Chapitre 5

Je sors de la salle de bain. Myriam, le combiné à l'oreille, fait les cent pas dans son salon, préoccupée. Elle parle avec animation. De mauvaises nouvelles ? Elle m'envoie un baiser, pose la main sur le téléphone et me dit :

— Vas m'attendre dans mon lit. Si tu es sage, on reprendra là où on s'est arrêtés. J'ai un gel qui fait des miracles…

Et, sur cette promesse délectable, elle me montre la direction de sa chambre sans cesser de converser avec son interlocuteur invisible.

Aaaah ! Sa chambre… Sur les murs, toujours des photos en noir et blanc. D'un autre genre, cette fois. Des couples – parfois des couples de femmes – dans des positions sans équivoque. Des scènes très hard, avec tout un attirail de cuir et de métal : bâillons, cravaches, fouets, liens, menottes, godes plus énormes les uns que les autres. Le sujet principal de ces clichés trash ? Myriam. L'infirmière a l'air d'apprécier les traitements de choc !

Au milieu de la chambre, un grand lit à baldaquin plein de coussins et de fanfreluches. Et dans une vitrine de verre, à côté de ce baisodrome pelucheux, une collection un peu spéciale : des bites par dizaines, de toutes tailles, hyperréalistes, sur lesquelles sont tatouées des initiales. Pour Myriam, le moulage des parties génitales est une passion de longue date. À moins qu'elle ne consomme ses « modèles » en quantités astronomiques ? Des trophées assez pertinents, en tout cas, pour une mangeuse d'hommes !

Je me glisse entre les draps et, patiemment, je l'attends.

Je l'attendrai très longtemps. Pour finir, je m'endors. Quand j'ouvre un œil, il fait déjà jour. Myriam n'est pas là. Sur une chaise, près du lit, mes vêtements, soigneusement pliés. Un mot est posé sur la pile :

Patrick,
Désolée pour ce très long coup de fil. Tu dormais quand je suis entrée dans la chambre. Je n'ai pas voulu te déranger. Et puis, ce matin, je débute très tôt mon service, tu comprends ? Cette soirée m'a beaucoup plu ! J'ai hâte d'avoir fini « l'entraînement » afin de pouvoir prendre ta queue en moi… des deux côtés !
Myriam,
Ton infirmière dévouée.
PS : Tu n'auras qu'à tirer la porte derrière toi en partant.

Je me suis enfui comme un voleur. D'ailleurs, c'est ce que j'étais, un voleur, vu que je lui avais dérobé un string à l'entrejambe un peu douteux mais qui fleurait bon la chatte. Pour mieux me masturber en pensant à elle, une fois chez moi. Avant de l'appeler pour fixer notre prochain rendez-vous.

Le soir même, j'ai composé son numéro, les doigts tremblants, des images plein la tête. Du genre « film classé X ». Je n'ai pu parler qu'à son répondeur. Dommage. Sa voix restait sexy, mais un brin crispée.

Deux jours plus tard, elle ne m'avait toujours pas rappelé. Mon message téléphonique était resté sans suite. Inquiétude. Je l'appelai plusieurs fois, laissant message sur message, sans autre résultat que de saturer cette stupide machine. Ridicule !

Une semaine s'écoula. Toujours aucune nouvelle. J'ai contacté son travail ; on m'a répondu qu'on ne pouvait pas me la passer. J'ai insisté. À chaque fois, c'était pareil : elle n'était pas là. « Pas là, mais pour qui ? Pour moi ? » Je suis allé devant son immeuble, j'ai sonné plusieurs fois ; pas de réponse. Interphone en panne ? En planque dans la rue, j'ai surveillé les allées et venues, dans l'espoir de la revoir. Aucune trace de Myriam. Déception.

Aujourd'hui, pour tromper l'ennui – et peut-être aussi chasser l'angoisse – je suis allé faire un tour à pied dans Clermont. En passant devant un sex-shop du côté de la gare, une affiche m'a tire l'œil : on y parlait de « femmes fontaines ». Intrigué, émoustillé à l'idée que ça puisse avoir un rapport avec Myriam, j'ai voulu en savoir plus. Me documenter, c'est me rapprocher d'elle. J'ai poussé la porte et suis entré dans la boutique.

Et là, bien en évidence sur un présentoir de satin, éclipsant tout le reste de la marchandise, je la vis. Ou plutôt, sa réplique en silicone. Ma bite ! Énorme, hyper détaillée, presque vivante. En arrêt devant la vitrine, j'étais stupéfait, essayant de comprendre. Cette copie de ma queue avait forcément été réalisée à partir du moulage de Myriam. Oui, mais comment était-elle arrivée là ?

— Beau spécimen, n'est-ce pas ? C'est un moulage grandeur nature. Vous imaginez…

Un type entre deux âges s'est approché, l'air chafouin, un faux sourire plaqué sur le visage. Le gérant. Ou bien un vendeur quelconque.

— Vous êtes intéressé ? C'est pour vous-même ? Je pense qu'une taille plus « normale » serait mieux adaptée et…

Je n'ai pas voulu en entendre plus. Bousculant deux clients surpris, je me suis rué hors du sex-shop.

J'avais peur de comprendre… Si Myriam ne me rappelait pas, c'est que plus rien ne l'intéressait chez moi. Pour la simple et bonne raison qu'elle s'était emparée de la seule chose qui ait capté son attention : ma bite. Dont elle devait d'ailleurs user et abuser, pour son plus grand plaisir. Mais sans moi au bout.

J'aurais voulu hurler ma rage au monde entier, ma douleur d'avoir été trahi. Ça fait si mal ! Au lieu de ça, je suis rentré. Puis je me suis longuement masturbé en reniflant l'odeur de sa chatte. L'ombre de son désir…