je te vois, je vois du caca…

Fou-rire général…

— Ce soir, avant de m’endormir, je vais sûrement penser à toi, Éloïse, fis-je.
— Tu vas l’imaginer en train de faire caca, ricana une boulotte, suivie par le groupe.
— Arrêtez, dit la godiche, un sourire idiot aux lèvres, ça devient sexuel.
— C’est pas sexuel, dis-je, c’est naturel.

Encore un fou-rire. Le train arriva à quai du prochain arrêt. Le wagon se vida et le groupe abandonna la blonde en rigolant d’elle. Elle était seule. Le train repartit. Elle partit elle aussi, s’engouffrant dans le monstre de fer. Je me levai des marches et la suivis. Je la perdis de vue, atteignant le haut des escaliers. « Rapide… », pensai-je. J’avançai à tâtons dans le train, zyeutant le long de l’allée de sièges. Je ne la trouvai pas.

J’arrivai devant les toilettes qui signalaient qu’elles étaient occupées. Je tirai avec force sur la porte coulissante. Je découvris la blonde. Elle faisait caca. Son collant et son string sur les chevilles, elle leva son regard bleu sur moi. Je pénétrai dans la cabine et refermai derrière moi. Ça sentait la merde. Une odeur magnifique. J’attrapai la blonde par les poignets et la levai comme un lapin par les oreilles. Elle n’opposa aucune résistance. Je fourrai ma langue dans sa bouche qui avait le goût de nicotine, et ça me dégoûta. Je la retournai et la plaquai contre le lavabo. Son visage, empourpré et perdu, se reflétait dans le petit miroir sale. Je défouraillai et sortis ma bite. J’écartai les jeunes fesses roses comme le crépuscule du quai et les écartai fermement.

Son trou du cul, composé d’innombrables fines ridules, était souillé de merde. Une merde verte, foncée et crémeuse. Une odeur de vie, sauvage, violente, défiant toute réalité, me frappa le cerveau. Je humai à en perdre haleine puis dirigeai mon sexe dans la petite fente innocente. C’était large, à mon grand étonnement. Elle poussa un cri sans retenue.

— Je… han… m’appelle… pas… Éloïse, marmonna-t-elle, se mordillant les lèvres, dans le miroir.
— Ferme ta gueule ! dis-je en bourrant comme un taureau.

Je l’attrapai par la tignasse et la cambrai à lui en faire péter la colonne. Je donnai trois allers-retours et jouis en lui mordant le cou. Je comprenais l’attrait de Rimbaud pour la merde et les rondelles tout en remontant ma fermeture Éclair, et quittai la blonde, en bombe, dans les chiottes. Mon cœur battait comme un furieux dans ma poitrine et mon sexe.

Je traversai plusieurs wagons, voyant par les fenêtres le bleu de la nuit transpercé d’étoiles pures caresser le toit des maisons et les cimes des montagnes, et le bout de la Méditerranée.

Les voyageurs, morts, avachis sur les sièges, écoutant de la musique, envoyant des textos, discutant de choses ridicules, rêvaient au fond d’eux de trous du cul maquillés de merde ouverts à leurs pulsions bestiales, à leur peine de n’être qu’une merde parmi tant d’autres sur la surface de cette triste planète dirigée par des enculés qui ne lâcheront jamais le trognon de la pomme. Et moi, cherchant le fond du train pour me cacher et attendre mon arrêt afin de rentrer chez moi, j’entendais cette voix sourde dans ma poitrine, en même temps que cette odeur d’excrément qui me suivait comme une ombre : « Tu la voulais, tu l’as eue. Tu la voulais, on t’a eu. Elle te voulait pas, ah-ah-ah-ah-ah-ah ! » Je crus entendre des cris, des pleurs, et mes mains désespérées tapèrent sur la paroi du dernier wagon.
C’était le bout du monstre de fer.