Rien n'est jamais aussi simple qu'on peut le penser.

Grâce à Anabelle et ses séances de psychothérapie, Salvador avait continué sa vie et allait beaucoup mieux, même s'il s'était surpris lui-même de sa propre réaction lors de la dernière séance. Il s'était libéré, mais à quel prix ! Il s'était senti guéri mais avait trouvé injuste que ce soit sa psy qui paie l'addition, d'une certaine façon. Il s'était excusé par un mot bref avec le chèque pour sa dernière séance, mais quand il y repensait il ressentait toujours un certain malaise.

Alors il avait tenté d'oublier. Avec succès. Il avait collé ça dans un coin de sa mémoire pour ne pas avoir peur de lui-même quand il y repenserait. Mais un doute persistait : était-il un pervers ? Était-il capable d'être heureux ? Il avait retrouvé une certaine paix intérieure, mais pas franchement le bonheur. Et pour ce qui est des relations avec les femmes, il ne savait toujours pas sur quel pied danser. Il avait préféré les éviter. Il aurait presque pu se faire moine, mais sans faire aucun effort sur lui-même.

De longs mois avaient passé. Il menait sa petite vie, paisible, avec des repères, des petits plaisirs, une vie faite de réflexion, une vie culturelle, spirituelle. Mais un jour, l'impensable se produisit : alors qu'il parcourait les rayons déserts d'un bazar tenu par des Asiatiques dans sa petite ville, il tomba soudain nez à nez avec elle au détour d'une gondole.
Elle l'avait vu en premier, juste avant lui. Elle s'arrêta, le regarda, et sans un sourire lui dit sans hésiter :

— Bonjour, Salvador.
— Bon… bonjour… Anabelle, balbutia-t-il.

Elle s'était figée, le fixait, et son expression était parfaitement indifférente, sans crainte, sans colère, sans hésitation ; mais il se dit qu'elle cachait peut-être l'une de ces émotions. Avant qu'il eût le temps de trouver quelque chose à dire elle lui demanda :

— Vous allez bien ?
— Oui… Oui, très bien. Et vous ?
— Ça va. Très bien.

Ils allaient sans doute en rester là, mais rongé par sa culpabilité qui remontait soudain, il lui fallut sortir ce qu'il avait sur le cœur :

— Je suis désolé, Anabelle. Désolé pour mon comportement lors de notre dernière séance. Je regrette. Jamais je n'aurais dû. J'ai honte, vous savez…
— Je me doute. Je vous connais. Et vous vous êtes déjà excusé.
— Oui, mais quand même… Je ne sais pas ce qui m'a pris… C'est inadmissible.
— Vous avez raison, je ne peux pas vous donner tort ; mais c'est un peu de ma faute, quand même. J'ai été maladroite. Je me suis un peu trompée… Un défaut d'appréciation. N'en parlons plus.
— Peut-être. Mais… vous m'avez beaucoup aidé. J'aurais dû vous être reconnaissant, et au contraire de ça… j'ai eu cette réaction inappropriée.
— Vous étiez en colère, je vous l'avais dit.

Et là, à son grand étonnement, elle eut un petit sourire.

— Oui mais je n'avais pas à la diriger contre vous…
— Mais c'est toujours ce que j'ai essayé de vous faire comprendre. Vous aviez de la colère, et vous la dirigiez contre d'autres, pas contre celle qui en était la cause.
— Oui, mais ça n'est pas une raison. Vous n'aviez pas à payer ; ce n'était pas à vous de payer pour les autres.
— Ce sont des choses qui arrivent… et les risques du métier.
— Oui, mais…
— Écoutez, Salvador, c'est un peu gênant de parler de ça ici. Vous ne voulez pas qu'on aille boire un verre et parler tranquillement ?
— Un verre ? Euh… si vous voulez.
— Promis : je ne vous ferai pas payer une séance. Et dans un café je ne risque pas un « débordement » de votre part, ajouta-t-elle en souriant franchement
— Oh…
— Je plaisante, Salvador. Je sais très bien que vous êtes quelqu'un de bien, et au fond un parfait gentleman.

Ils sortirent et s'installèrent à la terrasse d'un café bondé, au soleil, là où les gens s'étaient attablés joyeusement, profitant de ce temps exceptionnel pour la saison.
Ils commandèrent. Il la trouva rayonnante comme toujours, ses yeux bleu-gris limpides, son regard franc et doux, son visage paisible.

C'est lui qui reprit la conversation sur le même sujet :

— Vous savez, j'y ai repensé souvent. Je me suis dit que ça avait dû être traumatisant…

Elle lui répondit sans sourire :

— Ça va vous étonner – et ça m'a étonnée moi-même – mais ça ne m'a pas traumatisée comme on aurait pu s'y attendre. Je n'ai pas eu peur. Ce que j'ai pensé immédiatement, c'est « Je suis allée trop loin, je me suis trompée, je n'aurais pas dû... » C'était une erreur de jugement de ma part. J'ai provoqué votre colère et cette réaction, qui était effectivement excessive et surprenante, mais – vous allez avoir du mal à le croire – je n'ai pas eu peur, à aucun moment. Et quand vous êtes parti après avoir claqué la porte, je me suis dit que je ne l'avais pas volé ! Oui, oui, je me suis dit « Ma vieille, tu as fait une erreur ; tu as ce que tu mérites. Tu ne dois pas en vouloir à ce pauvre garçon. »
— Mais tout de même, c'est d'une violence impardonnable ! Et un geste… enfin, un abus !
— Oui, je sais. Mais je vous ai pardonné.

Et elle ajouta d'un air très doux :

— Cessez de vous tourmenter, et considérez que nous sommes quittes. D'ailleurs, vous m'avez réglé la dernière séance par courrier, avec votre mot d'excuse. Je ne m'attendais pas à ça. Enfin, ça ne m'a pas trop étonnée. Je me suis dit « C'est bien lui, ça. Un garçon vraiment bien. »
— Pas si bien que ça, répondit-il en baissant piteusement son nez sur son verre.
— Personne n'est parfait. Ni vous, ni personne ; je suis bien placée pour le savoir, et vous le savez aussi. Vous avez commis un écart de conduite, comme tant d'autres. Vous n'allez pas vous le reprocher tout le restant de votre vie.
— Non, mais… il y a tellement de professionnels de santé victimes de violence. C'est de plus en plus fréquent. Je me suis dit, je me disais, j'y repensais… Je me disais que j'avais dû vous traumatiser, que vous alliez avoir peur de recevoir de nouveaux patients, que vous alliez avoir peur d'être à nouveau victime de violences de la part de l'un deux…
— Je n'ai pas souffert de psychotraumatisme. Pas de votre part. Vous savez, je me méfie plus de certains patients pas aussi bienveillants que vous ; parfois, ils peuvent être inquiétants. Et ce ne sont pas toujours des hommes. Je dois être prudente, c'est tout.
— Bon, je suis un peu rassuré. Enfin, pas par ce que vous racontez sur votre métier en général, je veux dire.
— Vous vous souciez de moi ? C'est touchant, vraiment.
— Oui, j'avoue. Je ne peux pas m'en empêcher.
— Votre empathie, toujours. Vous êtes quelqu'un d'attachant, vous savez ? Je n'ai pas souvent eu cette qualité de relation avec un patient.
— Merci.
— C'est pourquoi je m'en suis voulu d'être un peu à côté de la plaque avec vous.
— Vous n'avez pas été à côté de la plaque. Vous m'avez beaucoup aidé. Et sorti vraiment de la mélasse. J'étais en train de sombrer dans la dépression quand je suis venu vous voir, vous ne pouvez pas avoir oublié.
— Oui, mais la fin… j'aurais voulu faire mieux, être meilleure. Je m'en suis un peu voulu. Ça aurait dû se terminer autrement, mieux que ça. En tant que professionnelle, ça me laisse un goût de demi-échec…
— Mais non ! Je vais beaucoup mieux, et c'est grâce à vous. Vous voyez le résultat ? Vous êtes trop exigeante envers vous-même.
— Comme vous.
— Sans doute.
— C'est pour ça que j'ai bien accroché avec vous. J'ai juste été peut-être trop confiante.
— Personne n'est parfait, vous l'avez dit, vous le savez. Personne n'y échappe, pas même les psychothérapeutes.

Elle rit doucement, mais de bon cœur.

— Vous avez raison.

Après une pause de longues secondes, elle reprit :

— Vous ne reprendrez pas la psychothérapie avec moi, n'est-ce pas ?
— Je ne m'en sens pas le besoin, en effet.
— Alors, puisque notre relation thérapeutique est terminée, je peux vous confier quelque chose ?
— Euh, oui, bien sûr. Vous pouvez parler à cœur ouvert. En toute amitié.
— En fait de traumatisme, vous savez ce dont j'ai rêvé plusieurs fois ? demanda-t-elle après avoir attendu un moment.
— Euh… non, répondit-il, étonné de la tournure de la conversation (car c'était la première fois qu'elle parlait d'elle de façon personnelle).
— Eh bien j'ai rêvé que vous me punissiez – de la même façon que vous l'avez fait lors de la dernière séance – parce que j'étais une mauvaise psy, incompétente, nulle. Vous me disiez que je vous avais blessé, que je n'avais rien compris, que j'étais à côté de la plaque, que je ne vous servais à rien, que j'étais une pimbêche prétentieuse qui croyait tout savoir mais qui ne savait rien. Et cette punition durait, durait, durait… Vous m'accabliez de reproches et de claques douloureuses et cuisantes, administrées avec une colère froide ; et le pire, vous voulez savoir ? C'est que je prenais mon pied !

Elle avait baissé le ton, s'arrangeant pour que ses dernières paroles ne puissent être entendues des tables voisines, s'était levée, puis avait ajouté sur un ton bas mais ferme, avec comme de la colère dans la voix :

— Chaque fois que j'ai fait ce rêve je me suis réveillée trempée, trempée d'avoir joui !

Elle plaqua la monnaie de sa consommation sur la table et lui lança un peu froidement :

— Au revoir, Salvador.


Salvador en resta comme deux ronds de flan. Il la regarda tourner les talons. Elle qui avait été sa psy s'éloignait d'un pas décidé mais tranquille qui lui donnait un air assuré. Elle était superbe dans sa tenue élégante mais simple (une robe longue d'une tissu fin, fendue légèrement, qui moulait les formes de son corps, et des talons hauts – il réalisa qu'il ne l'avait jamais vue en chaussures, étant donné que dans son cabinet il fallait se déchausser avant d'entrer dans la petite salle cosy et moquettée).

Il la trouvait magnifique et gracieuse, et il se dit à ce moment-là qu'ils venaient de solder définitivement leurs comptes et que c'était la toute dernière fois qu'il la reverrait : la façon dont elle avait mis fin à leur rencontre tout à fait impromptue marquait en effet sa façon à elle d'avoir le dernier mot.

Il avait l'impression qu'elle avait gardé sur le cœur jusqu'à aujourd'hui ce qu'elle venait de lui confesser comme un fardeau dont elle venait de se débarrasser et de s'en libérer enfin.
De la même façon qu'il était venu durant sa psychothérapie un mardi sur deux durant de longs mois dans son cabinet se délester de quelque chose de trop lourd, elle venait elle aussi de lui laisser quelque chose qui lui pesait trop. C'était plus qu'inhabituel. Et ça ne lui semblait pas trop professionnel. Mais puisque sa thérapie était terminée depuis déjà des mois, elle ne s'en souciait guère.

« Quelle drôle de femme… », pensait-il en souriant désormais, seul à sa table en terrasse. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait dû éprouver pour lui au minimum de l'affection, sinon de l'attirance. Ce qu'on qualifie dans une relation thérapeutique de contre-transfert. Une relation privilégiée, comme celle que les praticiens ne peuvent s'empêcher d'avoir avec certains patients ou certaines patientes qu'ils préfèrent, pour qui ils éprouvent plus d'empathie ou de sympathie que pour d'autres. Sentiment contre lequel on ne peut lutter, mais juste l'avouer à un tiers, car il n'est pas banal de l'avouer à son patient, même ex-patient.

Et lui ne pouvait s‘empêcher de penser qu'en lui parlant de son rêve ou fantasme elle essayait de le lui transférer. Elle ne pouvait ignorer qu'étant homme (même si c'était un homme dont elle avait découvert une sensibilité hors du commun qui l'avait touchée), cette révélation sur elle-même et sur ce qu'il avait fait naître en elle allait le chambouler.

C'est évidemment ce qu'il se passa.

Lui, qui avait réussi à oublier l'épisode regrettable de sa dernière séance dans son cabinet, se mit à y repenser tout le temps. Et il devait bien s'avouer qu'il n'y repensait plus de la même façon. Car si elle avait réussi à le libérer de sa culpabilité et de son remords c'était au prix d'une autre obsession.

Si, lorsqu'il l'avait basculée à plat ventre en travers de ses genoux et l'avait fessée brièvement, c'était sous le coup de la colère, de l'irritation qu'elle avait fait naître en lui, accumulée tout au long des dernières séances, mais aucunement sous l'effet d'un désir concupiscent et perver, maintenant, d'autres images dansaient devant ses yeux, à l'instar des fessées érotiques qui l'avaient toujours excité.

Quant à elle, si elle n'avait été que surprise lors de cette brève fessée tout à fait inattendue et n'avait pas eu le temps d'en éprouver autre chose, il avait dû en être autrement dans les mois qui avaient suivi.

Et lui, repassant en boucle dans sa tête les mots qu'elle venait de lui lâcher, il ne pouvait s'empêcher de l'imaginer maintenant dans son lit en train de rêver d'être fessée par lui, en proie à cette agitation érotique, se réveiller trempée, voire en sursaut sous l'effet d'un orgasme bref, voire se mettre à se masturber en imaginant la scène cette fois érotique et torride.


Toujours est-il qu'il ne put s'empêcher de penser à elle dans les mois qui suivirent. Mais il avait trop de respect envers elle pour imaginer seulement une scène érotique avec elle, pour imaginer un scénario de ce type les mettant en scène tous les deux. Il était certain de ne plus jamais la revoir.

Il canalisa sur d'autres personnes toute son énergie sexuelle et ses fantasmes BDSM qui étaient revenus comme la mer montante. Il aurait pu également concrétiser ses fantasmes érotiques avec une autre partenaire, mais sa vie sexuelle à cette période-là était plutôt désertique ; non pas qu'il n'eût pas de succès avec les femmes, mais il se sentait un peu vide, comme lorsqu'il l'avait consultée la première fois. En théorie, il aurait pu avoir une partenaire et imaginer, lors d'un jeu érotique, que c'était sa psy qu'il fessait, mais cela n'arriva pas.
Il aurait même pu imaginer un jeu de rôle mettant un scène un patient (lui) et sa psy (une partenaire), mais ce ne fut pas le cas.

Ça n'est pas qu'il l'oublia – non, il ne pouvait oublier ces évènements marquants (sa dernière séance chez elle et sa chute, et leur rencontre inopinée des mois après) – mais il passa à autre chose. Cette histoire était terminée, leur compte était soldé. Point.

Il aurait pu également la rencontrer fortuitement, tomber sur elle dans le centre commerçant de sa ville comme cette fois-là, mais cela ne se produisit pas. C'était tellement improbable, d'autant plus qu'elle résidait et exerçait à une dizaine de kilomètres de là, et devait avoir d'autres habitudes.

Les mois avaient passé, et il s'était dit que c'était fini, il ne la reverrait plus, parce qu'une rencontre fortuite comme celle de la dernière fois en ville, c'était tellement improbable qu'il n'y avait aucune chance – ou plutôt aucun risque – que ça se reproduise à nouveau. Et les mois qui le séparaient de cet épisode le confortaient dans cette certitude. Il passait déjà à autre chose.

Pourtant, une fin d'après-midi, l'incroyable, l'inconcevable se produisit : il reçut un SMS d'Anabelle. Il n'en crut pas ses yeux. Il lut le message :

Bonjour Salvador. Serait-il possible de se voir la semaine prochaine à mon cabinet ? Vous pouvez bien entendu refuser. Il ne s'agit pas de reprendre votre psychothérapie, bien entendu. J'aimerais vous parler.

Salvador fut plus interloqué que troublé. Il se demanda pourquoi elle souhaitait le voir. Il pouvait bien entendu le lui demander par SMS, mais il se donna plusieurs heures avant de répondre afin de réfléchir à ce qui serait le mieux, et il en arriva rapidement à la conclusion qu'il devait choisir entre deux options : soit il refusait tout net, soit il acceptait sans poser de question. Avec une psy, la communication passe par la parole, pas par des échanges laconiques de mots abrégés par texto.

Il allait accepter. Il se sentait une dette envers elle, qui l'avait tiré d'un mauvais pas. Elle s'était montrée si prévenante envers lui que, quel que fût le motif de sa demande d'entrevue, il ne se voyait pas le cœur de refuser.

Peut-être allait-elle mal à cause de lui ? Peut-être souffrait-elle à retardement de ce qu'il avait fait ? Il n'était pas thérapeute, bien sûr, et dans ce cas c'est un thérapeute qu'elle devait voir. Mais peut-être l'avait-elle déjà fait. Et peut-être même était-ce ce – ou cette – thérapeute qui lui avait conseillé de le contacter et de lui parler.
Quoique ça l'aurait beaucoup étonné ; ce n'était pas une démarche habituelle.

Quoi qu'il en fût, peut-être avait-elle pris cette initiative d'elle-même pour avancer. Peut-être cherchait-elle des réponses qu'elle n'arrivait pas à trouver seule ou avec sa thérapeute. Il lui vint aussi à l'esprit qu'elle avait peut-être finalement décidé de porter plainte, et qu'en allant chez elle il allait tomber sur des flics qui allaient l'arrêter. Elle allait le piéger, peut-être même en le faisant parler et enregistrer leur conversation, lui faisant redire de ce qu'il avait fait, enregistrant à son insu ses aveux.

Non, il n'y croyait gère ; il n'était pas parano. Et ç'aurait été bien peu professionnel de sa part d'agir de la sorte. Et puis elle n'avait pas besoin de le revoir pour ça : elle pouvait très bien déposer une plainte, et ce serait lui qui serait convoqué par la maréchaussée pour être interrogé.
Non, ça ne pouvait pas être ça. Et il était prêt à assumer les conséquences de ses actes. Il verrait bien…

Le lendemain donc, dans la journée, il répondit au SMS et indiqua ses heures disponibles. Elle lui répondit très peu de temps après (sans doute entre deux consultations) pour lui proposer plusieurs choix, tous en fin d'après-midi (ce qui correspondait au dernier rendez-vous de son planning, planning qu'il connaissait bien) ; c'était également un créneau qui l'arrangeait, lui – et elle le savait – puisqu'il finissait tard sa journée de travail.

Le jeudi suivant, à dix-huit heures quinze précises, il se présenta à son cabinet : il avait l'habitude de la ponctualité. Lors de ses rendez-vous pour sa psychothérapie, il l'avait d'autant plus respectée qu'elle – comme la plupart des psys – lui avait recommandé de ne pas arriver en avance afin de ne pas croiser le patient précédent. Histoire sans doute de ne pas mettre mal à l'aise l'un comme l'autre des patients, d'autant qu'elle avait une toute petite salle d'attente qu'il fallait traverser pour entrer dans le cabinet.

Il sonna et entra, s'assit. Quelques minutes s'écoulèrent, comme d'habitude, puis elle ouvrit la porte de communication.

— Bonjour Salvador.
— Bonjour Anabelle.
— Entrez, s'il vous plaît.

Il avait bien deviné que cet entretien ne se passerait pas dans la salle d'attente. Il ôta ses chaussures et entra dans le cabinet feutré, garni de sa moquette épaisse et douce.
Elle l'avait accueilli avec un léger sourire mais qu'il trouva un peu crispé.

— Je préférerais que vous vous asseyez à ma place, et moi à la place du patient. Non pas qu'on va inverser les rôles – vous n'êtes pas là pour jouer le rôle de mon thérapeute, mais je tiens à ce que vous ne vous sentiez pas aujourd'hui comme le patient que vous étiez.
— Comme vous voulez, Anabelle.
— Vous n'avez qu'à déplacer un peu « mon » fauteuil pour le mettre là, en face de votre canapé. Comme ça vous n'aurez pas – et moi non plus – l'impression de prendre ma place, la place du thérapeute.
— OK. Asseyons-nous donc face à face, et parlons, comme deux amis.
— C'est à peu près ça.
— Bon, commença-t-il sans attendre, je vous avoue que je suis assez étonné par votre démarche, et assez curieux d'en connaître le motif.
— Je comprends, Salvador. Je dois vous avouer que ceci n'est pas habituel, et que c'est même la première fois que je fais ça.
— Je m'en doutais bien…
— Vous comprenez… Ça a à voir avec ce qu'il s'est passé lors de notre dernière séance.
— Je m'en doutais un peu aussi.
— Quand nous nous sommes rencontrés par hasard dans L., je vous ai parlé de ce que cette séance avait fait naître chez moi. S'il vous plaît, ne m'interrompez pas, et laissez-moi vous dire tout ce que je veux vous dire.
Ce que je veux dire, c'est que les fantasmes qui m'habitent depuis n'empêchent pas la crainte, parfois la peur. Mais ça, ce n'est pas gênant ; c'est une peur rationnelle, et qui est saine : elle m'invite à la méfiance, à plus de méfiance, à prendre plus de précautions. Je n'avais déjà naturellement pas beaucoup d'hommes dans ma clientèle, alors maintenant je suis encore plus circonspecte. Bien entendu je n'avais pas peur de vous ; je savais très bien quel type d'homme vous êtes : sensible et respectueux… du moins jusqu'à ce que la colère – colère que j'avais fait sortir, maladroitement et dangereusement – vous fasse commettre cet acte qui n'était pas si traumatisant que ça. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai pensé que je ne l'avais pas volé, que j'avais récolté ce que je méritais…
Le problème, ce sont ces fantasmes qui ne me quittent plus. J'irais jusqu'à dire, même si c'est faux puisque les fantasmes viennent toujours de soi, que vous m'avez transmis, mais aussi la culpabilité. Et les deux sont liés : j'éprouve ces fantasmes parce que je me sens coupable, coupable d'avoir été maladroite, de vous avoir mis en colère, alors que vous la maîtrisiez très bien, cette colère. Et quand je… me libère de cette tension… sexuelle, ma culpabilité s'en va. Jusqu'à ce qu'elle revienne à nouveau, encore et encore.
— Mais dîtes-moi, l'interrompit Salvador (bien qu'elle semblait avoir terminé son exposé), vous n'avez pas vous-même une thérapeute ou une superviseuse ? Parce que vous en auriez besoin. Par ma faute, je l'avoue…
— Non, ce n'est pas votre faute. Le patient n'est pas responsable des errements et de la maladresse de son thérapeute. Mais pour vous répondre, non, je n'ai pas de superviseuse, et je n'ai pas consulté de consœur ; et je ne me verrais pas aller raconter ça à un homme…
— Justement, vous me le racontez bien, à moi-même…
— Je n'aurais pas dû. Et vous n'êtes pas thérapeute mais mon patient, bien qu'ancien patient. Et peut-être qu'étant vous-même dans le médical, avec votre culture psychanalytique, vous êtes à même de me comprendre. Je n'aurais jamais entrepris cette démarche avec un autre patient. Et pour tout vous dire, j'ai trop honte de raconter cela à une consœur.
— Mais pas à moi ?
— Non, car vous êtes déjà dans la confidence puisque vous avez été un protagoniste de cette scène.
— Cette scène primitive ?
— Pas vraiment, mais seulement un mauvais transfert, ou disons une résistance poussée à l'extrême, jusqu'au débordement.
— Il n'empêche que vous devriez – et auriez dû – en parler à une autre thérapeute. Et vous le savez, puisque vous en avez besoin.
— Comment pouvez-vous savoir ce dont j'ai besoin ?! demanda-t-elle d'un ton un peu courroucé. Pardon de m'être emportée, mais c'est vrai : je suis la seule, la plus à même de savoir ce qu'il me faut.
— OK, admettons. Mais même si ça n'y a rien changé, je vous ai présenté mes excuses, vous ai expliqué que ce n'était pas personnel, que je regrettais mon geste, d'autant que j'avais ressenti un mieux-être grâce à vous et à votre thérapie. Alors qu'est-ce que je pourrais faire de plus pour que vous alliez mieux ?
— Vous savez que dans certains pays on a mené des expériences qui ont consisté à confronter des victimes à leurs agresseurs – agresseurs qui se repentaient et qui étaient en train de payer pour ce qu'ils avaient fait – et qu'on s'est rendu compte que les victimes allaient mieux après ?
— Oui, je le sais. Bon, c'est parce qu'ils leur ont demandé pardon et que leurs victimes leur ont pardonné qu'ils allaient mieux… Moi je l'ai déjà fait avec vous.
— Pas seulement. Le fait de se parler, le fait pour la victime d'humaniser leur agresseur en leur montrant que c'était un individu comme un autre a fait partie de la thérapie.
— Mais moi, vous me connaissez déjà, et je ne pense pas que vous ayez besoin de m'humaniser.
— Non, bien entendu. Le fait de pouvoir en reparler est aussi une nécessité. Comme nous avons fait lors de notre rencontre fortuite.
— Oui, je vois. Mais ce n'était pas suffisant, c'est ça ? Vous souhaitez encore en reparler ? Je comprends. Je suis d'accord.
— Ce n'est pas ça : je ne suis pas traumatisée, comme je vous ai déjà dit.

Salvador ouvrait de grands yeux, de plus en plus étonné.

— Alors ?
— Je vous ai pardonné. Mais je ne me suis pas encore pardonnée à moi-même, comme je vous l'ai dit. Et cette situation a fait naître ces fantasmes. Les fantasmes, ce n'est pas une maladie, mais c'est gênant, terriblement gênant. Je n'avais jamais éprouvé de tels fantasmes.
— Et ?
— Vous savez ce qu'on dit des fantasmes, bien entendu ? On dit que les fantasmes ne sont pas faits pour être réalisés, parce que lorsqu'on passe à l'acte ils s'effacent, comme s'ils étaient démystifiées, perdant leur caractère magique et excitant. Aussi me suis-je dit que le seul moyen de m'en débarrasser, ce serait de les réaliser. Avec vous. Je les vis la nuit, parfois le jour, en vivant cette scène stéréotypée, toujours la même. Je ne la vis pas comme ça s'est passé ici, à la va-vite, brutalement, sans aucune sensualité ni désir, mais… je reçois une fessée torride, longue, excitante… Je voudrais transformer ce que j'ai vécu en une fessée érotique, tendre, sans agressivité. Du moins qu'il n'y en ait plus après. Que cette punition permette de me... punir. De laver ma culpabilité, d'obtenir votre pardon.
— Que vous payiez, en somme ?
— Oui, c'est ça.
— On est bien loin d'une relation thérapeute-patient, là. Enfin, ex-patient.
— Oui, je le reconnais. Et je reconnais que c'est mon initiative personnelle, un peu… expérimentale. Un test thérapeutique, en somme.
— Un test, c'est ça. Parce que vous savez que ce que vous avez dit juste avant n'est pas une règle absolue, loin de là : le fait de passer à l‘acte, de réaliser son fantasme, ne l'éteint pas à chaque coup. Voire… la réalisation du fantasme est obligatoirement différente du fantasme, qui est, par définition, une mise en scène où les protagonistes font et réagissent exactement comme le fantasmeur l'a imaginé. Le fantasmeur qui passe à l'acte peut être déçu – la réalité est forcément différente de ce qu'il imaginait, qu'il idéalisait – mais parfois il peut être agréablement surpris : si la réalisation de son fantasme a un autre goût que le fantasme lui-même et devient dans son vécu tout autre chose, quelque chose de meilleur, il peut aussi lui apporter un niveau de plaisir supérieur. Et le besoin de le reproduire s'installe.
— Vous avez raison, mais je suis prête à prendre le risque.
— Sans compter que passer à l'acte tous les deux peut symboliquement représenter une seconde fois pour vous… si ce qu'il s'est passé lors de cette dernière séance n'était pas autre chose que la réalisation d'un fantasme que vous aviez déjà.
— Je n'avais pas ce fantasme.
— Pas consciemment. Et vous le savez bien. Cet acte a pu entrer en résonance avec un fantasme enfoui en vous.

Elle se mit à sourire :

— On se demande qui est le thérapeute…
— C'est vous qui avez souhaité cette rencontre. Mais peut-être n'êtes-vous pas d'accord avec mon raisonnement ?
— Si, bien sûr. Vous connaissez ça très bien, aussi bien que moi.
— Je veux juste vous mettre en garde, et que vous essayiez d'imaginer les conséquences sur vous : je ne tiens pas à être responsable d'une dégradation de votre état psychique. Peut-être avez-vous simplement besoin d'en parler. Peut-être irez-vous beaucoup mieux après cette discussion claire, franche et sincère entre nous.
— Non. Je suis une grande fille ; j'ai toujours eu l‘habitude d'assumer mes actes et mes décisions.
— Je n'en doute pas. « Une grande fille » qui trouve qu'elle mérite de se faire fesser… qui en a envie.
— Oui. Et je trouve que vous parlez très bien du passage à l'acte ; vous en parlez trop bien. Vous ne m'avez pourtant jamais raconté au cours de nos séances que vous aviez passé à l'acte, que vous aviez réalisé certains de vos fantasmes.
— Effectivement, je ne vous ai pas tout raconté. Pas eu le temps non plus. Avouez qu'en plusieurs mois je n'ai pas eu le temps de vous raconter toute ma vie ; ce n'était pas un tabou volontaire dans notre relation thérapeutique. Mais dites-moi, on n'était pas censé reparler de ma thérapie, là. Vous vous éloignez de notre sujet.
— Non, bien entendu. Je ne remets pas « ma casquette » de thérapeute, je vous le promets.

Elle avait retrouvé le sourire et semblait se détendre un peu. Elle poursuivit :

— Ce que je veux dire, c'est que la réalisation d'un fantasme, un « passage à l'acte », est normalement sécurisant. D'abord parce que la… la « fessée » donne la sensation de maîtriser le jeu, parce que c'est un jeu de rôle avec un début et une fin, où chacun doit respecter les limites de l'autre, avec des codes bien précis. La « fessée » peut mettre fin à tout moment au « jeu ».
— Là, il me semble que c'est vous qui me cachez des choses. À vous entendre, on dirait que vous avez déjà pratiquée… répondit-il avec un petit sourire moqueur.
— Non, j'ai lu, je me suis documentée, simplement…
— Et vous avez fantasmé… je veux dire « fantasmé sur cette réalisation » ?
— Ça fait un moment que j'y pense, oui. Et vous imaginez bien que j'ai beaucoup réfléchi avant de vous contacter. J'ai tourné ça cent fois dans ma tête, durant des nuits. Des nuits d'insomnie… J'ai longtemps hésité, me suis dit que ça ne serait pas possible, pas raisonnable. Mais bon, au bout d'un moment, je me suis dit…
— Vous vous êtes dit que ça ne coûterait rien d'essayer. Que je pourrais toujours refuser. Ou vous raisonner, vous faire entendre mes arguments.
— Oui. Et quels sont-ils, ces arguments ? Si vous en avez, bien sûr…
— Que ce n'est pas très déontologique, comme démarche. Même si je ne suis plus en thérapie et que notre relation thérapeutique ne reprendra pas.
— Tout juste.
— Mais je sais également qu'il y a une petite voix en vous – et en moi également – qui vous dit que le fait que nous ne soyons plus en thérapie n'autorise pas vraiment ce que vous souhaitez que l'on fasse, pas vrai ? Est-ce que vous n'allez pas vous en vouloir, regretter, vous sentir coupable, si jamais nous passons à l'acte ?
— Oui, peut-être. Et naturellement, vous êtes dans le vrai. Mais vous savez, j'ai beau être une thérapeute, je suis d'abord une femme. Enfin, je veux dire « un être humain ». Avec ses forces et ses faiblesses. Je ne suis pas infaillible. Je ne suis pas surpuissante. Je peux commettre des erreurs et je peux avoir des tentations que je ne peux surmonter.
— Oui, je le sais bien. Je comprends. Mais n'avez-vous pas peur de l'image que j'aurais de vous, que je pourrais garder… après ça ?
— Je l'assume également. Vous m'avez rassurée en me disant que je vous avais beaucoup aidé tout au long de votre thérapie.
— En somme, vous vous scindez en deux : la thérapeute qui m'a traitée, et la femme qui l'habite… celle que je ne suis pas censé connaître. Mais vous vous dites que cette transgression n'est pas bien grave puisque ma thérapie avec vous est terminée.
— Oui, c'est bien ça, répondit-elle avec un beau sourire. Mais vous savez… ces règles vis à vis de la transgression comme vous dites, doivent-elles être si strictes que ça ?
— Je ne sais pas, en effet. Je n'ai pas la réponse. Je suppose que c'est comme la religion : chacun se conforme aux règles qu'il trouve les plus importantes, les plus justes, les plus pertinentes. Quelles sont les conséquences ? Nul le sait.
— Et vous n'avez pas peur d'en ressortir « traumatisé » ?
— Moi, traumatisé ? Parce que je vais vous mettre une fessée ? Ce serait plutôt à moi de vous poser la question !
— Vous voyez, chacun de nous deux est inquiet pour l'autre, et pas pour soi. Chacun de nous se pose la question des conséquences pour l'autre. C'est pour ça que j'ai finalement osé vous le demander ; je ne l'aurais très probablement pas fait avec quelqu'un d'autre.
— Ça, la coupa-t-il, vous ne le savez pas…
— L'occasion ne s'est pas présentée. Mais je me le suis permis parce que je sais que vous êtes un homme bienveillant, soucieux de l'autre. Un homme bon.
— Je ne suis pas parfait, loin de là. Tout à fait comme vous.
— Alors ? Je sens que vous hésitez, mais que finalement vous n'êtes pas vraiment contre. Voulez-vous prendre du temps pour y réfléchir ?
— Écoutez, je crois que nous en avons déjà longuement débattu, et tourné toutes les questions dans tous les sens. Si je vous disais que je veux réfléchir et prendre un peu de temps, sans doute le temps passerait, et je ne reviendrais pas. Vous hésiteriez encore, moi aussi. Nous tergiverserions, et très probablement ça ne se ferait pas.
— Et ?
— L'occasion fait le larron. Je suis là, ce soir, devant vous. Je ne suis pas contre. Et je ne vais pas dire le pourquoi. Si nous ne le faisions pas ce soir, nous n'aurons probablement pas d'autre occasion… et au final nous le regretterions certainement, vous comme moi. Il y a un dicton qui dit « Il vaut mieux avoir des remords que des regrets. » Je suis assez d'accord avec ça. La vie est courte. Alors, si c'est votre souhait…
— Qu'est-ce que je fais, alors ? demanda-t-elle d'une voix devenue un peu rauque sous l'effet du trouble.
— Levez-vous et venez vous allonger à plat ventre en travers de mes jambes.

Salvador s'étonna lui-même du ton qu'il venait d'employer pour prononcer ces mots, un ton qui semblait las. Mais qui était en fait empreint d'un calme et d'une douceur qui se voulaient rassurants pour elle. Qui se voulait contrastant avec la violence et la colère qui avaient marqué la fin de sa dernière séance.

Elle se leva lentement, visiblement émue. Elle portait, comme la plupart du temps, une jupe, des collants et un chemisier léger. Un ensemble classique et simple.
Elle s'approcha de lui, se positionna du même côté que la fois où il l'avait fessée par surprise, c'est à dire à sa droite, voulant sans doute reproduire à l'identique la scène de la première fois. Elle attendait debout. Alors il lui dit :

— Allez, allongez-vous de vous-même. Ça n'est pas moi qui vais le faire.

Elle se pencha un peu maladroitement et s'exécuta, se sentant un peu gauche, s'installa du mieux qu'elle put.
Il commença à remonter sa jupe, révélant ses longues cuisses gainées de nylon chair et lui dit :

— Comme vous le savez, une fessée, c'est toujours déculottée. Je vous retrousse moi-même la jupe jusque sur les reins parce que ça n'est pas facile pour vous dans cette position, mais le reste vous allez le faire vous-même cette fois : baisser votre culotte et vos collants. Jusqu'aux genoux.

Et en effet, elle se souleva légèrement et roula un peu d'un côté puis de l'autre pour lui faciliter la tâche ; puis, s'aidant de chacune de ses mains en alternance sans se relever de sa position à plat ventre, elle baissa par à-coups son collant et descendit sa culotte de la même manière, d'abord jusqu'au bas des fesses, puis sur les cuisses.
Il paracheva lui-même la manœuvre en finissant de faire glisser collant et culotte jusqu'au pli du genou.

— Comme on doit toujours le faire, on va établir un mot-clef. Celui-ci sera tout simplement « STOP ». Si, à n'importe quel moment, vous ne supportez plus la fessée, ou si pour n'importe quelle raison vous voulez y mettre fin, vous prononcez ce mot bien fort, et j'arrêterai immédiatement. Si vous le souhaitez, ça pourra être provisoire ; dans ce cas, vous me le préciserez. Entendu ?
— Entendu, prononça-t-elle d'une voix éteinte.

Salvador était cette fois décidé à bien prendre son temps. D'ailleurs il était sûr que c'était ce qu'Anabelle attendait.

Pour commencer – et pour son propre plaisir –, les yeux baissés, il prit le temps de regarder et d'admirer cette croupe splendide, ce magnifique fessier féminin. Car si la dernière fois, mû uniquement par sa colère, il n'avait pas eu le cœur de contempler ses fesses, là, malgré la lumière feutrée du cabinet de la psy, il vit qu'elle avait vraiment un beau cul. Il se demanda s'il allait lui en faire part. Ne rien lui en dire aurait été méprisant : ç'aurait été la traiter seulement comme une punie, comme la vilaine fille qui ne vaut que ça. L'humiliation, comme la cuisante brûlure de la fessée, administrée sans un mot, cela aurait pu jeter un froid, et elle ne méritait pas ça. Alors en introduction, à la fois afin de tester ces mots sur elle, vérifier si cette ambiance était en adéquation avec les fantasmes de cette femme mûre, et pour donner à l'ambiance son sens érotique et peut-être la rassurer, il déclara d'un ton calme et admiratif :

— Je ne vous l'avais pas dit, Anabelle, mais aujourd'hui je peux vous le dire, je m'y sens autorisé : vous avez un très beau cul. De belles fesses, oblongues, félines, un fessier avec une forme vraiment magnifique ; le fessier de la femme gracieuse dans la plénitude de sa beauté et de sa maturité que vous êtes.
— Merci, répondit-elle, d'une voix un peu étouffée par l'émotion.
— Je vais prendre beaucoup de plaisir à vous fesser ; et je vais faire en sorte qu'il en soit de même pour vous.

Contre toute attente elle répondit :

— Je vous fais confiance, Salvador. Je veux dire « J'ai pleinement confiance en vous. »

Il commença par caresser d'un mouvement descendant une fesse après l'autre, avec des doigts légers qui effleuraient à peine la peau satinée, puis fit une petite pause, la main levée, pour lui faire comprendre que cette fois, ça allait commencer.

La première claque s'abattit sur la fesse droite, puis sur la gauche ; si ces claques retentirent fortement dans le silence du petit cabinet, elles étaient administrées à un rythme très lent et envoyées sans aucune puissance. D'ailleurs Anabelle ne pipait mot ; ses reins ne bougeaient pas, si on ne parle pas de la chair à laquelle les impacts transmettaient de courtes ondulations.

Il en répartit une bonne douzaine de cette manière sur les belles fesses de la femme puis, très progressivement, commença à accélérer doucement et à appuyer un peu plus ses mains à chaque impact.

Le spectacle de cette belle femme, qui lui faisait penser à une liane et dont il regrettait de ne pouvoir regarder en même temps ses beaux yeux bleus et purs, qui lui montrait son dos vêtu et lui dévoilait sa nudité de la taille jusqu'au bas de ses cuisses, était d'une sensualité et d'un érotisme torrides ; il se rendit compte qu'il bandait désormais comme un âne et qu'elle devait le sentir, sa queue raide étant placée tout contre son flanc gauche.

Il fut encore plus excité quand, augmentant encore la cadence et l'intensité, chaque claque commença à faire cabrer son dos, redresser sa nuque en réaction, et envoyer valser ses longs cheveux platine.

Des images salaces passèrent comme des flashes fugaces devant ses yeux où il la voyait lui faire l'amour en lotus et le fouetter de ses longs cheveux en faisant aller sa tête de gauche et de droite. À ce moment il se dit qu'il était trop excité et qu'il devait se calmer, garder la tête froide. Il arrêta la claquée et lui dit :

— Mettez-vous à genoux et enlevez complètement vos collants et votre culotte. Je veux vos longues jambes libres et sans aucune entrave. Comme ça, continua-t-il d'un ton un peu moqueur, quand la fessée va devenir vraiment « sérieuse » je pourrai régaler mes yeux du spectacle de vos jambes battant les airs frénétiquement. Vous savez que ma grand-mère, en parlant des fessées qu'elle mettait à ses filles, utilisait l'expression « mettre une danse » ? C'est très imagé, n'est-ce pas ? Criant de vérité…

Elle s'exécuta sans mot dire : de profil devant lui, elle souleva ses genoux l'un après l'autre et fit passer collant et culotte sur ses jambes, puis ses chevilles. Il vit sur son visage une rougeur intense qui en disait long sur son état émotionnel. Puis, osant lever à peine le nez vers lui (il eut juste le temps de voir que son regard était trouble), elle demanda :

— Dois-je retirer aussi ma jupe ?
— Bien sûr : vous serez plus à l'aise, et cela évitera de la froisser.

Bien docilement, elle l'ôta également, dévoilant à Salvador cette fois son pubis orné d'une jolie toison peu abondante châtain et bouclée, puis elle reprit place d'elle-même en travers de ses genoux.
Ses belles fesses avaient pris une jolie teinte rosée.

Il reprit la fessée, d'abord à la façon douce du début, mais durant quelques secondes seulement car à nouveau il intensifia en même temps rythme et force. Le bruit sec résonnait, la chair se déprimait nettement à chaque impact, et cette vue, ainsi que celle de son corps élancé qui s'arquait en un soubresaut irrépressible en même temps, lui faisait forte impression. Néanmoins, malgré les réactions de son corps, elle ne laissait échapper aucun cri, pas même le moindre gémissement. Il se dit qu'elle était coriace et qu'avec elle il allait pouvoir passer à une vitesse supérieure.

Ce qu'il fit après un palier d'une bonne minute : il se mit à claquer le beau fessier plus lentement mais avec plus de force. Il mit un point d'honneur à bien répartir toute la surface des rotondités offertes, s'égarant même en descendant sur le haut des cuisses. Là, elle poussa des petits cris vifs mais le laissa continuer.
Il claquait également le côté extérieur des fesses.

— Très bien, dit-il, s'arrêtant quelques secondes, je vous laisse souffler un instant… juste pour prévenir que jusqu'ici, c'était une petite fessée. Mais désormais la vraie punition va commencer. Vous êtes prête ?
— Oui, lui répondit une petite voix.
— Entendu. N'oubliez pas qu'il y a un mot-clef si vous n'en pouvez plus et voulez demander grâce.
— Je le sais…
— OK, je continue.

Il reprit la fessée là où il l'avait laissée, c'est à dire pour être précis qu'il se remit à lui claquer le postérieur avec la même intensité. Mais soudain il accéléra, alternant deux claques fesse gauche, deux claques fesse droite. Elle commençait à donner des petits signes de nervosité, tressautait, s'ébrouait ; ses jambes commençaient à s'ouvrir et à être comme secouées de tics nerveux.

Soudain il se mit à la fesser à un rythme maximum, répartissant aléatoirement les impacts sur la surface : c'était comme une grêle, une pluie rageuse et violente qui s'abattait durant une dizaine de secondes, puis ralentissait à un rythme de croisière, tant pour ne pas épuiser sa résistance que pour reposer son propre bras droit qui fatiguait et risquait de faiblir, en manque d'énergie.

À l'acmé des claques elle poussait des cris, cette fois francs et non réprimés, pour se calmer légèrement lors de la redescente. À chaque accélération, alors qu'il donnait le maximum de lui-même, elle se lâchait, s'agitait dans des cris désespérés, ses jambes battaient littéralement dans le vide… mais jamais elle ne prononça le mot-clef.

Salvador était très ému par sa docilité, son endurance, son courage. Et pour tout dire il bandait comme un aurochs sauvage, d'autant que les belles fesses avaient maintenant viré au rouge vif et qu'il les sentait brûlantes sous sa main. Il se dit qu'elle devait avoir atteint le point où la moindre petite claque devait réveiller un feu intolérable ; mais malgré ça elle ne lui demandait toujours pas de mettre fin à la punition.

Il fit une petite pause, juste quelques secondes, pris de pitié pour la tendre chair tourmentée.
Ayant oublié toute pudeur, le V des cuisses d'Anabelle restait désormais à demi-ouvert. Il effleura du bout de ses doigts le sommet rougi des collines fessières ; elle frissonna tout en réprimant un gémissement dû à la brûlure ressentie.

— Bien. On dirait que vous êtes cuite. Comme un homard.

Ses doigts s'égarèrent plus bas et entrouvrirent légèrement les grandes lèvres de sa vulve qui semblaient un peu gonflées : les pétales des petites lèvres rose vif étaient luisantes et perlaient d'une rosée inhabituelle.

— Eh bien, ajouta-t-il, là aussi on dirait que vous êtes cuite…

Encouragé par l'absence de réaction, du bout des doigts il caressa les replis satinés de sa fleur. Elle soupira, sembla plutôt se détendre que se raidir. Alors il se mit à la caresser lentement et franchement, mais il ne lui offrit qu'un court répit : ne perdant pas le but de sa mission, il se remit à la fesser avec énergie, recommençant à un rythme lent, moyennement appuyé, puis au bout d'une dizaine de secondes accélérant à nouveau. Rapidement, la sensation de cuisson devait recommencer à être prégnante car elle criait, lâchant des petits « Ah ! Ah ! Aïe ! Aïr ! » brefs mais convaincants.

Il claquait franchement, sans pitié, à un rythme rapide, puis maximal, au maximum de ses forces ; elle battait des jambes comme une damnée, se débattait, se tordait, sa taille sous le bras de Salvador cherchant presque à s‘échapper, en proie à des secousses vives et nerveuses.

Il se dit « Là, elle va abandonner, me supplier, demander grâce, prononcer le mot-clef. », mais elle n'en fit rien. Il finit par ralentir, plus pour récupérer, plus parce qu'il avait mal à la main que par pitié, admiratif de son endurance, de sa volonté qui était peut-être du défi, tant envers lui qu'envers elle-même, comme si elle s'était fixé un pari, un but, ou parce qu'elle se disait tout au fond d'elle-même qu'elle le méritait et qu'elle devait expier.

Alors ses doigts s'insinuèrent dans la fente de sa jolie vulve, et toujours avec douceur, avec passion, il la caressa, la branla franchement, et la tendresse du geste contrastait tellement avec les moments intercurrents où il la fessait qu'on avait l'impression que c'était un réconfort, voire une récompense méritée qu'il lui octroyait.

Puis la séquence de claquées recommença ; la grêle, la drache, s'abattirent sur son pauvre postérieur coquelicot tandis qu'à chaque claque il se disait que cette fois la fessée allait avoir raison d'elle, qu'elle allait se rendre. Mais sachant qu'il ne faisait pas durer plus qu'elle ne pourrait supporter cette séquence, elle serrait les dents, criait tout son saoul, battait des cuisses avec vigueur et s'époumonait comme si elle attendait la récompense qu'elle avait compris qu'il y aurait au bout : elle se détendrait autant qu'elle s'était tendue juste avant tandis qu'il la masturbait doucement, effleurant son clitoris et toute sa fleur. Mais la gâterie ne durait pas bien longtemps.

Juste avant la quatrième séquence de fessée déchaînée, il lui annonça que cette fois elle allait recevoir la correction de sa vie, une fessée vengeresse et méritée, qu'il n'allait pas se réfréner du tout, et qu'en somme elle allait avoir droit à un bouquet final.

Elle frémit. Elle savait ce que voulait dire « bouquet final » : c'est une explosion de couleurs, de bruit et de fureur où le metteur en scène pyrotechnique met tout ce qu'il a, brûle toutes ses dernière cartouches, son ultime réserve afin d'épater la galerie et de recevoir un maximum d'applaudissements et de vivats, de faire un triomphe ; il faut éblouir, que ça dure longtemps, que ça donne l'impression de ne jamais finir ! Et l'image du feu du ciel, des fusées qui éclatent, est bien fidèle à ce que la femme qui se fait fesser ressent sur son postérieur, cette brûlure qui s'abat comme un tonnerre roulant sur ses rotondités : ces claques crépitantes sont proportionnelles à l'intensité des ovations du public émerveillé, des claquements frénétiques de leurs mains remerciant chaleureusement l'artiste.

Alors il se déchaîna, admiratif, sur les fesses de sa belle et gracieuse psy, en y mettant ses dernières forces, sa rage vengeresse et punitive, se disant qu'il n'avait sans doute jamais fessé une femme aussi résistante, aussi endurante. Et à sa grande surprise, au début de cette séquence, il l'entendit déclarer :

— Vous voyez, Salvador, que maintenant vous savez vous mettre en colère. Vous savez exprimer cette colère. C'est grâce à moi, vous y êtes arrivé…

Il sourit mais ne répondit pas, tenant à ne pas se laisser éloigner de sa mission ; il se concentra davantage sur celle-ci, s'appliquant à bien la fesser, fortement et à la vitesse maximale. Alors elle se remit très vite à crier, supplier, ses longs cheveux et ses longues jambes battant l'air comme on battait jadis le blé au fléau, émettant des gémissements, des plaintes, des « AH ! OUI ! OUI ! PITIÉ ! » des plus troublants. Bientôt ce furent des cris rageurs, étouffés dans des sanglots, des plaintes désespérées, des « OUH ! OUH ! OUILLE ! AÏÏÏE !! » Elle avait décidé de se faire fesser jusqu'aux larmes. Alors, son corps tout secoué de convulsions, de secousses révulsées, elle cria finalement, la voix brisée : « STOOP ! »

Salvador cessa immédiatement. Il était soulagé. Il l'avait vaincue. Mais il n'en pouvait plus. Il avait l'impression que c'était elle qui avait gagné : elle était allée jusqu'au bout, jusqu'au but qu'elle s'était fixé ; il en était convaincu.

Elle resta une bonne demi-minute étalée à plat ventre sur lui à reprendre sa respiration, à récupérer. Il ne bougeait pas, attendant patiemment. Puis il la sentit commencer à se relever lentement, en s'aidant de ses mains. Alors, désignant l'endroit où elle s'asseyait d'ordinaire durant les séances de psychothérapie, il lui ordonna :

— Pour terminer la punition, vous allez vous mettre au coin, là-bas, les mains sur la tête, en gardant bien votre chemisier autour de votre taille afin que je puisse contempler le résultat de cette fessée : vos fesses rouges comme des tomates !

Elle obéit sans mot dire et alla se placer comme ordonné. Salvador constata qu'une petite flaque de mouille tachait la cuisse de son pantalon, là où elle était appuyée durant la fessée.

Il la laissa faire pénitence ainsi, lui tournant le dos et lui exhibant son ravissant fessier écarlate durant quelques minutes. Puis la voix mâle brisa le silence :

— Maintenant écartez un peu les cuisses : je veux que vous vous masturbiez. Ça vous soulagera. Je crois que vous en avez besoin.

Elle baissa les bras, sembla hésiter un infime moment, puis elle lui dit d'une voix faible :

— Je préfère que ce soit vous…

Il resta interdit quelques secondes, eut un petit sourire, puis se leva :

— Soit.

Elle lui tournait toujours le dos, sans doute honteuse tant de la sévère punition qu'elle venait de recevoir que de ce qu'elle venait d'oser lui demander.

Il s'approcha, se plaça à genoux sur son côté gauche, puis posa sa main sur son pubis. Ses doigts descendirent vers sa fourche offerte ; elle était trempée !

Il se mit à la caresser doucement d'abord, avec deux doigts, puis avec trois, astiquant son bouton, ses petites lèvres, glissant sur la fleur toute gluante de sève. Tout en ce faisant, il posa sa main droite sur son fessier brûlant ; elle tressauta. Caressant doucement ses jolies fesses de cette main, de l'autre il se mit à la branler avec application, d'abord lentement, puis en appuyant plus, et de plus en plus vite. Très vite il l'entendit haleter, puis crier ; son corps se tordait, elle ondulait des hanches, elle poussait des feulements étouffés et désespérés.

Alors de sa main droite il se mit à lui claquer les fesses, doucement eu égard au traitement qui venait de leur être infligé, mais de façon bien sèche, bien sonore. L'effet fut immédiat : ses cris redoublèrent d'intensité. L'extrémité des doigts de sa main gauche s'insinuaient dans sa chatte à chaque aller-retour ; ils furent bientôt inondés de cyprine.

Elle se laissa aller à de grands cris, son bassin se cabrant en arrière sous le coup de spasmes violents. Il ralentit, se calma. L'orage des orgasmes était passé.
« Elle a eu son compte… », pensa-t-il.
Il la laissa, suça ses doigts, puis alla se rasseoir à sa place.

Anabelle, échevelée, le visage couleur framboise, semblait épuisée et en proie à une grande confusion, comme si elle venait d'émerger d'un rêve.
Il lui donna sa culotte et son collant, mais elle ne les remit pas, comme hébétée.
Alors il se leva lentement :

— Je vais vous laisser, Anabelle.

Elle leva les yeux sur lui, comme étonnée. Elle était toujours à genoux, nue en dessous de la ceinture. Il se pencha pour lui faire une bise sur la joue.

— Merci, Anabelle.
— Merci… Salvador, balbutia-t-elle après quelques secondes.

Il sortit et la laissa là, sans voix, refermant la porte derrière lui.