Acte 2

Depuis sept mois que Maud et Julien se voyaient régulièrement. La jeune femme n'avait qu'à se féliciter de ces rencontres toujours d'une douceur sans pareille. Ce garçon, c'était un être délicat, mais il avait quand même un défaut : il n'envisageait absolument pas un engagement plus profond dans leur relation. Chaque fois qu'ils se voyaient chez elle ou chez lui, ils faisaient bien entendu l'amour. D'autres séances de massage avaient eu lieu, et parfois elle s'essayait à être celle qui les prodiguait. Il était toujours content. Maud avait bien quelquefois tenté de relancer le débat sur des relations moins charnelles, à défaut d'être permanentes. Il restait évasif, faisant la sourde oreille.

À l'automne, chaque année, depuis l'ouverture de son cabinet, le kinésithérapeute partait une quinzaine de jours dans une ville du Sud pour un séminaire organisé par les pontes de cette profession. Il n'avait pas dérogé à cette habitude de douze ans d'âge. La ville en question en ce novembre se trouvait être Montpellier. À aucun moment il n'avait proposé à Maud de l'accompagner, et celle-ci se trouvait donc depuis la veille, solitaire. Il lui avait quand même passé un coup de fil dès son arrivée sur place. L'ennui, ce samedi soir, avait gagné la brune ; et sans trop se soucier de ce que Julien en penserait, elle sortit.

Comme lors de leur rencontre, la pizzeria d'Aline et Marc recevait donc la visite de la belle esseulée. Là encore, la femme affairée allait et venait dans son cadre de travail, n'ayant que peu de temps pour bavarde, mais en fin de service elle vint souffler quelques instants près de celle avec qui elle avait partagé les bancs de l'école communale.

— Tu n'as pas ton chevalier servant ce soir ?
— Non : il est à Montpellier pour un colloque de kinés, et il va y demeurer deux semaines.
— Il ne t'a pas mise dans ses valises…
— Pas vraiment. Tu sais, nous ne partageons que de rares moments ensemble ; rien de sérieux.
— Pourtant, à vous voir tous les deux, on pourrait imaginer…
— Oh, pour cela… oui, ça marche ; mais il n'envisage rien de plus posé. Jamais il ne veut parler de vie commune ou autre. Sinon, je t'assure Aline, c'est un homme charmant, un ami vrai et un… amant d'une douceur exquise. Et toi, avec Marc ?
— Tu vois, notre affaire marche bien, même si ce soir c'est l'exception qui confirme la règle. Il vient de finir de ranger sa cuisine. Tu le connais, c'est son truc ; il voudrait sortir ce soir, pour une fois qu'il n'est pas trop crevé.
— Ah ! Vous voulez aller où à cette heure ?
— Ben, il m'a parlé d'une boîte dans la montagne où nous allons de temps à autre… un club, je crois. Tu voudrais nous accompagner ? Je te préviens : nous y sommes allés une fois ou deux cette année ; c'est bien, mais aussi très… spécial.
— Spécial ? Explique-moi. Sinon, je veux bien sortir avec vous deux.
— Disons que cette boîte, c'est un peu… olé-olé ! Une boîte où les couples viennent pour échanger, mais pas seulement des idées, si tu vois ce que je veux dire.
— Tu veux dire une boîte libertine ? Je n'aurais jamais cru que… toi et Marc…
— Nous ne le chantons pas sur tous les toits, tu peux le comprendre. Et puis, ce n'est qu'une ou deux fois par an.
— Toi aussi, tu… échanges ? Je n'arrive pas à y croire !
— À vrai dire, je crois que cela a soudé notre couple. Je n'ai pas envie de le voir aller ailleurs, et tu saisis : il est content, alors moi aussi. Puis j'ose avouer que ça m'est arrivé de prendre un certain plaisir à le voir me regarder avec… bon, je ne te fais pas de dessin.
— Tu me sidères, là ! Comme quoi, on ne connaît jamais vraiment les gens. Mais c'est correct comme endroit ?
— Oh, là-dessus, tu peux me croire. Jamais un souci ; les personnes qui fréquentent ce genre de lieu sont très polies, très courtoises. Du reste, les samedis soirs sont réservés aux couples.
— Ah bon ? Alors, si je vous accompagne, je ne vais pas pouvoir entrer.
— Mais si : nous téléphonerons avant, et comme tu arrives avec nous, je ne pense pas qu'il y aura de souci. Attends-moi cinq minutes, je vais en parler à Marc.

Un peu estomaquée par la révélation de sa copine, Maud se tut. Aline était déjà debout, allant à la rencontre de son pizzaiolo de mari. De sa place, la brune aperçut le grand gaillard qui levait les yeux vers elle, un léger sourire en travers des lèvres. Il hocha la tête, fourragea derrière son plan de travail pour réapparaître quelques minutes après, un téléphone à l'oreille. Quand il reposa le portable, il chuchota quelques mots en direction de son épouse. Sa chevelure blonde coupée au carré sembla s'envoler alors que d'un pas leste elle revenait vers son amie.

— C'est arrangé ! Si tu veux, tu peux venir. Bon, tu sais où nous allons, et nous comptons sur ta discrétion, bien entendu. Puis dans le club, tu fais comme tu le sens. Ne te sens en rien obligée de… enfin, tu me comprends.
— Oui. Au moins je serai moins bête demain.
— Tu verras, c'est hyper sympa. Il y a un sauna, un hammam, des salons d'une propreté irréprochable. Et personne ne viendra t'ennuyer si tu ne le veux pas. Par contre, je ne peux pas te jurer que nous passerons toute la soirée à tes côtés. Marc a bien l'intention d'échanger, malgré ta présence. À moins que tu ne veuilles le faire avec nous.
— Je ne sais pas ; je ne connais rien de ces paradis dont tu me vantes les mérites, ma belle. Ma foi, allons-y, et je verrai bien, le cas échéant.
— Parfait, alors ! Monte avec moi à notre appartement ; nous allons prendre une douche et nous changer, Marc et moi : je sens la pizza.

Elle rit en poussant sa brune amie vers une porte marquée d'un écriteau « Privé ». Derrière celle-ci, des escaliers qui menaient à leur appartement. Maud connaissait depuis longtemps le nid de sa potine. Marc les avait précédées. Alors qu'elle posait ses fesses sur le canapé du salon, de la porte de la douche où venait de disparaître Aline son mari surgit soudain. Rien que de très normal, hormis le fait qu'il était complètement à poil. Il traversa un court instant le champ de vision de la brune pour être happé, vraisemblablement par le couloir qui menait à leur chambre à coucher. Quelques minutes après, ce fut l'épouse qui passa devant les yeux de son amie. À cette différence près, c'est qu'elle avait un drap de bain qui masquait son corps.

Maud abandonna sa voiture sur le parking de la pizzeria et fit le voyage vers la boîte avec ses deux amis. Au volant, Aline savait exactement où aller et suivait le ruban gris de l'asphalte vers son but sans dépasser les limitations de vitesse.

— Alors comme ça, tu as eu envie de venir avec nous ? Aline t'a un peu expliqué le genre de lieu où nous allons ?
— Oui, rassure-toi ! Je trouve ça plutôt chouette que vous viviez vos rêves, vos fantasmes. Et puis comme ça, je ne mourrai pas idiote, n'est-ce pas ?
— C'est un point de vue. Après, tu verras. Les gens sont dans l'ensemble sympathiques et respectueux des autres. Tu as aussi le droit de juste… toucher des yeux. Consommer n'est en rien obligatoire, mais tu es une grande fille, nous le savons. Je crois qu'Aline aime bien cet endroit. Hein, ma louloute !
— Hum ! Oui, ça nous évite de prendre des amants. Là au moins nous savons que tout le monde est là pour cela. Les jaloux n'ont pas leur place dans ce club. Et puis ce que ne dit pas Marc, c'est que de savoir que tu venais lui a donné des idées. Ça l'a émoustillé ; mais ça, ma belle, il ne te le dira jamais.
— C'est vrai ça, Marc ?
— Moi, j'ai des points de repère visuels qui ne trompent pas. Quand je lui ai dit de téléphoner pour t'assurer l'entrée, Monsieur avait la trique.
— Bon, Aline, s'il te plaît ! Au lieu de dire des conneries, concentre-toi sur la route. Nous allons louper le petit chemin qui mène à l'Effeuillage !
— C'est donc l'Effeuillage que ça s'appelle… joli nom ! Je crois que j'en ai déjà entendu parler. C'est une vieille ferme, non ?
— Tu vas le savoir tout de suite, nous sommes arrivés. Aline te fera visiter ; je me charge des détails des entrées.
— Merci, Marc… Bon, j'ai quand même un peu la trouille. Vous ne m'abandonnez pas complètement là-dedans ? Vu le nombre de voitures, il doit y avoir du monde.
— Ne t'inquiète pas, tout se passera bien. Et ça m'étonnerait que Marc reste loin de nous.

Un immense portail glissa sur son rail, dégageant une cour où de belles voitures étaient remisées. Apparemment, ce club était fréquenté. Maud suivit la blonde vers une entrée éclairée alors que Marc prenait une petite porte dérobée. Ces deux-là avaient sûrement leurs habitudes ici, et ils n'en étaient pas à leur coup d'essai. Cette constatation fit sourire la brune. Même les gens les plus proches pouvaient donc avoir de pareils secrets ; comme quoi on ne connaît jamais vraiment les gens. À les voir travailler ensemble, on leur aurait donné le bon Dieu sans confession…

— Bon. Ici, ma belle, il y a un vestiaire. Tu ne vas pas te trimballer toute la soirée avec ton sac à main ; et puis… il arrive que certaines femmes viennent se changer.
— Se changer ?
— Oui, mettre des vêtements moins… soft, moins classiques. Je n'aime pas ça, mais j'avoue que parfois, si j'étais plus disponible…
— Oui ? Bon, de toute façon je vais voir. Donc je peux laisser mon sac ici avec le tien ?
— Oui, pas de souci, il y a de la place. J'ai pris aussi quelques serviettes, pour le sauna et le hammam. Marc adore ces bains de vapeur ou de chaleur. Ils fournissent ici, bien sûr, ce genre de chose ; moi, j'ai toujours préféré mes draps de bain. J'en ai pris un pour toi, à tout hasard. Et puis je vais me délester d'un truc inutile dans la boîte.

En souriant, Aline avait remonté sa jupe déjà ultracourte, et sous les yeux médusés de son amie retirait sa culotte. Le geste d'une simplicité déconcertante avait tout de même laissé entrevoir à sa copine une chatte exempte de tout poil. Le rouge monta au front de la brune. La soirée démarrait sur les chapeaux de roue ! Là encore, elle n'aurait jamais imaginé un jour voir cette scène. Ce couple-là cachait bien son jeu… Ensuite, les deux femmes allèrent retrouver Marc. Dans une salle assez petite finalement, un coin où un disc-jockey distillait de la musique et faisait tomber ses lumières vives sur les danseurs. Le parquet était microscopique, mais une bonne vingtaine de couples se trémoussaient sur la piste.

Autour de celle-ci, partout de longs et larges divans recevaient d'autres personnes qui sirotaient gentiment des boissons aux couleurs délirantes. Et sous une sorte de mezzanine, un comptoir. Un bar qui faisait toute la longueur du mur qu'il tapissait. Derrière ce zinc, une jeune femme qui servait. Marc, lui, guettait l'arrivée des deux femmes, un verre déjà servi devant lui et deux autres en attente. Il fit un signe de la main. Impossible de s'entendre tant la musique était forte. L'animateur haranguait les couples de danseurs, mettant le feu à grand renfort de plaisanteries grivoises. Mais n'était-on pas dans un cercle pour baiseurs avertis ?

Maud ne parlait pas. De toute façon, personne ne l'aurait entendue ; et puis elle scrutait avec intérêt les environs immédiats. Elle vit deux femmes pratiquement nues monter sur une minuscule estrade circulaire. Au centre de celle-ci, une barre d'un métal brillant montait vers le plafond. Aline se pencha vers elle, et en hurlant lui fit savoir que Marc voulait trinquer. Le cocktail de bienvenue se trouvait être une vodka-orange. La brune toucha les verres des deux autres et celui de la serveuse qui se trouvait près d'eux, puis elle reprit son observation.

Sur la mini-scène, les deux filles balançaient leur corps lascivement sur les accords langoureux d'un slow. Des tas de mecs au pied des deux vestales tendaient les mains vers ces anatomies qui gesticulaient en cadence. En y regardant de plus près, plus attentivement, la jeune femme s'aperçut qu'en fait ce n'était pas seulement des hommes qui s'excitaient en suivant du regard les mouvements des donzelles haut perchées. Les cris devenaient de plus en plus violents et les spots restaient, pour la plupart, plantés sur ces chairs fraîches qui se trémoussaient. Quelques autres rayons parcouraient l'assistance en délire, accrochant ici et là d'une lueur violacée un slip ou un cache-seins sous des vêtements plutôt légers.

La brune n'aurait jamais pensé que cela puisse vraiment exister. Le moins que l'on pouvait dire, c'est que l'atmosphère était électrique. Quand Aline la tira par le bras, elle se laissa embarquer vers le groupe en folie. Mais au lieu de se diriger vers le podium miniature, Aline la poussait à l'opposé, là où se trouvait plongée dans l'obscurité une chaire analogue à celle occupée par les deux femelles en rut. D'un coup de reins, l'épouse de Marc avait sauté sur la piste et secouait ses hanches sur la musique. Maud était restée au sol, regardant sans y croire cette furie qui se balançait en cadence. Bien entendu, les lumières qui aveuglaient les deux autres souris sur leur piédestal se divisèrent et balayèrent aussi la femme qui dansait seule.

Un petit groupe de fans s'agglutina soudain autour de Maud. Des mains partout qui faisaient mine d'attraper cette troisième jolie cochonne dansante ! Et, chose inouïe, Aline commença lentement un show érotique surprenant. Son chemisier lascivement déboutonné laissait voir deux balconnets renfermant ses seins magnifiques. Le vêtement qui tournoyait au bout du bras de son amie s'envola pour atterrir à ses pieds. La blonde, les yeux baissés vers sa copine, tendit le bras dans sa direction. Son index se plia et se déplia à plusieurs reprises, comme pour lui faire signe de monter la rejoindre.

Mais Maud n'était pas encore prête pour ce genre d'exhibition spontanée. Elle recula d'un pas et se cogna dans celui ou celle qui se trouvait là. Une main lui passa sur les fesses sans qu'elle sache à qui elle appartenait vraiment. En voulant s'écarter, c'est dans d'autres voyeurs qu'elle buta, et un corps tout entier épousa le sien. Sur ses fesses elle sentit quelque chose de dur. À n'en pas douter, un homme la serrait de près. Un autre pas de côté, alors qu'accrochée à la barre brillante Aline avait maintenant jeté son soutien-gorge, la délivra du mâle. Mais d'autres mains se frottaient à son dos.

Du reste, il n'y avait pas que sur son dos que des doigts s'appuyaient. Combien de mains au cul lui passèrent-elles ? Elle ne savait pas, tentant maladroitement de les éviter. Alors, en se retournant elle aperçut à deux mètres d'elle Marc qui souriait à sa belle, l'exhortant à continuer. La jupe sombre venait de voir son zip glisser vers le bas. Comme la danseuse tenait ses jambes écartées, le tissu restait en place. D'un geste sec, le papillon de nuit ferma le compas de ses cuisses, et sous des applaudissements nourris, tirebouchonnée sur ses chevilles, la jupette rejoignit d'un coup de pied le sol devant les crieurs excités.

Maud s'était rapprochée du mari de son amie, cherchant sans doute un peu de protection. Lui, sans aucune gêne, dès qu'elle fut à ses côtés lui passa le bras autour des épaules. Il se pencha, et les mots que la brune capta malgré le bruit la firent sourire.

— Elle est incroyable, non ? Tu aurais pensé ça de ta copine ? Elle est encore plus accro que moi. Et pour toi ? Comment ça se passe ? Tu commences à apprécier ?
— Il y a beaucoup de mains qui sont baladeuses, ici…
— Et tu n'aimes pas ça ?

Elle n'avait pas répondu, mais dans le brouhaha il ne chercha pas à en dire plus. Sur la scène, Aline était obscène. Elle se penchait en arrière, ouvrant des deux mains sa chatte glabre et se tortillait comme un ver. Elle mimait les gestes ancestraux du sexe bestial devant un parterre hétéroclite d'inconnus chauffés à blanc. Sur l'autre estrade, il n'y avait plus personne. Les deux coquines s'étaient éclipsées, laissant la vedette à l'épouse de Marc. De plus en plus de pattes avançaient vers les chevilles d'Aline, et elle dansait dans des positions affreusement pornos. L'animateur hurlait dans son micro. Soudain, comme pour détendre l'atmosphère, il invita tout le monde à prendre un pot.

Il était temps pour Aline : à quatre pattes sur le podium, elle se caressait la chatte d'une manière éhontée, et les énervés de la bistouquette allaient grimper sinon sur elle, au moins sur sa scène. Ils n'étaient plus que deux ou trois à suivre le retour à la normale de cette belle tigresse qui, descendue de son perchoir, remettait prestement ses fringues. Une chance que son mari les avait toutes ramassées. Marc avait lâché l'épaule de Maud, et les deux époux s'embrassèrent là, devant la scène désormais vide.

— Pff… Ça donne bougrement soif de se secouer comme ça ! On va finir nos verres ? Pourquoi n'es-tu pas venue avec moi, ma belle ? On leur aurait mis le feu, à tous ces crevards !
— Je crois que pour ça… tu n'as pas trop mal réussi, et sans l'aide de personne.
— Oh, Marc, tu m'en veux ?
— Mais non, mon ange, tu sais bien à quel point… ça me donne des idées. Aline, tu as vu l'étage ?
— C'est vrai, je n'ai pas eu le temps de te faire faire le tour complet. On boit un coup et je m'y colle. Venez !

Au bar, c'était la cohue mais la serveuse leur tendit « le pot du patron ». Aline apprit donc que le boss de cet établissement, c'était le distillateur de musique, et que son épouse, elle, faisait office de serveuse. Une entreprise familiale en quelque sorte. Dès la boisson – toujours à base de jus de fruit agrémenté d'un alcool – ingurgitée, sa copine entraîna à nouveau Maud vers cette fameuse mezzanine. En haut des quelque quinze marches, une sorte de grande plateforme. Sur celle-ci, ce que vit la brune en premier ce fut une sorte de cabine peinte en noir et peu éclairée, avec des trous circulaires un peu partout. Puis dans un autre angle de la pièce ouverte, un lit à la tête duquel une croix en forme de X appliquée au mur intrigua la jeune femme.

— Maud, ici tu as la chambre pour… enfin, viens, tu vas comprendre. Tu vois ces orifices ? Derrière cette paroi, des femmes ou des hommes viennent et attendent que de ce côté-ci des mecs leurs tendent leur… tu saisis ?
— Je… je pense que je devine, oui. Et là-bas ?
— Ah, ça ? C'est pour les sados. Tu vois, des hommes ou des femmes amènent ici leurs esclaves sexuels et les attachent sur ce X par les poignets et les chevilles. Ensuite, ils sont offerts soit à leur maître, soit à des amateurs avertis. Je ne suis pas fan, mais bon, il en faut pour tous les goûts, hein ! Quelque chose te tente ? Viens, allons visiter l'autre côté des glory holes.
— Glory quoi ?
— La chambre avec les trous. Tu vas voir, c'est rigolo… J'y vais de temps en temps.

Elle avait déjà ouvert une porte sur le côté, si petite qu'il leur fallut se baisser pour pénétrer dans la sous-pente. Une lumière plutôt pisseuse ne laissait entrevoir que difficilement des sortes de poufs en cuir et des coussins un peu partout, mais toujours à proximité immédiate de la paroi qui ne semblait guère épaisse.

— Assieds-toi là. Tu vas voir, ça ne sera pas bien long.
— Mais ils nous voient de l'autre côté ?
— Pas s'ils ne se baissent pas. Mais dès que tu t'assois sur un coussin ou pouf, une lumière signale ta présence au-dessus de l'autre côté. Tiens, tu vois ? Qu'est-ce que je t'avais dit ?

Juste devant Maud, par un trou circulaire savamment positionné, un sexe raide venait de déboucher. Un instant, elle eut un mouvement de recul. Mais Aline lui posa la main sur l'épaule et lui murmura quelques mots :

— Vas-y, fais-toi plaisir ; il ne va pas te mordre. Je te montre ?

Elle poussa la brune sur le côté et sa bouche s'ouvrit à hauteur de la bite tendue. En deux coups de langue, elle se mit à sucer l'inconnu qui devait quand même avoir une bonne dose de confiance pour confier son engin à quelqu'un dont il ne savait rien. La pipe bizarre dura quelques minutes, puis la blonde se releva à demi.

— Tu veux continuer ? Essayer, tout du moins ?
— Non, non, merci.
— Bon, allons voir les chambres d'amour alors. Tu me prends pour une salope, sans doute ; une fieffée cochonne, au pire. Ben… j'avoue, j'aime bien cette ambiance. Tu ne peux pas savoir comme j'ai mouillé de les voir baver devant moi, tout à l'heure. Ils me regardaient, et Marc aussi avait un gourdin d'enfer. Mais nous ne venons pas très souvent. Alors parfois je me lâche un peu trop. Ce soir, je voulais sans doute faire la brave pour que tu saches, que tu comprennes que je ne suis pas la petite bourgeoise que tu imagines.
— C'est réussi, je te rassure ! Tu m'as surprise ; scotchée, je dois le reconnaître. Filons de là, c'est glauque de voir cette queue qui attend nos bouches. J'aime voir quand même à qui j'ai affaire.

Aline avait seulement haussé les épaules. Un rire de gorge fit écho à cette phrase et elles replongèrent dans la mêlée musicale. La brune avait toutefois jeté un coup d'œil vers la paroi perforée, tentant ainsi de deviner qui avait pu mettre sa queue dans le trou. Il n'y avait personne à proximité. Par contre, sur le lit, une femme debout s'évertuait à attacher les chevilles d'un type complètement nu. Ses poignets étaient déjà reliés à la croix. Il portait un bandeau, et cela fit frissonner Maud. Mais était-ce vraiment de peur ou d'angoisse ? De cela, elle ne l'aurait pas juré.

— Là, tu vois, il y a une chambre. Tu veux jeter un regard ? Elle est sûrement occupée.

Mais depuis un moment déjà, quelque chose s'était réveillé en Maud. Un vieux démon qui lui trottait dans la tête, et cette ambiance cul-musique ne la laissait pas vraiment indifférente. Puis les paroles de la femme de Marc, son envie de se mettre à poil, ça devenait communicatif. Elle poussa la porte. Sur un lit immense fait d'une matière qui ressemblait à du cuir, deux femmes et deux hommes s'embrassaient. Pas de vêtements pour les uns et les autres. Les corps s'emmêlaient dans un joyeux quadrille. Sur une sorte de table de nuit, un des types, levant les yeux, prit un petit objet. Il le leva et le tendit à Maud.

À l'intérieur, une multitude de petits sachets argentés. Des capotes à ras bord. Donc ces mecs-là étaient respectueux de leurs partenaires. Un bon point quand même pour eux. Elle fit un signe du menton ; l'autre n'insista pas et replongea son visage vers le ventre des femmes qui se tortillaient comme des vers. Ça sentait le cul à plein nez dans cette piaule mal éclairée. Dans une troisième chambre, Maud découvrit une table de massage, et un court instant son esprit erra vers celui qui, dans son lit, devait dormir, seul peut-être, loin là-bas. Les deux femmes revinrent vers le bar. Marc s'y trouvait.

Il était en grande discussion avec un type pas trop mal gaulé. Celui-ci regarda d'une manière curieuse Maud qui baissa les yeux. Puis Aline prit son mari par la main et ils filèrent vers la piste de danse. Elle avait besoin de se dégourdir les jambes sans doute. Un bout d'une minute ou deux, elle se frottait sans honte à son mari en le cramponnant par le cou. Ces deux-là allaient sans doute finir par se faire l'amour. Le type que Marc venait de planter s'approcha de la jeune femme.

— Alors, comment trouvez-vous l'Effeuillage ?

Il avait crié pour couvrir le bruit de la musique. Elle haussa les épaules et répondit avec violence :

— C'est… très spécial.
— Vous voulez que nous allions bavarder dans un coin un peu plus calme ?
— Pourquoi pas ?

Ses amis, et en particulier la blonde sur la piste, se roulaient une pelle. Tout autour d'eux, en cercle, quelques danseurs isolés flairaient la bonne occase et les serraient de près.

Le type était parti vers une sorte d'alcôve invisible pour un œil non averti. La porte qu'il ouvrit était épaisse, et dès qu'elle fut refermée, plus besoin de crier.

— C'est mieux, non ?
— Assurément oui.
— Je me présente : Alain. Je suis un habitué des lieux ; en fait, le patron est mon beau-frère.
— Vous voulez dire que la dame qui sert…
— Oui, c'est ma sœur. Je viens donc relativement souvent. C'est vrai que c'est bruyant, que de temps en temps ça fait du bien quand ça s'arrête. Vous avez aimé quelque chose ici ?
— À vrai dire, je ne suis pas, pas une vraie libertine. J'accompagne seulement mes deux amis.
— Ça n'empêche pas de joindre l'utile à l'agréable… On vous a dit que vous êtes super jolie ? Bon, je suppose que j'ai l'air bête avec mes paroles idiotes. Sûr que vous le savez que vous êtes… trop belle.
— Ben… ça fait toujours plaisir à entendre, de toute façon.

L'autre, sans se démonter, s'était approché. Debout face à elle, son souffle, elle pouvait le sentir sur sa joue toute proche. Il ne fit que baisser la tête et ses lèvres s'emparèrent de la bouche rouge de Maud. Là encore, pourquoi répondit-elle au baiser de feu de ce type ? Elle ne le savait pas elle-même. Alors les langues se mêlèrent et elle savoura ce palot inattendu. Ses sens étaient soudain chauffés au rouge. La chaleur n'était plus seulement sous ses lèvres, dans sa bouche. Alain avait déjà trouvé le bas de sa jupe et sa main fouillait à la rencontre de l'obstacle inévitable. Obstacle inévitable ? Bien vite dit, parce qu'il avait en deux temps trois mouvements soulevé le chiffon et montait vers la source de son attente.

Maud ne réagissait pas normalement. Son ventre avança vers les doigts. Alors ils profitèrent de cet avantage et elle les sentit qui se frayaient un chemin dans sa chatte. Puis il les fit remuer, et là elle se sut perdue. Pour prétexte, elle aurait pu invoquer que sa bouche était close par une pelle d'enfer et qu'elle ne pouvait pas dire non ; elle n'en eut aucune envie : elle fondait sous la caresse terriblement sexuelle de ce gaillard dont elle ne savait rien. Sa jupe et son chemisier tombèrent au sol, pareils à des feuilles mortes en automne, et lui aussi se dévêtit rapidement. Il lui appuya délicatement sur les épaules.

Cet appel, elle le saisit au quart de tour. Fléchissant les genoux, en escarpins et entièrement nue, elle se retrouva à la hauteur de la verge du type. Évidemment qu'elle savait ce qu'il voulait ! Alors elle s'exécuta de bonne grâce. Alain lui tenait maintenant la tête par les tempes, et sa bite allait et venait dans la bouche de la femme. À certains moments il l'enfonçait le plus possible et attendait là, sans reculer, qu'elle s'étouffât un peu pour revenir en arrière. Au bout de dix minutes de ce traitement, il fit ressortir son vit de cette gorge accueillante. Il l'obligea à se redresser et la fit étendre sur une sorte de canapé qu'elle n'avait pas eu le loisir de voir. Ce fut lui qui lui brouta la chatte.

Comme elle quelques minutes auparavant, il était à genoux sur une moquette douce, et la fente humide au niveau de sa bouche était une gourmandise digne d'un roi. Maud avait le ventre en feu, et ce type savait y faire pour tirer une autre musique de ce corps offert. Il la léchait, mais plantait aussi ses doigts en elle. La tête brune maintenant se berçait en geignant doucement. Un moment il stoppa ses mouvements. Elle crut qu'il allait se mettre en position pour la baiser en profondeur. Mais non : rien de cela n'arriva. Alors elle leva les yeux vers lui.

Dans sa main, il tenait un objet qu'elle n'eut aucune peine à reconnaître : un bandeau, qu'il lui colla sur les yeux sans qu'elle ne fasse aucun commentaire. Puis il lui mit son pouce dans la bouche, et curieusement elle le téta comme s'il se fût agi de sa queue. Un instant plus tard, un truc dur atterrit sur ses lèvres, que d'instinct elle entrouvrit. Alain poussa alors entre ses dents ce qu'il tenait, puis d'un geste plein de douceur, il lui fit avancer la tête. Un claquement sec. Ce qu'il avait collé dans son bec l'empêchait de dire un mot. L'homme maintenant saisissait ses poignets, et ses bras furent attachés dans son dos, sans doute par des anneaux métalliques. Elle ne pouvait plus filer ni se défendre.

Mais les gestes d'Alain restaient doux, pleins de délicatesse. À plusieurs reprises il avait caressé ses joues avec tendresse. Le collier qu'il lui mit autour du cou la fit frémir. Où voulait-il en venir ? Elle le comprit juste une seconde après quand il la fit se relever et que le bruit de la musique revint en force dans ses tympans. Sans un mot, il la fit avancer en la tenant par un bras. Elle se doutait que leurs pas les faisaient traverser la salle où les gens dansaient et buvaient. Les escaliers… D'un coup, elle comprit que c'était là-haut, sur le lit, qu'il la menait. Il lui attacha les chevilles comme la femme l'avait fait à l'homme tout à l'heure, mais elle avait le ventre contre le X de bois. Ses poignets aussi, alors que ses bras étaient étirés vers le haut, ne purent soudain plus bouger.

Un long moment, elle resta là sans savoir ce qui allait se passer. Durant ces minutes longues d'attente, elle passa par tous les sentiments possibles. La honte, l'envie, la peur, le froid, le chaud, et curieusement tout son être espérait une suite. Alors quand une main lui caressa les fesses, elle respira mieux. Quand la même main – sans doute – s'abattit avec force sur son postérieur, elle sut soudain qu'elle allait souffrir. Et son ventre l'abandonna. Elle se mit, à la seconde claque sur le cul, à mouiller. C'était si violent qu'un vrai jet de lave incolore lui dégoulina le long des cuisses.

De partout elle lui semblait entendre des rires, des voix qui parlaient d'elle, mais la force de la musique ne lui permettait pas de saisir les paroles. Son corps tout entier n'était plus qu'un tremblement. Une paluche flattait son ventre, passant entre ses cuisses. D'autres pattes lui tripotaient les seins. Le bâillon dans sa bouche l'obligeait à baver un peu. C'était bon et… horrible à la fois. Un autre sifflement à ses côtés l'alarma davantage. Alors, quand comme un éclair de feu s'abattit sur sa croupe, elle aurait voulu hurler. Peine perdue, puisque la boule entre ses dents arrêtait les sons. Après le premier coup, d'autres vinrent, pas très appuyés, mais chacun d'eux entraînait une coulée de liquide.

Mais ce fut lorsque ses tétons furent pincés fortement les deux, alors que parallèlement une volée de gifles tombait sur ses fesses que Maud se libéra dans un orgasme gigantesque. Ce n'était plus une simple coulée, mais un véritable geyser que son ventre expulsait pendant que tous ses muscles tremblaient. Il lui semblait qu'elle n'avait plus aucune volonté, plus aucune force non plus. Ses bras en extension lui faisaient un mal de chien. Elle sentit que quelqu'un la détachait. Le bâillon retiré, le bandeau également, elle avait de nouveau la liberté de ses mouvements. Mais plus de volonté pour se mouvoir. Elle ferma les yeux car autour d'elle ils étaient nombreux à attendre la suite.

Ils étaient devant elle : Marc, Aline, Alain, tous les autres inconnus, et dans leurs yeux brillaient le désir et l'envie. Son cavalier – son bourreau peut-être – lui prit la main délicatement et se pencha sur elle.

— Viens ! Allons, viens !
— …
— N'aie pas peur, suis-moi, laisse-moi te guider. Tu as été merveilleuse.

Il écarta du bras les importuns qui auraient bien aimé, mais qui n'auraient finalement rien. Ses jambes avaient du mal à la soutenir. Il lui fraya un passage vers les glory holes. Son amie Aline pénétra la première, suivie de Marc. Et enfin Alain et elle arrivèrent dans le réduit à peine suffisant pour les contenir les quatre. Elle vit du coin de l'œil la main de la blonde qui poussait un verrou. Ils étaient désormais isolés des autres. Elle se laissa tomber sur deux coussins que son amie venait de réunir. Alain s'allongea aussi contre elle, et le couple un peu à l'écart s'embrassait sans aucune fausse pudeur. Alain se lova contre elle, la tête au creux de son ventre. Sa langue entra en action sur cette chatte qu'il savait à lui.

À deux mètres d'eux, elle vit Aline en levrette, la tête contre la paroi, qui suçait une bite venue d'un trou alors que son mari se déhanchait derrière elle. Pas besoin de dessin pour saisir. Elle se redressa sur ses genoux, se mit en position. Et le type avait lui également compris. Il se mit comme Marc, et quand elle sentit la bite qui la pénétrait, elle hurla à en épouvanter tous les protagonistes de cette histoire. C'était trop bon… Elle aussi avait la face contre la paroi, et soudain un sexe d'une longueur impressionnante surgit de l'orifice proche de Maud.

Elle ouvrit la bouche pour prendre un peu d'air, les reins labourés par la queue qui la ramonait. Comment se retrouva-t-elle avec l'autre sexe entre les lèvres ? Elle n'avait aucune envie de se poser de questions. Elle téta cette tige au grand bonheur de celui qui, de l'autre côté de la paroi, devait entendre les cris de plaisirs des deux femmes. La chevauchée dura un bon moment. Si elle jouit une fois de plus, Maud ne retrouva pas l'incroyable explosion de la croix. Là, le bonheur était d'égale douceur que celui qu'elle prenait avec Julien.

Pourquoi se mit-elle à regretter que ce ne fût plus viril ? Et comment allier la douceur de l'un et la vigueur de l'autre ? Finalement, cette sortie lui apportait plus de questionnements que de réponses. Elle se dit qu'elle aimait l'amour doux et les massages de Julien, mais que cette autre forme de sexe brutale avec Alain, elle allait avoir du mal à s'en passer. Elle tourna la tête : Aline suçait une autre bite. Insatiable, celle-là ! Marc, lui, ne cessait de regarder vers Alain et elle. Il s'approcha sans bruit. Elle crut distinguer un clin d'œil entre les deux mâles.

Elle ne réagit pas quand le beau-frère de la patronne la coucha sur le dos, s'imaginant un instant qu'il voulait la prendre une seconde fois. Mais quand il l'enjamba pour s'asseoir sur sa poitrine, qu'il lui présenta sa verge aux lèvres, elle n'hésita aucunement. Ce qu'elle comprit moins, c'est que ses deux cuisses ouvertes furent, elles, investies par… Marc. Il lui releva les jambes, passant ses talons sur ses épaules et la pénétra très délicatement.

Elle avala la semence que la queue d'Alain faisait couler dans sa gorge, et elle pensa d'un coup que ni l'un ni l'autre n'avait utilisé de préservatif ; mais c'était si bon… Ce fut finalement sa seule vraie peur de la soirée.