Chapitre 1

Les personnages et les situations de l'histoire qui va suivre sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

J'ai raconté dans un épisode précédent (Lazarius & la dame aux cheveux gris) que je suis un des rares survivants du syndrome de Barjavel, cette maladie – dont l'agent infectieux demeure non identifié – qui a presque totalement anéanti la communauté masculine de la planète ; je ne m'étendrai donc pas là-dessus.

Toutefois, il n'est pas toujours facile de vivre dans un monde où il n'y a plus qu'un homme pour 50 000 femmes (et encore, parmi ces hommes il y en a en bas âge et quelques rares vieillards) ; même si la gent féminine est dans l'ensemble plutôt bien élevée et peu agressive, il vaut mieux éviter certains quartiers, certaines zones dites « sensibles » quand on est un homme et que cela se voit.
Je me déplace souvent en voiture, avec mes vitres fumées ; et encore, je reste prudent.

J'ai raconté dans l'histoire précédente que j'ai dû abandonner mon activité de médecin libéral ; c'était devenu trop compliqué : il m'aurait fallu des gardes du corps, des vigiles à l'entrée de mon cabinet, et j'aurais même dû me faire assister à chaque consultation par une infirmière pour éviter tout débordement de mes patientes. Or je n'aime pas pratiquer ainsi, et de toute façon trop de motifs de consultations étaient bidons, et je risquais que des patientes « insatisfaites » portent plainte contre moi par vengeance.

Donc rapidement je suis resté chez moi pour bosser en télétravail, exerçant dans le conseil. Mais ça m'a très vite gonflé. Et puis, quand on bosse par mail ou sur des forums, à moins de se faire passer pour une femme, le même cirque de harcèlement recommence vite.
Évidemment, on peut se faire passer pour une femme ; mais jouer avec mon identité n'était pas mon truc : je n'aime pas jouer un rôle, me faire passer pour un autre.

Diverses personnes – rencontrées physiquement ou sur Internet – me firent vite comprendre qu'il y avait une vraie demande, vu le ratio hommes/femmes, pour des prestations en nature.
Je m'en étais bien douté, mais c'était illégal, et il fallait être prudent.

Néanmoins, j'arrivai à m'entourer de personnes de confiance (qui étaient aussi intéressées car elles allaient profiter bien entendu de mon business grâce à un pourcentage sur mon chiffre d'affaires). Cependant, le risque – ou le côté pervers – de cet intéressement à mes gains était qu'elles risquaient ne me dégoter une clientèle exclusive de bourgeoises friquées mais exigeantes.
Attention : je voulais rester maître du jeu, imposer mes préférences et mes règles.

Si j'ai toujours été attiré par le SM, c'était pour rester du côté du manche, et non pas pour devenir le toutou de ces dames. Pas question que je devienne le gigolo prêt à tout et à ramper pour du fric, ni le jeune Chippendale dont on remplit le slip de biffetons et qu'on fait marcher à genoux pour un gros billet.

De toute façon, je n'étais ni un playboy (pas même un beau gosse, physique tout à fait ordinaire) ni un minet (j'avais « fêté » mes 41 ans dans le coma dont j'avais mis plusieurs mois à sortir et à m'en remettre), et je n'étais pas impécunieux. J'avais besoin de gagner ma vie, et je la gagnais correctement avec des activités légales mais ennuyeuses ; je pouvais gagner davantage sans abuser ni attirer l'œil du fisc sur moi, sans trop me fouler, en faisant ce que je voulais et en sélectionnant mes clientes.

J'appris, bien entendu, qu'un certain nombre de mecs (enfin, ceux qui l'acceptaient et qui ne demeuraient pas monogames ou fidèles à leur petite femme) pratiquaient le même business, et ceci dans tout le pays. Évidemment, la plupart « exerçaient » dans la capitale ou les grandes villes de province, vivant dans des endroits agréables (pourquoi se gêner) et travaillaient plutôt avec la meilleure clientèle : les femmes friquées, les plus jeunes de préférence, les plus minces et les mieux foutues.
Les tarifs qu'ils pratiquaient dépendaient évidemment du pouvoir d'achat de leurs belles clientes ; ainsi, pour les jeunes et jolies, ils appliquaient des prix plus raisonnables (sauf pour les playboys les plus jeunes, les plus canons, les plus endurants), prix qui augmentaient quand les dames dépassaient la quarantaine, voire la cinquantaine.

Je me suis alors dit qu'il y avait de la place pour tout le monde, et qu'avec mon physique banal et mon âge moyen, autant me positionner sur les quinquas et sexas, sur les rondes et les grosses (que j'affectionne), et sur des femmes des classes moyennes ou moyennes/supérieures qui pouvaient se permettre un folie de temps en temps entre 500 et 2 000 €.
Et puis, en plus de ces critères, je me mettais au service de femmes rondes et/ou mûres – voire très mûres – qui avaient des fantasmes de fessée, de soumission, voire de vraies masochistes.
En somme, je joignais l'utile à l'agréable.

J'acceptai également de me déplacer en province, moyennant un tarif supplémentaire pour mes frais et mon temps passé, étant donné que ma « prestation » pouvait durer quatre heures ou plus, selon des tarifs en conséquence.

Je joue un peu avec le feu, je l'avoue, mais toute activité illégale – soit-elle d'utilité et de salubrité publique – a sa part de risque.

Cela fonctionne essentiellement par le bouche à oreille.
Parfois mes « postulantes » (qui deviennent parfois mes clientes) se sont vu essuyer un refus par un jeune mec ou un homme mature de province parce que « trop vieille », « trop grosse », « trop typée » (on dirait une vieille pub d'une célèbre marque de fromage fondu…), ou bien le prix qui leur était demandé était exorbitant (et dissuasif) eu égard à leur bourse ou à cause de leur physique.

Moi, j'aime bien les physiques quelconques ; cela m'importe peu à condition que la personnalité de la dame me convienne, et si mes demandes me plaisent et m'attirent.
Avec les deux personnes qui travaillent pour moi, l'organisation est désormais bien rodée : elles examinent les demandes avec des photos – voire une vidéo – de la dame, et un questionnaire sur leurs poids, taille, mensurations et leurs goûts, leurs souhaits, leurs fantasmes.

Certaines, et c'est bien normal, veulent être prudentes et envoient des photos qui masquent leurs yeux, des vidéos où l'on ne voit pas leur visage ; au début, de toute façon, elles restent anonymes. Et certaines le restent jusqu'au dernier moment, c'est-à-dire le moment où je les rencontre pour la première fois.

Lors de cette première rencontre physique (toujours dans un appartement loué à des femmes désireuses de rentabiliser un peu leur bien et qui ferment les yeux sur l'usage qui en est fait – d'autant que j'ai à cœur de le leur rendre toujours en ordre et en parfait état – la population ayant été divisée par deux à cause du fléau, le prix de l'immobilier s'est effondré), je me réserve une dernière fois le droit de refuser la prestation, chose que je ne fais jamais : étant déjà en possession de photos, vidéos et questionnaire de la dame, j'ai pu me faire une bonne idée de son physique et de sa personnalité ; tout au plus puis-je ajuster le prix demandé (10 % maximum, comme annoncé dans le contrat informel).

Naturellement, c'est réciproque : ces dames ont le droit d'être déçues par ma personne et mon physique. Mais j'ai vite appris que les femmes sont très cérébrales ; et le charisme, le charme, et ma façon de traiter avec elles sont tout aussi importants et l'emportent le plus souvent, en définitive.

Parfois, j'ai des surprises. Non que le physique de la dame soit très en deçà de ce que j'avais cru, ni bien au-dessus. Non, je veux dire qu'il s'agit de personnes connues. Et dans ce cas, mes agentes m'en avertissent très en amont sans savoir de qui il s'agit car elles restent anonymes et masquées jusqu'au dernier moment.

Bien entendu, la plupart sont assez craintives et exigent des garanties ; il y en a même qui viennent le jour de la rencontre avec une de leurs agentes qui demande tout d'abord à inspecter l'appartement à la recherche d'une caméra cachée, d'un micro. Elles ont très peur de faire l'objet d'un chantage. Avec moi, elles sont en général vite rassurées car j'inspire confiance ; et je leur explique que si j'agissais de la sorte alors que j'ai une réputation – fût-elle clandestine – je tuerais le métier et assécherais mon potentiel de clientes.

Néanmoins, la qualité de mon « service », ma discrétion, exigent un tarif plus élevé ; mais cela les rassure, et elles acceptent de payer plus. Voilà comment je m'en sors bien.

J'envisage néanmoins de louer une maison spéciale pour elles, à la campagne, retirée et loin de tout, dans un endroit isolé et discret, pour les rassurer.
Parfois mes agents leur proposent que l'entrevue et la suite se passent dans un endroit de leur choix, ce qu'elles acceptent parfois. Rarement dans une résidence qui leur appartient (afin que je ne sache pas trop de choses, que je ne risque pas d'avoir d'emprise sur elles), mais une maison qu'elles ont louée pour la journée à une personne discrète également : on n'est jamais trop prudent.

Bien entendu, j'établis la plupart du temps de bonnes relations avec mes clientes, des relations chaleureuses, saines, basées sur la confiance mutuelle, la loyauté. D'autant qu'après, elles m'envoient des connaissances, parfois… Souvent, même.

Par contre, je n'aime pas tourner avec une clientèle toujours la même. Outre la monotonie, c'est compliqué pour moi de devoir me renouveler. Si elle a envie de « la même chose » lors des fois suivantes, en réalité elle a rapidement envie de variété, de changement, et c'est difficile au bout de plusieurs rencontres de faire pour qu'elle ne soit pas déçue. Donc, au bout de plusieurs semaines ou mois, mon agenda devient trop plein, trop tendu, et elle finit par comprendre qu'elle devrait s'adresser ailleurs.
À moins que j'aie envie de la surprendre, que je sois assez inspiré pour lui faire découvrir d'autres choses.

Il ne faudrait pas tomber dans la routine d'une vie de couple, d'une relation amant-maîtresse qui s'éternise et s'enlise dans l'ennui, l'habitude, et qu'il ne reste à la fin que de la tendresse ; bref, qu'on finisse par se voir pour prendre le thé ensemble et jouer aux échecs… Ce serait un peu cher pour ça !

Mais, pour en revenir aux « surprises », je vais vous raconter qui j'ai été amené à rencontrer il y a peu.

Agnès (mon agente) m'informe en effet qu'une personne qui a souhaité s'offrir mes services dit être « connue » et demande que sa demande soit examinée avec la plus grande prudence et une extrême discrétion. Agnès lui a répondu que la discrétion était garantie par la maison et que l'on pourrait examiner sa demande, sans photo ni vidéo, bien entendu.
La cliente lui précise simplement qu'elle est une personne qui a été très connue par le grand public car elle a travaillé pendant de longues années à la télévision.

Hum, une personnalité médiatique… Cela m'intrigue et pique ma curiosité ; c'en est presque grisant !

Sans lui demander de révéler son identité, Agnès – qui est très professionnelle, qui sait maintenant comment je veux travailler, et comment agir sans effrayer les clientes – lui demande par mail de commencer par remplir sa fiche technique et le profil de sa demande.

Je découvre la fiche technique :

66 ans, blonde, yeux gris, cheveux courts, 1,69 m, 61 kg, 85B-60-80.
Se décrit comme « jolie, souriante, pétillante, bien faite, ne fait pas son âge ».

L'âge me fait un peu tiquer. Bon, si elle est très jolie, pourquoi pas ? Même si elle n'est pas ronde, et en est même loin.
Admettons. Voyons la suite.

Questions sur les fantasmes SM

  1. Envies de soumission :
  2. □ psychologique □ physique □ sexuelle
  3. Envies d'exhibition
  4. Envies de bondage
  5. Envies de masochisme
  6. Envies de châtiments corporels

À la première question : oui pour les trois, avec le commentaire suivant : « Si climat de confiance, respect, progressivité, sans violence ni vulgarité, ni insultes, ni brutalité (je suis une petite chose délicate et fragile – sourire). Et avec l'hygiène et la sécurité sanitaire. »
À la deuxième question : oui, avec le commentaire suivant : « Si le regard de l'homme n'est pas dégradant, mais respectueux. »
À la troisième question : oui, avec le commentaire suivant : « Si pas douloureux… »
À la quatrième question : oui, avec le commentaire suivant : « Soft, et progressif. Je n'aime pas avoir mal. »
À la cinquième question : oui, « Idem. »

Là, je commençais à être intéressé !
Je demandai à Agnès de lui répondre que j'étais très respectueux de mes clientes, de leurs désirs, et que lors de la première rencontre – et à tout moment – on pouvait toujours arrêter le jeu.

Par ailleurs, elle lui écrivit avec mon autorisation qu'étant issu d'une profession de santé, je connais bien les femmes (ainsi que les femmes mûres), que je suis très délicat avec elles, et que je serai ravi de faire sa connaissance, que nous pourrions en parler – même sans engagement – si elle n'était pas prête.

Sa réponse fut enthousiaste ; elle semblait assez rassurée.

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