Retour aux sources

Jeudi 10:00, à bord du Boeing 737-800 Stadt Hildesheim de la Compagnie Condor immatriculé D-ACSV (Delta Alpha Charlie Sierra Victor), vol 687.

Tout l'équipage est à bord. L'examinateur est arrivé en même temps. Il voyagera sur le strapontin en cabine de pilotage. Comme le 737-800 est un moyen-courrier, un troisième pilote n'était pas prévu ; il n'y avait donc pas de siège supplémentaire.

Erwin, accompagné de l'ingénieur aéro, avait fait la visite prévol au sol, enlevé tous les drapeaux sur les sondes, signé la décharge, vérifié l'entrée des réacteurs pour voir si rien ne viendrait gêner les ailettes des turbines. Il avait vérifié l'intrados des ailes en passant sa main afin de s'assurer qu'aucune fuite n'était présente au niveau des réservoirs, vérifié les trains d'atterrissage puis, pour terminer, il avait minutieusement inspecté les sondes Pitot. Une fois la visite terminée, l'ingénieur s'engouffra dans son véhicule et alla rejoindre un autre appareil qui nécessitait sa présence.

À la porte de l'appareil se tenaient Ingrid et Renate qui accueillaient les passagers, tous des vacanciers allant se faire bronzer sur les plages de Fuerteventura pendant deux semaines. Inlassablement, elles se relayaient pour réciter à chacun la phrase de bienvenue à bord avec un sourire made in Hollywood et les faire accompagner par une PNC à la place qui leur était attribuée.

Elles étaient craquantes toutes les deux, cheveux coiffés en banane fixés savamment derrière la nuque, foulard de soie jaune aux couleurs de compagnie Condor autour du cou, et veste bleu marine. Ingrid portait deux galons argent sur ses poignets qui indiquaient son grade au sein de l'équipage.

— Bonjour Madame, bonjour Monsieur. Bienvenue à bord du Stadt Hildesheim. Puis-je voir vos cartes d'embarquement s'il vous plaît ? Merci. Eva va vous conduire à vos places.

Le chef d'escale, revêtu de son gilet orange fluo, était dans la cabine pour me faire signer divers manifestes : pétrole (Erwin avait fait remplir les trois réservoirs, soit 38000 litres en tout), catering et autres pièces administratives qui, au final, ne serviront que pour alimenter les bases de données statistiques.

Le poids du fret ainsi que celui des passagers étaient très importants pour mes données à faire ingurgiter par l'ordinateur de bord, car c'est en fonction de cela que l'algorithme me donnerait la vitesse au décollage de V1 et de rotation.

L'auteur à l'époque de sa carrière de pilote de ligne
L'auteur à l'époque de sa carrière de pilote de ligne

Toutes les personnes étrangères à l'équipage avaient quitté le bord ; tous les passagers étaient à leur place. Un léger brouhaha venant de l'espace passagers couvrait la musique d'ambiance que diffusaient les haut-parleurs encastrés dans le plafonnier situé au-dessus de chaque siège. Je venais de terminer de rentrer toutes mes données sur le clavier de l'ordinateur portable connecté directement au système de navigation, puis je le passai à Erwin afin qu'il le range dans sa housse. C'est alors que je sentis une main fraîche se poser sur ma nuque : Ingrid était là. Elle me parla à voix haute afin d'être enregistrée par la boîte noire :

— Tout est paré au niveau cabine, Commandant. La rampe d'embarquement est désolidarisée, et la porte d'accès fermée et verrouillée.
— Merci. Vous pouvez continuer la procédure et sécuriser la porte d'accès du poste de conduite.

Ingrid se pencha vers moi pour déposer un rapide baiser sur ma bouche puis elle sortit du cockpit en verrouillant la porte.

Nous étions sur la fréquence de la tour de contrôle. J'annonçai par radio que nous étions prêts au départ ; on me donna l'altitude première à atteindre après décollage, la pression atmosphérique, et le code que nous devions afficher sur le transpondeur ; enfin, toutes les informations d'usage. Ensuite nous démarrâmes les moteurs gauche puis droit. Un sifflement se fit entendre dans la cabine et un nuage de fumée plutôt noire que bleue sortit des tuyères durant quelques secondes. Une odeur de pétrole envahit la cabine ; nous fermâmes chacun de notre côté la vitre latérale.

— Moteurs 1 et 2 à 5% de N1 synchronisés, Commandant.
— C'est bon. Demandez le repoussage.

Une minute plus tard le tracteur/repousseur engageait sa fourchette sur notre train avant. Erwin libéra le frein de parking et nous commençâmes à reculer jusqu'à nous trouver dans une zone qui nous permettrait de manœuvrer par nos propres moyens. Pendant ce temps-là nous passions en revue la check-list avant décollage. Tout était en ordre. On pouvait demander les instructions pour le roulage jusqu'à la piste de décollage qui nous était affectée, la 18.

On dût attendre quelques minutes car l'aéroport se trouvait accaparé par des avions de l'US Air Force de la base voisine en train de décoller ou d'atterrir ; la base US était attenante à l'aéroport international de Francfort, et leurs appareils avaient priorité sur les avions civils. Enfin la tour nous donna le feu vert en nous énumérant les lettres qui définissaient les différentes voies que nous devions emprunter pour rejoindre la piste d'envol. Soudain, dans le haut-parleur général du cockpit, la voix mélodieuse et commerciale de la cheffe de cabine se fit entendre :

— Mesdames et Messieurs, le commandant Paradis et tout son équipage sont heureux de vous accueillir à bord du Stadt Hildesheim pour un vol en direction de Fuerteventura. Cet appareil est un Boeing 737-800 Nouvelle Génération qui vous emmènera à la vitesse de croisière de 875 km/heure à votre destination. Nous volerons à une altitude de 32 000 pieds afin de vous assurer le vol le plus confortable qui soit. La météo est splendide. Les démonstrations de sécurité vont vous être présentées sur l'écran situé en face de vous sur le dos du siège qui vous précède, et par Abi, votre hôtesse, dans la travée centrale. Nous vous demandons un instant votre attention. Merci. Chaque fois que ce signal sera allumé, vous serez priés d'attacher votre ceinture et de la garder bouclée lorsque vous êtes assis. En cas de dépressurisation de la cabine, un masque à oxygène tombera devant vous automatiquement. Vous devrez le placer sur votre visage et tirer sur le lacet pour libérer l'oxygène. Les gilets de sauvetage sont placés sous vos sièges, etc. etc.

Nous roulions à la vitesse maximale autorisée dans les installations aéroportuaires. L'appareil se comportait exactement comme sur le simulateur. Derrière moi, assis sur son strapontin se trouvait l'instructeur/examinateur, un pilote avec de nombreuses heures de vol. Lui aussi était en tenue ; il portait sur ses pattes d'épaules les mêmes galons que moi. La seule différence résidait dans l'insigne de poitrine qui arborait un pourtour brodé de fils dorés. Il tenait un livre ainsi qu'un classeur sur lequel il griffonnait de temps en temps quelques annotations. Sur sa tête, lui aussi portait un combiné casque-micro-écouteurs afin de pouvoir communiquer avec nous. C'était la même personne que nous avions eue lors de la simulation. Je ne le connaissais pas plus que ça.

Nous étions en bord de piste, sur la zone zébra, prêts à décoller aussitôt que la tour nous donnerait l'autorisation pour le take-off.

— La tour pour Charlie Sierra Victor. Altimètre 29.92. Autorisation de décollage IFR pour Golf Charlie Sierra Victor. Montez au 050. Bon vol.
— La tour, nous confirmons autorisés de décollage IFR à destination de GCFV, altimètre 29.92 et monter au niveau 050. De Charlie Sierra Victor.

Erwin afficha sur l'écran multifonctions la pression atmosphérique et le cap de la piste, soit un, huit, zéro.
J'appelai la cheffe de cabine par l'intercom :

— Tout est paré pour le décollage ?
— Paré, Commandant. Le personnel est assis et harnaché. C'est bon pour nous.

Au copilote :

— N1 à 50%.
Roger. N1 à 50% stabilisé.
— N1 à 80%.
— N1 à 80% en montée. Moteurs 1 et 2 synchronisés.
Flaps sur 5.
— Position 5 pour les flaps. Roger.
Brakes out.
— Freins lâchés.

L'avion commença à avancer. Les réacteurs étaient à leur puissance maximale. Les chiffres du badin défilaient. Le copilote égrenait :

— 90… 110… 130… V1… 160… V2… 180. Rotation.

Je tirai sur le demi-volant. L'avion leva son nez ; sur mon écran l'horizon baissa, puis le staccato des pneumatiques sur les plaques de béton de la piste disparut. Sur l'écran multifonctions du tableau de bord je voyais l'angle de montée augmenter jusqu'à 30° et l'altimètre accuser déjà 2 200 pieds.

— Rentrez le train.
— Train rentré.

Le chuintement de l'hydraulique des vérins se fit entendre, puis le claquement de la trappe de soute qui se fermait. Sur le tableau de bord, au-dessus de la manette commandant le train d'atterrissage, les trois lumières vertes devinrent rouges.

— Train rentré et verrouillé, Commandant. Taux de montée positif. Altitude 3 000 pieds. Vitesse 250 nœuds.
Flaps zéro.
— Volets zéro, Commandant.
Autopilot on.
Autopilot enclenché.

Derrière moi, la voix de l'examinateur se fit entendre :

— Beau décollage, Commandant. Sécurité absolue. Vous aviez encore 1000 mètres devant vous, mais votre V1 était bien définie.
— Merci, Monsieur.

L'appareil changeait de cap par lui-même, obéissant à l'ordinateur de bord. Quand il eut atteint 10 000 pieds je commandai à Erwin d'éteindre les phares d'atterrissage qui avaient dû rester allumés jusqu'à dix mille pieds. Je lui ordonnai de monter la vitesse à 290. Les réacteurs s'étaient stabilisés à 45% de N1 et l'appareil continuait son ascension dans un ciel sans nuages. Par la baie latérale, je voyais le relief du sol se transformer peu à peu en cette image que peut nous donner une carte géographique en 3D de bonne qualité : du vert, des parties en jaune, en ocre et en marron avaient remplacé le noir des routes et le bleu des cours d'eau. Au-dessus de nous, du bleu de toutes les nuances, allant du bleu ciel au bleu marine sur la ligne d'horizon. Au-dessus de 20 000 pieds je commandai de monter le badin à 320. Le graphique des puissances monta à 60% de N1 et s'y stabilisa.

Écran multifonctions d'un Boeing 737
Écran multifonctions d'un Boeing 737

Nous atteignîmes enfin la vitesse de croisière de 472 nœuds, soit 850 km/heure. L'écran de contrôle des moteurs indiquait 60% de N1, et que toutes les pressions ainsi que les températures se maintenaient dans la zone verte. À présent, le pilotage pur se mettait en standby, laissant la place à la surveillance et à la réaction proportionnée en urgence en cas d'une défaillance quelconque. Laissant cette mission au copilote, je reculai mon siège et quittai ma place. L'examinateur s'était également levé ; il me fit une réflexion :

— Jusqu'à présent, je vois que vous avez bien assimilé la transition. À ce niveau, je ne me fais pas de souci. Je suis persuadé que ce voyage sera pour moi une occasion de faire un peu connaissance avec cette île des Canaries, cette Fuerteventura que vous paraissez si bien connaître.
— Je me réjouis de vos considérations. En effet, je connais bien l'île pour l'avoir habitée un certain temps avec mon ex-femme ; elle en était originaire. C'est une île très aride, l'antichambre du Sahara. Ici, les gens ne sont pas riches. Il n'y a pas d'industries, à part celle du tourisme. Alors ils font tout pour la garder car c'est réellement ce qui leur permet de vivre.
— D'après votre dossier, vous avez été, je vois, pilote militaire…
— En effet. Je volais sur C160, le Transall que votre Luftwaffe possède aussi.
— Oh oui, un très bel avion de transport ! Une fabrication allemande.
— Permettez-moi de rectifier, Monsieur : le Transall est fabriqué en coopération avec la République Fédérale, la France, et l'Espagne. Rendons à César ce qui est à César.

Je préférai couper court à cette conversation car je ne pouvais plus encaisser cet air prétentieux de certains Allemands qui se croient supérieurs à tout le monde. Si nous ici en France étions pareils, on ne manquerait pas de nous traiter de chauvins, de nationalistes, voire de fachos ! Je m'excusai, prétextant une envie pressante et sortis de la cabine de pilotage pour faire une petite promenade dans la travée centrale parmi les passagers. Mais aussi pour passer voir « les filles » à l'office, en queue de l'appareil, qui était le règne de l'équipage navigant commercial. Je croisai les sourires de certains passagers, mais aussi des regards libidineux de quelques femmes âgées qui rêvaient de se faire mettre par un pilote. Bon, je ne pouvais pas les empêcher de fantasmer ! J'affichais toujours ce sourire commercial que la compagnie nous le demandait d'avoir.

J'arrivai à l'office séparé de la cabine passagers par un rideau. Toutes les PNC étaient là : Ingrid, Renate, Eva, Abi, Karla, et Margret. À ma vue, les conversations s'arrêtèrent.

— Continuez, Mesdames ; je ne veux pas vous déranger. Je venais juste aux nouvelles du bord.
— Jusqu'à présent, tout va bien. Et chez toi ? me demanda ma cheffe de cabine.
— Impeccable !
— Tu veux un café ?
— Volontiers. Mais je ne vais pas m'attarder : l'examinateur de la compagnie est dans la cabine.
— Eh bien nous, on va vous laisser pour distribuer les repas, annonça Renate.

Le personnel parti, Ingrid s'assura que le rideau était bien fermé puis vint vers moi et m'enlaça en plaquant son buste contre ma poitrine pour me donner un baiser. Il était bon, tendre, sensuel, amoureux, mais trop court.

— Attends que je te nettoie. Tu ne vas pas te promener avec mon rouge à lèvres, tout de même !

Après cet intermède des plus agréables mais hélas trop court, je regagnai la cabine de pilotage une fois bu mon expresso. L'examinateur, qui avait sorti un livre de je ne sais où, paraissait se désintéresser totalement de la raison pour laquelle il était à bord ; peut-être parce qu'il se sentait en sécurité ?

La cabine de pilotage du 787-800 était légèrement plus large que celle à laquelle j'étais habitué, mais aussi plus longue de 2,5 mètres. Cet espace supplémentaire était occupé par une petite cabine comprenant une couchette, mais qui servait surtout de lieu où le personnel féminin pouvait se changer à l'abri des regards.
Je regagnai ma place et jetai un regard rapide sur les cadrans. Erwin me demanda :

— Tout va bien, Commandant ?
— Tout est impeccable ! Les filles ont commencé la distribution des plateaux-repas. Si tu veux aller prendre un café ou te dégourdir les jambes, profites-en.
— Volontiers, merci, dit-il en reculant son siège.

Le copilote resta absent une bonne demi-heure. Personnellement, cela ne me dérangeait pas car je n'avais pas besoin de lui, mais je ne voulais pas que son absence fût un motif pour une réflexion de l'évaluateur qui était à bord.

Nous survolions l'océan Atlantique. Sur le radar, à 20 nautiques sur notre gauche se dessinaient les côtes marocaines. Cela faisait trois heures que nous avions quitté Francfort ; dans une demi-heure nous approcherions de l'île de Lanzarote, située au nord de Fuerteventura. L'avion était neuf, et avec toute son assistance électronique, en croisière, à part surveiller les instruments, on ne servait à rien. La profession de pilote de ligne devenait de plus en plus un métier d'ingénieurs en informatique. On était à des années-lumière des vols de Saint-Exupéry, où il devait rester éveillé durant tout le trajet et piloter réellement son monomoteur. Les véritables « branleurs de manches » – comme le dit si bien mon ami Sergueï Lioubov – disparaissaient au fil des années.

Enfin ! On avait passé l'île de Lanzarote. Devant nous la côte nord de Fuerteventura se dessinait. Nous étions descendus à 4 000 pieds et volions à la vitesse de 160 nœuds en approche. Nous remontions l'île par l'ouest pour rejoindre la presqu'île de Jandia située au sud, et d'où nous allions pouvoir accrocher la balise ILS qui nous guiderait – pardon, je voulais dire nous « conduirait » – jusqu'à l'aéroport situé au lieu-dit El Matoral, entre la capitale Puerto del Rosario et Caleta de Fuste, village artificiel créé sept ans auparavant pour en faire un centre touristique.

À notre gauche, la presqu'île en forme de canne se dessinait, une étendue en relief rappelant étrangement le désert du Sahara, éloigné seulement à l'est par 150 kilomètres d'océan. Çà et là on apercevait des étendues bâchées : des serres de cultures intensives de tomates, ainsi que quels îlots formés par des villas touristiques.

Sur l'écran multifonctions, une lumière verte apparut en haut et à gauche dans la zone Nav. ILS : notre radar de bord venait d'intercepter la balise de l'aéroport qui allait nous guider jusqu'à lui. Je donnai l'ordre à Erwin d'enclencher la touche AP (APproach) sur le clavier du pilote automatique. La dernière phase – la plus délicate – allait retenir toute notre attention car l'aéroport, qui avait été construit sur la côte est, ne possédait qu'une seule piste assez longue pour recevoir les jets de transport.

Le personnel de bord avait préparé les passagers à l'atterrissage imminent. Le signal « Attachez vos ceintures » était allumé, et les PNC était passées vers chaque passager pour contrôler que l'ordre avait bien été respecté.

L'altimètre annonçait 3 500 pieds, le badin 160 mph. Les volets étaient sortis à 25%. L'appareil s'inclina sur l'aile gauche et prit le cap 003 pour s'aligner sur la piste 03. Lorsqu'il se redressa, j'avais un bon angle de descente : 1 200 pieds par minute. Je m'adressai au copilote en allemand :

— Un, cinq, zéro.

C'était la vitesse d'approche à afficher sur le contrôleur de vitesse du pilote automatique.  

— Un, cinq, zéro, over ! me répondit-il en suivant scrupuleusement la procédure.
— Volets sur 5.
— Volets sur 5. Over.

Sous nos ailes on distinguait déjà le village de vacances de Caleta Fuste, à huit kilomètres de l'aéroport. De multiples hôtels attendaient les milliers de touristes qui arrivaient chaque semaine par charters aériens venant de l'Europe entière. Le badin affichait 150 nœuds ; l'aiguille de l'indicateur de descente était positionnée sur moins 1 200 pieds/minute. Les moteurs donnaient 30% de NH1 (de puissance). Tout allait pour le mieux !

— Train ! commandai-je.

Le copilote abaissa la manette en face de lui. Un chuintement hydraulique se fit entendre, puis un léger choc. Sur la planche de bord, en dessous de l'inscription GEAR, les trois lampes-témoin de couleur verte s'allumèrent et le copilote annonça :

— Train sorti et verrouillé.

J'aperçus au loin le « PAPI » qui me donnait deux rouges et deux jaunes.

— 130 nœuds ; flaps sur 5.
— 1, 3, 0 ; volets sur 5. Over.
— Freins à 75%. Flaps sur 8.
— Freins à 75%. Flaps sur 8. Over.

La piste approchait et l'avion continuait sa descente. Une voix se fit entendre, égrenant l'altitude. Lorsqu'elle annonça « Ten meters », je donnai l'ordre :

Autopilot out.

Le copilote désactiva le pilote automatique. Je tenais la « bête à cornes » des deux mains et tirai légèrement dessus pour amorcer mon arrondi.

Je voyais la piste approcher…

Quelques secondes plus tard, un léger choc et un crissement des pneus qui venaient de toucher la piste. Par la baie de gauche, je voyais les bâtiments de l'aéroport défiler à une vitesse vertigineuse.

— Inverseurs.

Le copilote abaissa les deux manettes des gaz. Les turboréacteurs se mirent hurler, accompagnés par le crissement des freins qui gueulaient comme une porcherie entière. Je sentis mon dos se décoller du dossier de mon siège. À 80 nœuds, je commandai : 

Reverse out.
Reverse out. Over.
— Freins à 100. 
Brakes 100. Over.

L'avion s'immobilisa sur la seconde moitié de la piste. La tour venait de nous indiquer la rampe à laquelle on devait s'accoler. À ce moment-là, des applaudissements provenant de la cabine des passagers se firent entendre.

— Une fois de plus, comme sur du velours, Commandant.
— Merci. À vous de jouer. C'est votre avion.

Le copilote tourna le commutateur des freins sur la position R/TO, régla les volets sur zéro, et la main gauche sur le collecteur des manettes de gaz il fit avancer l'appareil pour sortir de la piste par une voie de sortie perpendiculaire nous conduisant à la rampe numéro 6.

La porte de communication s'ouvrit, laissant apparaître Ingrid qui venait, comme toujours, nous annoncer que l'atterrissage avait été excellent et que les passagers étaient en train de se préparer à descendre de l'appareil.

Les filles venaient d'ouvrir la porte latérale avant gauche afin de guider le technicien de l'aéroport qui manœuvrait la rampe télescopique. Dehors, il faisait 35°, bien qu'il fût déjà 16 heures 30. Trois heures quarante-cinq de vol depuis Francfort au lieu des quatre heures prévues : on avait eu le vent arrière, ce qui nous avait permis de gagner du temps. Je fus content de quitter mon siège et de me dégourdir les jambes.

La rampe était accolée à l'appareil. Les moteurs avaient été coupés. Déjà le tracteur avec sa remorque à bagages vide approchait du flanc droit de l'avion. Je fis signer par Erwin le rapport de vol que je venais de parapher d'un « RAS » suivi de ma signature, et je me levai pour quitter l'appareil, laissant au second pilote le soin des procédures d'arrivée. Le formateur me félicita pour le vol et alla rejoindre l'équipage de relève qui allait prendre en charge l'avion et repartir avec une cargaison de vacanciers pour Francfort.

Une heure plus tard nous nous retrouvions enfin, Ingrid et moi, dans notre bungalow au Barcelo Beach où Helena avait réservé nos chambres à Fuerteventura.

Et comme tout a une fin, à ce récit moi aussi j'écris :
FIN