Le fruit défendu

Deux hommes et une femme en rivaux insoupçonnés, un trio dont chacun tire toujours un bout de la couverture à lui. La couverture… c'est moi, Sylvie, fille perdue et sans avenir, mais qui a d'un coup trop de prétendants ! Choix cornélien que celui auquel je suis soumise. J'ai par la force des choses revu Gilles. Il est aimable avec toutes ses employées et elles lui rendent ses sourires. Cette seule avancée lui plaît. Il a aussi changé de look et s'habille plus jeune, mais je ne suis pas certaine qu'il y gagne au change. Hormis Annabelle, aucune autre fille de notre boîte ne m'a interpellée, et c'est tant mieux. Il a une classe folle, mais rien à faire, la machinerie qui me fait aller de l'avant ne se met pas en route.

Francis, lui, est plus empressé : il veut tout, tout de suite, mais je n'ai rien à donner. Mon corps ? Oui, c'est peut-être une monnaie d'échange. Mais mon angelot au fond de ma tête gagne de temps en temps, et une piqûre de rappel m'oblige à me souvenir qu'il n'était pas loin de mon ex-mari et que son comportement n'a pas toujours été exemplaire. Lui voudrait faire l'amour avec moi, mais je m'y refuse obstinément. Pour l'instant, il a dû seulement se contenter de bribes, de miettes. Annabelle aussi est à diverses reprises revenue. Ses baisers sont tout aussi passionnés que ceux du premier soir.

Je veux réapprendre à vivre au calme, à vivre sans ces grandes questions existentielles. Si j'écarte d'emblée une liaison officielle avec mon amie – je ne serai jamais une lesbienne convaincue – j'ai longuement hésité entre mon boss et le patron du bar. Les garder séparément comme amants serait un bon compromis, mais il me faudrait alors gérer une certaine duplicité, et ça je ne sais pas si c'est dans mes cordes. Je me suis toujours dit que je ferai une tentative… un jour, un soir où l'envie serait plus forte que d'habitude. Mais c'est vrai que j'avais hautement apprécié la « sortie sauna » avec Gilles Gallois.

Parfois je songe aussi que comme la femme du chalet de la montagne, il me serait facile de donner quelques billets à un jeune pour deux ou trois heures d'extase, et que cette solution ne m'apporterait que des avantages. D'abord aucune contrainte et pas d'attaches, et puis un choix inépuisable, en fait ; mais je ne saurais pas comment m'y prendre ni vraiment où trouver ce gigolo qui, pour quatre francs six sous me rendrait heureuse une fraction d'éternité. Mais j'avoue y avoir pensé des nuits entières depuis cet orage. Il me vient des idées grotesques aussi de plus en plus souvent, des délires idiots.

Pourquoi ne pas inviter à la même table ces trois qui me courent après ? Je vois le tableau : la salope, les deux mâles en rut et la lesbienne. Est-ce que c'est une si mauvaise obsession que cela ? Cette envie me revient de plus en plus souvent, et je me souviens du deal amoral dont Francis et moi avions discuté lors de sa visite. Pour Gilles, il me semble que ce serait juste une formalité. Il aime ces situations ambiguës ; les lieux libertins qu'il fréquente sont le théâtre de ce genre de rencontre. Je souris rien qu'à l'image de la tablée hétéroclite que nous formerions ; je perçois les bouilles des trois autres.

Peut-être qu'un jour je me lancerai dans ce genre de défi. Oui, qui sait… il pourrait en surgir des trucs amusants. Et puis pourquoi suis-je en train de me demander, de me poser ce type de question ? Quelle mouche me pique pour que me monte un pareil scénario ? « Allez, ma petite Sylvie, lève-toi et marche ! Le soleil matinal est radieux et la vie est devant toi. Oui ? Mais pour combien de temps encore ? Les roses aussi sont belles, mais elles fanent en l'espace d'une nuit. » Rien que de me dire cela et me voici toute crispée. C'est nul, non ! Non : c'est moi qui suis nulle !

J'expédie les courses dominicales ; plus vite la corvée est terminée, mieux c'est. Je n'aime pas les files d'attente aux caisses, et je dois toujours tomber sur la caissière la plus aimable, ou alors celle qui connaît tout le monde. Il y a toujours un truc qui empêche le rang où j'ai pris place d'avancer. Mais il est tôt et je ne risque rien du côté queue. L'image elle-même me fait sourire… La queue ? C'est bien mon seul souci en ce moment. Je fonce dans ces allées quasiment vides, mais trop vite sans doute puisque mon chariot, au détour d'une travée, heurte avec grand bruit celui d'une dame inattentive elle aussi.

Cette dame lève les yeux et mon sang ne fait qu'un tour : je suis à peu près sûre que c'est la femme de la montagne. Je l'avais jugée plus âgée qu'elle ne l'est en réalité. Disons qu'elle doit avoir une petite cinquantaine, et elle est bien conservée.

— Ça va ? Pas de dégâts apparents ?
— Non, je ne crois pas.
— Alors toutes mes excuses ; je ne regardais que le rayon du café, et…
— Oh, je n'étais guère attentive non plus. Donc torts partagés ?
— Oui.

Elle a un sourire qui lui éclaire le visage. Ses cheveux bruns coupés au carré encadrent une petite tête bien ovale. Il émane de cette dame une certaine aura indéfinissable. Elle porte une jupe relativement longue, et visiblement son chandail montre la marque du soutien-gorge qu'il recouvre. Une paire de chaussures plates finissent cet ensemble somme toute harmonieux.

— Une corvée pour vous aussi, ces courses ? Enfin, il faut bien manger tous les jours, alors…
— Oui, mais voyez-vous, le matin c'est plus calme. Enfin, sauf si on se télescope.
— Comme quoi, même par temps calme on peut avoir un accident.

Elle se marre de plus belle. Et comme elle est à quinze centimètre de moi, je peux aisément m'apercevoir qu'elle est toute petite. Je dois bien avoir – et je ne suis pas immensément grande – une tête de plus que cette nana.

— Bien. Je vais aller à la caisse, alors.
— Je m'y rendais également. Moment douloureux que celui de l'addition…
— Oh, je pense que tout devrait aller pour le mieux. Si vous avez une minute, on peut prendre un petit crème à ce nouveau bar qu'ils viennent d'ouvrir dans la galerie marchande.
— Je ne sais pas si…
— Ah oui ! Pardon ! Geneviève. Je me présente : mon prénom est Geneviève, et puis on prendra bien le temps de mourir.
— Sylvie… et enchantée de faire votre connaissance, bien que la manière n'y soit pas vraiment.
— J'en ai vu d'autres, vous savez… Alors pour ce café, laissez-vous tenter.
— Bon, allez. Je vais vous dire oui, mais c'est moi qui vous l'offre.
— À votre aise ! D'ordinaire, c'est moi qui paie… pour tout. Alors une fois n'est pas coutume.

La petite phrase me ramène là-haut, et j'ai dans l'oreille sa phrase si particulière : « Je veux que tu me baises comme tu l'entends. J'en veux pour mon argent ! Tu as bien compris ? Je ne te paierai que si tu me fais jouir. » D'aussi vilains mots dans une si belle bouche… Un comble, quoi ! Mais que ne dit-on pas quand on fait l'amour… Et puis si elle aime ce genre de rapport, ce n'est pas à moi de juger. Mais pour l'instant nous occupons les deux seules caisses en fonction. Nous nous retrouvons dans l'immense galerie marchande où les boutiques s'ouvrent une à un une. Une agréable odeur de viennoiseries chaudes nous titille les narines.

— Le café pour vous, alors les croissants pour moi ? Croissant, ou autre chose ?
— Non, c'est parfait… mais sans beurre, s'il vous plaît.
— Bah, ne me dites pas que vous faites partie de ces adeptes des régimes minceur si inutiles…
— Non. Faites comme bon vous semble, après tout.
— Voilà qui est plaisant… Allez, prenez une table et commandez, je vais au « point chaud ». Un café-crème pour moi… un grand !

Pas besoin de se déhancher pour prendre une table : toutes sont vides. Le garçon derrière son comptoir met un temps infini avant de daigner venir prendre ma commande. Il le fait avec un sourire et il retourne nonchalant vers son zinc. Geneviève, de retour, s'installe tranquillement.

— Ils sentent bon et me donnent faim. Vous avez vu pour nos boissons ?
— Oui. Du reste, le serveur nous les apporte.
— Ah !

Elle se tourne vers le jeune homme. En costume de service, pantalon noir, chemise blanche sous une mini-veste de satin sombre et une ceinture banane pour y mettre ouvre-bouteille et monnaie, il est fringant. La brune suit les formes du jeune homme, et je suis quasi certaine de ce qu'elle pense. Quand enfin elle se retourne vers moi, je surprends un petit morceau de langue qui humidifie ses lèvres. Gourmande ? Gourmet ? Elle ne se départit pourtant pas de sa risette.

— Bien, Sylvie, vous avez un mari ?
— Non. Je suis divorcée depuis… un moment déjà.
— Ne soyez pas triste. Il vaut mieux parfois être libre ; la vie à deux n'est pas une sinécure.
— Et le vôtre ? Il ne vous convient donc pas plus que cela, si j'en juge par vos propos.
— Mais je n'en ai pas. Je n'en aurai jamais. J'aime trop ma vie de liberté.

Je fais un effort pour me reprendre. J'ai bien failli me couper en paroles. Le gamin du chalet… ce sont ces mots qui m'ont induite en erreur : « Tiens, salope ! Ton mari ne t'en donnera jamais autant. » J'en ai conclu trop rapidement qu'elle était mariée. Bien sûr que lorsqu'elle se livre à ce genre de jeu avec des petits jeunots inconnus, elle ne leur raconte pas sa vie ; ça tombe sous le sens. Et moi, comme une bécasse…

— Vous m'avez l'air d'être bien songeuse, Sylvie… Un métier dans la vie ?
— Euh… oui ; je travaille dans une boîte de la ville, chez Gilles Gallois. Vous connaissez ?
— Si je le connais… Les rumeurs vont bon train sur cet homme. On le dit plus ou moins ouvert à certaines pratiques peu… orthodoxes. Enfin, loin de moi l'idée de le blâmer. Chacun voit midi à sa porte et porte le fardeau de ses petits secrets. Mais parlons de vous…
— Il y a si peu à dire. Je ne…
— Allons, pas de fausse modestie. Avec cette frimousse d'ange, vous devez en faire craquer plus d'un. À moins que ce ne soit plus d'une…

Elle me fait cette réflexion qui sonne dans mon crâne comme un réveil. Celui de cette sexualité délirante des derniers jours, cet appétit féroce pour des choses pas plus catholiques que les secrets de Gilles. Et puis je la revois dans une position qui appelait bien autre chose qu'une prière au sens convenu du terme. Le dieu qu'elle honorait s'appelait plus Priape que Jésus. C'est moi que cette image fait sourire. Et elle prend cela pour un aveu.

— Bon, chacun ses goûts… Les miens vont plus vers des gars comme notre petit serveur. Vous devriez un jour y goûter.

Cette diatribe n'appelle aucune réponse, mais elle n'en attend pas. Elle tourne son café avec insistance, et nos croissants disparaissent entre quatre mâchoires occupées à les avaler. Au moins aucune parole ne peut plus venir perturber ce face-à-face matinal. Cette femme me fascine, pourtant. Elle a quelque part ce que l'on pourrait dénommer comme « du chien ». Elle n'est pas réellement belle. Non, le qualificatif ne colle pas ; je crois qu'elle inspire confiance et m'attire comme un aimant. Ses petites billes roulent dans les orbites, toujours en mouvement. Les petites rides aux coins de ses yeux, rançon de la sagesse qui vient en vieillissant, sont autant de traits que j'admire.

Il n'y a aucune connotation sexuelle dans mes pensées ; j'aimerais tout simplement qu'elle et moi soyons amies, et je n'en sais pas la raison. Mais je ne dis rien, me contentant seulement de suivre son index qui appuie sur les quelques miettes de pâte feuilletée qui sont restées sur le sachet. Elle les avale avec bonheur. Et lorsqu'elle s'aperçoit que je la regarde faire, son rire de gorge fait lever la tête du barman.

— Je suis incorrigible. Je garde ça de mon enfance. J'ai toujours aimé ne rien laisser perdre. Ce sont les dernières miettes qui sont finalement les meilleures. Un pur bonheur, si vous saviez !
— Je n'en doute pas…

De son sac à main plus proche de la besace que du baise-en-ville, elle sort tout un attirail des plus bizarres : mouchoirs jetables, sachets de nylon, et puis des tickets de bus, et enfin deux rectangles de cuir ressemblant à des portefeuilles. De l'un d'eux, elle extirpe une carte de visite qu'elle me tend avec grâce.

— Nous pourrions nous revoir, si vous le souhaitez. J'adore avoir de nouvelles amies et raconter tous les potins mondains de notre ville. Et puis vous pouvez aussi passer me voir à ma boutique ; je vends des parfums en franchise pour Nocibe. Vous voyez où mon magasin se situe ?
— Oui, très bien. Et ça marche, vos affaires ?
— Bien sûr ! Les hommes y viennent pour les anniversaires et les fêtes de leur épouse, et parfois certains reviennent pour les mêmes raisons deux fois dans l'année… leurs maîtresses m'arrangent bien. Et puis les femmes sont toujours friandes de ces nouvelles eaux de toilette ou de parfum. Et si un jour vous aviez besoin de trouver un nouveau job, je pense bientôt passer la main.
— Vous n'avez pas l'air d'être en retraite…
— L'air, non. Mais la chanson… Si vous saviez comme les raideurs se déplacent de plus en plus, et pas toujours où nous les voudrions…

Elle part dans un fou-rire sonore. Mais je la vois, d'une main qui ne tremble pourtant pas, griffonner quelques mots sur une seconde carte de visite. Elle sort aussi d'une aumônière de daim souple un billet de banque et le glisse avec la carte sous la tasse de son café. Une fois de plus, elle lève son visage vers le mien.

— Oui, j'imagine ce que vous allez en penser. Mais vous savez, le prix de la tranquillité c'est ce genre de chose. Moi, je préfère payer les services anonymes d'un garçon comme ce serveur ; ensuite, pas de compte à rendre.
— Mais… vous n'avez jamais eu d'ennuis en procédant de la sorte ?
— Ben… non. J'appâte avec un billet, je laisse deux mots, et s'il se manifeste je lui donne un rendez-vous. Il n'est payé qu'ensuite s'il a bien fait… le boulot.
— Je vois. Je vous admire d'avoir cette audace. Je n'aurais jamais le cran de faire comme vous.
— Bof, tout s'apprend, ma chère. Mais si vous voulez essayer… je veux bien vous trouver de quoi vous satisfaire.
— Euh… non, merci.
— Ne soyez pas bête : la vie n'est pas aussi longue qu'on le pense, et les années difficiles arrivent vite ! Vous verrez, après la quarantaine : les messieurs souvent préfèrent… la chair plus fraîche. Question de goût, et je ne les blâme plus puisque j'agis comme eux. Bon, je dois y aller ; ma boutique ouvre à dix heures, même les samedis. Passez quand vous voulez, nous pourrons bavarder.

Elle s'est levée, se penche en avant, me tend la main, puis se ravise. Elle approche sa bouche de ma joue et je me baisse légèrement pour qu'elle l'atteigne. Nous nous embrassons sous les yeux intrigués du serveur. Gageons qu'il va l'être bien davantage quand il va trouver la carte de visite ! Elle me glisse dans la main le même bristol que pour le serveur, mais sans inscription manuscrite puis elle file, accrochée à son caddie. Elle tortille son derrière avec aisance, et j'en suis presque envieuse. Une idée me trotte dans la caboche. « Et moi ? Est-ce que je marche de cette manière inconsciemment ? C'est peut-être une démarche féline naturelle à toutes les femmes. » C'est en songeant à ce genre de baliverne que je reprends le chemin de mon appartement.


J'ai mille trucs à faire dans la journée. C'est toujours aux abords des soirs que le bourdon remonte en force. On dirait qu'une sorcière facétieuse s'amuse à nous tourmenter dès que le noir inonde le monde. Et là, ce crépuscule n'échappe pas à cette règle si commune. Souvent l'ennui débute après la vaisselle du soir ; il s'installe en maître, un peu chez lui. Une des premières solutions serait d'allumer la télévision, mais les programmes du samedi sont d'un rasoir… Après, les mots fléchés ou croisés peuvent pallier un moment le désœuvrement nocturne. Si j'étais accompagnée, serait-ce différent ? J'en doute. Nous nous occuperions d'une autre manière ? Faire l'amour peut aussi s'avérer bénéfique. Et me voici relancée sur cette obsession absolue qui me fait penser que je deviens nymphomane.

C'est lorsque j'ai tourné deux fois et demie en rond dans mon nid que je prends la résolution d'aller boire un pot. Merde, passer la soirée seule ou en tête-à-tête avec un verre, autant que mon ventre se satisfasse d'une bonne boisson fraîche. Mais je ne suis pas du tout certaine que ce soient bien les motivations réelles de mon diable dans son bocal. Il me transmet d'autres infos, me serine que pour baiser, il faut d'abord rencontrer, et que ce n'est pas chez moi que je vais trouver pénis pour mon vagin. La brise me souffle dans le cou et mes pas me dirigent vers le seul bar que je fréquente : celui de Francis, Chez Kiki, mon escale obligée.

Les quelques habitués qui sont accoudés au bar ont tous un bonsoir qui me résonne aux esgourdes. L'un deux me prend à partie avec un rire qui découvre une rangée de dents où quelques fausses notes sont visibles.

— Allez, venez avec nous ! Vous payez votre canon ? Y a combien de temps qu'une belle fille comme vous ne s'est pas avancée vers des vieux comme nous ? Hein, les gars ! Une jolie pouliche que voici.
— Calme-toi, Gégène ! Tu vois bien que ce n'est plus de ton âge.
— Dis plutôt que je marche sur tes plates-bandes. Message reçu, Francis. Ne t'inquiète pas… On ne la mangera que des yeux. Tu as bon goût, une sacrément chouette poulette. Allez ! On trinque ?
— À quoi, grands dieux ?
— Ben… à nos chevaux, à nos escaliers et à nos femmes, mais surtout à tous ceux qui les montent.
— Ah, elle est fine celle-là, Gégène… Tiens, je t'en ressers un ; c'est le mien, celui-là !
— Quelle générosité, Monseigneur ! Merci, mon prince.

Ils sont marrants, les clients de Francis. Lui, je le sens, attend son heure pour me parler. Je lui fais signe et il me coule une pression. Blonde à souhait, sans faux-col, avec ce zeste de mousse qui donne envie de la laper. Quand il pose le sous-bock, sa main dérape vers la mienne. Mais non, ce n'est pas ce que je veux. Pas maintenant, pas tout de suite ; je ne sais plus, moi. Le bonheur aussi de plonger mes lèvres dans cette liqueur à la couleur attrayante ; j'ai du plaisir à la sentir couler dans ma gorge.
La porte vient de s'ouvrir sur le goujat qui m'a remis sur les rails du sexe.

— Ah, vous êtes une habituée, à ce que je vois ! Vous vous souvenez de moi ? Éric.

Comment j'aurais pu l'oublier, ce con ! Il se colle le cul sur un siège, face à moi, et joue les gentlemen. Au coin de son bar, le patron d'ici doit serrer les poings ; je ne veux pas de cette compagnie. J'achève ma bière et sors mon porte-monnaie. Je mets le compte sur la table et me prépare à partir.

— Tu ne vas pas me planter encore cette fois. J'ai encore envie de toi, et je voudrais bien finir ce que nous avions si bien commencé.
— Foutez-moi la paix.
— Mais comment elle me parle ! Tu n'as pas aimé que je te crache dans la bouche, soit, mais tu n'as pas essayé la baise ; et là, je suis champion.
— Ça va ! Bouclez-la et lâchez-moi les baskets !
— Mais c'est qu'elle n'a pas la reconnaissance du ventre, cette salope.
— Vous avez dit ? Cette quoi ? Vous voulez me répétez à moi ce que vous avez dit à cette dame ?
— Bon, les mecs, je vous laisse entre vous ; je n'aime vraiment pas les orages. Salut, Francis, et à bientôt.
— Attends, Sylvie, je m'occupe de ce con et je suis à toi…
— Non. J'avais seulement envie d'un verre, et celui-là m'a coupé mes envies. Hé, cogne pas trop fort : c'est une doudouille… un chérubin, un fiston à sa maman.
— Si je te retrouve, toi, la salope…

L'idiotie des mecs n'est pas toujours une légende. Ah, ils peuvent bien se moquer des blondes… ils sont pires, souvent. Ce type a réussi à foutre en l'air ce que j'appréhendais déjà comme un bon moment. Sous ma mine réjouie, il y a une rogne colossale ; je suis prête à exploser de rage. Malheur à celui que se mettrait en travers de ma route ! Et c'est seulement dans la rue que je constate que j'ai bien rangé bourse et argent, mais qu'il me reste un papier dans la paume de la main. La carte de visite de Geneviève. Après tout, il n'est pas si tard, et un coup de téléphone n'engage à rien. Sa voix me parvient dès la seconde sonnerie.

— Allô, Geneviève, c'est Sylvie. Je sais qu'il est tard, mais je suis seule et m'ennuie terriblement, alors j'ose vous déranger.
— Me déranger ? Voyons, je vous ai donné mon téléphone : c'est pour ces instants-là, et vous comprenez que j'ai bien fait. Par contre, j'attends des amis ; mais si vous n'avez pas peur de la compagnie, je peux venir vous chercher de suite.
— À votre guise, j'en serais ravie. Je suis devant le bar Chez Kiki. Vous voyez où ça se trouve ?
— Oui. Je serai là dans cinq à dix minutes tout au plus… Ah oui, encore une chose : mes amis sont… des hommes ; ça ne vous rebute pas ?
— Bien sûr que non. Je devrais avoir peur ?

Pas de réponse autre que son rire de gorge et elle raccroche. Quelques minutes après, au bout de la rue le bruit nerveux d'un moteur malmené, et dans un crissement de pneus une voiture qui s'arrête à ma hauteur.

— Montez. Je ne voudrais pas que mes invités trouvent porte de bois.

En deux temps et trois mouvements, mes fesses à peine installées sur le siège passager, le véhicule repart en trombe.

— Vous vous souvenez du garçon de café ? De la galerie marchande. Eh bien… il vient avec deux amis ce soir, et ma foi, si vous ça vous dit de passer une bonne soirée en notre compagnie…
— Vous… vous avez invité trois garçons ensemble pour ce soir ?
— Oui. Vous êtes choquée ? Quand on aime, on ne compte pas. Mais je suis aussi assez prêteuse, alors… Sinon, nous prendrons juste un café ou autre chose tous ensemble, et soit vous nous quitterez, soit vous… vous ferez bien comme il vous plaira. À vous de choisir.
— Vous êtes incroyable… Je n'arrive pas encore à y croire, de toute façon.
— Nous voici arrivées. Bon, tout va bien, ils ne sont pas là. Parfait. Vous me suivez ou vous partez en courant ?
— Non, je viens ; pour l'instant, il n'y a pas péril en la demeure.
— À la bonne heure, c'est dit !


J'ai dû passer des centaines de fois devant la maison de Geneviève sans jamais savoir que c'était chez elle. Une allée bordée de peupliers traversant un parc, et nous voilà devant une façade en pierres de taille. Un perron de trois marches, un hall grand comme mon appartement, et ma nouvelle copine me débarrasse de mon sac.

— Venez, allons attendre nos amis dans le patio.

Je lui emboite le pas et, merveille des merveilles, au milieu des bâtiments construits en carré, un endroit à ciel ouvert. Une petite piscine avec un toit qui se glisse comme c'est la mode maintenant, puis une sorte de jardin aménagé. Un hamac, une table, du sable, une petite plage privée à deux pas du centre-ville, avec ce coin de paradis invisible de tous.

— Mon patio. Ça vous plaît ? Ici, on peut vivre nu pratiquement toute l'année ; et je ne m'en prive pas. Et regardez : le vrai bonheur, c'est bien ça, non ?

Elle a appuyé sur un bouton, et entre les toits des bâtiments, une toiture transparente coulisse lentement avec un ronron de moteur. Quand elle est totalement dépliée, nous sommes entièrement à couvert.

— Même la neige ou la pluie ne peuvent rien dans mon… domaine. C'est mon père qui a fait construire tout ceci, pour ma mère. C'est loin, tout cela, mais j'en profite largement. Ça coûte cher aussi, une telle baraque à entretenir… Mais je suis certaine que vous avez déjà vu mon patio sans le savoir.
— Non, je ne le pense pas.
— Beaucoup de pubs pour certains parfums ont été tournées ici ; c'est comme un studio de cinéma, et je le loue à prix d'or. Vous voyez, ce hamac… il a connu bien des célébrités : Claudia S., madame Beckham, et tant d'autres…
— C'est vrai ?
— Bien entendu. Vous voulez vous mettre à l'aise ? Je pense que mes invités ne devraient plus tarder.

En trottinant, elle tire sur un cordon noué au cou de sa tunique et celle-ci glisse sur son corps. Elle plonge vers ses chevilles, dévoilant un corps absolument nu et bronzé uniformément. Du bout des orteils elle relève le chiffon informe de son vêtement et le jette sur un banc. Proche de ce dernier, une table haute revêtue d'une sorte de matelas épais.

— Ma table de massage… je les adore parfois spéciaux. Si vous voulez, ce soir, elle est pour vous.
— Pour moi ? Je ne comprends pas.
— Oh, cessez de faire l'autruche ou la bécasse. Je suis certaine que vous savez ce que je veux dire.
— Vraiment pas, je vous assure.
— Alors venez ici.

Surprise par ce ton, je ne bouge absolument pas, mais c'est elle qui s'avance à ma rencontre. D'un geste preste elle ouvre ma chemise et me dénude. Ma jupe aussi part sur le banc. Mes sous-vêtements sont également balancés vers ce tas de fringues qui s'amoncelle à quelques pas de nous. Je ne trouve pas de mots, scotchée par tant d'audace. Et en me prenant le poignet, elle m'attire vers sa table dite de massage.

— Vous allez voir que ce n'est pas si compliqué.
— Mais… je ne…
— Il faut savoir parfois provoquer le destin, et je sais qu'ensuite vous me direz merci.
— Je ne comprends pas… Qu'est-ce que vous faites ?
— Chut, ne dites rien et laissez-vous guider. C'est ça, allongez-vous là-dessus. Je vais vous préparer.
— Me préparer à quoi ? Vous me faites peur…
— Celle-là n'a jamais évité le danger, et il ne vous sera fait aucun mal ; juste du bien. Allons, laissez-moi faire et vous ne regretterez rien.

D'une main ferme, elle appuie sur ma poitrine et je me couche sur ce lit improvisé ; c'est doux. Elle prend dans un tiroir de cette table que je n'avais pas remarqué un loup pailleté. Mais dès qu'elle me le met sur les yeux, je saisis qu'il est fait pour ne plus rien voir de ce qui se passe autour. Ensuite, un étrange cliquetis et quelque chose de froid qui enserre un de mes poignets. Pareille manœuvre pour le second, et mes bras sont maintenus de chaque côté de l'autel où je suis étendue. Ils ne peuvent plus m'être d'un quelconque secours. Mon cœur s'affole ! Attachée, aveuglée, je sens le piège.
Geneviève pourtant est toujours à mes côtés. Sa voix rassurante tente de me calmer :

— Ne craignez rien. Je vous l'ai dit, il ne vous sera fait que du bien. Vous avez un corps de rêve, ma chère. Je vais vous offrir une soirée où vous serez reine. Trois beaux jeunes hommes pour vous seule ; ils vont vous émerveiller par leurs prouesses, et vous y reviendrez, soyez-en sûre. Vous me donnez la nostalgie de mes quarante ans. Vous êtes… bougrement bien faite.

Une de ses petites pattes parcourt mon corps du cou à mon ventre. Elle s'arrête sur mes seins et pince légèrement mes tétons.

— J'en suis jalouse, de ces seins ! Vous me donnez envie de regarder ce soir…
— Détachez-moi, s'il vous plaît… je ne vais pas m'enfuir. Mais j'ai peur.
— Allons ! Je ne vais ni vous délier ni vous garder prisonnière. Je veux juste être, pour un soir, spectatrice et productrice d'un show privé. Vous êtes mon héroïne, ma star, mon joker. Calmez-vous. Ah ! Voici mes figurants…

Une musique se fait entendre. La sonnette de l'entrée ? Je rue un peu mais c'est peine perdue ; je pense qu'elle a mis des menottes à mes poignets et que je peux juste me faire mal en tirant sur mes bras. Je tente de raisonner mon souffle et je tends l'oreille. Des voix s'approchent ; celle de Geneviève, bien sûr, mais aussi celles plus mâles de ses invités.

— Regardez, les garçons, la surprise dont je viens de vous parler. Madame S. livrée pour vous ce soir. Vous devrez outre la contenter, ne pas dire de mots crus, être courtois, respectueux et ne lui faire mal sous aucun prétexte. Moyennant quoi ce corps splendide sera à vous pour une partie de la nuit. Elle ne sait pas qui vous êtes et ne vous verra pas.
— Merci, Madame. C'est vrai qu'elle est belle.
— Vous trouverez dans ces tiroirs-là des joujoux pour la rendre heureuse. Mais vous avez tous compris et entendu mes consignes ? À la moindre incartade, je flanque à la porte celui qui manque de parole. Bien entendu, les hommes ?
— Oui, Madame.

Trois oui viennent de se faire l'écho de sa demande. Et j'en ai la chair de poule. Mon ventre sursaute avant même qu'on le touche. Je suis une victime, mais consentante puisque je ne dis rien. La guerre fait rage sous mes cheveux. Des éclairs jaillissent entre le diablotin et mon angelot. Mais pas un des deux ne prend le dessus, alors ils se taisent. Qui me touche ? Un des invités de… oui ! C'est délicat pour le moment. Je sens que celui qui est tout près caresse pour sentir la texture de ma peau, et il le fait plutôt bien.

Les évènements s'accélèrent et d'autres pattes sont sur moi. Si mes bras sont fixés, mes jambes, elles, peuvent toujours bouger. Et quand je sens qu'on les entrouvre, je tente de les fermer. Un raclement se fait entendre et des mains cramponnent mes chevilles. Je halète sans pourtant proférer le moindre cri. Et cette fois c'est bien fini : je suis immobilisée complètement. Mes tétons sont l'objet d'attentions diverses, et quand quelque chose commence à les avaler, je pousse un gémissement. Rien ne semble stopper cette succion déplaisante ; j'ai l'impression qu'une énorme pompe aspire le bout de mes seins. L'affreuse aspiration prend fin mais l'objet reste en place et maintient la pression.

Ma chatte est à son tour entrouverte ; je sens que ce que l'on recherche, c'est mon clitoris. Le même phénomène se produit, mais ce n'est pas véritablement douloureux, plutôt désagréable au possible. Une bouche s'est plaquée à la mienne, m'arrachant un baiser. Cette langue qui me fouille, inconnue, grenouillante de vie, ne me permet plus de dissuader qui que ce soit d'interrompre les attouchements bizarres qu'ils ont entrepris. L'air me manque un peu ; alors, pour abréger cette pelle, je consens à y répondre. Celui qui me la prodigue y prend goût.

S'il s'écarte un instant, c'est que pour les mêmes raisons que moi : il veut reprendre son souffle. Puis il réitère son palot. Partout sur moi, seins, ventre, cuisses, des bras m'étreignent, des doigts me tripotent. Ma poitrine bat très fort et je sens que ma chair s'éveille à ces sévices consentis. Une musique couvre mes soupirs et ceux des loustics à qui Geneviève m'a aimablement livrée. Le poids que je sens sur mon ventre, c'est l'un des garçons qui vient d'y monter ? De ses mains il masse mon ventre en restant assis sur mes cuisses. Il est nu, j'en jurerais.

Celui qui m'embrassait ne le fait plus, et je geins de plus en plus. Un autre poids sur ma poitrine ! Un second gaillard qui prend place sur moi ? Oui, et lui aussi n'a plus de fringues. Cette chose qui passe entre mes seins, les rendant douloureux par la présence de ces… trucs qui tiennent emprisonnés les bouts, c'est… c'est une queue ! Le gars s'est sûrement relevé un peu. Je ne sens plus que ses jambes de part et d'autre de mes flancs. Il a dû placer ses mains de chaque côté de mon visage, et sa bite me frôle les lèvres.

C'est à cet instant que d'un coup sec, le « je ne sais quoi » qui suçait mon clitoris relâche sa pression. J'ouvre la bouche pour hurler, et immédiatement la queue s'introduit entre mes mâchoires ainsi desserrées. Elle remue en moi, prenant ma gorge pour un vagin. Le mec se secoue lentement et ne pèse plus sur moi. Seul son sexe reste bien au fond de ma gorge. Mais l'autre qui persiste à me presser les pores de la peau retire aussi brutalement les aspire-seins, et je voudrais hurler tant la sensation est étrange. Je ne fais que laisser le vit s'enfoncer davantage dans mon palais.

Le troisième, lui, ne semble pas s'occuper de moi, mais il est vrai que si je prête un peu l'oreille, des bruits de femme qui baise me parviennent. Sans doute que Geneviève, prise par son élan, n'a pas supporté davantage la vue des images érotiques que les deux lascars qui jouent avec moi lui transmettent. Je suis quasi certaine que pas bien loin elle fait l'amour. Et j'ai dans l'idée que son garçon de café pourrait bien être son cavalier du moment. L'homme qui me masse a finalement lâché prise, et mes chevilles sont de nouveau libres de leurs mouvements. Mais elles sont saisies et remontées sur des épaules invisibles. Je suce toujours celui qui, en travers de moi, reste le dard planté dans ce second sexe.

Je me raidis un peu à l'idée que l'autre va plonger dans ma chatte. Et quand son vit arrive, je ne sais plus comment rejeter la barre qui est coincée dans mon gosier. Celle-ci est de plus en plus agitée, et j'imagine déjà que le sperme du bonhomme va… Non, pas encore, pas dans la bouche ! Je veux lui hurler de ne pas faire cela mais le piston m'en empêche et je ne peux donc que subir. Mon ventre, lui, s'accommode de l'entrée intempestive de la canne du baiseur qui me prend. Ce type y va à l'instinct. Il avance doucement, recule tout aussi lentement. Ressortant sa trique, il la frotte sur toute la longueur de ma fente avec soin. Mais c'est toujours pour mieux replonger au cœur de son sujet.

À force de ruer entre mes jambes, le type s'essouffle un peu. Je pense qu'il va lui aussi m'éclabousser à l'intérieur. Mes mouvements désordonnés font que finalement celui qui me lime le bec se trouve désarçonné. Je crie à plein poumons :

— Non pas là, pas comme ça !

Celui qui me baise au bon endroit prend cela pour lui et sort à toute vitesse. Par contre, l'autre essaie de revenir, mais cette fois je garde la bouche close. Alors c'est un sur le ventre et l'autre sur le visage qu'ils s'épanchent de leur trop-plein. Une main me retire mon bandeau. C'est Geneviève qui me sourit en passant ses doigts dans le foutre qui me macule plusieurs endroits du corps. Elle caresse toute la surface de mon visage, revenant à plusieurs reprises sur mes paupières, puis ses doigts montent vers ses lèvres. Elle lèche chacun des cinq doigts qui dégoulinent du sperme de l'homme dont la fellation s'est interrompue.

À ma grande surprise, elle se baisse après avoir consciencieusement sucé ses phalanges, et ses lippes engluées viennent se souder aux miennes. Le baiser a un goût âcre et salé.

— Ne me dites pas que vous avez détesté… J'ai bien vu votre corps réagir favorablement aux stimuli de nos deux éphèbes. Vous êtes encore plus… femme quand vous êtes possédée. Comme j'ai adoré voir cela… Mais surtout, vous m'avez mise en transe par vos cris amoureux.
— J'aurais aimé voir aussi… C'est vrai que j'ai entendu vos gémissements et que ça m'a fait quelque chose. J'avoue avoir aimé, et l'aurais fait sans tout cet… attirail. Depuis quelques jours j'ai le feu au ventre et le diable aux trousses. Une envie de faire l'amour permanente.
— Je peux vous entraîner sur les chemins de la volupté, si vous le désirez vraiment.
— Et que faut-il donc faire de plus pour que vous en soyez convaincue ?
— Me faire une totale confiance… ce sera juste suffisant.

Le serveur reste collé à elle. Il la tient par la taille, de peur sans doute qu'elle s'envole. Je le sens fébrile alors que les deux lascars qui m'ont fouillée sont, eux, plus sereins. C'est pourtant moi qui ai toujours envie, et je voudrais bien que la partie ne se termine pas de la sorte. Je tends la main pour écarter le garçon de café et, comme une panthère, je le cherche délibérément. Il hésite un instant, trouve dans les yeux de Geneviève la réponse qu'il attendait sûrement. Elle n'ouvre pas la bouche, mais sa tête en se balançant de haut en bas donne le feu vert au type. Il se laisse attirer, et c'est reparti pour un tour, un tour de chauffe.

C'est ensuite d'abord à genoux que je le prends en bouche, puis il me lèche cet endroit déjà visité par son copain et donc pas sec du tout. Sa langue humecte davantage le calice, et ce sont des ondées qui s'échappent de ce volcan en fusion. Une eau claire pour un feu au cul. J'adore cela et ne réagis que positivement quand il se couche sur la table de massage, m'entraînant dans son sillage. C'est moi qui prends la direction des opérations. Les trois autres sont tous autour à suivre l'évolution de cet accouplement forcené. Je bouge la tête de droite et de gauche, dans un balancement qu'un des deux premiers perçoit pour une invitation.

Pas besoin de faire semblant : il n'a qu'à monter devant moi, rester debout et me présenter sa sucette. Et c'est une folle qui tire sur le sucre d'orge alors que mon ventre joue en cadence sur la queue de son pote. Lorsque deux mains m'agrippent les fesses et les écartent d'autorité, je ne réagis pas de suite. Ces pattes sont douces, et il est trop tard pour reculer. Quelque chose de dur s'est déjà appuyé sur l'œillet qui se niche au plus profond de la raie. Les mains qui retiennent ouvert mon derrière sont celles de mon amie.

— Allez, petits, chevauchez-moi cette pouliche. Prenez-la partout ! Je ne vous paie pas pour juste regarder : servez-vous, c'est le festin de Sylvie. C'est mon plaisir de la voir prise par tous les trous. Soyez doux et faites-la crier de bonheur. Qu'elle jouisse comme jamais elle ne l'a fait, et je saurai me montrer… généreuse. Mais soyez-le également : n'économisez ni votre temps, ni votre foutre. Baisez-moi cette Amazone avec le plus grand soin.

J'entends ces mots qui me parviennent entre deux cris de folie. Je prends, je donne, oubliant parfois de sucer ou serrant trop violemment le vit qui me lime la bouche, puis le dénouement arrive dans des secousses interminables. Celles des mecs qui se vident tous en moi, là où ils sont. Mais aussi celles de ma propre jouissance qui me rend hystérique, et je hurle à la mort, louve soumise à sa meute.


Je n'ai vu partir aucun de ces jeunes qui m'ont si bien aimée. Dès qu'ils en ont eu terminé avec moi, ils sont passés avec Geneviève dans le hall d'entrée. J'ai perçu quelques murmures, puis les pas feutrés de la propriétaire des lieux. Je n'ai rien fait, juste ouvert une paupière pour voir où elle se trouvait. Assise sur un fauteuil, elle m'observait sans broncher. Mais elle avait un sourire. J'ai refermé les yeux pour me reposer, et le souffle de la dame qui vient de me rejoindre est frais sur mon dos. Elle joue avec ma chevelure, lissant mes tifs. J'ai l'impression que j'ai dix ans, que maman me passe la main sur la tête. C'est bon. Mais une mère n'embrasse pas sa fille de cette manière.

Les doigts glissent, déplaçant une chaleur qu'ils provoquent partout où ils passent. J'aime cela et n'ai aucune intention de lui dire de stopper ; je suis bien. Elle me parle, me dit que je suis belle, me flatte les reins. Elle voudrait que je me retourne, mais j'aime cette position, sur le ventre et le dos à l'air. Une fois, deux, dix fois sa main reste entre mes deux fesses, puis elle me chatouille là ou l'autre était il n'y a pas si longtemps. Comment et pourquoi se plie-t-elle de cette manière ? Je sais, bien sûr, et j'attends. J'espère même qu'elle va insister.

Ce sont ses cheveux qui me chatouillent les cuisses ? Oui, et sa main qui tient toujours cette raie ouverte. Bon sang, que c'est bon cette langue qui nettoie la semence de… de qui ? Je ne sais même pas le prénom de ces gamins qui m'ont baisée. Mais elle ? Elle, je sais, c'est mon amie, et elle veut faire de moi… C'est dangereux, c'est risqué ! Mais, bon Dieu, que c'est bon ! La bouche qui me dévore a trouvé une jointure et le début d'une autre ouverture. Elle se faufile vers ma chatte, et je n'ai qu'une idée : écarter mes jambes pour lui faciliter la tâche.

Elle a gagné ! Me voici sur le dos, et mon compas est ouvert à son plus grand angle. Elle continue sans se presser. C'est bon, c'est doux, et son visage ne me gratte pas. Oh, Geneviève ! Elle me chavire, me renverse et vient finalement se placer, allongée de tout son long sur moi. Mais ce que j'embrasse n'a rien de sa frimousse : ce qui est à hauteur de mes lèvres ressemble à ce qu'elle frictionne avec soin d'une langue gourmande. Je prends goût à cette exquise câlinerie.

Je me hasarde à sentir cette conque, et j'en trouve le parfum suave. Je veux oser et aller plus avant dans cette découverte. D'une étape à l'autre, je furète sans relâche, et je suis au cœur de cette blessure si délicate. Mon ange gardien me regarde, aussi rouge que le diable avec qui il vient de s'allier en dernier ressort. Ils ne disent plus rien, goûtant peut-être avec moi à ce fruit mûr, à ce fruit défendu, et soudain… je me dis qu'Annabelle aussi avait raison. C'est bougrement bon, cette affaire-là… mais où m'emmènera-t-elle ?