Les noces roses

J'ai revu Gilles ; Francis aussi, mais je n'ai donné à personne le privilège de me toucher. Annabelle et moi nous croisons toujours avec un grand plaisir dans les bureaux de chez Gallois. Elle aussi parfois m'envoie des e-mails torrides. Mais je ne sais que faire, et mes soirées sont souvent réquisitionnées par Geneviève. Elle me parle de ses amants, toujours jeunes, mais ne cherche plus à me faire rencontrer qui que ce soit. Un soir, lors d'une défection de dernière minute, elle a passé la moitié de la nuit dans mon salon. Et les confidences sont allées bon train.

— Je ne sais pas comment vous faites pour résister… Moi, mon ventre réclame à longueur de temps.
— Oh, je vous avoue que le mien le fait souvent, mais je n'y consacre que quelques minutes de temps à autre, pour désarmer ces envies trop fréquentes. Un jouet et c'est oublié, jusqu'à la prochaine fois.
— Vous êtes bien, vous ! Ce n'est pas à mon âge que je vais laisser passer les occasions… Je ne suis pas certaine que cela puisse encore durer des années. Vous êtes encore jeune, vous. Et si un soir vous voulez m'accompagner, pas de souci : je veux bien revivre des soirées d'ivresse, voire des journées si vous…
— Hum, je ne sais pas vraiment ce que je désire pour de bon.
— Comme vous voulez, mais mon patio est prêt à vous recevoir à nouveau… avec tout ce que cela comporte, bien entendu.
— Je vous en remercie. J'avais un jour envisagé de réunir quelques amis autour de la même table, mais vous voyez qu'ici… c'est peu possible.
— Ah oui, je vous le concède. Mais une réunion dans quel but ?
— Un dîner, et puis on verrait comment les choses se dérouleraient.
— Alors c'est faisable aussi chez moi, quand vous le voudrez ; vous m'avertissez quelques jours auparavant.
— D'accord. Pour l'instant, c'est juste une idée en l'air, une idée floue, mais… je vais y songer et vous tiens au courant.
— Encore une question : serais-je une invitée à cette, comment dire, grande bouffe ?
— Bien entendu, à plus d'un titre ! Et il y aurait aussi une autre dame et deux messieurs, mais mon projet n'est pas finalisé le moins du monde.
— À la bonne heure ! Je suis partante pour ce genre de petite… sauterie.

Un énigmatique air sur le visage simplement matérialisé par un rictus qui lui déformait à peine le coin de la bouche, suffisant cependant pour que Sylvie l'ait vu.

— J'adore les surprises et, mon Dieu, si en plus il y a des couples…
— Hum, je verrai si c'est faisable et je vous en reparle.

Geneviève lui a alors raconté par le détail moult intrigues aux déroulements savoureux, pour ne pas dire croustillants. Des histoires de fanfarons qui une fois dans son lit s'avéraient incapables de faire un geste, ou d'autres qui finissaient sans même avoir commencé quoi que ce soit, pour peu qu'elle se mette nue trop rapidement. Enfin, des aventures que l'on imagine chez les autres mais jamais pour soi. Mais elle narre si bien les bonnes comme les mauvaises tournures qui confèrent aux évènements une grâce et des souvenirs inoubliables parfois… Elle a depuis si longtemps jeté toute pudeur aux orties !

Sans qu'elle ose en parler, les mots avaient plus touché la brune qu'elle ne voulait bien le dire. À force d'écouter, d'entendre, mais surtout de voir dans sa tête des images toutes plus lubriques les unes que les autres, Sylvie a dû se faire violence pour ne pas attraper son amie par le col de son chemisier. L'idée lui a traversé l'esprit de la culbuter comme un soudard sur le canapé de son micro-salon. Quand sa Geneviève part, elle se retrouve presque déçue de n'avoir rien tenté ; sans doute que la dame n'aurait pas… Elle ne saura jamais.

Les jours qui succèdent à cette visite, elle repense à son fameux dîner. Ce qui semble simple comme un rendez-vous devient d'un compliqué puisqu'il s'agit de rassembler des gens, qui se connaissent ou non, sans pour autant les aviser de la présence des autres. Gilles est le premier à qui elle en touche deux mots. Avec son éternel sourire, lui est d'emblée d'accord. Pour Annabelle, c'est une toute autre paire de manches : elle veut savoir qui sera présent au dîner, et sa copine doit déployer des trésors de diplomatie pour lui arracher un « oui » timide.

Reste encore à en parler avec Francis, mais Sylvie a peur qu'il ne pense que c'est pour lui donner une réponse à son attente ; ou pire encore, elle craint qu'il se méprenne sur le sens de ce dîner. Elle ne veut pas lui donner de faux espoirs. Alors depuis quelques nuits, elle échafaude des plans plus ou moins idiots pour lui demander d'être présent et de faire partie de ses invités. Plus elle y songe, moins elle voit ce qui peut résulter de cette réunion. Pour elle, ils sont tous devenus des amis, mais la question « sexe » commande l'ensemble, alors…

Si réunir des mâles qui en pincent pour elle reste risqué, apporter autour de la table une touche de féminisme – voire de lesbianisme – aura-t-elle des conséquences spécifiques sur ces amateurs de sexe ? Allez savoir ! Sylvie jubile intérieurement en imaginant des scènes dignes de films pornos. Et puis elle visualise déjà la tête d'un Francis pris à son propre piège… Osera-t-il pour juste ses beaux yeux à elle… toucher un Gilles pas plus homo que lui ? Quant à Geneviève qui n'aime que les gamins, comment se débrouillera-t-elle avec des hommes d'âge raisonnable ? Annabelle fera-t-elle des propositions à la maîtresse du patio ?


Les effluves d'épices odorantes embaument la cuisine. Depuis quatorze heures, deux femmes sont aux fourneaux. Geneviève pleure comme une madeleine ; son couteau pèle avec zèle quelques oignons qui lui dérangent les glandes lacrymales. Sylvie finit la préparation de son entrée. Ils vont tous venir pour vingt heures, alors elle est fébrile. Trois semaines, vingt-et-un jours pour tout mettre en place ! Le menu programmé avec soin, délicat mélange de sucré-salé, le tout enrobé dans un cocon d'épices plus ou moins aphrodisiaques. Au vu des plats qui seront présentés, le sommelier lui a recommandé tel ou tel vin, et c'est une bénédiction.

Tout mijote, tout cuit avec des senteurs surprenantes… Sylvie a cherché à mêler ginseng, gingembre et autres petits aliments censés émoustiller chez tous une libido fatiguée. Tout se passe comme si la soirée à venir devait se terminer en bacchanale. Elle se fait grande prêtresse de l'amour et du sexe, et son amie n'est en pas dupe. Geneviève sourit quand enfin la jeune femme brune met la dernière touche à son dessert : des bananes préparées dans un sirop dont la composition est ultra-secrète. Ensuite, le tout réfrigéré, les deux femmes décident de prendre une douche.

Dans l'esprit de la plus âgée, cette aspersion doit se faire en solitaire dans deux salles de bain différentes, mais Sylvie ne l'entend pas vraiment de cette manière : elle embarque son amie pour un moment à deux. Oh, il n'est au début pas question de sexe ; simplement de se laver le dos de façon commune, et c'est ainsi que débute vraiment la séance de toilettage. Mais très vite les mains qui officient se détournent de cet objectif premier. Ensuite c'est à l'inspiration de chacune des participantes à ce décrassage conjoint ; ça finit par des baisers qui n'ont plus rien d'amicaux, des attouchements qui vont bien au-delà de la seule tendresse, de la simple amitié.

Ce sont donc deux sous neufs que les invités qui débarquent un à un vers dix-neuf heures chez Geneviève trouvent pour les accueillir à bras ouverts. Sylvie a mis une jupe relativement courte, un chemisier tendu par sa poitrine non bridée sous le tissu. La culotte qu'elle a passée s'apparente plus à un confetti qu'à un slip. Elle porte une paire d'escarpins vernis qui lui font de jolies jambes. Geneviève est restée plus sage et stricte dans son habillement. Un tailleur aux couleurs sombres, bien coupé, des vêtements de luxe pour une dame digne. Elle se charge de placer les invités de la brune.

Chacun trouve sa place. Francis est le dernier à arriver. Gilles est proche d'Annabelle d'un côté et de l'autre de Geneviève. Francis, lui, se trouve à la droite de Sylvie. La table ronde est au grand complet. Bien sûr, Gilles s'est senti – comme Annabelle, du reste – un peu surpris de rencontrer ici une autre de ses employées. Il tente de ne pas commettre d'impair, ce qui amuse beaucoup une Sylvie qui se veut souriante. Il ne sait plus trop qui sait quoi autour de cette table. Mais les plats présentés sont d'une grande finesse, les vins qui les accompagnent également. Un mariage heureux entre aliments et boissons. La maîtresse de maison est une experte sans contestation possible.

Chaque mets est apprécié par l'ensemble de la tablée, et petit à petit les langues se délient. Les uns et les autres se trouvent des affinités insoupçonnées. Lentement l'euphorie gagne les invités, et les rires fusent sur de bons mots de celui-ci ou de celle-là. Quand arrive le dessert, tous sont émerveillés par cette banane suggestive à souhait. Annabelle y va de son petit commentaire ; Gilles lui trouve un esprit et un charme fou. Francis, lui, a tenté à plusieurs reprises d'effleurer la menotte de Sylvie, sans trop de succès, il faut bien l'avouer. Quant à Geneviève, elle compte les points mentalement. Pourtant elle constate que ce dîner est excellent, et qu'en elle aussi un autre appétit s'est ouvert.

Tous ont plus ou moins le sang qui bout. Des idées qui, de derrière la tête, ont insensiblement migré vers les bas-fonds de chacun. Geneviève s'amuse de voir que son amie Sylvie s'empêtre dans le déroulement de sa soirée. Si elle n'en saisit pas la finalité, elle en aperçoit cependant le but. Elle décide soudain de jeter un pavé dans la mare ; alors, s'adressant à Annabelle, elle fait monter d'un cran la température :

— Dites-moi, jeune dame… Annabelle, je crois…
— Oui, je vous écoute, Geneviève.
— Vous êtes exclusivement lesbienne ou vous aimez aussi les hommes ? Vous êtes bi, je veux dire ?
— …

Tous s'interrompent et attendent avec intérêt la réponse qu'ils espèrent aussi cinglante que la question. Mais avec un flegme, un calme qui secoue les autres, en plongeant ses yeux dans ceux de Geneviève, Annabelle sourit.

— Je peux vous le montrer, si c'est ce que vous voulez. Mais vous et moi seulement. Ces messieurs n'auront que le droit de… voir, d'entendre, et pas de gestes déplacés de l'un ou l'autre ; à vous de voir.
— Mais avec un plaisir réel. Même si j'aime aussi les petits jeunes hommes, je ne déteste pas les pâturages plus lisses des dames.
— Alors, qu'attendons-nous pour nous faire plaisir ? Regardez ces hommes affamés qui n'en demandent pas plus pour… s'occuper de notre hôtesse d'un soir. Si ces messieurs et Sylvie sont partants, nous le serons aussi toutes deux, non ?
— Je pense que notre amie commune avait une idée derrière la tête ; un choix à faire peut-être également.
— Qu'en dis-tu, Sylvie ?
— Si vous y tenez, si vous le dites… le salon est par là. Mais ces messieurs ont leur mot à dire. N'est-ce pas, Gilles ? Et toi, Francis ? Tu es prêt à partager ?

Gilles se met à sourire. Il vient de comprendre, et il pense qu'enfin un peu de piment ne peut en aucun cas faire de mal à cette soirée qui s'avérait belle en bouche, mais trop policée. Le reste s'annonce presque logiquement meilleur encore. Il en salive déjà. La moue de Francis laisse à croire un instant qu'il est sur le qui-vive et que pour un peu il va s'enfuir. Pourtant, si au fond de lui il n'en mène pas large, il se souvient d'un autre moment où Sylvie faisait des allusions plus ou moins claires… Il ne sait pas trop s'il est censé aller jusqu'à ce sacrifice suprême pour la belle qu'il convoite toujours.

Il se décide à ouvrir la bouche pour parler, mais sa voix est comme étranglée. Appréhension ou émotion, n'est-ce pas pareil, de toute manière ? Puis il songe soudain « Qui vivra verra. » et il se lance :

— Ben… pourquoi pas, si l'enjeu en vaut la chandelle ? J'ai si longtemps tu mes espoirs que si j'ai un jour une chance de te garder, ma belle… je veux bien la saisir.

Gilles, lui, ne bronche pas. Le sexe est un vice, un luxe qu'il aime à s'offrir encore et encore. Alors ici ou dans un bordel quelconque, ça revient au même, et le repas – excellent au demeurant – l'a mis dans de bonnes dispositions. De toute façon, les deux femelles ont déjà entamé le chant du cygne. Elles dansent en se serrant l'une contre l'autre ; elles se frottent sur un slow langoureux, et trois paires d'yeux suivent les circonvolutions érotiques qui s'enchaînent sur des notes égrenées par une platine.

Quatre mains revisitent des paradis perdus, deux bouches s'entrelacent dans des arabesques qui ne peuvent que donner envie. Puis viennent des soupirs qui se font plus présents, qui montent de gorges à chaque relâche d'un baiser avant d'en commencer un autre. Laquelle des deux dégrafe le chemisier de l'autre ? Pas besoin de chercher à le savoir : il suffit d'être simplement attentif aux débordements féminins qui s'annoncent. L'une et l'autre ont vite le buste à l'air, cible de bouches avides et de dents pointues, de quenottes acérées qui font faire enfler des tétons impatients. Elles sont belles !

Les deux oréades se pavanent sous les regards envieux de mâles au sexe bandé par les images reçues. Sylvie, elle, est seule, debout dans un encadrement de porte alors qu'un couple de femmes se livre à une danse de plus en plus débridée. Après les seins, ce sont deux croupes offertes à la vue des personnages qui n'en perdent pas une miette. Gilles est aux anges. Son employée se trouve dans une posture sans équivoque, caressant et tripotant une autre dame d'un âge certain. Les baisers échangés sont de moins en moins innocents, et la bite du patron est tendue comme un arc. Elle déforme son pantalon.

Francis, quant à lui, s'est relevé du fauteuil d'où il visionnait en live une scène d'amour de plus en plus hard. Sa main a saisi celle de l'hôtesse, la tirant vers le milieu de la pièce où le canapé est le centre de toutes les attractions. Elle est coincée entre deux gouines qui se roulent dans le stupre, un homme qui la serre fort contre lui et un autre qui ne fait que toucher… des yeux pour l'instant. D'autres soupirs s'ajoutent à ceux des deux elfes qui sont désormais tête-bêche et qui s'ouvrent à de nouveaux horizons. D'autres baisers aussi se trament sur un divan qui ensorcelle tout le monde. Il est des nombres qui sont de pures bénédictions, et le soixante-neuf, ce soir, est à l'honneur.

Il s'invite entre deux jolies pouliches qui râlent sous les langues qui roulent sur des plaies béantes, des failles entrouvertes et couvertes de ce mucus amoureux si abondement distillé par ces passionnées d'un autre plaisir. Alors Gilles aussi veut s'intégrer au festin de Sylvie ! Il en a assez de ne faire que le voyeur. Il s'est calé dans le dos de la belle qui est ainsi enfermée entre deux mâles aux queues bandantes. Elle ne peut ignorer celle qui bat entre les cuisses de son cavalier, mais ne peut pas non plus faire abstraction de celle qui s'insinue contre ses fesses alors que les deux loustics l'entraînent dans une ronde saccadée.

Des doigts ont investi les deux chattes qui se battent contre des bouches avides. Pareilles à des sexes miniatures, les phalanges plongent dans des conques qui ne demandent que cela. Gluantes et suintantes, elles pleurent ces envies provoquées, réclamant sans doute plus encore que ces facétieux index ou majeurs qui ne sont plus assez conséquents pour les contenter. À cet instant, l'une et l'autre recevraient sans façon un joujou dont personne ne dispose. Et sous les yeux des trois danseurs fous, des images accompagnent des cris et des odeurs qui montent dans la pièce. Elles sont belles dans cette équipée sauvage qu'elles déroulent sous le ciel de cette maison habituellement calme…

Les deux hommes qui se partagent le banquet de Sylvie ne sont pas longs à trouver des chemins différents pour aller à la rencontre de cette féminité qui se cache toujours sous une jupe et un bustier affriolants. Les doigts frôlent la lisière d'une culotte en frou-frou ; côté pile comme verso, les places les plus délicates sont investies sans qu'elle n'y trouve à redire. Elle sait bien qu'au fond de sa culotte, la rosée de son sexe a commencé à auréoler le tissu. Elle frémit sans relâche sous les caresses de doigts dont elle ne veut plus savoir s'ils sont à Gilles ou à Francis. Elle halète sous ces merveilleux chatouillis qui la surprennent malgré son attente.

Maintenant les deux femmes se frottent, pubis contre pubis, dans un enchevêtrement étrange de leurs jambes. Elles sont mi-assises, mi à genoux, postures improbables où seuls les sexes se touchent, se frôlent, et elles crient comme pour augmenter encore la pression exercée sur les deux mâles qui butinent la troisième complice. Elles s'embrassent en formant un couple de plus en plus soudé. Le trio, lui, continue à danser ou à faire danser la cavalière enchâssée entre deux corps masculins qui ne tempèrent plus leur étreinte. Son cou rejeté en arrière est la proie des lèvres de Gilles sur la nuque. Francis, lui, en déguste l'autre versant, et il s'ensuit une chair de poule monumentale pour elle. Elle se pâme dans les bras vigoureux qui la soutiennent. Ses râles font écho à ceux des deux sirènes qui n'en finissent plus de se donner du plaisir.

La culotte tantôt tirée sur la jambe gauche, tantôt sur la droite, finit par être descendue par des doigts dont elle ne veut pas savoir à qui ils appartiennent. Comme un étendard glorieux, elle disparaît, engloutie par une poche amie, trophée d'un chasseur qui ce soir aura droit à sa pitance. Sylvie ne cherche pas à résister à l'appel de ses propres sens. Elle ne voudrait que canaliser ces sensations outrageusement torrides qui lui arrivent de partout. Elle se laisse faire alors que des lèvres entrouvrent sa bouche et que l'un de ses deux conquérants tombe à ses genoux et que d'autres lèvres trouvent sa seconde bouche.

Dix mille volts la surprennent en plein baiser, jeux de langues et de mains qui virevoltent sur un clavier imaginaire. Des succions qui l'aspirent, qui l'entraînent dans une frénésie fatale. Elle a écarté les cuisses, facilitant l'accès à ce lécheur passionné alors que l'autre à déjà planté un doigt dans un canal inusité. Elle se sent soulevée par des vagues de sensations de plus en plus intenses et, mon Dieu, pas besoin de savoir qui fait quoi. La meilleure chose à faire est de fermer les yeux et de se laisser aller dans un abandon total. Son corps devient dessert ! Dessert d'un repas au-delà du réel, d'un festin digne d'un roi.

Mais là, bouffon du monarque et courtisanes se joignent à l'effort collectif. Tous y vont bon train, de bon cœur pour arracher l'orgasme suprême, celui qui fait perdre la tête. Petite mort programmée, voulue, attendue même par des participants hors de contrôle qui donnent autant qu'ils reçoivent. Sylvie à son tour s'est laissé choir sur ses genoux, et les deux hommes qui l'entourent, debout, sentent ses mains qui batifolent partout sur des ceintures qui masquent pour un temps encore ces barres qu'elle cherche à extraire des pantalons. Les deux filles qui se donnent du plaisir ont pour un temps abandonné tout mouvement. Elles jouissent, bien sûr, du bonheur de voir leur amie s'atteler à ces vits tendus vers cette caverne douillette que va devenir sa bouche.

La main sur les lèvres, Annabelle a des yeux brillants de convoitise, non pas pour ces braquemarts qui disparaissent entre les lippes de la dame agenouillée. Non, ses chailles transpirent d'envie pour cette chatte qui apparaît au grand jour entre les jambes de sa copine. Gilles a fermé également les quinquets, appréciant la pipe pourtant souvent interrompue pour en fumer une autre toute aussi dure. Il est aux anges, et son compère ne se fait pas prier pour savourer en silence l'habileté de la manœuvre. Quand Geneviève reprend les hostilités avec sa cavalière, l'autre est trempée devant tant d'audace de la part de Sylvie.

Celle-ci passe d'une queue à l'autre sans arrêt puis tente une approche improbable : deux glands violet foncé qui se retrouvent comme avalés par cette bouche béante. Évidemment, l'entrée est compliquée, difficile, même impossible. Les nœuds sont trop gros, et chacun des deux hommes essaie tour à tour une entrée plutôt musclée dans cette fournaise. Mais les pythons ne peuvent pas pénétrer ensemble : ils devront se contenter d'un tour à tour enchanteur. Les chemises sont roulées en boule ; la jupe suit un mouvement de libération féminine. Tous les corps finissent dans une parfaite harmonie de nudité intégrale.

Les deux tribades n'ont pu résister aux charmes de ce bouquet changeant, cette fleur butinée par deux bourdons qui ne demandent que son miel. Elles s'enfoncent à nouveau dans une série de léchages à faire pâlir une armée de légionnaires en goguette. Partout, ce ne sont que soupirs et râles, que gémissements et cris de joie. Sur la moquette, trois corps s'enroulent sans arrêt, caresses et câlins se mélangent étroitement. Pour le moment, aucun des deux hommes n'a pris un ascendant sur l'autre, mais ils ont dans l'idée de monter cette pouliche qui ne se prive plus de rien. Elle branle autant qu'elle lèche, elle presse des couilles pour mieux ensuite les prendre en bouche. Mais ni Gilles ni Francis ne songent à se plaindre. Elle sait faire l'amour, et ils adorent sa manière de les aimer.

Plus rien ne saurait stopper cette bacchanale qui s'enfonce dans le plaisir le plus vil, se dégradant à en perdre haleine. Mais les gaillards ne sont pas en reste et savent aussi rendre la monnaie de la pièce. Cette partition qui se joue dans deux camps distincts et un bonheur pour les yeux, mais pas seulement : le plaisir est aussi olfactif que visuel, et quand la brune roule sur un Francis trop heureux de l'aubaine, elle rampe pour venir cueillir le dard en frottant sa chatte sur le museau du patron du bar. L'autre a suivi les ondulations de la belle et s'est posté en arrière. Elle avance et recule son bassin, gardant ainsi un contact fou avec le visage de l'homme sur qui elle est couchée.

Une fois qu'il est idéalement placé, Gilles fait suivre à son vit le sillon qui renferme l'œillet sombre, mais il ne cogne nullement à cette porte de service. L'engin glisse plus bas, effleure les lèvres du mec qui lèche encore la fente. Francis ouvre les yeux et voit cette tringle rose qui lentement atterrit sur la mortaise ouverte. Il continue cependant à lui titiller le clitoris alors que le gland disparaît dans les entrailles de la brune. Un long frisson la secoue, et tout entière elle frémit. La trique s'enfonce lentement jusqu'à ce que les bourses touchent les fesses de la belle et le front du second larron. Un mouvement de recul, et la bite s'arrache de l'antre bouillant, entraînant avec lui une gerbe d'éclaboussures.

Une bonne partie de celles-ci finissent sur les joues de Francis, mais, enivré par cette vision des choses inconnue encore de lui, il ne résiste pas à l'attrait de cette fente qui transpire. Et au moment où l'autre revient en force, sa langue n'a pas le temps de quitter le nid et elle longe d'abord un gland doux au toucher, puis toute la longueur d'une hampe enduite de toutes les sécrétions des deux amants. Cette anomalie n'a pas échappé à Gilles, et il se sent plus prêt à reprendre ses allers et retours avec plus de fougue. Cette fois, les cris sont sortis tout droit de la gorge d'une Sylvie complètement tétanisée par ces assauts de toutes parts.


Geneviève et sa consœur, si elles entendent ces bramements, n'en découvrent pas le motif réel. Le trio qui se déhanche à deux pas de leur divan, elles ne s'en préoccupent plus. Pour elles aussi l'heure de l'orgasme approche, et c'est une main perdue presque entièrement en elle qu'Annabelle savoure la délivrance des vagues qui viennent et reviennent inlassablement sous les moulinets que fait sa potine. Elle aussi se met soudain à brailler à l'unisson d'une Sylvie prise et reprise en souplesse. Geneviève se relève enfin de cette sarabande infernale, sueur au front et sourire aux lèvres. Les deux hommes ont changé de place durant ces orgasmes magistraux, et tout le monde reprend son souffle dans une ambiance bon enfant.
La maîtresse des lieux, debout, interpelle tous les invités de la brune :

— Qui veut boire un verre ?

Toutes les mains se lèvent ; elle se dirige vers la table qui est toujours dressée. Un bruit de verres qui s'entrechoquent, et la voici revenue avec un plateau et une bouteille de champagne.

— Buvons, mes amis, buvons à l'amour ! C'était – comment vous dire ? – un régal. Tu as aimé, ma Sylvie ? Et vous, Messieurs ?
— Oui, ces hommes-là m'ont royalement servie.
— Eh bien tant mieux, parce que l'un de vous devra encore se dévouer. J'ai envie moi aussi de vibrer sous le joug d'un amant cette nuit. Alors, jeune ou plus âgé, ça n'a aucune espèce d'importance pourvu que j'aie l'ivresse.
— Et lequel vas-tu choisir ?
— Ah-ah ! Parce que c'est à moi de décider ? Alors moi aussi je voudrais les deux… Et puis tu pourrais jouer aussi avec notre amie Annabelle ; je peux même vous fournir quelques joujoux que je n'avais pas jugés nécessaire de sortir.
— Coquine, avec ça… Alors va pour les jouets, mais d'abord je bois aussi une flûte de champagne. À la santé de nos amours de cette nuit !
— À vous… tous, et de tout cœur !

Ils boivent tous, assoiffés et apaisés ? Pas certain que les deux mâles soient bien calmés. L'annonce faite par une Geneviève endiablée leur a indiqué des possibilités nouvelles. Sylvie, c'était bien, parfait ; mais avec cette femme d'expérience qui mange à tous les râteliers, le plaisir pourrait être aussi au rendez-vous. Alors ils se sont rapprochés de cette gloutonne qui, le petit doigt en l'air, boit lentement son nectar des dieux. Déjà les prémices d'une remontée rapide de ce qu'elle attend est très visible chez Francis. En ce qui concerne Gilles, c'est juste un poil plus long, mais les années de différence comptent à ce moment-là des ébats.

Annabelle se pelotonne contre une Sylvie pourtant apaisée qui ne montre aucun empressement à remettre le couvert avec elle. C'est une ambiance un peu trompeuse parce que Francis, lui, caresse depuis quelques secondes le corps dénudé de Geneviève offert à sa convoitise. Cette séance qui s'ébauche relance les envies, remet en selle les plus timorées, et bien entendu, la brune se laisse elle aussi emporter par la frénésie d'une nouvelle partie de jambes en l'air. Du reste, Annabelle s'enivre déjà en léchouillant toutes les traces blanchâtres laissées par deux compères qui ont su user – pour ne pas dire abuser – de son ventre. La langue se fait câline, et les caresses deviennent terriblement sexuelles.

Un nouveau corps-à-corps commence, mais cette fois les outils déposés par la propriétaire de la maison sont autant d'appels à aller plus loin dans des ébats ouverts. C'est plus doux, plus onctueux aussi. Les mains sont plus agréables mais plus lisses aussi, et ce n'est pas forcément ce qu'aime toujours Sylvie. Elle a eu sa dose de masculinité ce soir, alors un peu de tendresse féminine n'est pas pour lui déplaire. En tournant la tête, elle peut apercevoir son ami Francis qui s'échauffe plus que de raison en tripotant le con de cette Geneviève insatiable. Il lui touche les fesses puis se glisse sous elle alors que Gilles la prend doucement en levrette. Y prendrait-il goût ? Elle imagine la langue qui joue avec les testicules à chaque bourrée de son patron…

Le fait-il dans le but de lui prouver qu'il en est capable, ou par jeu ? Aurait-il découvert une vocation à une bisexualité tardive, ce soir ? Toujours est-il qu'elle se pose ce genre de question alors qu'Annabelle s'escrime à faire revenir en elle tout le bénéfice des caresses qu'elle lui prodigue. Mais l'esprit et le corps sont parfois si dissociés chez la brune qu'il lui faut une bonne dose de courage pour faire semblant et donner l'impression à son amie que ses attentions font mouche. L'autre secoue en elle un sexe factice sans pour autant ramener sur le devant de la scène un plaisir interrompu.

Même les caresses distillées par Sylvie sont fades et sans saveur, et sa partenaire ne tarde pas à s'en apercevoir. Elle stoppe ses mouvements pour faire comme sa cavalière et regarder ce qui se passe entre les deux hommes et leur compagne du moment. Sur la moquette, Geneviève, la tête entre les bras, se laisse prendre par Gilles. Le second mâle, lui, attend tranquillement qu'elle soit étendue de tout son long sur l'homme. Puis lentement il lui écarte les fesses puisque maintenant qu'elle est pénétrée, le premier ne bouge plus. Lentement, en guidant sa bite, il la dirige vers la même entrée que son collègue de soirée. La femme prise de cette manière relève soudain la tête et se pince les lèvres avant d'émettre une sorte de grognement.

Les deux femmes voient avec un sourire disparaître le second vit avalé par la chatte déjà pleine de celui de Gilles. Reste à se mettre en cadence sans pour autant que l'un des deux se trouve désarçonné ou éjecté de la cible. Quand enfin ils parviennent à se mettre au diapason, la chevauchée devient dantesque. Geneviève crie, s'époumone à hurler, mais ses mots sont du genre cru, et son vocabulaire en la matière n'a rien à envier à celui d'un charretier. Les coups de boutoirs durent longtemps et la femme se cabre, se rebelle, griffe aussi à l'aveuglette le poitrail qui se trouve le plus accessible. Gilles a de jolis rails qui lui raient les pectoraux, mais il garde stoïquement les yeux clos.

Puis, comme dans les plus beaux feux d'artifice, un bouquet final annonce le retour au calme. Les deux hommes se sont épanchés en elle, ensemble, et elle se relève brusquement pour courir vers les couples de dames voyeuses. Sa chatte goutte encore de la précieuse liqueur déposée là par deux amants repus. Une perle ou deux se perdent dans la laine de la moquette mais le reliquat, lui, vient alors qu'elle se frotte aux deux visages réunis, barbouillant les deux nymphes subjuguées par tant de désinvolture.

— Oh, s'il vous plaît… Nettoyez-moi de cette semence ; ceci est le festin de Sylvie : prenez-en et buvez-en toutes les deux. C'est notre banquet, les agapes d'une reine… d'une reine Sylvie, bien sûr ; et ça, ça ne compte pas pour des prunes !