Cédric : connecté…

Cédric ajuste le nœud de sa cravate, tire sur les revers de la veste de son costume et regarde sa montre.

— Il est sept heures ; il faut que j'y aille, ma chérie.

À genoux devant lui, Stéphanie suce encore le sexe qui vient de l'asperger. Ses cheveux bruns hirsutes sont maculés de sperme, et plusieurs traînées poisseuses zèbrent sa poitrine exposée entre les boutonnières de sa chemise blanche. Cédric caresse du bout des doigts le col ouvert.

— Tu sais que tu es très sexy quand tu portes mes chemises ?

Stéphanie se dit que, bien que très matinale, la saillie dont elle vient d'être gratifiée à son réveil mérite largement qu'elle tape dans la garde-robe de son époux si cela le met dans un tel état. Elle doit à regret relâcher l'objet ramollissant de son désir de suceuse pour répondre en souriant.

— Tu sais que je t'adore quand tu me trouves sexy ?

Elle se relève. Cédric lui rend son sourire et se penche pour poser un furtif baiser sur sa joue gauche, miraculeusement épargnée par l'éjaculation. Avant de quitter la chambre, il s'assure qu'elle n'a pas oublié qu'ils doivent déjeuner ensemble.

— J'ai bien noté l'adresse du restaurant, Stéphanie, et je serai à l'heure. De ton côté, tâche de ne pas t'éterniser dans les magasins.
— C'est promis ! En revanche, je ne peux rien garantir pour ce que je vais faire avec la carte bancaire…

Nouvel échange de sourires. Mutin pour Stéphanie, un peu plus crispé pour Cédric qui franchit la porte et s'élance dans l'escalier.


Il y a vraiment beaucoup de circulation ce matin. Comme tous les jours, il est vrai, mais les massages mammaires et la levrette qu'il a prodigués à madame ont retardé son départ de la maison. Ce monumental bouchon est sa punition. Ses doigts tapotent sur le volant, il souffle, s'énerve après les voitures qui déboîtent n'importe comment ou tentent de se rabattre devant lui… Et, de guerre lasse, il finit par accepter son sort. Profitant d'un arrêt complet, il consulte rapidement ses messages. Il consulte également la messagerie instantanée grâce à laquelle il communique avec Marie. Le point vert à côté de son nom suggère qu'elle est en ligne. Ses doigts courent sur le clavier de son smartphone :

« Bonjour. Comment vas-tu ? Je suis bloqué dans les bouchons… »

Il a rencontré cette charmante personne en ligne, dans des circonstances un peu particulières qui le font encore rougir quand il y pense. Un soir, alors qu'il regardait la télévision avec Stéphanie, il avait reçu un message de Marie. Elle expliquait en termes châtiés que, suite à leur discussion ce même jour, elle reprenait contact avec lui et souhaitait l'ajouter à la liste de ses contacts. Il avait fait lire cela à sa femme qui avait éclaté de rire. Elle lui avait alors suggéré de répondre, en guise de rejet, quelque chose de bien grossier à cette introduction aussi polie qu'incongrue. Ainsi, suite à la puérile question « Ça dépend ; tu suces ? », Marie avait renoncé. C'est du moins ce que Stéphanie devait penser… En fait, plus tard dans la soirée, Cédric avait reçu une réponse : « Pourquoi pas ? »

Avec un certain humour et la ferme intention de ne pas céder devant la vulgarité, l'inconnue estomaquée avait choisi d'amorcer une conversation lancée sur un malentendu : deux identifiants très similaires et une simple faute de frappe l'avaient mise en relation avec le mauvais interlocuteur. Depuis, Marie et Cédric n'avaient pas cessé de correspondre. Et, comme marqués par leur premier échange, leurs fantasmes sexuels étaient devenus leur principal sujet de conversation. Un jeu coquin pour le fougueux Cédric ; un exutoire pour la prude Marie qui répond à son message :

« Bonjour. Ça roule très mal pour moi aussi, ce matin. »

Cédric est toujours à l'arrêt. Pouvoir échanger quelques mots va au moins lui vider la tête quelques instants.

« Je n'avance plus. Je me masturbe, ça détend. »

Il n'en est rien, bien évidemment. Mais il se régale de ces provocations outrancières, d'autant que Marie entre généralement dans son jeu. Ils jouent tous les deux au chat et à la souris, et y prennent un réel plaisir.

« Tu ne penses qu'à ça… Tu n'es pas vraiment en train de le faire, n'est-ce pas ? »
« Bien sûr que si ! Tu es choquée ? »
« Très. N'importe qui pourrait te voir… »
« Il y a peu de chances… Mais imaginer que l'on pourrait me voir, me surprendre… c'est très excitant, non ? »

Marie met une bonne minute à répondre. Peut-être que, sur la route du travail, la distinguée quadragénaire n'est pas d'humeur. Peut-être que le trafic a momentanément repris pour elle, mais son message finit par arriver :

« Quelle horreur ! Il faut être un vrai pervers pour avoir des idées pareilles. »
« Tu n'aimerais pas essayer ? »
« Le fantasme est une chose, mais passer à l'acte, là, tout de suite… »
« Tu vois que ça t'excite… J'en suis sûr… Allez ! Et puis, franchement, qui verrait ton entrejambe ? Tu vois l'entrejambe des autres automobilistes, toi, dans ta voiture ? »

Nouveau silence. Hoquets de la circulation routière ? Lassitude de la dame, comme cela lui arrive parfois ? Non, car elle répond :

« Voilà. C'est fait. »
« C'est fait ? »
« J'ai remonté la jupe de mon tailleur. Et j'ajoute qu'aujourd'hui je ne porte pas de culotte. J'ai mis une cravate, à la place… »
« Rose, je suppose ? »
« Rose. Ta couleur préférée, n'est-ce pas ? Je dois dire que mon cher et tendre m'a un peu titillée ce matin. »

Cédric se dit qu'elle en fait un peu trop… Émoustillée, sapée comme un ministre et la chatte à l'air ! Elle a même, soi-disant, pensé à sa couleur préférée. Il n'y croit pas vraiment, sourit de cette bonne volonté naïve et un peu maladroite, mais il joue le jeu ; et il en viendrait même à se branler pour de bon.

« Moi aussi, j'ai été titillé ce matin. Il m'a suffi de regarder ma chérie en me réveillant, et je me la suis faite. Je me suis vidé les couilles sur sa figure ! »
« Tu t'es vidé les couilles ? »
« Oui. »

Silence, encore. Marie a dû redémarrer, mais il est tout de même pris d'un doute. L'aurait-il contrariée ? Et pourquoi, après tout ? C'est idiot, mais il préfère vérifier :

« Ça te gêne ? Tu boudes ? »

Marie reste silencieuse. Si elle s'est remise à rouler, leur conversation s'arrête là. Et son bouchon à lui semble ne pas vouloir se résorber. Elle revient néanmoins en ligne une nouvelle fois :

« Non. Mais je ne peux pas avoir les doigts en même temps dans ma chatte et sur mon téléphone. »

Cédric se fige. Même si c'est du bluff, l'aplomb avec lequel cette phrase est tombée et la scène qu'il imagine agitent son sexe, qui enfle à vue d'œil dans son pantalon. Pour un peu, il lui ferait finalement prendre l'air.

« Vraiment ? »
« Vraiment. Mon écran en est tout poisseux. »
« Tu sais être cochonne quand tu veux. »
« Ce n'est pas une raison pour te branler, toi aussi, surtout si tu as joui ce matin ! »
« C'est gentil de te préoccuper de ma santé… »
« Garde ton jus pour honorer convenablement madame ce soir, petit obsédé. »
« Bien, chef ! »
« Je te laisse. Ça redémarre. »
« Et ta jupe, tu la gardes troussée pour conduire ? »

Cette dernière question taquine reste sans réponse. La DS de Cédric reste immobile au milieu du trafic engorgé. La bosse qui déformait son costume à l'entrejambe s'affaisse petit à petit. Et l'impatience reprend le dessus, exacerbée par les incessants coups de klaxon qu'il avait cessé d'entendre pendant cet intermède coquin…


Cédric est assis sur les toilettes, son pantalon baissé sur ses chevilles. Il a demandé à Marie si elle était là, mais malgré l'encourageant petit rond vert, elle ne se manifeste pas. Alors, en attendant, il passe les dépêches de presse en revue sur un site d'informations en ligne. Il revient de temps à autre sur sa messagerie pour constater qu'aucun message n'arrive… jusqu'à ce qu'une petite notification porteuse d'espoir apparaisse en haut de l'écran. Son sexe en sursaute entre ses jambes ; c'est Marie :

« Oui, je suis là. »
« Tu travailles ? »
« Je suis plongée dans un dossier… Tu as envie de jouer, je suppose ? »
« Ce serait avec plaisir. Tu peux faire une pause ? »
« Donne-moi un instant… »

Le sexe de Cédric se dresse petit à petit, et il décide de lui donner un petit coup de main en attendant que son excitante correspondante se mette à sa disposition. Il cesse sa masturbation lorsqu'elle reprend le contact, une bonne minute plus tard :

« Voilà… Alors, que puis-je pour toi, mon macho d'amour ? »
« J'ai envie de baiser une femme d'affaires un peu coincée. »
« Je vois. Tu veux me décoincer, c'est ça ? »
« C'est ça. Que portes-tu, à part ta cravate rose ? »
« Queue-de-cheval bien serrée. Tailleur-jupe noir. Chemise blanche. Bas noirs… »
« Talons aiguilles ? »
« Bien sûr. 12 centimètres. Je sais que tu adores ça… »

Une froide beauté en talons aiguilles… Il a beau savoir qu'il l'a amenée à préciser ce détail, la description l'excite. Son poignet se charge de raviver sa raideur en quelques mouvements secs.

« Je me lève. Je trousse ma jupe. Je me penche doucement en prenant appui sur mon bureau. Mon derrière nu apparaît sous la veste de mon tailleur. Et je n'ai pas de culotte, bien sûr… »
« Quelle vision ! »
« Tu peux regarder. Mais attention : avant d'aller plus loin, je veux que tu t'engages à ne pas jouir ! »
« Vraiment ? Et pourquoi ce supplice ? »
« Parce que je le veux. »

Madame joue les dominatrices. Mais il va la mater… Un petit coup de poignet, et il reprend :

« D'accord. Je promets. »
« Regarde mon cul… Tu l'aimes, mon cul ? »
« Caresse-le pendant que je me branle… et écarte un peu les jambes, que je puisse voir ta chatte. »
« Elle est bien trempée, ma chatte, bien dégoulinante… »
« Ma queue est bien raide. Je vais te défoncer, petite salope ! »
« Petite ? Non : ta grosse salope. Vas-y, enfourne-la, ta trique ! »
« Prends ça ! Je t'agrippe par les hanches et je m'enfonce d'un coup dans ta cramouille bien baveuse. »
« Baise-moi ! Baise-moi bien profond ! »

Marie est rarement à ce point vulgaire. Elle garde en principe une retenue, un détachement qui donnent à leurs échanges coquins un ton bien particulier. Ce changement n'est pas pour déplaire à Cédric. D'un caractère beaucoup plus impulsif, il prend plaisir à sentir sa correspondante s'abandonner en même temps que lui. Il s'emballe, et envoie coup sur coup quatre messages :

« Oui. Bien profond. »
« J'y vais de toutes mes forces, je t'enfile de toute ma longueur ! »
« Bien agrippé à tes hanches, je ravage ta chatte qui continue à cracher son jus. »
« Cédric : Tu jouis, salope, hein, tu aimes ça ? »

Elle lui répond :

« Oh oui ! Oui ! J'adore ça ! »

Cédric est surexcité. Son cœur bat à tout rompre. Marie a mis un peu de temps à répondre, comme si elle était un peu ailleurs ; mais qu'importe, la scène qu'il est en train d'écrire suffit à son bonheur. Il s'octroie quelques vigoureux coups de poignet en se demandant ce qu'elle fait. Est-elle simplement assise à son bureau ? Assez isolée pour se caresser un peu, peut-être ? Il revient à son délire pornographique, et cette fois-ci ce sont sept messages qu'il envoie :

« Je te force à te cambrer, à te redresser en tirant sur ta queue-de-cheval. »
« Puis je passe mes mains sous tes bras pour atteindre ta poitrine, et t'attire contre moi en continuant à te ramoner. »
« Je te pelote à travers ta veste… »
« Je desserre ton nœud de cravate et je déboutonne ta chemise. »
« Je l'ouvre sans ménagement pour libérer ta poitrine nue. »
« Je plaque mes mains contre tes superbes nichons. »
« Je les masse tout en continuant à bien te baiser ! »

Petite pause branlette, fébrile, en attendant la réaction de Marie, qui arrive rapidement :

« Ça monte, hein ? »
« Oui. »
« Ça t'excite de baiser une salope BCBG dépoitraillée ? Avec sa belle cravate rose qui tombe entre ses nichons que tu malaxes ? »
« Oui ! »
« Oh oui, bien profond… bien profond dans ton vide-couilles préféré ! »
« Ce que tu m'excites… »
« Mais stop ! Interdiction de jouir, mon chéri, tu te rappelles ? »

Cédric sourit. La petite garce ! Cette courte phrase l'a déstabilisé un instant à peine, mais cela a suffi à condamner son ascension vers l'ultime extase. Il ne culpabilise pas vraiment, car comment pourrait-elle savoir si la précieuse semence a jailli ou non, finalement ? L'heure affichée dans le coin de l'écran de son smartphone lui fait définitivement renoncer à se finir dans la cuvette des toilettes. Il doit participer à une réunion qui débute dans quelques minutes…

« Tu ne m'as pas habitué à tant de fougue… »
« Mais ce sont tes propres élans qui t'emportent, mon cher. Je me contente de te lire et de mouiller pendant que tu te défoules en moi. »

Il retrouve la Marie un peu distante pour laquelle il a, dans le fond, une réelle tendresse. La pression baisse, petit à petit. Son cœur se calme.

« Je t'embrasse, et je te laisse. »
« Je t'embrasse également. »

Il se rhabille, tire la chasse et sort.


« Tu es en ligne ? »

La question surprend Cédric : il est rare que Marie le sollicite comme cela. En principe, c'est lui qui la contacte lorsqu'il a des envies crapuleuses. Et là, cela tombe mal.

« Oui, mais je ne peux pas rester. Il est presque 13 heures et je suis en retard. Ma chérie m'attend pour un déjeuner en amoureux. Je viens de trouver une place ; maintenant, il faut que je me dépêche ! »
« Je vois. Je ne te dérange pas plus. Bon appétit ! »
« À plus tard. Bise. »

Cédric s'extrait rapidement du siège en cuir de sa DS, ferme la voiture et s'élance sur le trottoir. Il a tourné dans le quartier une bonne dizaine de minutes avant de pouvoir se garer, et il est tout juste à l'heure. Quelle idée de réserver près des Champs-Élysées ; comme s'il n'avait pas passé assez de temps au volant aujourd'hui ! Mais il faut reconnaître que l'endroit est sympathique : lorsqu'il arrive devant le restaurant, essoufflé par sa course, il jauge l'établissement d'un rapide coup d'œil. De hauts plafonds, une grande salle chaleureuse dans le plus pur style des grandes brasseries parisiennes, et une affluence qui en dit long sur la popularité de l'endroit. L'immense salle est pleine à craquer. De nombreux serveurs naviguent entre les tables, au milieu du bruit des couverts et des conversations qui résonnent en se perdant dans un brouhaha continu. Cédric en intercepte un qui repart vers les cuisines, les bras chargés d'assiettes vides.

— Excusez-moi ! Je suis attendu. Table 961.
— 961 ? Ce sera au sous-sol, Monsieur. L'escalier, là-bas, où sont indiquées les toilettes. Et vous prenez la porte sur laquelle il y a le panneau « Privé ».
— Je vous remercie.

Le garçon reprend sa course, laissant Cédric à sa perplexité. Au sous-sol ? Une salle privée ? Il aurait préféré de l'espace et la lumière du jour. Quoi qu'il en soit, il faut qu'il se dépêche. Il descend rapidement les marches, franchit la porte, traverse un long couloir habillé de velours et d'une épaisse moquette. L'agitation de l'étage disparaît dans l'ambiance feutrée de l'étroit passage au bout duquel Stéphanie doit l'attendre avec impatience.

Il débouche dans une sorte de large vestibule donnant accès à tout un ensemble de petits couloirs. La décoration est très cossue, avec de larges moulures qui courent le long du plafond blanc, une superbe tapisserie beige, et toujours la confortable moquette bordeaux du couloir. Il y a également cet imposant lustre très ouvragé sous lequel un homme en costume, tout de noir vêtu, semble l'attendre.

— Bonjour, Monsieur. Puis-je avoir votre numéro de réservation, s'il vous plaît ?
— Table 961. Je suis un peu en retard, et…
— Effectivement. Votre épouse est déjà là ; elle vous attend. Mais il ne s'agit pas d'une table ; si vous voulez bien me suivre…

Son hôte est très stylé. Il a tout du majordome de grande maison. Aucun de ses cheveux bruns grisonnants ne s'échappe de sa coiffure, une raie sur le côté très classique. Sa tenue est impeccable, il se tient particulièrement droit et ses gestes mesurés se limitent au strict minimum. Sa voix grave est à la fois douce et un rien obséquieuse. Il passe devant Cédric et s'avance dans l'un des couloirs. Trois portes s'alignent sur le mur de droite. L'homme s'arrête devant la première, celle qui arbore le nombre 961 en chiffres d'or, et l'ouvre. Il invite Cédric à entrer d'un geste de la main.

— Je vous en prie, Monsieur… Mettez-vous à votre aise. Vous avez du champagne sur le guéridon, avec un assortiment de parfums et du gel lubrifiant, si vous en avez besoin. Vous avez également un petit cabinet de toilette, là, sur la droite, ainsi qu'un portemanteau et un valet pour vos vêtements, ici, sur la gauche. Nous avons un chauffage par le sol ; vous pouvez sans crainte marcher pieds nus sur le revêtement en marbre. Enfin, si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez m'appeler en appuyant sur ce petit bouton rouge, ici, au-dessus de l'interrupteur de la lumière.

Il hausse le ton de manière à se faire entendre malgré le bruit incroyable qui règne dans cet endroit. La pièce est apparemment bien insonorisée, comme le suggère par ailleurs le capitonnage couvert de cuir blanc qui habille la face intérieure de la porte. Une multitude de femmes invisibles râlent, gémissent et hurlent leur jouissance…
Cédric est interloqué. Il inspecte le salon du regard, incrédule, en essayant de comprendre où il se trouve. Peut-être y a-t-il une méprise ? Il n'est en tout cas pas question d'un déjeuner.

— Pardonnez-moi, je suis un peu perdu… J'avais rendez-vous avec ma femme… et… Qu'est-ce que tout ceci ?
— Je conçois votre surprise, Monsieur. Votre femme a elle-même choisi cette ambiance sonore, diffusée par plusieurs enceintes réparties dans la pièce. Vous verrez que cela peut être très stimulant. Quant à Madame, elle est déjà ici. Elle vous attend.

Il désigne du doigt une petite trappe circulaire située sur le mur de gauche, près de la large banquette de cuir blanc qui occupe tout le fond du salon.

Cédric commence à réaliser ce qu'il se passe alors que, derrière lui, la porte se referme. Les murs noirs et les boiseries blanches qui en couvrent la partie basse, le dallage noir, les meubles blancs : il y a quelque chose de très chic et de très sophistiqué dans cette décoration. Et il y a cette trappe cerclée de métal doré…

Cédric sourit en secouant la tête. Ce n'est pas possible ! Quelle petite vicieuse…

Il y a quelques mois, Stéphanie l'avait emmené dans un club échangiste. C'était juste pour voir, mais malgré ses fantasmes et ses pulsions de mâle dominant, il avait hésité à franchir le pas. Il avait finalement accepté de l'accompagner, et la soirée avait été plutôt agréable. Elle l'entraîne aujourd'hui dans la réalisation de son grand fantasme du glory hole. Il se sent mal à l'aise et gêné, mais l'idée de ce tête-à-tête – ou plutôt ce tête-à-nœud – à travers une cloison le titille. La perversion dont Stéphanie fait parfois preuve l'inquiète un peu. La fellation promet toutefois d'être mémorable.

Il souffle un grand coup et décide d'envoyer un petit message à Marie, pas tant pour partager ce moment avec elle, mais surtout pour se donner une contenance bravache et balayer ses états d'âme :

« Ce n'est pas pour déjeuner que ma chérie m'attend, mais pour un glory hole. C'est bien salace, non ? Quelle surprise ! »

Il n'attend pas la réponse. En effet, la trappe vient de s'ouvrir dans un léger claquement, monopolisant toute son attention. Il dépose son téléphone sur le guéridon, retire nerveusement son long manteau noir et le suspend au portemanteau. Il s'immobilise une seconde, puis baisse sa braguette et se jette dans la gueule du loup.

— Vas-y, ma petite pute ; suce-la, puisque c'est ce que tu veux…

Il a lâché cette phrase quasiment à voix basse, mais il se doute qu'en se plaquant contre le mur, son sexe encore mou parle pour lui en émergeant de l'autre côté…

Il tressaute lorsque les doigts le touchent et glissent le long de son pénis. Il tressaute une nouvelle fois lorsque les lèvres gobent doucement son gland. Il se sent bander, plus long, plus raide, à chaque fois qu'elle le fait glisser dans sa bouche. Juste le gland. C'est doux. Cela chatouille un peu, mais c'est vraiment agréable. Puis elle se décide à l'avaler un peu plus, progressant à chaque mouvement. Les doigts qui se contentaient d'accompagner la bouche se font plus fermes, la main se fait masturbatrice, et la fellation prend un rythme de croisière des plus plaisants.

Cédric se dit que Stéphanie a toujours été une incroyable suceuse. Il réalise que le fait de ne rien voir le met dans un état d'excitation particulier, exacerbe les sensations. La bouche l'abandonne pour laisser la main s'exprimer, franche, autoritaire, le décalottant sans ménagement, tirant sur la trique comme si elle voulait l'arracher à la cloison qui la lui offre. Puis la bouche revient pour reprendre la fellation, toujours sur le même tempo, toujours aussi douce et décidée, avec la langue qui vient l'enrober, le laissant filer pour mieux le reprendre.

Cédric se laisse emporter par ses émotions, qui montent et redescendent comme de grandes vagues, passant de la vigueur du poignet à la bienveillance fellatrice de son experte bien-aimée… Et tout s'arrête. Sa trique est agitée de spasmes, son souffle s'apaise… Il se demande pourquoi Stéphanie le délaisse ainsi, mais il n'ose bouger.

Il sursaute lorsque la bouche s'empare à nouveau de lui. Plus rude, plus vive cette fois. Le mouvement est différent. Elle doit se tenir face à lui… c'est ça. Il lui semble qu'elle était légèrement de côté, jusqu'ici. Il ferme les yeux, tente de visualiser la scène, mais se laisse à nouveau submerger par de vertigineuses sensations qui le font renoncer à toute pensée. La fellation est beaucoup plus brutale. La bouche l'avale par à-coups, plus profondément, beaucoup plus profondément. Il ne sent plus les doigts ; la main n'est plus de la partie qu'en de rares instants où elle vient soulager la bouche que Cédric imagine meurtrie par un tel exercice. Il gémit. Quel déchaînement… Mais il tient bon.

Puis Stéphanie conclut ce fougueux épisode par une gâterie plus lente, plus tendre. Le gland va et vient dans sa bouche pleine de salive épaisse, probablement mélangée aux excrétions glaireuses d'incursions un peu trop profondes dans sa gorge. Elle le fait glisser sur ses lèvres et son menton humides, et lui offre un délicat baiser avant de l'abandonner une nouvelle fois.

Cédric transpire à grosses gouttes. Il prend quelques grandes inspirations avant l'inévitable fin de l'entracte dont il ignore la durée. « Qu'est-elle en train de faire ? Elle respire aussi, très certainement. » Mais en guise de réponse à cette silencieuse question, une main ferme se saisit de lui. Il se plaque contre la cloison. Lorsque les doigts le libèrent, il sent son gland pénétrer un espace moite qui se referme autour de sa raideur. Il est en elle, il est en train de la baiser, se dit-il. Le vagin dilaté et lubrifié par le désir se met en mouvement, accélérant rapidement pour gagner un rythme régulier, soutenu et saccadé. Quelle vigueur !

Cédric se met en phase avec sa partenaire, se déhanchant et assénant ses coups de reins à l'unisson. Il y met tout son cœur. Il n'espérait pas avoir l'occasion de la défoncer, et il compte être à la hauteur de ce jeu pervers dans lequel elle l'a piégé. Ça, oui, il va bien la défoncer ! Il regrette juste de ne pas pouvoir l'agripper par les cheveux pour la forcer à se cambrer, comme il le fait souvent. Il accompagne ses élans de petits cris rauques, de petits « Oui… » à peine audibles, lâche à voix haute des « Prends ça, salope ! » ou des « Déguste, petite pute ! », ces mots doux censés l'encourager dans son effort et qui émoustillent tant Stéphanie…

Il va jouir, il le sent. En pleine extase, il ne ralentit pas pour autant, et sa chérie ne se retire pas alors que le bouquet final approche.

— Je vais jouir Stéphanie, je vais…

L'avertissement est vain. Et bien trop tardif, de toute façon. Il décharge. Les jets de sperme viennent grossir les flots qui s'écoulent de la chatte béante. Quelle jouissance… Les oreilles de Cédric bourdonnent. Il est épuisé. Appuyé contre le mur, les yeux clos, il a du mal à retrouver ses esprits. Lorsque le fourreau qu'il vient d'inonder se retire, il se laisse tomber sur la banquette, éteint. Assis, avachi, il reprend peu à peu conscience de l'espace qui l'entoure. Il parcourt la pièce du regard…

La petite trappe s'est refermée.


Cédric remonte lentement l'escalier qui le ramène à la surface et dans l'agitation de la brasserie toujours aussi bondée. Au moment de prendre congé, le majordome du sous-sol lui a transmis un message de Stéphanie. Elle lui demande de ne pas l'attendre et espère qu'il aura apprécié cette petite surprise.

Il s'immobilise sur le pas de la porte, le temps de jeter un coup d'œil à sa montre. Il n'est pas particulièrement pressé, mais il doit impérativement repasser par le bureau cet après-midi. Il faudra qu'il remercie sa chérie comme il se doit en rentrant. Après ce qu'il vient de vivre, un tendre câlin et une soirée tranquille en amoureux feront parfaitement l'affaire. Quelle perverse, tout de même… Elle a vraiment le feu aux fesses, et elle ne pense qu'à ça.

Il lui faut un instant pour se remémorer l'endroit où il a garé sa voiture, et il s'élance sur le trottoir. Il bouscule malencontreusement un homme portant un costume gris et un pardessus clair, qui vient lui aussi de sortir du restaurant.

Il lui adresse un petit signe d'excuse. Ils se sourient, et Cédric repart avec entrain vers le reste de sa journée.