Scène 6

On retrouve les mêmes au même endroit une heure plus tard. Bernard est complètement torché. Il a la main posé sur le bras de Brodsky qui semble lui aussi éméché, mais ce n'est qu'une impression.

Bernard

Si c'est pas malheureux, Brod'… Mets-toi à ma place. J'étais un prince de la pègre, le roi d'Aubervilliers, le duc de La Courneuve ; j'avais soixante loufiats à ma pogne et une centaine de gagneuses qui trimaient par amour de ma pomme. Et puis PAF ! Quinze ans de placard. Et quand tu sors de là, eh ben t'es plus rien. Tu débarques dans un monde sans humanité, sans argent liquide, sans code d'honneur. Oui, Monsieur, un code d'honneur, on avait. Braquer une vieille, par exemple ; je dis pas que ça nous arrivait pas des fois… mais seulement dans les quartiers riches. Mais tu veux que je te dise ? Il n'y a plus de déontologie chez les truands. Ça me déprime…

Brodsky

Bah, pleure pas, Nanard… Tiens, je vais te dire un truc, comme ça, d'homme à homme : si t'étais pas sur un coup aujourd'hui, je crois bien que Mériade et moi on te prendrait comme associé.

Bernard

C'est vrai ? Vous feriez ça ?

Brodsky

On voit tout de suite que t'es une pointure. Un mec comme toi, c'est rare. La preuve… tu es sur un coup.

Bernard

Un coup, ouais… mais c'est plus pareil.

Mériade

Comment ça ?

Bernard

C'est pas un coup de cador. Tu parles… Vider le compte d'un émir avec un ordinateur… Pfft… Un truc de gonzesse. La preuve, tiens… Figure-toi que c'est une gonzesse qui va piloter l'opération.

Brodsky

Alors là, vieux, je te comprends… Si c'est une gonzesse qui est aux commandes…

Bernard

On ne dit plus « gonzesse » d'ailleurs, aujourd'hui, figure-toi. Non… on dit une inana.

Brodsky

Pfft… quelle époque de merde, mon Nanard ! T'as raison…

Fondu au noir.