Le chevalier de la Vierge

« L'horoscope de Madame Irma :
Bélier :
Argent : Vous recevez un petit cadeau financier.
Travail : Du bon, du mauvais, et un nouveau collègue qui croise votre chemin.
Amour : Aujourd'hui, vous comprenez réellement la signification de ce mot. »

Pourquoi lis-je encore ces âneries ? Non mais, sérieusement… Peut-être parce que c'est ce qu'il y a de plus intéressant dans ce putain de journal de merde ! Non mais quoi, alors, juste un article de deux lignes sur ma brillante victoire le lendemain – où ils ont encore réussi à m'appeler « Francil » – et depuis plus rien. Vraiment des bons à rien, à la Gazette du Sanctuaire !

Harvey a tenu à payer sa tournée. Il me devait bien ça avec tout le fric que je lui ai fait gagner grâce aux paris. Nous voici donc à fêter l'évènement à notre bar habituel, Harvey, Judith, Mario, Sanka, Amalia – qui me fait du pied sous la table – et moi. Astrid de la Dorade fait son apparition à l'entrée du bar et se dirige vers notre table.

— Hé, salut beauté ! Qu'est-ce qui t'amène par ici ? lui demandé-je avec mon plus beau sourire.
— Le Grand Pope m'envoie vous chercher, me répond-elle sur un ton glacial. Il vous convoque à l'instant à son palais.

Oh, merde ! Décidément, chaque fois que je souhaite la draguer, elle me donne une fichue convocation chez l'autre puant… Qu'est-ce qu'il me veut encore ? Avec lui, on peut s'attendre au pire comme au meilleur. Il pourrait très bien m'en vouloir de n'avoir pas obéi au souhait de son môme, ou me féliciter pour avoir repoussé l'invasion. Je suis quand même étonné qu'il ait attendu plusieurs jours pour me convoquer. Je vide ma chope tandis qu'Astrid disparaît par là où elle est venue. Elle a quand même un magnifique cul, celle-là ! Un jour, je me la ferai… me promets-je.

— Laisse tomber, me chuchote Mario. C'est une lesbienne pure.

Merde alors ! Voilà pourquoi mon charme légendaire n'opère pas sur elle. Dommage. Je remercie le chevalier du Scorpion de son conseil et salue le reste de mes collègues avant de me rendre au palais du Grand Pope.

Comme souvent, Emmanuello est là lui aussi. Il tire une de ses tronches ! Un vrai gamin boudant après qu'on l'ait grondé. Il me porte un regard haineux. Visiblement, il n'a pas digéré d'avoir perdu ses paris par ma faute.

Assis sur sa droite, le Grand Pope se tient impassible, sa barbe blanche encore plus dégueulasse que d'habitude. Impossible de connaître son humeur puisque toujours camouflée par son casque. Quant à son odeur… mais diable, comment fait-il pour ne pas mourir asphyxié ?

Mais aujourd'hui, il y a un visage inhabituel. Je ne l'ai pas remarqué tout de suite, guettant plutôt les réactions des deux autres. C'est une femme d'une beauté exceptionnelle, jamais vu pareil chef-d'œuvre. Les yeux bleus, le nez aquilin, les cheveux bouclés blonds, tout est parfait chez elle. L'armure d'or qu'elle porte lui va à merveille, lui donnant une grâce singulière. J'ai l'impression de voir un ange descendu sur Terre. Impossible de détacher mon regard d'elle tellement elle est subjuguante. J'en bave littéralement. Elle, raide comme un piquet à la droite du grand bureau de marbre du Pope, le regard fier, semble à peine me porter intérêt. Il n'y avait qu'une de mes collègues que je n'avais pas encore rencontrée : le chevalier de la Vierge ; c'est chose faite maintenant.

— Vous étiez censé faire la paix avec mon fils mais vous n'en avez fait, encore une fois, qu'à votre tête !

Trop admiratif devant la beauté sensuelle de la femme, les paroles du Grand Pope n'arrivent à mes oreilles que comme un lointain bla-bla incompréhensible.

— C'est pas faux, réponds-je au hasard.
— À cause de toi, je suis complètement ruiné ! hurle le Maquereau, me faisant revenir à la réalité. J'ai dû vendre une de mes huit voitures. Complètement ruiné, j'te dis !
— Décidément, vous cherchez vraiment les ennuis, Francis, reprend le Grand Pope. Tout ça va vous retomber salement sur le dos !

Eh ben, voilà : on fait son boulot et ça nous retombe sur le coin du nez. Fait chier ! Le Pope me tend soudain une enveloppe.

— Tenez. Pour vous.
— Euh… c'est quoi ?
— Une prime exceptionnelle pour avoir stoppé la rébellion.
— Hein, quoi ? hurle le Maquereau. Tu lui donnes des sous en plus ?
— Ta gueule, fils. Il les mérite.

J'ouvre l'enveloppe et regarde le montant. Oh, putain, il ne se fout pas de ma gueule, l'enculé ! Pardonnez ma vulgarité, mais la somme de six chiffres inscrite sur le chèque me troue le cul. J'ignorais si le Pope allait m'en vouloir ou me remercier pour avoir repoussé nos ennemis ; finalement, c'est ni l'un ni l'autre, mais les deux à la fois. Incompréhensible, ce type…

Le Grand Pope me demande de faire un rapport sur les évènements. Je lui parle de tout ce qui s'est déroulé : des trois chevaliers de bronze facilement vaincus, de cette rumeur de fausse Athéna, et pour finir de la fuite de Sartienpa du Phénix Noir.

— Vous êtes sûr qu'elle a bien dit être le Phénix Noir ? demande soudain ma collègue dont j'ignore encore le nom.

Oh, mon Dieu, quelle voix magnifique ! Un ton sec mais cristallin. Et en plus c'est à moi qu'elle parle ! Et ces jolies lèvres qui prononcent ces mots… j'en ai le cœur qui fait des petits bonds de joie, et une drôle de chaleur me tord les boyaux. Non, mais attend ; qu'est-ce qu'il m'arrive, là ? Cela ne me ressemble pas de réagir ainsi. Est-ce son accent français qui me rend nostalgique du pays ?

— Euh… oui. C'est ce qu'elle… a… a dit, bégayé-je. Et vu son armure et ses pouvoirs, je n'ai aucune raison d'en douter.
— Un chevalier noir ? s'étonne le Grand Pope. La dernière fois qu'on en a entendu parler, c'était à l'époque des légendes, et c'était le mythique Ikki du Phénix qui était à leur tête. C'était avant qu'il rejoigne le camp d'Athéna.
— Grand Pope, reprend la beauté, je cours après les rumeurs du Phénix Noir et d'une pseudo-Athéna depuis pas mal de temps maintenant, et voilà que les deux affaires semblent liées et que le Sanctuaire est attaqué.
— Vous avez raison : on dirait que nos ennemis se rassemblent pour une terrible guerre. Il est urgent d'en apprendre plus sur la situation. Francis, pourquoi n'avez-vous pas capturé ce chevalier plutôt que de l'avoir laissé partir ?
— Vous savez, quand quelqu'un se crame lui-même la gueule, on ne peut pas faire grand-chose.
— Vous nous avez fait perdre un temps précieux, chevalier ! peste la beauté. Pouvez-vous nous dire au moins à quoi elle ressemblait ? Cela m'aidera grandement à la retrouver et à la capturer.

Aïe, ma jolie Vierge ne semble pas contente du tout après moi. Je baisse les yeux comme un gamin grondé par sa mère. Je me sens nul de l'avoir déçue… Mais merde, à la fin ! Je n'en ai toujours eu rien à faire de ce que les autres pensaient de moi ; alors pourquoi son opinion m'importe tant ? En plus, c'est la première fois que je la rencontre.

— La décrire ? Euh… cheveux noirs, une taille euh… normale… et euh… un nez… comment dire…

Purée, incapable de me souvenir de ce à quoi ressemblait Sartienpa. Il faut dire que je n'ai jamais été physionomiste.

— Les yeux, peut-être ? m'interroge la Vierge.
— Oui, elle en avait !
— Non, je voulais dire : de quelle couleur étaient-ils ?
— Alors là, aucune idée !
— Grand Pope, n'en avez-vous pas marre de recruter que des branquignols ? peste-t-elle. Il me fait perdre mon temps, ce con !
— Allons, Francis, poursuit le Pope, il doit bien y avoir un détail dont vous vous souvenez et qui pourrait aider votre collègue à retrouver cette Sartienpa.

« Vite, vite, trouve quelque chose… Montre à cette beauté que tu es vraiment utile ! paniqué-je dans mon for intérieur. Il ne faut plus la décevoir. »

— Euh… sa poitrine ! Jolie et bien ferme, en forme de poires avec des tétons proéminents et de larges aréoles sombres. Un bonnet C, à vue d'œil. Le sein gauche avait l'air légèrement plus grand que le droit. Elle avait aussi un gros grain de beauté à deux centimètres environ sous le téton droit, de la forme d'un cœur renversé.
— En voilà des indications qui devraient faire avancer grandement mon enquête ! lance-t-elle avec une ironie méprisante. Chouette, je vais devoir demander à toutes les femmes que je croise de me montrer leur poitrine. Je suis sûre qu'elles vont absolument bien le prendre. Ah, les hommes et leur perversité immonde !
— Désolé de vouloir aider…
— Est-ce qu'au moins vous pensez la reconnaître si vous la croisez de nouveau ?
— Euh, oui… je suppose.
— Très bien. Dans ce cas vous partez en mission avec moi. Enfin, si Sa Sainteté n'y voit aucune objection.
— Non, non, absolument pas ! s'exclame le Pope avec un peu trop d'entrain. Bien au contraire !
— Dans ce cas, chevalier du Bélier, je vous laisse jusqu'à demain matin pour vous préparer. Nous partons à six heures. Pas dix heures ni onze heures : j'ai bien dit six heures ! Soyez à l'heure ou j'irai directement vous chercher dans votre lit pour vous botter le cul, et croyez-moi, ça ne sera pas une partie de plaisir pour vous.

Et la voilà qui quitte les lieux en me lançant un dernier regard méprisant. Quelle femme de caractère, celle-là ! Elle n'est vraiment pas commode et semble, contrairement à tous les autres, très à cheval sur la discipline. Je ne peux que l'adorer. Certes, mais elle a quelque chose de plus, un je-ne-sais-quoi qui me fait frémir de désir, quelque chose d'autre que son physique sublime. C'est différent de toutes les femmes que j'ai désirées auparavant. Les autres, je voulais seulement les baiser ; mais celle-là, j'ai l'impression que j'en veux plus sans même parvenir à savoir quoi exactement. J'ai envie d'en découvrir plus sur elle. Une mission à ses côtés ne peut que me ravir. Et puis ça me donnera l'occasion de lui prouver ma réelle valeur.

Le chevalier de la Vierge, Harvey m'en avait parlé à mon arrivée. C'est celle qui laisse des crucifiés devant les portes de sa maison. « C'est sa façon de punir les intrus et tous ceux qui l'ont offensée. » a-t-il expliqué. Il l'avait décrite comme une femme redoutable et fidèle à sa mission. La plus belle femme du Sanctuaire et la plus puissante. « Beaucoup se sont cassés les dents littéralement à tenter de la séduire. Elle en aurait même castré quelques-uns. » m'a-t-il mis en garde. Eh ben, je crois que j'ai très envie d'accepter ce challenge.

Je sors du palais du Grand Pope et retrouve goût à l'air que je respire. Décidément, je m'y ferai jamais à cette odeur de poisson pourri qui plane autour du Pope. Je m'avance, plein d'entrain, vers l'escalier qui me permettra de redescendre à notre bar, où j'espère que mes collègues sont encore. J'ai ma prime exceptionnelle à fêter ; et pour ça, quelques chopes ou quelques shots feront l'affaire.

— Hé, Maître… me hèle une voix juvénile, nous n'étions pas censés nous entraîner aujourd'hui ?
— Quoi ? Encore ? me retourné-je vers Friedrich, mon jeune apprenti. Oh, fait chier !

Quoi, ça fait déjà trois jours d'affilée que je l'entraîne ; c'est pénible à la longue. Il est vrai que depuis l'invasion, j'ai retrouvé un peu plus goût au boulot et que j'y ai mis plus de sérieux. Je m'arrange même pour être bien coiffé et bien rasé, c'est dire ! Le petit a bien bénéficié de ma nouvelle motivation et a fait pas mal de progrès en quelques jours ; mais là, j'ai plus envie de picoler qu'autre chose.

— Bon, allez, aujourd'hui je t'accorde une journée de repos. Fais ce que tu veux.

Il a l'air content. Voilà comment se débarrasser d'un pot de colle proprement. Je commence donc à tracer ma route, bien content de moi quand soudain je me rends compte que le môme me suit à la trace.

— Non, tu ne m'as pas compris, gamin : j'ai dit que tu étais libre. Tu peux aller faire ce que tu veux. Genre faire la manche ou je ne sais quoi que font les mômes de ton âge.
— J'avais bien compris, Maître ; mais moi, ce que je veux, c'est voir une de vos journées type. Je suis sûr que ce sera très riche d'enseignements.

Et merde ! Il ne manquait plus que cela. Ce gamin est tel un herpès génital qui revient sans cesse à la charge. Je ne m'en débarrasserai pas si facilement. Il veut voir une de mes journées type ? OK, je ne vais pas changer mes plans pour lui. En quelques minutes, je suis de retour au bar, lui toujours à mes bottes. J'entre, mais malheureusement mes collègues ont déguerpi. Très étonnant de leur part.
Je m'assois et fais signe, par dépit, au gosse de venir à ma table.

— Bon, je te paye un coup, gamin. Qu'est-ce que tu prends ? Bière, whisky, vodka, pinard ?
— Euh… en fait, Maître, je n'ai pas vraiment l'âge requis pour ce genre de boisson. Il y a du lait-fraise ?
— Du lait-fraise ? me marré-je. C'est une boisson pour p'tite bi… Euh, oublie ce que j'allais dire. Oui, ça sera parfait pour ton âge.

Il faudra que je pense à surveiller mon langage devant lui. En même temps, je n'ai jamais eu de gosses à éduquer. Je ne sais pas comment ça fonctionne, ces choses-là. J'oublie parfois que ce sont des petites bêtes fragiles qu'il faut préserver des dures vicissitudes de la vie. Je passe donc commande : un lait-fraise pour lui, et un demi pour moi.

— Au fait, Maître, vous ne m'avez pas dit comment s'est déroulé votre combat contre le chevalier des Gémeaux la dernière fois. Vous vous en êtes tiré sans aucune égratignure ; elle avait l'air pourtant rudement forte. Je veux tous les détails !
— Finalement, elle s'est mise à genoux et elle m'a su… supplié d'obtempérer. Comme je ne voulais pas lui faire de peine, j'ai accepté de la suivre.
— Quoi ? C'est tout ? Vous êtes sûr que vous me dites la vérité ?
— Bien sûr que oui ! Qu'est-ce que tu vas imaginer, gamin ? Pourquoi je te mentirais ?

Probablement parce que ce n'est pas de son âge, bien que j'aie failli lui cracher le morceau. C'est ce moment que le serveur choisit pour venir nous apporter nos boissons ; une parfaite diversion.

— Au fait, gamin, demain je pars en mission pendant un temps indéterminé. Il va donc falloir que tu te passes de moi pour ton entraînement.
— Oh non, c'est vrai ? Mais vous allez me manquer terriblement, Maître. Et puis, comment je vais faire pour m'entraîner tout seul ?
— Bah, tu sais déjà ce que tu as à travailler : la maîtrise du cosmos et son utilisation. Je te fais confiance. Et puis si jamais tu as des questions ou des problèmes, n'hésite pas à aller voir Mée de la Lyre de ma part ; elle t'aidera.

Après tout, c'est elle qui m'a mis dans cette galère ; autant qu'elle prenne en charge mon élève durant mon absence. Et puis, s'il pouvait s'attacher à elle plutôt qu'à moi, je pourrais peut-être m'en débarrasser.

— C'est vrai, vous me faites confiance, Maître ? Cela me touche beaucoup. Je ferai tout pour ne pas vous décevoir. Vous verrez, à votre retour je serais hyper méga super balèze !
— C'est ça, c'est ça… Et, au fait, si t'as besoin d'un toit où crécher, je te laisse les clés de mon appart' et je te laisserai aussi un peu d'argent pour ne pas que tu crèves la dalle. Comme ça tu pourras te consacrer à ton entraînement ; et si tu pouvais aussi faire le ménage chez moi…
— Oh, merci, Maître ! Vous êtes trop généreux ! dit-il en se jetant dans mes bras. Je vous adore.

Voilà : on fait une bonne action, et tout de suite les grands mots ! Pour une fois que je voulais me montrer charitable, je commence à me demander si j'ai bien fait.

— Du calme, du calme. Que les choses soient bien claires : ce n'est que temporaire ; à mon retour tu dégages de là. Est-ce bien compris ?
— Absolument, Maître. Puis-je vous demander la nature de votre mission ?
— Nous partons à la poursuite d'une dangereuse ennemie du Sanctuaire. Je ne peux pas t'en dire plus.
— Nous ?
— Oui : le chevalier de la Vierge et moi.
— La Vierge ? Ouille !
— Pourquoi, « ouille » ? Tu la connais ?
— De réputation seulement. C'est une terrible ! Elle est bornée, violente, rigide, sévère et complètement fermée d'esprit. Elle n'aime rien ni personne. Elle va vous arracher les couilles à coup sûr !
— M'arracher les couilles ?
— Oh oui ! Désolé pour le langage ; vous émasculer, je voulais dire.
— Allons, tu dois sûrement exagérer… Elle m'a semblée exigeante, mais pas tant que ça. Oui, elle m'a traité de branquignol et de con avec sa petite voix adorable, a suggéré que j'étais un fainéant doublé d'un pervers, m'a méprisé de son magnifique regard, et le tout sans s'être donné la peine d'essayer de me connaître vraiment. Mais je suis sûr qu'elle doit être une femme formidable, pleine de grâce et de tendresse. Et puis, franchement, quelle beauté !

Le gosse explose soudain de rire.

— Pleine de grâce et de tendresse ? Ah-ah-ah ! Êtes-vous sûr que l'on parle bien de la même personne ?
— Qu'est-ce que t'en sais, gamin ? fais-je, vivement piqué par la moquerie.
— Ah-ah-ah ! Pour être aussi aveugle, vous devez être amoureux, Maître… Ah-ah-ah !
— Arrête, ne parle pas de malheur ! pesté-je.

Amoureux… et puis quoi encore ? Il ne manquerait plus que ça. Non, moi je suis un célibataire endurci. J'aime ma liberté, j'aime mon indépendance et je déteste avoir quelqu'un collé dans mes pattes. Bon, c'est vrai que je la trouve magnifiquement belle et que je me verrais bien lui faire plein de bisous, la tenir dans mes bras et me réveiller le matin à ses côtés, mais je ne suis sûrement pas am… Attends ! Le mioche n'aurait pas tort ? Non, c'est une histoire de dingue. Moi, amoureux, jamais !

Quoi qu'il en soit, le gosse et moi nous séparons peu de temps après. Je lui laisse un double de mes clés, et il part s'entraîner ardemment. Mes affaires pour le voyage sont rapidement préparées et je passe une quasi nuit blanche à m'interroger sur les dires de Friedrich et à penser à la Vierge. Non, vraiment, c'est impossible que je sois amoureux. C'est un môme ; qu'est-ce qu'il y connaît en amour ?
Et puis me revient cette histoire de malédiction avec Hypolita : « Je te souhaite d'aimer, toi aussi, la mauvaise personne. » Et si c'était la Vierge, la mauvaise personne ?

Le lendemain matin, je suis prêt à l'heure – et même bien plus tôt – quand elle vient me chercher. Surprise de me voir disposé pour le départ, son humeur semble un peu s'adoucir. Son arrivée fait battre à mon cœur la chamade et je me retrouve à lui sourire comme un con sans raison. Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs ! Et merde, je crois que je suis vraiment amoureux…

— Au fait, Chevalier, je crois que je ne me suis pas présentée. Je suis le chevalier de la Vierge, Marie.