Croyez-vous au paranormal ? À la vie après la mort ? Aux fantômes et autres délires mystiques ? Si je vous dis que moi, Jacob Sardini, je parle aux morts, que je suis capable de rentrer en contact avec vos proches disparus pour vous transmettre leur dernier message, vous me croyez ? Eh bien, ce soir je suis tombé sur un homme qui n'y croit pas. Je me suis invité à un gala de charité et, comme j'aime me faire remarquer, j'ai commencé à évoquer mes dons. Les gens ont été très vite intéressés et se sont agglutinés autour de moi. Et puis l'autre est venu ramener sa fraise. Il affirme que c'est impossible. Je lui ai alors proposé une démonstration.

Ce mec, un certain Antoine, se dit sceptique ; il va vite déchanter. Il a ce petit air arrogant, du genre « on ne me la fait pas à moi ». Il a passé la soirée à coups de « mais c'est des conneries tout ça », « c'est impossible » et « de toute façon, ça se saurait si c'était réel ». Hé hé, j'ai hâte de lui faire ravaler son sourire, de mettre à mal ses convictions, de le ridiculiser devant tout le monde. Il n'y croit pas mais n'a aucun véritable argument ; ce sera un jeu d'enfant de le retourner.

Nous sommes chacun assis sur une chaise, l'un en face de l'autre. Tout le monde nous entoure, très attentifs à ce qu'il va se passer. Son regard respire le défi. Juste derrière lui, au-dessus de son épaule, se tient debout sa ravissante copine : une blonde au cul divin. Elle, on voit qu'elle y croit bien plus que lui. Très bien, parce que je compte en profiter.

— Alors, vas-y. Qu'est-ce que vous attendez ? me nargue Antoine.
— Laissez-moi me concentrer, voir si je capte quelque chose.
— Pff, laissez tomber, vous ne capterez rien. Vous n'avez auc…
— Je sens une odeur de parfum, le coupé-je. Quelque chose de floral, peut-être de la rose, de l’orchidée, du lilas… oui, c'est ça, c'est le lilas !

Et hop, on vient à peine de débuter et son sourire a déjà disparu. Le voilà intrigué, et plus très sûr de lui. Maintenant, je vais avoir toute son attention.

— Je ressens une vive douleur à la tête. Quelque chose de brutal… Oui, ça a été soudain et très violent. On m'envoie une image : un ballon de baudruche qui éclate : c'est l'impression que ça lui a fait.

Antoine blêmit. Bien, au moins il ne se la ramène plus. Sa copine derrière marche à fond et avale mes paroles comme une machine à sous avale la monnaie.

— Ça vous dit quelque chose, Antoine ?
— Euh… oui, hésite-t-il.
— Ne me dites rien, elle est en train de communiquer. Oui, c'est ça, c'est bien une femme ; une femme âgée, même. C'est votre grand-mère maternelle. Attendez, elle me dit son nom… Camilla.

Il est complètement perdu.

— Mais comment ? Ce n'est pas possible…
— La douleur à la tête… elle est morte d'un AVC, c'est bien ça qu'elle me dit ?
— Oui, c'est bien ça. C'était il y a dix ans maintenant.

Tout le monde autour est estomaqué, mais ce n'est rien par rapport à la gueule que tire Antoine. Alors, Ducon, toujours sceptique ?

— Elle me parle d'autre douleur, mais ça n'a rien à voir avec sa mort. Quelque chose aux genoux, au dos, ou peut-être aux mains…
— Oui, elle avait de l’arthrite aux mains. Elle n'arrêtait pas de s'en plaindre.
— Oui, je confirme. C'est ce qu'elle est en train de me dire. Elle ajoute que maintenant elle va bien mieux, que ça ne la fait plus souffrir.

Je lui laisse le temps de digérer toutes ces informations avant de passer à la suite. Maintenant qu'il est réceptif, il est prêt pour le reste…

— Antoine, votre grand-mère a un message pour vous.
— Je… j'écoute…
— Elle me dit qu'elle est fière du bel homme que vous êtes devenu. Elle dit que votre force et votre ambition vous mèneront loin dans la vie.
— C'est vrai ? Elle dit ça ?

Et voilà, il est au bord des larmes. Lui qui avait été incrédule toute la soirée, j'imagine aisément qu'il doit se sentir tout retourné de communiquer avec sa défunte mamie.

— Elle me dit autre chose ; elle me parle d'une femme : Ja… non, Jo… Jocelyne. Qui est Jocelyne ?
— C'est moi, répond sa copine toute intriguée. Pourquoi parle-t-elle de moi ?
— Parce qu’Antoine l'a déçue…

Jocelyne est choquée. Elle prend la remarque pour elle. Antoine ne semble pas comprendre. Je vais donc pousser plus loin.

— Non, Jocelyne, ce n'est pas de votre faute, rassurez-vous. Au contraire, elle semble beaucoup vous apprécier. Elle vous trouve jolie, charmante et gentille, et je ne peux qu'abonder dans son sens. C'est bien Antoine qui la déçoit.
— Mais j'ai rien fait, moi… se défend-il, peu sûr de lui.
— Votre grand-mère me dit que ce n'est pas comme cela qu'elle vous a élevé, Antoine. Ce n'est pas ce qu'elle vous a appris. C'est bien elle qui vous a élevé ?
— Oui, c'est bien elle. Mes parents étaient souvent en voyages d'affaires, c'est donc mamie qui me gardait la plupart du temps. Mais je ne vois pas ce qu'elle me reproche…

Ouais, à d'autres ! Son visage transpire la culpabilité. Il tente de sauver les apparences et de jouer les innocents.

— Elle me dit que c'est mal, ce que vous avez fait à Jocelyne. Vous n'auriez pas dû la trahir.
— C'est n'importe quoi ! s'énerve-t-il. Vous vous foutez de ma gueule depuis le début, en fait ! C'est bon, j'en ai ma claque, on arrête là.

« On arrêtera quand je l’aurai décidé, Ducon. Je n'en ai pas fini avec toi. T'inquiète, ça ne va pas tarder… » Sa réaction n'est pas surprenante. Il sait pertinemment qu'il est en danger ; il cherche à me faire taire.

— Vous n'auriez pas dû voir une autre femme, Antoine !
— Quoi ? réagit Jocelyne. Antoine, mais qu'est-ce qu'il raconte, bon sang ? Par pitié, dis-moi que ce n'est pas vrai…
— Camilla tente de me donner le nom de cette femme… Je vois quelques lettres apparaître dans ma tête, mais elles sont difficilement lisibles. Je vois un A, un E, un O… non, pas de O. Un I, peut-être ; oui, c'est ça. Ensuite un L. Oui, voilà, il s'agit d'Alice.

Le visage de notre Antoine se décompose. Il est tellement abasourdi d'avoir été percé à jour qu'il ne sait plus quoi répondre pour se défendre. Je me retiens de sourire.

— Alice ? hurle sa copine. Mais tu m'avais dit qu'il ne s'était jamais rien passé entre vous deux !
— Attends, chérie, je peux tout t'expliquer…
— Alors tout ça c'est vrai ? Putain, t'es un immonde connard ! Va te faire foutre ! Je ne veux plus rien entendre de toi. Hors de ma vue !

Eh bien, pour une démonstration de mes pouvoirs, je ne pouvais pas mieux faire. S'il y avait encore des gens dans mon auditoire de la soirée qui n'étaient pas totalement convaincus, les voilà tous conquis. Dans quelques minutes, quand la crise sera passée, je serai vraiment au centre de toutes les attentions. Dieu, comme j'aime ça, me sentir important, spécial, unique… J'ai l'impression d'être un roi au milieu d'une foule de gueux.

En attendant que les choses se calment, je m'éloigne prendre un verre. Benji – mon pote et complice de toujours – me rejoint, le sourire aux lèvres. Et tandis qu'à l'autre bout de la pièce le couple continue sa scène de ménage et que les autres participants commentent les derniers rebondissements, il me lance :

— Mec, t'as été parfait ! Cette fois c'est sûr : lundi, au bureau, je me la tape, la Jocelyne ! Depuis le temps que je me la chauffe mais qu'elle refuse sous prétexte qu'elle a un mec…
— De rien, Benji, tu sais que tu peux toujours compter sur moi.

Ouais, vous l'avez sans doute compris, je ne parle pas vraiment aux morts. Tout ceci était une mise en scène, une sorte de spectacle d'illusionniste afin de percer à jour la perfidie d'Antoine et valider le plan cul de mon pote. Mais comment ai-je fait pour deviner tout ça ?

La première technique s'appelle la « lecture à chaud ». En quoi consiste-t-elle ? En une grosse arnaque ! La plupart des infos, je les connaissais avant ma petite démonstration. Benji en avait récupéré pas mal en discutant avec Jocelyne : le nom de la grand-mère d'Antoine, la cause de sa mort, le fait qu'elle l'ait élevé, etc. Nous en avons aussi récupéré sur la page Twibook (un nouveau réseau social à la mode) d’Antoine une photo de la maison de Camilla qui avait un bon nombre de fleurs dans son jardin et l'info selon laquelle elle confectionnait elle-même ses parfums (c'est pour cette raison que j'ai prétendu ressentir une odeur de lilas, parfum qui avait sans doute la préférence de Camilla), et surtout le fait qu'Antoine n'hésitait pas à complimenter nombre de ses contacts féminins qui nous a mis sur la voie de l'infidélité.

Et là, vous vous dites : « Mais c'est trop gros ! Jocelyne se serait aperçu que les infos les plus importantes venaient d'elle. » Eh bien non. Déjà, elle ne connaît pas le véritable lien qui m'unit à Benji. Ensuite, elle ne se souvient pas forcément des conversations qu'elle a eues avec lui. Vient après la magie du show : comme dans n'importe quel spectacle d’illusionnisme, le but est de détourner l'attention par la mise en scène. N'ai-je joué mon rôle à la perfection ? N'ai-je pas fait semblant de ne pas savoir qui était Jocelyne quand j'ai sorti son prénom ? Pourquoi diable me soupçonnerait-elle de mentir ? Dernier point, et ceci et sans doute le plus important : elle voulait être convaincue. Au plus profond d'elle, elle voulait croire que j'avais un réel don paranormal. Elle a donc coupé tout esprit critique.

Deuxième technique : de la simple déduction. Il n'y a pas grand-chose de savant derrière. L'exemple typique, c'est quand j'ai commencé à évoquer les douleurs chroniques de Camilla. Ben oui, ce n'était pas dur à deviner : à cet âge-là, c'est très commun. Et rien que ça, ça me permet souvent de bluffer le quidam.

Troisième technique : la lecture à froid. Là, c'est en observant les réactions, les gestes, la façon de s'exprimer de l'autre qu'on obtient des informations précieuses, qu'on valide les différentes pistes. Une des principales méthodes de lecture à froid, c'est le tir aux petits plombs. Comprenez-vous l'image ? On a une cible, on tire une salve de plombs, ils partent un peu n'importe comment, et seuls quelques plombs atteignent la cible. Eh ben là, c'est pareil : on balance plein d'éléments au hasard et on observe ceux qui font tilt dans le regard de notre interlocuteur. Après, on n'a plus qu'à garder les éléments que notre interlocuteur nous a inconsciemment validés et faire semblant que l'information vient du fantôme. Je m'en suis par exemple servi quand j'ai cherché à savoir à quelle fleur Antoine associait le plus sa grand-mère ou quand je tentais de deviner le prénom de la maîtresse d'Antoine.

Enfin, bref, vous comprenez l'essentiel. Je suis venu ici pour piéger ce con d'Antoine, mais pas que. C'était notre plan avec Benji. Nous savions d'avance que lui et Jocelyne seraient présents, et quand il a commencé à douter de mes capacités, il m'a donné l'occasion parfaite de le détruire devant tout le monde.

La soirée, un gala de charité visant à récolter des fonds pour lutter contre les violences sexistes, a été organisée par le patron de Benji et de Jocelyne, Kristof Craine – ou plutôt par ses employés – afin de redorer le nom de sa famille après des ennuis avec la justice de son fiston. Ouais, l'affaire a fait grand bruit dans les journaux ; le môme, un abruti de fils à papa, aurait menacé plusieurs jeunes femmes de son école de commerce et fini par poignarder un de ses camarades.

C'est le genre de soirée où j'aime aller. Ce n'est pas que je m'intéresse à la lutte contre le sexisme (non, ça je n'en ai rien à secouer) ; c'est plutôt que j'aime les soirées pleines à craquer où personne ne me connaît que je détourne pour faire mon show, devenir la star de la nuit, et sortir avec le numéro de jeunes femmes impressionnées par mes dons ou un contact avec des snobs prêts à organiser des séances de médiumnité privées, séances que je tarife extrêmement cher. En plus, on peut toujours bouffer des petits fours et boire un coup à l'il.

Vous me trouvez cynique de dévoyer des soirées de charité à mon profit ? Vous avez bien raison. De toute façon, vous n'allez pas me faire croire que le Kristof Craine en a quelque chose à foutre des violences sexistes ! Son môme ne se serait pas fait choper, il n'y en aurait pas eu. Si ça se trouve, la lutte contre les violences sexistes ne verra même pas la couleur des dons qui lui sont faits ce soir : Craine pourrait bien tout garder dans sa poche. Alors vous voyez, je ne suis pas le plus gros salaud de l'histoire.

Une demi-heure plus tard, les choses se sont calmées après le départ de Jocelyne et d'Antoine, chacun de leur côté. Et moi, de retour au centre de l'attention, je jubile. Ils n'ont d'yeux que pour moi. Sauf Benji qui est accaparé par son téléphone et qui correspond avec son futur plan cul. Son immense sourire m'indique que, cette fois, il n'est pas loin de conclure.

— Mais alors, comment ce pouvoir vous est venu ? me demande une charmante demoiselle, les yeux pleins d'émerveillement.
— Je crois que ce don me vient de ma tendre mère. Nous étions très fusionnels, elle et moi. À chaque instant nous savions pertinemment ce à quoi pensait l'autre. Je l'aimais plus que tout au monde, mais elle est morte le jour de mes six ans d'un accident de voiture.

Des « oh ! » pleins de compassion résonnent. Ah ah, ils goberaient n'importe quoi, ces abrutis.

— Vraiment, ça a été dur, d'autant plus que mon père passait beaucoup de temps au boulot. Je me suis retrouvé seul à la maison des journées entières. Je n'avais que moi sur qui compter. Ça a été dur, mais je n'ai pas baissé les bras malgré mon jeune âge.

Voilà, on obtient leur pitié mais sans se faire passer pour une loque. Le tout, c'est de se montrer sous un jour flatteur, celui du petit garçon courageux qui a su braver la souffrance. Dans son coin, Benji se marre en m'entendant raconter mes conneries.

— C'est là que ça a commencé. J'ai senti sa présence. Je n'étais pas sûr au début. Je pensais perdre la tête, mais peu à peu c'est devenu une évidence : ma mère était toujours là et prenait soin de moi. J'avoue que j'ai eu peur, mais j'ai décidé d'écouter ce qu'elle avait à me dire, ce qu'elle n'avait pas pu me dire avant son départ. C'était le plus beau message d'amour que j'aie entendu de toute ma vie. J'étais heureux de recevoir la dernière parole de ma douce mère, et tout ça, grâce à mon don que je ne saisissais pas tout à fait. Ce jour-là, bien que mes capacités me faisaient encore peur, j'ai décidé de les mettre au service des autres afin de leur offrir la même chance qui m'avait été offerte.

Ne sous-estimez jamais l'impact d'une bonne histoire : le storytelling, il n'y a rien de mieux pour vendre quelque chose ; et là, c'est moi que j'essaie de vendre. À voir les yeux doux que me lancent certaines demoiselles, c'est plutôt efficace. Il ne me faudrait pas beaucoup plus pour les mettre dans mon lit. Mais dans le tas, il y en a une qui m'a particulièrement attiré l'œil ; il s'agit d'une jeune rousse au visage d'ange. Elle est bien roulée, a les cheveux pas trop longs et des yeux bleu clair. Je l'avais repérée tout à l'heure déjà. Dès que j'ai commencé à évoquer mes dons, elle s'est tenue à l'écart mais a écouté attentivement. Par contre, elle n'a pas l'air d’être envoûtée par mon charme ; mais avec un peu de chance, j'arriverai à la séduire.

Je profite d'un moment calme pour rejoindre Benji, pour voir comment avance son histoire et tenter de récupérer des infos. Mon pote est excité comme une puce.

— Putain, tu verrais ce qu'elle m'envoie, cette salope de Jocelyne… tu serais dingue ! Elle me dit qu'elle va venir en minijupe sans rien en dessous lundi et elle me promet qu'elle me laissera lui faire tout ce que je veux ! La prendre où je veux. Elle souhaite que je la défonce… Rha la la, j'ai hâte ! L'histoire avec son mec l'a vraiment foutue en rogne, et elle est prête à lui faire payer cher.
— Parfait ! Juste un conseil : ne la lâche pas du week-end. Arrange-toi pour entretenir sa colère jusqu'à lundi. Non, le mieux à faire, c'est d'essayer de te la taper dès demain, voire même ce soir.
— Tu crois ?
— Bien sûr : une personne est bien plus manipulable quand elle agit sous l'émotion, dans l'immédiateté. Si tu lui laisses le temps de réfléchir à la situation et de prendre du recul, elle pourrait s'apercevoir qu'elle ne veut pas vraiment coucher avec toi et changer d'avis.

D'ailleurs, s’il y a bien un secteur qui a compris ce principe, c'est la vente. Créer un sentiment d'urgence, te pousser dans l'immédiateté, c'est là-dessus qu'ils jouent avec leurs étiquettes « offre exceptionnelle », « promotion du jour » ou « stock limité » ; avec ça, tu as plus tendance à te dire « vite, il faut que j'en profite avant que ce ne soit trop tard » plutôt que « mais ai-je vraiment besoin de ce produit ? »

— Ah ouais, je vois. P'tain, t'assures, mec ! Je ne sais pas comment te remercier.
— Tu filmeras vos ébats qu'on se remate ça ensemble ?
— Ben oui, mais ça, ça ne change pas de l'habitude. Tu veux pas autre chose ?
— Dis-moi juste ce que tu sais de la bonasse là-bas, la jeune rouquine avec son petit air coincé. Elle fait partie de ta boîte ?
— Anna ? Oui, c'est la nouvelle stagiaire. Je ne sais pas grand-chose d'elle, elle n'est là que depuis deux semaines et n'est pas vraiment bavarde.
— Tu as regardé ses réseaux sociaux ?
— Mais qu'est-ce que tu crois ? Une bombe comme ça, bien sûr que j'ai regardé. Je n'ai absolument rien trouvé. Cette fille, c'est un fantôme sur le net. Tu vas lui faire ton numéro ? Tu veux te la taper ?
— Ouais ! Je vais essayer, en tout cas.
— Tu veux que j'aille lui parler avant coup, essayer de lui tirer des informations ?
— Non, je crois que je vais me débrouiller, cette fois. J'ai envie de m'imposer des contraintes, sinon c'est trop facile.

Bon, sans lecture à chaud, c'est vrai que c'est un peu plus tendu, mais ça peut toujours le faire. Le défi est alléchant. Comme je l'avais promis à mon public, j'annonce que je suis prêt à faire une seconde démonstration. Je m'assieds donc sur la chaise au centre de la pièce et fais semblant de me concentrer. Mon auditoire retient déjà son souffle.

— Je perçois un prénom je crois. A… An… Anna ! Oui, c'est ça ; y a-t-il une Anna dans la salle ?

La jolie rouquine lève la main. Je l'invite à venir s'asseoir face à moi. Nerveuse, elle obéit.

— Quelqu'un veut me parler ? Qui est-ce ?
— Chut, laissez-moi me concentrer pour le moment.

Qui est-ce ? Le ton de se voix m'indique qu'elle a déjà sa petite idée ; non, mieux que ça : elle espère parler à une personne particulière. Est-ce pour cela qu'elle a tout de suite nourri un intérêt pour mes capacités ? Et avec qui veut-elle correspondre ? Pour le moment, aucune idée. Il me faut une piste, ne pas partir à l'aveuglette. Bon, analysons-la pour voir : jeune, bandante, mais elle s'est tenue à l'écart ; plutôt timide, alors. Ah, détail très important : elle porte une bague de fiançailles. Donc une jeune femme timide, fiancée, mais qui vient à une soirée seule ? Où est son compagnon ? Peut-être en voyage, à moins qu'il soit mort. Si c'est bien le cas, ça ne serait pas étonnant qu'elle cherche à communiquer avec lui. Voilà une première théorie ; il faudra la valider au plus vite.

— Oui, ça y est, la connexion est mieux établie. Je ressens une présence plus précise. C'est un homme, je crois… Attends, oui c'est bien ça !

Son regard s'est allumé d'espoir quand j'ai prononcé le mot « homme ». Pour le moment, mon hypothèse tient encore debout. Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins ; on va vérifier tout de suite.

— Il est mort jeune, je crois. Il tenait particulièrement à vous. Vous n'avez pas perdu quelqu'un de vraiment proche et de plutôt jeune ? Je veux dire, à peu près de votre âge.
— Oui, c'est bien ça !

Vous vous dites peut-être que j'ai pris un risque en posant directement cette question ; eh bien détrompez-vous. Tout ça grâce à la magie des questions interronégatives. Quoi qu'elle réponde, j'aurais fait semblant de le savoir avant coup. Elle m'aurait répondu « non », j'aurais enchaîné avec un « oui, donc c'est bien ce qu'il me semblait, il s'agit plutôt de quelqu'un de plus âgé ». J'aurais ensuite évoqué une figure paternelle, sachant que c'est un terme plutôt vague qui peut désigner plein de types différents : un père, un grand-père, un oncle, un ami de la famille, un mentor. Ah, bien pratiques, ces questions interronégatives : ça évite de faire des affirmations et de faire semblant qu'on avait la réponse avant. Vas-y que j't'embrouille !

— Il m'envoie l'image d'un cercle, peut-être une bague ; ce n'est pas votre fiancé ?

Et hop, rebelote ! J'aime vraiment les questions interronégatives ! Des larmes se mettent à jaillir des yeux d'Anna, faisant couler son mascara noir. J'en déduis que j'ai touché juste. Yes, je suis vraiment trop fort ! Et re-yes : une jeune femme en deuil de son amour aura très certainement besoin de réconfort ; c'est là que je me la tape.

— Je vois un choc, quelque chose de très brutal. Il a eu une mort violente et rapide, non ?

Là, simple déduction : jeune, on meurt rarement de maladie, plus souvent d'accident.

— Il a eu un accident de moto. Il s'est fait renverser par une voiture. Les médecins se sont acharnés pendant des semaines pour le sauver. C'était il y a deux ans.
— Donc oui, c'est bien ça : l'accident a été rapide.

Sa mort a duré des semaines, contrairement à ce que je disais ? Eh bien ce n'est pas grave : je fais semblant d'avoir parlé seulement de l'accident, et personne ne remarque rien. Ils s'étonnent même que je puisse le savoir. Quelle bande de crédules !

— Il me dit que vous vous êtes rencontrés jeunes.
— Oui, c'est bien ça, confirme-t-elle. À vrai dire, Éric et moi nous connaissons depuis tout petits, mais notre relation a débuté bien plus tard.

Là, encore une fois, simple déduction : Anna est jeune ; forcément qu'elle a rencontré son fiancé jeune. Allez, pour la suite, je décide de la tutoyer afin de réduire la distance entre nous deux. Je mime la concentration, respire un grand coup et me lance :

— Anna, ton fiancé a un message pour toi. Il voudrait que tu saches qu'il ne regrette pas le temps qu'il a passé à tes côtés. Bien sûr, il aurait aimé en profiter plus longtemps mais il s'estime chanceux du peu qu'il a pu obtenir. Il a savouré chaque seconde. Il dit que ces moments que vous avez partagés resteront gravés dans son âme pour l'éternité.

La pauvre, elle continue de chialer. Elle est très émue du « message » de son compagnon. Si je n'étais pas en train de la baratiner, elle me ferait presque pitié.

— Anna, Éric voudrait te témoigner une dernière fois tout son amour pour toi. Il me dit que tu es une jeune femme formidable, magnifique, sensible, passionnée à ta manière. Il sait qu'au fond de toi tu es courageuse et que tu auras la force de surmonter les difficultés, même si par moments tu as l'impression du contraire. Il te demande de croire en toi comme lui croit en toi.

Ça, mes amis, c'est ce qu'on appelle l'effet Barnum, autrement dit une description vague dans laquelle une bonne partie des gens aura l'impression de se reconnaître spécifiquement. C'est une autre astuce des charlatans de mon acabit, comme des voyantes ou ses astrologues, par exemple. Bon, allez, passons à la phase finale du message.

— Anna, Éric sait que tu as du mal à tourner la page. Il te dit qu'il est temps que tu passes à autre chose. Il voudrait te rassurer, te dire qu'il sait que tu ne l'oublieras jamais et qu'il sera toujours dans ton cœur. Il veut que ta vie ne s'arrête pas à lui, que tu sortes, fasses des rencontres, vives des expériences et que tu aimes. Tu es une jeune femme formidable ; il veut que tu vives à nouveau.

Et qui va se charger de lui remonter le moral juste après la séance ? Qui va s'arranger pour que sa vie de femme reprenne ? C'est bibi ! Bon, on va arrêter les frais là, elle est mûre. Elle chiale comme une madeleine ! Ça dégouline de partout. Hum, ça m'excite… J'annonce à mon public que les démonstrations sont terminées pour la soirée, prétextant avoir dépensé trop d'énergie. Je m'avance maintenant vers ma proie.

Oh quoi, vous me jugez ? Me traitez de salaud ? Profiter du deuil d'une jeune femme pour la soumettre à mes désirs pervers vous choque ? Ouais, vous avez sans doute raison. Mais je vous ferai remarquer que vous n'êtes qu'une bande d'hypocrites ! Combien d'entre vous n'a jamais menti ou travesti la réalité pour obtenir ce qu'il voulait d'un autre ? Nous manipulons tous, à longueur de journée, souvent même sans nous en apercevoir. Pour vendre un produit, pour obtenir une faveur de quelqu'un, pour éviter un conflit, pour séduire, et pour tout un tas d’autres raisons qui seraient trop longues à lister. Ouais, tout ça c'est de la manipulation. Alors je ne vois pas pourquoi je devrais avoir des scrupules à faire comme tout le monde. Ce n'est pas parce que j'ai élevé ma performance au rang d'un art que je mérite autant votre mépris.

— Tu vas bien, Anna ? Par expérience, je sais que les séances peuvent être éprouvantes.
— Oui, merci beaucoup pour tout.
— Viens, tu as besoin de calme pour te remettre de tes émotions ; je t'emmène dehors. Si tu veux, on pourra en reparler plus sereinement.

Je lui tends la main qu'elle attrape sans se méfier. Je la mène à l'extérieur prendre l'air avant que je ne la prenne, elle, tout du moins si j'arrive à la convaincre. Il y a une légère brise qui contraste avec la chaleur étouffante qui règne à l'intérieur. Je joue le gentleman en lui proposant ma veste mais elle refuse. Nous marchons quelques centaines de mètres afin que je sois sûr de ne pas être dérangé. Je remarque un banc un peu en retrait. Je l'invite à s'asseoir.

Ses larmes se sont taries… pour le moment. Mon but va être de la refaire pleurer pour tenter un rapprochement physique sous prétexte de vouloir la cajoler. Comme je le disais plus tôt, quelqu'un est bien plus manipulable quand il est soumis à ses émotions.

— Anna, sache qu'Éric était vraiment éperdument amoureux de toi. Il aurait donné sa vie sans hésitation pour sauver la tienne. Malheureusement, il l'a perdue pour rien. Il ressent cette perte comme un énorme gâchis. Il s'en veut énormément des souffrances que cela t'a causé, et il ferait tout pour te voir heureuse et aimée à nouveau. Malheureusement, il ne peut pas faire grand-chose de là où il se trouve. C'est pour cela qu'il a décidé de passer par moi.

Eh bien, ça n'a pas été long. Hop, la fontaine s'est rallumée directement. Soit elle est trop à fleur de peau, soit c'est moi qui suis trop fort ! Je fais mine de compatir alors que je souris intérieurement et me rapproche pour la prendre dans mes bras. Déboussolée, elle se laisse faire. J'en profite pour mater rapidement son décolleté prometteur, puis la serre contre moi. Mes mains lui caressent le dos en signe de réconfort et hésitent à descendre plus bas ; c'est peut-être trop prématuré.

— Oui, Anna, son amour pour toi était le plus puissant que j'aie pu ressentir de toute ma vie. Car oui, je l'ai ressenti et je le ressens d'ailleurs encore maintenant. En se connectant à moi, il m'a transmis ses sentiments, et maintenant ceux-ci se retrouvent piégés… non, ancrés en moi. Ils sont devenus miens comme ils étaient siens, et son désir de te rendre de nouveau heureuse, toi ma belle et douce Anna, est aussi devenu mien. Ta peine est mienne ; laisse-moi l'apaiser.

Je tente de l'embrasser mais la garce me repousse violemment, se relève d'un bond et recule d'un pas. Son regard est perdu, et limite dégoûté. Merde, ça ne sera pas si simple. Pourtant, cette stratégie a déjà fonctionné plusieurs fois dans le passé. Je la pensais prête à être cueillie ; visiblement, il va falloir la travailler encore un peu. Commençons déjà par rattraper le coup, et évitons qu'elle s'enfuie en courant.

— Excuse-moi. Parfois, les âmes avec qui je communique me perturbent bien plus que prévu. C'est comme si elles restaient là à me hanter, à s'exprimer à travers ma voix et à prendre un instant fugace le contrôle de moi. Ce n'est donc pas moi qui ai voulu t'embrasser, c'est lui. Je sais, c'est étrange et difficilement concevable, voire même effrayant pour quelqu'un comme toi, mais quand c'est son quotidien depuis tout enfant, on finit par s'y faire.
— J'imagine que c'est très difficile à vivre…
— Oui, malheureusement, tu as raison. Mais je reste fort et je ne me laisse pas abattre. Il faut garder courage. Après tout, ce n'est pas pour moi que je fais tout ça, c'est pour les autres. Tu veux bien te rasseoir ?
— Oui, bien sûr. Désolée d'avoir réagi comme cela, je ne savais pas.

Ah ah, je suis trop fort : je tente de profiter de la situation, elle me repousse, mais c'est elle qui finit par s'excuser et me plaindre. Les gens gobent vraiment n'importe quoi ! La voilà de nouveau assise à côté de moi. Bien, on va pouvoir reprendre la partie là où on l'a laissée.

— Encore désolée, reprend-t-elle. Ce n'était vraiment pas contre toi. Tu es une personne gentille, généreuse et altruiste, et dans d'autres circonstances j'aurais été très heureuse de te connaître plus, mais je ne suis pas encore prête à tourner la page. Il me faut plus de temps.

Là, son regard. Ça n'a duré qu'un instant, mais c'était clair comme de l'eau de roche : je ne l'intéresse pas, ni dans cette situation, ni dans d'autres circonstances. Je n'ai aucune chance de me la taper, tout du moins pas en jouant sur les sentiments. Il faut que je trouve un autre levier à actionner. J'ai encore l'avantage qu'elle me fasse confiance.

— Parle-moi de lui, Anna. Parle-moi de votre relation.

S'ensuit un long exposé des plus barbants, allant de leur rencontre à la maternelle jusqu'à leur premier rendez-vous juste avant leur entrée à la fac, en passant par la naissance de son sentiment amoureux durant le lycée. Je me force à l’écouter pour voir si je peux me servir d'un élément, mais rien. Alors j'ai plus envie de bâiller qu'autre chose. En fait, elle est tellement barbante que j'hésite à laisser tomber et à aller voir ailleurs. Si j'arrive à me la faire, je jure qu'elle va prendre cher !

— Anna, Éric aimait vraiment votre relation, surtout quand vous vous retrouviez tous les deux dans l'intimité. C'était les moments les plus magiques pour lui. Il a adoré chaque moment où tu t'es donnée, même si tu as pu avoir certaines réserves.
— Des réserves ? Mais quelles réserves ? se défend-elle. Je me suis donnée à lui de tout mon cœur.

C'était une tentative de débloquer la situation et de l'amener sur un terrain plus sexuel, et aussi de provoquer son ego. Le but est de la bousculer un peu, de la sortir de ses retranchements, voir ce qui peut en jaillir qui soit exploitable.

— En es-tu sûre ?
— Je… oui, bien entendu.

Oh, elle a rougi quand elle a hésité. Là, je crois que je tiens un détail croustillant. Quelque chose que je peux utiliser à mon avantage ; reste plus qu'à savoir quoi. Allez, je vais tenter un gros coup de bluff et miser tapis. Ça passe ou ça casse.

— Anna, je sais tout ! Pas la peine de me le cacher.

La voilà rouge comme un cul bien fessé ! Oh oui, c'est quelque chose de gros. Je tiens un truc, là !

— Je ne vois pas de quoi tu parles, tente-t-elle.
— Tu sais très bien que si. Éric me l'a dit.
— Mais qu'est-ce qu'il t'a dit, au juste ?
— Tout ! Il m'a tout dit, Anna.

Toujours cramoisie, elle se mord la lèvre nerveusement. Putain, j'ai hâte de savoir de quoi il s'agit ! Bon, il ne faut pas que je lui laisse le temps de réfléchir : je dois la pousser à cracher le morceau.

— Écoute. Éric voulait que tu m'en parles de toi-même, que tu me le dises avec tes mots.
— Je… je ne sais pas, ce n'est pas évident.
— Ne t'inquiète pas. Je ne suis pas là pour vous juger, ni toi, ni lui. Et je t'assure que je n'en parlerai à personne.
— Bon OK… Le truc, c'est qu'on commençait à tourner en rond dans notre couple – tout du moins, c'est ce qu'il pensait lui ; moi, ça m'allait – et alors il a proposé quelque chose pour pimenter nos rapports. Moi, je voulais bien changer deux trois habitudes, mais je ne m'attendais absolument pas à ce qu'il m'a demandé. Il a voulu faire intervenir une troisième personne. C'est dingue ! Il voulait que je me fasse prendre par un autre type devant lui ! J'ai vraiment pas compris. C’est bizarre, non ?

J'ai envie de gueuler « Alléluia ! » ou « Allah Akbar ! » ou je ne sais quelle foutue expression religieuse pour exprimer ma joie sautillante : le destin m'envoie enfin un signe, quelque chose d'exploitable. Maintenant, je suis quasiment sûr de me la faire. Ce n'est plus qu'une question de temps.

— Absolument pas, Anna ; il s'agit du fantasme du candaulisme. Le truc, c'est qu'il t'aimait tellement qu'il ne cherchait que ton plaisir, même s'il n'en était pas directement responsable. Il voulait que tu puisses connaître le plaisir avec d'autres hommes. C'était un acte de pur amour et de totale confiance en toi. C'était très beau, ce qu'il te proposait.
— Ah bon ? J'avoue que sur le coup, je n'ai pas vu la chose comme ça. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi il t'en a parlé.
— Parce que – tout comme toi, ma belle – il a une totale confiance en moi. Tu comprends ce que ça signifie ?
— Non. Pas du tout.
— Anna, sa mort n'a pas effacé son désir de te voir prendre du plaisir avec un autre homme.
— Tu veux dire que, même mort, il est toujours cadaul… claudo… machin-truc ?
— Candaule, oui. C'est toujours ce qu'il veut. Il le désire ardemment au plus profond de son âme. Il veut que tu te laisses aller, que tu le fasses pour lui. Il est encore là, à côté de nous. Je sens sa présence. Il me dit qu'il est l'heure pour toi d'enfin accepter son fantasme et… oh, mon Dieu, il me dit que c'est moi qu'il a choisi pour te guider sur cette voie.

Elle se relève d'un bond, une nouvelle fois méfiante.

— Toi ? Je trouve ça bizarre tout de même ! Tu ne serais pas en train de ma baratiner, par hasard ?

Oh, de la clairvoyance !

— Quoi ? Tu m'accuses de mentir ? Tu m'accuses d'avoir fait semblant toute la soirée d'être un médium ? C'est insensé ! Et pour quelle raison ? Juste pour te pousser à coucher avec moi ? Comment t'expliques que j'ai su tellement de choses sur la grand-mère de ce type, alors ? Comment t'expliques que j'ai su tant de choses sur Éric ? Comment aurais-je pu deviner son fantasme s'il ne me l'avait pas dit ? La vérité, c'est qu'il n'y a aucune explication rationnelle. Je suis un véritable médium, pas un charlatan, et je n'ai toujours cherché qu'à rendre service à mon prochain. Je n'ai jamais agi par intérêt personnel. La preuve : je ne demande aucune compensation financière pour mettre en contact les gens avec leurs proches disparus !
— Oui, c'est vrai, je n'ai aucune explication ; ça ne peut être que vrai. Désolée de me montrer méfiante. C'est que j'ai souvent croisé la route de connards qui ne cherchaient qu'à tirer leur coup !
— Je comprends, mais quand même, je me suis senti blessé par tes doutes. Mais je te pardonne. Alors, es-tu prête ?
— Je ne sais pas ; ça reste bizarre, quand même. On ne se connaît pas vraiment.
— Tu voudrais refuser d'exaucer la dernière volonté de ton fiancé défunt ? Celle qui lui permettra d'enfin partir en paix, en sachant que tu es heureuse ?
— Non, je ne veux pas le décevoir.
— Alors tu dois faire ce qu'il te demande. Viens, suis-moi, il y a un hôtel à deux pas.

Je lui tends la main. Elle hésite mais finit par me donner la sienne. Victoire remportée ! Plus de temps à perdre ! Je la traîne jusqu'à l'hôtel Pressman à pas rapides. Je bande tellement fort que je suis étonné que mon pantalon n'ait pas encore craqué. En même pas cinq minutes, nous sommes arrivés à destination. Anna ne prononce plus un mot. Elle a le regard baissé.

— Une chambre, s'il vous plaît, avec un lit double.
— La 208 est disponible ; ça vous fera soixante euros pour une nuit.
— Je prends.

Ce n'est pas donné, mais ça vaut le coup si c'est pour se faire la rouquine. Cinq minutes plus tard nous sommes devant le bon numéro. J'ouvre la porte et la laisse pénétrer la première. Sa démarche est encore hésitante mais elle ne fera plus marche arrière, c'est sûr. J’entre à mon tour tandis qu'elle observe nerveusement son environnement.

— Il est encore avec nous, Éric ?
— Bien sûr, Anna. Il ne veut rater cela pour rien au monde. Il est tellement heureux que tu aies accepté… C'est un grand honneur que tu lui fais.

La rouquine sourit timidement. J'avance vers elle et lui passe une main dans les cheveux. J'approche mes lèvres pour l'embrasser, mais une nouvelle fois elle a un mouvement de recul.

— Éric me dit qu'il faut que tu te laisses complètement aller, que tu te libères de toutes tes entraves. Il veut que je sois ton guide. Cela signifie que tu vas devoir faire tout ce que je te demande sans la moindre réticence.
— Je… d'accord. C'est tellement dingue comme histoire !
— Oui, je sais. Je t'avoue que ça l'est aussi pour moi. C'est la première fois qu'il m'arrive un truc de ce genre. Je dois reconnaître que je suis plutôt heureux que ça tombe sur toi !

Ah, j'aime faire parler les morts dans mon intérêt, comme certains prophètes font parler leur dieu dans le leur !

J'approche de nouveau mes lèvres. Elle ne recule pas ce coup-ci. Je force sa bouche avec ma langue. La sienne me répond. Je lui roule une grosse galoche. Je me colle à elle et, d'une main virile, lui claque les fesses. Elle a un hoquet de surprise mais se laisse faire.

— Je veux que tu te déshabilles.
— Euh… j'enlève tout ?
— Bien sûr !

Question stupide ! Elle commence par son haut qu'elle est prête à retirer sans aucune grâce. Je lui dis d'y aller doucement, d'être sensuelle. Elle fait l'effort. Son effeuillage se poursuit. Ses seins – deux magnifiques bonnets C d'une blancheur extrême – m'apparaissent. Son pantalon est ôté, puis sa culotte d'une grâce inexistante suit derrière. Je peux admirer une toison aussi rousse que sa chevelure.

— Bien, déshabille-moi maintenant.

Elle se rapproche et, les mains tremblantes, commence à défaire les boutons de ma chemise un à un. J'en profite un peu pour lui palper les seins. Hum, ils sont bien fermes. Anna arrive maintenant à mon entrejambe. La ceinture est défaite, puis ma braguette. Elle fait descendre mon pantalon. Il ne manque plus que mon boxer. Elle prend une grande inspiration avant de le retirer lui aussi. Ma bite jaillit droit vers elle. Anna n'ose pas la regarder. Je lui prends la main et la dépose dessus. Elle est paralysée.

— Elle est dure, hein ?
— Oui… murmure-t-elle.
— Caresse-la.

Elle obéit mais se montre plutôt gauche. Mais juste à voir ses doigts fins sur mon gros engin me suffit à prendre du plaisir. Quoi qu'il en soit, je décide de passer rapidement à la suite.

— À genoux.

Anna rougit. J'ai besoin de répéter mon ordre sur un ton plus autoritaire avant qu'elle obéisse. Je lui ordonne maintenant de me masturber entre ses nichons. Elle cale ma queue entre ses deux merveilles et entreprend de légers mouvements de va-et-vient. J'ai toujours adoré me faire branler par une paire de nibards bien fermes… J'en profite quelques minutes avant de passer à la suite.

— Maintenant, suce-moi.
— Quoi ? Non, je ne fais pas ça ! Éric ne me l'a jamais demandé.
— Et pourtant il te le demande ce soir ; il veut te voir me sucer. Il veut que tu t'abandonnes complètement. Je croyais avoir été clair.

Elle baisse les yeux, conquise. Son visage s'approche doucement de mon gland impatient. Ses lèvres, à même pas un centimètre, hésitent encore. Je passe une main dans sa chevelure de feu pour lui faire comprendre que je ne vais pas attendre trois heures qu'elle se décide. Ma bite tente de se frayer un passage. Elle cède. Elle commence à pomper sans trop savoir ce qu'elle fait.

— Je veux sentir ta langue. Lèche-moi bien le gland.

Elle obéit. Je lui ordonne de mettre ses mains dans son dos. Je la veux totalement soumise. Elle se donne vraiment, fait des efforts mais reste une pitoyable suceuse de bite. Il lui faudrait de l’entraînement. Pas grave ; voir ma grosse queue transpercer les lèvres de ce visage d'ange innocent m'offre un tableau des plus pervers et savoureux.

Me vient le désir de baiser cette bouche. Je prends donc les choses en main – sa tête – pendant que ma bite lui tamponne le fond du gosier. Elle tousse, bave abondamment mais accepte son sort. Bonne petite chienne ! Là oui, je commence vraiment à prendre mon pied. Et puis, magnanime, je la laisse reprendre son souffle. J'en profite pour frotter ma queue sur son visage, le souillant de sa bave.

Je la fais se relever et l'emmène vers le lit sur lequel je la pousse. Elle est surprise par cette brusquerie mais ne proteste pas. Je m'avance au-dessus d'elle, lui écarte les cuisses en grand et plante un doigt dans sa chatte humide, preuve que la salope apprécie ma façon de la traiter. Parfait ! Je la pénètre d'un coup. Elle laisse échapper un cri. Je commence à la baiser sans ménagement, lui triture les seins en même temps. Le lit grince, elle aussi.

Je la retourne, lui dis de se mettre à quatre pattes et de tendre le cul. Elle se plie à ma volonté. Ses fesses, d'une blancheur candide tout comme ses seins, m'ont l'air très appétissantes. Ma bouche s'y colle et commence à lui bouffer le cul. Ma langue lui titille l'anus et la chatte. Je me régale de ses sucs intimes. Mes doigts sont aussi de la partie. La garce gémit.

— T'aimes ça, petite vicieuse ! T'aimes que je m'occupe de toi.

Mais elle refuse de l'avouer, alors je me vois obligé d'insister en lui maltraitant le séant à coups de claques.

— Dis-le, salope !
— Oui… oui… J'aime ça.

Parfait ! Je savais bien qu'une catin se cachait derrière ce visage d'ange. Il ne fallait que la réveiller. Tu m'étonnes… depuis deux ans qu’elle fait le deuil de son mec, elle devait être sacrément en manque de queue ! Fini de déguster, il est temps de reprendre les choses sérieuses. Je place mon gland à l'entrée de sa fente dégoulinante.

— Demande-moi de te fourrer avec ma grosse bite. Non, implore-moi !
— Baise-moi… murmure-t-elle.
— Tu peux mieux faire.
— Pitié… prends-moi comme une chienne, baise-moi comme une salope…

Si c'est elle qui le demande, je ne vais pas me gêner ! Je m'enfonce d'un coup brutal. Ça rentre comme dans du beurre. Je coulisse dans son ventre, lui arrachant des cris de plaisir. Je continue de lui claquer les fesses au passage, puis lui enfonce un doigt dans le cul afin d'ouvrir un passage pour la suite : hors de question que je laisse un de ses trous vierge de ma visite ! Mes coups de reins sont tellement violents que ses membres ne résistent plus ; Anna s'affaisse et se retrouve plat ventre, écrasée sous mon poids.

— Dis-moi que tu aimes ma grosse queue ! lui craché-je.
— Oui, j'aime ta bite. J'aime ce que tu me fais !
— Dis-moi qu'elle t'offre bien plus de plaisir que celle que te donnait ton mec !
— Quoi ? Non, pas ça !

Je lui fous un coup de queue bien profond et la tire par les cheveux.

— Dis-le-moi, salope !
— Oui, oui, d'accord. Tu es bien meilleur que lui ! T'arrête pas, par pitié…

Elle est à moitié en larmes de le reconnaître. Elle pense que son fiancé nous observe encore et s'imagine l'avoir trahi ; peu m'importe. Je me retire de sa chatte et place mon gland sur son anus. Anna comprend mes intentions. Elle n'avait jamais sucé ; je suis sûr qu'elle n'a jamais été enculée aussi, mais elle ne proteste pas. Elle m'est complètement docile maintenant.

Je force le passage, m'introduisant centimètre après centimètre. Anna semble manquer de souffle. Un cri étranglé s'échappe de sa gorge. Oh oui, c'est très serré, j'adore cela. Bien calé à l'intérieur, je commence à coulisser. Je suis sympa : j'y vais plutôt doucement au début, histoire qu'elle s'habitue, mais une fois que je sens le passage bien tracé, je me laisse aller à la défoncer. La catin hurle. Je la complimente avec des noms d'oiseaux !

Trop, c'est trop. Arrive un moment où l’on ne peut plus retenir son plaisir. L'orgasme arrive à grand pas. Je me retire de son cul, la retourne et me branle vigoureusement au-dessus d'elle. Je jouis de violents jets de sperme qui atterrissent sur son visage et ses seins. Épuisée, elle ne réagit presque pas. Je m'écroule à mon tour à côté d'elle.

Parfait. Il faudra que je me la garde sous le coude, celle-là ; avec un peu d'éducation, je pourrais en faire une véritable salope…