À la recherche de soi

Le café n'avait pas refroidi ; dans les cafetières, il est aisé de le garder chaud. Pourquoi un sentiment de honte envahissait-il la brune alors que le garçon avait l'air si heureux ? Elle pensait que rien ne sortirait de bon de ces voluptueux corps-à-corps, mais c'était si bon de se sentir revenir à la vie, de se savoir désirée… C'était se rendre compte qu'elle plaisait encore, qu'elle pouvait aimer, que tout n'était pas éteint chez elle. Un long hiver qui venait de prendre fin, peut-être ? Et un autre Yann venait de lui ouvrir le chemin, celui d'un second souffle, arrivé à point nommé dans son univers trop solitaire.

Ils allaient allés voir ce Mougel, un Yann aussi. Encore un qui croiserait sa vie de femme. Décidément, ce prénom la poursuivrait toute son existence ! Si ses sens étaient apaisés, le garçon, lui, restait souriant. Du reste, les tasses de café fumantes, ils étaient toujours tous les deux aussi nus que pendant leurs folies corporelles. L'image qu'elle donnait, son anatomie plaisante, fit que Yann se remit à bander sous les yeux de Marjorie.

— Tu es donc infatigable ? Mais c'est vrai que tu es si jeune encore ! On doit t'avoir déjà dit que tu es beau, non ?

Il n'avait pas envie de répondre. Que dire, du reste, à une pareille phrase ? Elle passait devant lui, et son envie d'elle redevenait si… visible.

— Tu veux un autre café ?
— Non, merci, mais…
— Oui, dis-moi ; tu as besoin de quelque chose ?
— Si tu pouvais…

La frimousse de Marjorie avait suivi les yeux du jeune homme ; elle avait saisi : c'était si flagrant ! Alors avec entrain elle s'agenouilla aux pieds du gaillard qui avait une trique d'enfer à nouveau.

— C'est ça que tu attends ?
— Humm…

Il avait juste émis un grognement quand la main avait encerclé sa queue. Puis la bouche avait longé la hampe raide. Il appréciait cette caresse buccale qu'elle entreprenait avec zèle. Elle fit glisser sa langue le long du mât pour mieux la faire remonter tout en maintenant les bourses entre ses doigts fins, puis elle mit ses lèvres en cul de poule pour entourer l'objet tendu. N'en pouvant plus de cette incroyable tension, il se mit à mimer les mouvements d'un coït ; et curieusement elle suivait les gestes, gardant l'engin bien enfermé entre ses dents, sans mordre. Elle le laissa faire alors qu'il lui tenait les tempes pour pousser son sexe dans cette autre forme de possession.

Elle avait aussi l'autre main qui maintenant effleurait les fesses, mais la position assise ne facilitait pas ce qu'elle voulait faire. Il avança légèrement son bassin au bord de sa chaise ; alors les doigts fouillèrent à l'identique le sillon de l'homme. Il râlait ! Personne ne lui avait jamais prodigué ce genre de câlin. Le même qu'il avait réalisé sur cet endroit commun aux femmes et aux hommes. Il frémit doucement en sentant un promeneur solitaire s'aventurer sur son anus, et le drôle se mit à tourner sur l'œil sombre que personne n'avait jamais franchi.

Quelques secondes après il tressaillit en sentant que la porte était forcée, mais il ne recula pas et elle put tout à loisir s'enfoncer dans ce qu'il avait de plus intime. Il ne revenait pas de son audace ! Elle n'en croyait pas ses sens de ce qu'elle réalisait. Elle avait l'index totalement enfoui dans ce canal souple et il ne faisait pas un geste pour l'arrêter. Un vrai délire s'empara des sens de Marjorie. Son corps tout entier lui ramenait des contractions inouïes. Elle se sentait fondre tandis qu'un liquide clair coulait le long de ses cuisses. Yann se laissait faire comme… un gosse.

Mue par une frénésie inconnue, elle approcha sa langue de la caverne encore occupée par son doigt ; elle fit le tour de l'orifice, et lorsqu'elle retira ses phalanges il se frotta contre elle. La baveuse pourtant inexpérimentée dans ce domaine entra à son tour dans l'endroit laissé vacant. Yann était secoué par de longs spasmes et ne cherchait qu'à la garder là où elle avait voulu aller toute seule. Jamais il n'aurait cru qu'une telle caresse fût possible. Pas plus qu'il n'avait connu un pareil bonheur : toutes les terminaisons nerveuses de son corps étaient en alerte.

Il sut que quand elle se donnait, Marjorie ne faisait pas les choses à moitié ; et alors qu'il pensait tout contrôler, une longue giclée d'un liquide blanc et poisseux s'échappa de son vit. Cette traînée de sperme lui zébra le ventre. La femme stoppa sa fouille pour venir de la pointe de sa langue tracer un trait dans sa liqueur. Elle en cueillit une bonne partie entre ses lèvres et, se redressant, elle colla sa bouche sur la sienne. Ce mélange de salive et de sperme au goût piquant vint encore ajouter une sorte de piment à ce baiser incroyable.

Cette femme l'avait totalement vidé ; et il se trouvait bien. Dans sa peau, dans sa tête. Elle lui avait fait des trucs qu'il n'aurait jamais osé imaginer. Il avait encore beaucoup à apprendre en amour, sans doute ; soudain il comprit la différence entre baiser et faire l'amour. Marjorie possédait ce don fabuleux d'être une amante d'exception et une maîtresse experte. Son mari avait dû avoir une belle vie à ses côtés. Il se mit à souhaiter de rencontrer lui aussi sa « Marjorie » avec qui partager autant de secrets. Après ce second round, ils avaient pris ensemble une douche.

— Bon, et si nous montions à « La Bresse » pour voir Yann Mougel ?
— Je te suis ! Tu es un bon guide, et tu sais où aller. Alors…
— Par contre, tu conduis : j'ai les jambes un peu lourdes. Il faut dire que depuis hier, j'ai refait des exercices que je ne réalisais plus depuis… très longtemps.
— Tu es merveilleuse. Incroyable femme des Vosges ! J'ai découvert tellement de choses grâce à toi…
— Je crois que tu m'as ramenée à la vie, également ; nous sommes donc quittes, qu'en penses-tu ?
— Ben, à vrai dire, j'aurais aimé passer encore un peu de temps près de toi.
— « Coucher encore », tu veux dire ? Tu es donc insatiable ? Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve ; après tout, tu n'es pas si pressé de rentrer sur Luxeuil, non ?

Un sourire était apparu au coin des lèvres du garçon. Une promesse de passer encore un peu de bon temps. Ce qui était pris ne serait plus à prendre. Et le corps de cette déesse valait tous les détours. Tout chez elle inspirait l'amour, pour ne pas dire l'envie. De la racine de ses cheveux aux ongles de ses orteils, elle donnait l'impression d'être née pour le sexe. Il n'aurait jamais imaginé qu'une femme puisse se servir de ses atouts comme elle l'avait fait ; et ça… c'était la cerise sur le gâteau !

— Tu tourneras à droite au carrefour, direction « La Bresse ». Surtout, fais bien attention : il y a quelques virages très dangereux sur cette route, et les gens du cru se croient chez eux et ont tendance à couper les lacets. Soyons prudents.
— Bien, Madame ! Je suis à vos ordres.
— Arrête de dire des âneries, tu veux ! Regarde la route au lieu de lorgner sur mes cuisses.
— Ce sont les plus belles jambes que je n'ai jamais vues.
— Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que ta mère était une très jolie femme.
— Ça oui ! Mais c'était ma mère… donc respect. Pas question de toucher.
— Je comprends. Tu penses donc que je n'ai pas besoin d'être respectée, moi ?
— J'ai mal formulé ma pensée. Un fils, un bon garçon n'a pas envie de sa mère, ou alors c'est un salopard. Et j'avoue que je suis heureux que tu ne sois pas ma mère, ni même la femme de mon père.
— Attention, nous allons arriver au centre du bled. Tu t'arrêteras dès que nous trouverons un passant. Je lui demanderai notre chemin. Tiens, le vieux monsieur, là…
— Celui-là ?
— Oui. Monsieur, s'il vous plaît ? Pourriez-vous nous indiquer le chemin de « La grange Foulon » ?
— Ah, ma petite dame, vous continuez tout droit encore cinq cents mètres, et au croisement c'est la route juste sur votre droite. Il n'y a plus qu'une maison par là-haut.
— Vous connaissez bien le coin, on dirait.
— Je suis un peu né ici. Et sans vouloir être indiscret, vous cherchez qui ou quoi ?
— Nous allons chez monsieur Mougel… Yann Mougel.
— Alors c'est bien ça. Vous lui direz que Jean-Michel vous a mis sur le bon chemin.
— Merci, nous ne manquerons pas de faire votre commission.

La voiture tressautait sur une route empierrée. Des nids de poule ici ou là obligeaient le conducteur à faire d'importants écarts. Ils roulaient au pas. De loin, Marjorie vit la baraque au toit de tuiles rouges qui semblait adossée à la montagne toute proche. Sa forme trapue laissait entrevoir le corps d'une vieille ferme remise au goût du jour. Massive, trapue, elle arborait fièrement des murs de pierre d'une largeur imposante. Chaude en hiver et gardant la fraîcheur en été, un havre de paix couleur locale. Un endroit dont le propriétaire ne se montrait pas. Les deux étrangers sur ce lopin de terre cherchaient à en deviner la présence.

Quelques poules criardes filaient dans la cour. Un chat gris sur une fenêtre releva les paupières juste le temps de voir que les arrivants n'avaient pas de mauvaises intentions. Toutes les fenêtres, tous les volets, étaient neufs ; du PVC qui tranchait avec les murs de pierres dont les joints étaient apparents. Une belle demeure, dans un style bien des Hautes-Vosges. Yann s'approcha du potager parfaitement bêché. Quelques arbres fruitiers au feuillage vert gardaient encore des vestiges des fleurs qui annonçaient de beaux fruits pour l'automne.

Tout au fond du verger, une silhouette bleue tourna son regard vers les intrus. Cette forme grandit rapidement : un homme à la stature imposante – à l'image de sa maison – revenait d'un pas assuré vers le couple.

— Bonjour, Messieurs-Dame. Je peux quelque chose pour vous ?
— Bonjour. Est-ce que Yann Sarran vous dit quelque chose ?
— Sarran ? Je veux, oui ! Mais il est… alors, c'est pourquoi ?
— Vous avez fréquenté l'école du Phény ?
— Oh, c'est si loin tout cela… Comme le temps passe ! Mais qui êtes-vous ? Des parents de Yann ?
— Je suis son épouse, oui. Et je vous présente le fils de… Clémence Tisserant.

À l'énoncé de ce nom, les sourcils de l'homme avaient froncé. Il se souvenait sans aucun doute de cette femme.

— Yann… Clémence… Mon Dieu, les souvenirs reviennent comme des vagues. Et que puis-je pour vous ? Je crois que votre mari n'est plus avec nous.
— Oui, depuis l'automne. Et Clémence non plus. Morts les deux l'année dernière.
— J'en suis bien désolé pour tous les deux. C'est vrai que c'était mes amis ! Mais comment m'avez-vous trouvé ?
— C'est Gisèle, de « La Mauselaine » qui nous a donné votre nom et, ma foi, les gens du village semblent tous vous connaître. Votre ami Jean-Michel nous a indiqué votre maison.
— Alors, venez vous rafraîchir à l'intérieur. Ne regardez pas trop, vous êtes chez un vieux garçon. Je n'ai jamais été marié.

Dans la cuisine, tout était pourtant en ordre. Rien ne traînait, et une immense cuisinière émaillée avec ses cercles d'acier n'attendait plus que les marmites. Le gamin, qui n'avait plus dit un mot depuis son bonjour, avait les quinquets qui surfaient sur tout ce qui les entourait. Il restait sur ses gardes, suivant l'homme au pantalon de velours brun-or qui posait des verres sur une table costaude. Lui ne se privait pas non plus de reluquer sans vergogne – mais d'une manière correcte – les formes de la femme de son ami. Elle devait être de leur âge, et était d'une beauté stupéfiante.

Le gamin qui accompagnait cette pouliche avait un petit air de Clémence. Ah, Clémence… Une fille qu'il avait aimée. Au point de n'avoir plus jamais eu envie d'en connaître d'autres depuis sa fuite. Et là, apprendre comme ça que l'amour de toute une vie était sous terre… il avait pris une véritable gifle.

— Donc vous êtes le gamin de Clémence. Eh bien, c'est vrai qu'il y a des traits d'elle en vous.
— …
— Que vous a donc raconté notre bonne Gisèle ? Pour qu'elle vous envoie ici, ça devait être rudement important.
— Je me prénomme… Yann.
— Oui, un prénom courant chez nous, enfin pour nous les anciens. Le mari de Madame, moi, et plein d'autres également ; un phénomène de mode que nos parents ont suivi à un moment dans leurs vies.
— Je voudrais… si vous me le permettez, vous montrer ceci.

De la poche de son pantalon, le garçon avait fait jaillir une feuille de papier qui glissa sur le bois verni de la table. Tout d'abord, l'homme regarda le rectangle écrit, sans comprendre. Puis sa main énorme s'en saisit. La missive dépliée, il était perdu dans une lecture attentive du billet. Au fur et à mesure de l'avancée de ses yeux sur la lettre, ses mains tremblaient.

— Mais… mais, je ne savais rien. Pourquoi ne m'a-t-elle jamais… enfin, je l'aurais rejointe. J'ai passé ma vie à l'attendre, à l'espérer. Et puis voilà que ce foutu papier me donne un coup. Un deuxième coup dans la même journée.

Une larme était apparue aux coins des yeux bleu délavé de l'homme. Ses deux mains se cramponnaient au tablier de bois.

— Mon Dieu ! Mais pourquoi ? Vous seriez donc mon… vous êtes ? Tu es, je ne sais plus ce que je dis ! Je dois digérer ces nouvelles. Ce n'est pas possible. C'est donc parce qu'elle était enceinte qu'elle a si brusquement disparu ? Personne, je vous le jure, personne n'a su où elle était partie. Et voilà que j'aurais un fils. Je peux vous regarder ? Mon Dieu, c'est vrai que vous lui ressemblez tellement… Et vous, votre prénom, Madame ?
— Marjorie. Marjorie Sarran.
— Alors Yann serait mon… mon petit ? Elle n'a jamais donné signe de vie, je n'ai jamais compris pourquoi. Vous savez, j'ai aimé votre… ta mère comme un fou, comme un dingue, et nous n'avons… juste une fois. C'est dingue ! Vous vous rendez compte ? Une seule nuit passée ensemble et la voici qui ressurgit, des années plus tard avec les traits d'un fils.
— Je comprends votre désarroi ; la vie nous réserve des choses, parfois.
— Je veux tout savoir de vous… je peux vous dire « tu » ?
— Ben oui, je crois que vous êtes ce père dont j'ai toujours rêvé ; j'ai toujours voulu savoir, mais maman ne m'a jamais parlé de vous. Mais je suis heureux d'être là ! Près de vous.
— Oh, dis-moi « tu » aussi, s'il te plaît. Nous devons faire connaissance tous les deux. Je veux tout savoir de toi et que tu m'emmènes voir où Clémence repose.
— Un temps j'ai cru que Yann Sarran était mon père. C'est Gisèle qui nous a dit qu'il existait un autre Yann qui avait fréquenté maman.
— Je suis content que vous soyez venus tous les deux. Votre mari et moi avons fait les quatre cents coups… mais Clémence et moi, c'était… c'était comme un coup de foudre. Je l'ai aimée de suite, et longtemps sans rien lui dire. Puis un soir en revenant d'une pêche aux écrevisses… nous avons… juste cette nuit-là. Mon Dieu, pourquoi ne m'a-t-elle jamais rappelé ? Comme j'aurais été content de l'épouser ! Tenez, regardez, voyez-vous cela ?

L'homme avait saisi dans un tiroir un sachet de cellophane. À l'intérieur, une mèche de cheveux.

— Les cheveux de ta maman. Tu vois, je les ai gardés tout ce temps. J'ai toujours espéré qu'un jour elle me reviendrait.
— Bon. Eh bien si vous voulez, Yann me ramène chez moi et il reviendra avec sa voiture. Vous pourrez passer un peu de temps tous les deux. Vous n'avez sans doute pas besoin d'une chandelle pour vos retrouvailles. Du reste, vous pouvez aussi venir me déposer chez moi. Avec votre… fils, je veux dire.
— Ne soyez pas si pressée. Je vous remercie de m'avoir ramené mon garçon.
— Mais je n'y suis pour rien, vous savez. Il est venu à moi, et j'avais aussi besoin de savoir. Un moment j'ai pensé qu'il pouvait être le fils caché de mon mari, mais nous n'avons jamais pu devenir parents. J'imagine donc le choc pour vous, mais également ce bonheur de voir débarquer un enfant dans votre vie, même si longtemps après… vos amours avec sa mère. Mieux vaut tard que jamais.
— Oh, reste, Marjorie. Reste encore un peu… je veux bien partager mon bonheur avec toi. J'aurais aimé aussi, même un court instant, que tu sois ma mère.

Elle savait pourtant que ce qu'ils avaient eux deux partagé ne serait plus jamais filial. Le sexe, l'envie de lui était toujours là, moins violente mais plus pernicieuse, et elle ne voulait pas avoir de regrets ou de remords. Dommage qu'il n'ait pas aussi pris sa voiture pour venir ici. Le père avait les yeux mouillés et s'efforçait de digérer la nouvelle, mais un trop-plein débordait de son cœur. Pour le moment, il n'avait sans doute pas vraiment réalisé, mais il allait analyser la situation, et finalement le voyage vers Gérardmer que ces deux-là allaient faire serait un bon moyen de mettre à profit ce laps de temps pour faire le point.

Il se décida à attendre seul le retour de ce fils tombé du ciel. Dans le véhicule, le gamin ne tenait plus en place ; il roulait trop vite et se fit vertement tancer. Tout à son bonheur, il aurait bien pu faire une bêtise sur la route. Marjorie, elle, revoyait en boucle les réactions de cet inconnu. Tout comme son mari, il avait voué tout son amour à une seule femme. Le jour où il venait d'apprendre l'existence de son fils, c'était aussi celui de voir son cœur déchiré par une absence impossible à combler. Les morts ne revenaient jamais de leur paradis.


Lors du retour, l'exubérance de Yann avait irrité Marjorie. Il avait pris congé rapidement, presque sans la saluer. Il n'avait que son père en tête, ce qu'elle pouvait comprendre. Pourtant le chalet lui parut tellement vide après son départ… elle aurait presque dit « sa fuite ». Le jeune homme, l'esprit ailleurs, avait même omis un bisou sur ses joues ; la fierté de la brune en prenait un bon coup. Aurait-elle souhaité une fois de plus faire l'amour avec lui ? Cette idée avait un court instant traversé son esprit, mais pas question de faire à nouveau le premier pas.

Les feux de la voiture qui disparaissait au coin du portail lui apportèrent un coup de blues. Cette sensation de solitude, de perdre encore une partie de son âme. Elle en venait à se dire qu'elle aurait préféré qu'il ne rencontrât pas ce Mougel. Une fois de plus elle se réfugia dans son univers résineux, et assise sans bouger dans un salon trop parfaitement rangé, elle se prit la tête à deux mains. Une envie d'avaler un alcool fort, quelque chose de costaud, avancer ou tenter de le faire arriver plus vite, une façon d'oublier encore !

Combien de mini-verres de mirabelle avait-elle bus quand elle comprit que le téléphone de la cuisine lui vrillait les tympans ? D'un pas lourd, elle revint pour s'en saisir. Le son strident cessa avant qu'elle l'eût atteint. Puis la lumière rouge d'un message, comme pour la narguer, se mit à faire comme des flashs devant elle.

— Bonjour. C'était pour te dire que j'étais bien arrivé. Mais apparemment tu es sortie. J'ai oublié de t'embrasser avant mon départ. Alors ne m'en veux pas. Je reviendrai te voir, si tu le désires. J'ai… j'ai aimé ce que tu m'as donné. Je ne suis pas un habitué de ce genre de situation, mais je sais que tu as été fabuleuse. Jamais personne ne m'avait rendu aussi… heureux. Je suis chez mons… enfin, mon père. Et tu vois, je me sens bizarre, comme si j'avais un regret que ton Yann ne soit pas mon… bon, tu comprends sans doute ce que je veux te dire. Rappelle-moi s'il te plaît.

Une seule pensée pour ce gamin, et le grognement qu'elle proféra semblait vouloir dire « petit con ! » Elle reposa l'appareil sur sa base. Non ! Elle ne rappellerait sûrement pas. Son ventre pourtant lui hurlait qu'elle devait le faire. Il aurait aimé, lui, une autre visite alors que son esprit s'engluait dans son refus.


Au bout de trois jours, Marjorie avait repris son train-train habituel, mais elle avait tenu bon et, murée dans un mutisme total, avait mis un point d'honneur à faire fi des réclamations de ses hormones. Ses mains – du moins pour un temps – avaient apaisé son corps qui maintenant retrouvait un goût certain pour le sexe. Faire l'amour avec ce jeune homme s'était avéré finalement être un remède pire que le mal. Avant, elle pouvait y songer sans que cela devienne impérieux ; désormais, les sensations retrouvées ne s'éloigneraient plus de son esprit. Elle avait réappris le verbe « aimer », et faire l'amour devenait indispensable à son équilibre. Son seul problème, c'était d'avoir sous la main, l'élément essentiel permettant une bonne réalisation de ces envies. Elle se surprit à sourire en songeant qu'elle aurait apprécié… juste la queue, sans le bonhomme qui irait avec celle-ci.


Un mois que Yann junior était reparti. Elle n'avait pas répondu à son message, et pourtant les mains, les caresses de ce garçon la hantaient encore chaque soir. Son jardin mobilisait toute son attention : tondre la pelouse, semer ou repiquer des légumes dans son potager, un bon moyen de se remettre en silence de toute cette aventure. Elle l'avait cru au début. Et si pendant quelques heures son esprit avait déconnecté d'une réalité plutôt sinistre, il se reboutait chaque fois qu'elle revenait dans les endroits où elle avait… forniqué avec le jeune homme. Elle analysait ses attentes, comprenant que seules ses tripes quémandaient des câlins.

Elle venait de plonger avec délice dans sa baignoire, délassant ses muscles endoloris par de trop longues stations à genoux ou accroupie. L'eau tiède et les sels de bain formaient une mousse épaisse de laquelle seuls émergeaient ses seins. Elle ne les touchait pas, se contentant de penser à… et sous ses yeux les tétons durcissaient, s'allongeant tout seuls. Étendue dans la vasque de porcelaine blanche, Marjorie voulait juste un peu de paix. Elle replia ses gambettes, et sa tête tout entière disparut sous la mousse et l'eau. Quelques bulles montaient de l'endroit où elle s'était immergée.

Un grand moment plus tard, la serviette qui frottait son dos ralluma la chaudière, et elle se crispa pour ne pas se tripoter. Non ! Décidément, son désir de sexe s'accentuait et devenait incontrôlable. Alors, prise par un tourbillon de folie, elle se mit en tête de sortir. Une jupe sombre, un corsage juste un soupçon plus clair et elle fut prête à quitter la maison. En montant dans sa petite berline, elle se surprit à lui préférer celle qui n'avait plus roulé depuis que son mari l'avait remisée là.

Le ronron du puissant moteur propulsait maintenant l'engin à une vitesse supérieure à celle permise. Marjorie n'en avait cure. Elle appuya sur un bouton, et en roulant le toit se replia dans le coffre. Le vent se mit à jouer dans ses cheveux. Elle fonçait sur une route à quatre voies, sans but, et sans penser à rien. Quand elle réagit enfin, elle était bien loin de son domicile ; mais la petite route qu'elle empruntait depuis quelques minutes, pourtant elle la connaissait. Là-haut, la cour d'une ferme rénovée l'avait attirée comme un aimant. Pas de voiture visible dans cet espace où vaquaient des poules, les mêmes que la première fois. Et le type en bras de chemise, qui sur le pas de la porte regardait d'un air suspicieux la grosse bagnole arriver, elle le reconnaissait également.

— Ah, c'est vous, Madame Sarran ? Je ne reçois guère de visite, et encore moins de gens avec ce genre d'engin.
— C'est – enfin, c'était – celle de mon mari. Votre fils va bien ? Il n'est pas là ?
— Non. Il a repris sa vie. Vous savez, ses études, la maison de sa mère… Il est grand et n'a pas réellement besoin de moi. Mais j'avoue que depuis qu'il est apparu dans ma vie, je me sens… seul, vieux, pour ne pas dire inutile.
— Je connais cela aussi, vous savez ; mon Yann me manque et je tourne en rond dans ma tanière, alors j'ai eu envie de rouler, n'importe où, n'importe comment, sans vrai but.
— Alors c'est le hasard qui vous a ramenée ici ?
— Le hasard ? Je ne sais pas. Mais je vous dérange, sûrement…
— À notre âge, les jolies femmes ne nous dérangent plus : elles nous inquiètent. Je venais de finir de m'occuper de mon potager, alors je ne suis guère présentable. Tout transpirant et suant de partout, je dois vous offrir une piètre image de moi.

La brune sourit. C'était vrai que de fines gouttelettes de transpiration coulaient sur le font du bonhomme. Il portait un pantalon de toile bleue, noirci aux genoux.

— Entrez un instant, je vais me sécher ; ici, on attrape facilement la crève, même en cette saison. Mais vous êtes comme moi Vosgienne, et vous le savez mieux que quiconque.

Tout en discutant, l'homme avait ouvert la porte de la cuisine. Il s'effaça pour laisser pénétrer Marjorie dans la pièce fraîche.

— Tenez ; je vous sers un verre et je vais me changer.
— C'est bon. Allez d'abord vous sécher et nous boirons ensuite ; je n'ai pas une soif aussi impérative.
— Merci. Ça ne sera pas bien long.

Yann était déjà devant une autre porte, celle de la salle de bain sans doute. Il n'avait pas même pris la peine de refermer derrière lui. Une seconde plus tard, un bruit d'eau parvenait à la brune qui attendait debout dans la cuisine. En faisant un pas vers la porte-fenêtre qui donnait sur le verger, elle passa devant cette ouverture et stoppa net son mouvement : l'homme entièrement nu se frictionnait le torse vigoureusement. Tout d'abord elle pensa que c'était un ours qui se trouvait derrière la porte.

Elle le voyait de profil ; ses mains promenaient un gant de toilette sur ses cuisses. Il fit demi-tour, et son dos devint visible. Deux fesses aussi velues que le reste s'affichaient sans vergogne au regard de Marjorie. Ne se doutait-il de rien ? Avait-il sciemment laissé cet accès entrouvert ? Une fois encore le corps massif de Vosgien pivota d'un quart de tour. La brune avait une vue directe sur un sexe en semi-repos. Yann passait toujours son gant savonneux sur le bas de son ventre, astiquant sans ménagement la partie qui allait de la poitrine à cet entrejambe bien fourni. Il ne s'embrassait pas de préjugés malsains, et elle le vit décalotter son sexe pour enduire de mousse un gland rose et… conséquent.

Cette vision de cette chose ramena à la surface de la brune une envie somnolente. Elle ressentit soudain comme une pulsion et faillit faire un pas vers lui. Elle se ravisa juste au dernier moment, mais elle avait aussi sursauté ; et quand elle releva les yeux, ils croisèrent ceux de Yann. Elle ne savait plus quelle attitude adopter. Comme une godiche, elle ne bougeait plus ; elle remarqua que lui avait comme un sourire aux lèvres. Marjorie était dans une sorte de brouillard. Un court instant elle se demanda ce qu'elle faisait là ; ses jambes étaient en coton, son cœur battait à tout rompre, mais elle n'avait pas quitté les quinquets de l'homme, pas plus que lui ne les avait baissés.

Elle se rendit compte qu'il avait mis un pied hors de la douche et avançait vers elle, ruisselant. Sa main venait d'attraper la sienne ; elle ne réagit pas, comme tétanisée.

— Viens ! Avance donc.

Elle était dans une salle de bain plutôt spartiate : un lavabo et une douche qui continuait de couler. L'homme la pressa contre lui et s'engouffra de nouveau sous le jet dégoulinant. Toute vêtue, elle se retrouva sous le pommeau qui distillait toujours son eau tiède. Le type entreprit de la dénuder là, sans aucune résistance de sa part. D'abord le corsage qui ruisselait. Puis la jupe entièrement trempée. Elle ne portait plus qu'un soutien-gorge et un string minuscule. Il ne chercha pas à retirer les deux pièces de lingerie féminine ; il la souleva de ses bras musclés et la soutint contre le mur du fond de la douche.

Marjorie avait la bouche ouverte de stupéfaction. Une patte avait poussé sur le côté sa dérisoire protection, et quand des bras forts l'avaient laissé glisser le long du corps masculin, son dard avait immédiatement trouvé l'endroit accueillant. Il l'enfilait là sous le jet d'eau, et elle, conne au possible, ruait des fesses pour se sentir possédée au plus profond. Elle frétillait sur la bite d'un type presque inconnu. Et quelle queue ! Cette chose lui écartait les lèvres, s'insinuait en elle lentement, semblant ne jamais finir de la pénétrer.

Elle était désormais entièrement plantée sur le vit épais et long. Les deux mains sous ses fesses se contentaient de la soutenir. De son côté, elle avait noué ses deux bras autour du cou de l'ours qui la baisait. Elle se trémoussait en tentant de se relever pour mieux se repiquer sur le sexe bandé. Déjà les premiers signes d'un orgasme étaient là. Faire l'amour comme ça, sans être vraiment nue, juste sous un pommeau de douche qui coulait, sentir des mains qui se crispaient sous son cul, tout concourait à lui donner un plaisir immédiat.

Quand elle se mit à râler, Yann devint incontrôlable, donnant de furieux coups de reins à la belle qui adorait cela, finalement. Alors, sans doute irrité par le soutien-gorge qui frottait sur sa pelisse, l'homme se mit à fléchir sur ses jambes mais en maintenant la belle. Ils se retrouvèrent au sol, les épaules de Marjorie appuyées sur le carrelage. À genoux, il fit monter les jambes serrées, droites, devant son visage et il reprit sa besogne. Ses coups de queue devenaient plus profonds, plus rythmés aussi. La salle de bain était remplie du bruit de l'eau et des cris féminins que la gorge de la brune ne pouvait plus contenir.

Marjorie avait perdu la notion du temps et de tout ce qui l'environnait. L'eau ne coulait plus depuis longtemps que Yann la pistonnait encore. Elle n'avait pas dit un mot, seulement crié de plaisir. Il était revenu à la charge une fois, deux fois… Puis, alors qu'elle planait dans des nuages cotonneux, elle comprit qu'il la limait toujours, à genoux au début, puis couché sur elle avant de la prendre en levrette : il avait expérimenté toutes les positions sans qu'elle renâcle ou rechigne une seule fois. Là elle était sur le côté, lui derrière elle, et la main de l'homme lui caressait la chatte alors qu'il la prenait en douceur.

Il la fit se remettre à genoux devant lui, et sans rien lui demander entreprit de la sodomiser. Au début, l'engin énorme eut de la peine à se frayer un chemin dans l'étroit canal, mais une fois la tête passée… le reste avait suivi. L'homme était un long moment resté inactif en elle, savourant peut-être cette pénétration différente, ce qui avait permis aux muscles de la brune de se détendre. Assoupli, détendu, le lieu était devenu le garage de la bête masculine. En lui tenant la taille, il avait alors entamé un repli qui avait amené le gland à la limite de la sortie. Ce n'était que pour mieux s'enfoncer plus vivement ensuite.

Marjorie, posant une joue sur la faïence, l'avait laissé faire. Et il l'avait à nouveau limée, comme une chienne. Elle criait, hurlait des mots insensés sans pour autant se dérober à l'étreinte, et le piston accomplissait ses mouvements sans qu'elle en souffre. Le coït se prolongeait. Elle avait d'elle-même plaqué ses fesses contre le ventre de cet homme. Elle était dingue ; elle prenait un plaisir fou à se laisser enculer par ce mâle qui savait si bien retenir son propre plaisir…

Du reste, il ne s'était pas épanché une seule fois en elle. Durant les premiers assauts, sa chatte n'avait pas eu l'honneur de son sperme. Par contre, là, dans son derrière, la brune sentait que la bite tressaillait, et elle attendait dans sa tête le jet libérateur de Yann. Elle fut déçue de le sentir de retirer brutalement, et la queue lui éclaboussa le dos. Les longues traînées étaient chaudes, zébrant le haut des reins de Marjorie. Lui soufflait et éjaculait bruyamment, signifiant la fin de leur rodéo aquatique.

Quand l'avait-il ramenée dans un drap en éponge sur le canapé ? Elle ne savait pas vraiment. Elle s'en fichait même un peu. Elle était enroulée dans la serviette, et il la serrait contre sa forêt vierge. Il se déplaça juste un peu pour que sa tête vienne se poser sur le haut de ses cuisses. Elle avait le visage tourné vers son torse. Alors, sous sa joue, l'objet qui revenait à la vie n'avait rien d'étrange. Quand le cylindre de chair se trouva totalement ragaillardi, il atteignait ses lèvres. De la bouche à la fellation, il n'y avait que l'ouverture des lèvres à réaliser ; elle ne se fit pas prier pour lécher ce sucre d'orge d'un nouveau genre.