Chapitre 4

À leur retour de vacances, leur idylle était plus solide que jamais. Éric s'arrangeait toujours pour voler quelques heures par-ci par-là, et ils réussissaient à se voir deux à trois fois par semaine. Leur histoire ne laissait qu'un long sillage de sexe et d'amour derrière elle.

Cassie était si rayonnante qu'elle refit peu à peu toute sa garde-robe. Lingerie coquine, robes et pantalons moulants, talons de plus en plus hauts, petites vestes légères et sexy, nouvelle façon de se maquiller, sourires épanouis jalonnaient son existence comme autant de cailloux semés dans l'espoir de trouver le chemin du bonheur, du vrai, celui dont on parle dans les livres et dans les films et dans les poèmes et… Éric disait souvent qu'il ne croyait pas à ces conneries-là. La vie, c'était de la merde ; nous étions tous des déchets, des rebuts de la société… sauf toi, ma Cassie, l'Amour de ma vie.

Évidemment, de légères ombres passèrent sur le chemin ensoleillé. Oh, trois fois rien : des dîners loupés de présentation aux parents de la jeune femme, quelques mauvais relents concernant le divorce d'Éric, qui n'avançait pas très vite dans les démarches. Ils eurent quelques discussions orageuses qui se finirent dans des coups de martinet au lit ou entre deux lacets de cordes mouillés par l'orgasme.

Une vie sentimentale aventureuse, somme toute, entre un mari infidèle et une ancienne grosse célibataire. Ça ne comptait pas pour Cassie, cette banalité dégueulasse envahie par les clichés moralisateurs des gens frustrés. D'ailleurs ça ne compte en général jamais pour tous ces couples qui vivent cachés, dans l'attente de pouvoir enfin se retrouver en pleine lumière. Chacun croit toujours vivre quelque chose d'exceptionnel.

Cassie y croyait dur comme fer, et elle n'était pas la seule. Et trois mois passèrent ainsi ; l'essentiel de son existence se centrait sur leurs mots vifs ou sucrés, leurs regards qui se noyaient l'un dans l'autre, la peau douce de ses cuisses rosie par les coups, leurs baisers humides de salive, de mouille et de sperme…
Une histoire d'amour, une histoire de sexe, une histoire tellement commune, insignifiante, ordinaire. Mais c'était LEUR histoire, et elle n'avait, à leurs yeux, rien de commun, d'insignifiant, d'ordinaire. Éric en fit même un recueil assez bon qui rendit perplexe son éditeur, habitué à des textes de bien moins haute volée.

Le rayonnement de Cassie paraissait devenir un soleil puissant qui brûlait tout sur son passage.

— Mais comment tu fais ça ? demanda un jour Christelle, soupçonneuse, devant la machine à café.
— Comment je fais… quoi ? riposta Cassie en buvant rapidement son thé.

Christelle semblait morose. Elle fronça les sourcils.

— Je ne sais pas comment dire ; on dirait que tu as tellement changé en si peu de temps… c'est pas naturel, réprouva-t-elle.
— Hum-hum… fit évasivement Cassie en remuant sa touillette dans son gobelet en carton.
— Ah, mon petit, vous voilà ! intervint une voix grave.

Cassie tourna la tête et reconnut son chef, droit comme un i dans son costume-cravate gris. Il regardait Christelle d'un air ennuyé.

— Pouvez-vous me trouver mademoiselle Martinez ? Je la cherche partout depuis cinq bonnes minutes.
— Ben, je suis là, répondit Cassie à la place de la pétasse de service, laquelle la foudroya du regard.

Philippe Courtin planta ses yeux de myope dans ceux de la jeune femme. Elle lut dans son regard une réelle perplexité.

— Oh… pardon… je ne vous avais pas reconnue… bafouilla son chef, et le visage blanc d'origine vira à la tomate bolognaise au-dessus du col gris du costume. Vous… vous avez drôlement changé !

Cassie lui dédia un sourire tellement éblouissant que le gratte-papier cligna frénétiquement des yeux, comme ébloui par une lumière trop vive.

— Oui, j'ai changé, concéda la jeune femme, espiègle. Ce sont des choses qui arrivent, non ?
— Oui… oui, bien entendu… bien entendu. Bon, euh… vous avez quelques minutes à m'accorder ? Votre entretien exploratoire devait avoir lieu après-demain, mais il se trouve que j'ai réussi à dégager du temps pour que la machine tourne plus vite. Vous venez avec moi ?
— Pas de souci, boss, répondit Cassie en lui lançant un clin d'œil.

Encore pris au dépourvu, Philippe sembla indécis sur la conduite à adopter. Il risqua un demi-sourire qu'il effaça presque aussitôt de son visage, se traitant mentalement d'imbécile. On n'avait pas idée de se comporter comme un adolescent en rut devant un joli sourire de femme. « Et quelle femme ! » songea encore Philippe en précédant Cassie dans les couloirs qui menaient à son antre. La grosse et peu sympathique Cassie ressemblait désormais à Vénus, tout en hanches et en seins et en cul…

— Entrez, Cassie, annonça Philippe, retrouvant péniblement un timbre de voix alerte et naturellement autoritaire de tout chef qui se respecte. Installez-vous. Comme tous les entretiens de ce genre, cette discussion est confidentielle, aussi ne vous étonnez pas des stores baissés. Les bruits de couloirs dans cette entreprise… une vraie plaie ! Pas plus tard qu'hier, et pour la énième fois, par exemple, on est venu se plaindre de vous. Non, non, restez assise, je vous en prie.
— Mais enfin, Monsieur Courtin, s'étrangla à moitié Cassie, je ne comprends pas. On remet en cause mon travail ?
— Non, pas votre travail, déclara Philippe, et son regard s'appesantit sur ses seins, étroitement moulés dans une chemise de soie pourpre.
— Je ne comprends pas… répéta Cassie.

En réalité, la jeune femme n'avait pas perdu une miette du rayon laser qui venait de passer au crible sa poitrine. Il semblerait que sa nouvelle silhouette soit devenue un sérieux atout à son travail. La jeune femme se sentait émotionnellement bousculée, animée d'une sensiblerie certaine, à la fois révoltée que des collègues se soient permis de la salir auprès du chef, et très flattée du soudain dialogue muet que Philippe Courtin entretenait avec ses gros seins. Quand elle raconterait ça à Éric…

— Eh bien, continua Philippe, c'est assez délicat, et j'ai longtemps repoussé cet entretien avec vous pour cette raison. Il paraîtrait… que vous gênez vos collègues.

Cassie se contenta de fixer son patron, réprobatrice.

— Oui, euh… comment dire… ça me paraît tout à fait déplacé, aujourd'hui que je vous contemple, expliqua Philippe. Vous aviez l'air… si… triste et… fade – voilà : fade – que vous déprimiez vos collègues. Et, euh… ils n'avaient plus le cœur à travailler quand ils vous regardaient… Bon sang, c'est n'importe quoi !

Les yeux luisants, Cassie resta silencieuse, les narines pincées par la rage. Philippe prit une mine contrite.

— Excusez-moi, Mademoiselle, j'ai parfaitement conscience de proférer des obscénités depuis quelques minutes. Il suffit de vous regarder ; mon Dieu, c'est n'importe quoi ! Vous êtes belle comme le jour, vous rayonnez ; je n'ai jamais vu cela. Quel est votre secret ? Quand vous ai-je vue pour la dernière fois, bon sang ? Vous avez tellement changé, c'est incroyable !

Interloquée, Cassie regarda Philippe Courtin bondir de sa chaise de bureau et venir se jeter à ses pieds. Il leva vers elle un visage bouleversé, et timidement effleura ses genoux ronds et gainés d'un collant transparent qui brillait aux rayons du soleil.

— Cassie, reprit son chef avec ferveur, ses grands yeux émus derrière les verres de ses lunettes, je vous en prie, oubliez tout ce que je viens de dire. Toutes ces dindes sont sûrement jalouses de vous ; je ne vois pas d'autre explication à leurs jérémiades continuelles. Vous êtes… une déesse, magnifique. Vous illuminez ce monde. Je n'ai jamais contemplé pareille beauté ! Votre corps est une invitation à l'amour, au sexe le plus primaire comme aux attouchements les plus tendres et amoureux. Je vous en prie, pouvons-nous dîner ensemble ce soir ?
— Euh…
— Je vous en supplie, Cassie, il en va de ma santé mentale !
— Je suis désolée, Monsieur Courtin, murmura Cassie, prise de court. Je vois mon petit-ami, ce soir…
— Oh, mon Dieu !
— Vous ne pouvez pas perdre la tête comme ça au bout de cinq minutes ; c'est fou, reprenez-vous !
— Oh, mon Dieu !
— Mais que faites-vous ? Hé, vous… attendez… non, mais que… aïe ! Monsieur Courtin, voyons, reprenez-vous, laissez-moi p… écoutez, non… ne faites pas ça… Philippe… chuchota Cassie. Ne faites pas ça, vous ne pouvez pas faire ça…

De toute évidence, l'incongruité fracassante de cette situation n'avait pas l'air de frapper son chef, qui continuait à lécher le collant tendu sur ses cuisses, lesquelles s'entrouvraient presque involontairement à mesure que la bouche avide du mâle remontait entre elles. Le contact chaud de ses lèvres et de sa langue troubla la jeune femme, qui avait bien du mal à démêler le nœud du problème. Si elle repoussait son chef, allait-elle se faire virer ?

— Philippe, arrêtez… dit-elle, tout bas. On pourrait nous surprendre…

Et merde, voilà qu'elle introduisait un « nous » dans cette histoire rocambolesque. Elle n'y était pour rien si son patron s'était jeté sur elle de cette manière !

— Cassie, vous me rendez fou ! gémit Philippe Courtin, et il écarta si fermement les cuisses de la jeune femme que le collant craqua au milieu.

Aussitôt, le quinquagénaire se rua sur l'entrée brûlante qu'il venait de provoquer. Stupéfaite, Cassie sentit son visage s'enfouir contre son ventre, sous les plis de sa robe, tandis qu'il tripotait sa culotte de coton sage pour fourrer ses doigts dans ses poils pubiens. La culotte désormais déplacée, plus rien ne faisait obstacle à la langue de feu et aux doigts de fée qui s'activèrent comme des serpents dans ses chairs moites.

La jeune femme ne savait comment réagir à cette offensive. D'un côté, elle était effrayée par les retombées de cette histoire… de l'autre, les violents élans de désir de son chef ne la laissaient absolument pas de marbre. Si elle devait être honnête avec elle-même, elle avait attendu ce moment de très nombreuses années, ayant tilté sur son patron dès le premier regard. Elle ignorait complètement comment Éric prendrait tout ça…

Pour l'heure, le cœur battant furieusement dans sa poitrine, la jeune femme ouvrit davantage ses jambes et posa sur la tête de son chef ses jolies mains impatientes… qui appuyèrent avec douceur afin de rapprocher encore plus la bouche vorace de son sexe suintant de plaisir. Philippe la fit jouir au bout de quelques minutes de profonds mouvements de langue au creux de son vagin clapotant. Mais ça ne suffisait pas à la jeune femme… ni à son nouvel amant.

Complètement déchaînés, ils s'installèrent en panique sur le grand bureau d'acajou et baisèrent frénétiquement une première fois, puis une seconde, une demi-heure plus tard, pendant laquelle Cassie se fit prendre en levrette, son visage convulsé de luxure caché dans ses coudes.

Elle aimait tellement baiser que ça en devenait sans doute pathologique, mais peu importait ; juste avant d'atteindre le troisième orgasme de cette surprenante rencontre, elle songea confusément aux paroles prononcées par Éric, quelques mois auparavant : « […] et Ernest a fait une chose qu'il n'a jamais regrettée depuis : il a balancé Sophia sur le capot de sa bagnole, a remonté sa jupe sur ses cuisses grasses, s'est dézippé et a commencé à la tringler comme un bœuf en rut, en pleine rue, sous la lumière dégueulasse des lampadaires. »

Comme ses paroles avaient résonné en elle, à ce moment précis ! C'était comme si quelque chose au plus profond d'elle-même, lentement, avait remonté les longs couloirs de l'oubli afin de prendre la place de son âme et de la grignoter de ses remugles fétides, de ses vices malsains. Elle avait été captive d'Éric à cette minute même ; il aurait pu faire d'elle tout ce qu'il désirait, à partir de ce moment-là. Et c'est ce qu'il faisait depuis lors… Qu'était-elle devenue ? Un monstre ? Une bête ? Qui était-elle réellement ? Pourquoi faisait-elle tout ça ? Pourquoi aimait-elle autant Éric ? Et pourquoi l'aimait-il, lui ?

Et elle ne pensa plus à rien tandis que l'extase la saisissait en tous points de son corps et qu'elle criait dans ses propres bras, au rythme des coups de boutoir qui balançaient sa croupe rougie par le frottement.

Philippe et elle ne parlèrent pas trop au cours de leurs ébats. Chacun paraissait pleinement absorbé par le désir qu'il avait de posséder l'autre. Cependant, si Cassie appréciait leurs rapports, elle savait sans aucun doute possible que ça n'avait rien à voir avec l'amour qu'elle portait à Éric. Que ce soit de la magie ou de la perversion, finalement cela restait tellement exceptionnel, ce qui la liait à son bel écrivain, que le reste ne comptait plus, ou très peu.

C'est pourquoi, toutes les fois qui suivirent, elle accepta avec empressement, sans remords et sans contrition, de rejoindre son patron en des lieux à l'abri de tous les regards. Ils firent souvent l'amour, et cela dans des positions parfois abracadabrantes, inconfortables ou même dégradantes… et Cassie n'en avait cure. Au lieu de mettre ses mignonnes culottes sages de boulot, elle prit simplement l'habitude de se parer de lingerie très coquine quand elle se rendait à son travail. Elle baisait très régulièrement avec son patron, plusieurs fois par semaine si on veut faire le juste compte, et prit rapidement de l'avancement.

Sa vie à la fois sexuelle et sentimentale avec Éric ne faiblit pourtant pas, bien au contraire. Ils inventaient sans cesse de nouveaux jeux, épanouis, grisés par leur amour et par le plaisir incommensurable que leur procuraient leurs deux corps unis.

Cassie n'avait jamais autant donné de sa personne, de toute sa vie, et dans le plus secret de son cœur, au plus profond de ses nuits, lorsqu'elle se réveillait, elle savait qu'elle changeait. Non, elle n'était pas une bête. Elle n'était pas un monstre. Elle était la Beauté, elle était la jeunesse… et elle souriait dans son lit, et même ses dents semblaient capter les lueurs de la nuit.


Trois mois passèrent encore…

Vinrent les congés d'été, et à son grand déplaisir, Éric lui annonça, penaud, qu'il partait dix jours en Espagne, dans la famille de sa femme.

— Tu ne veux pas divorcer, tu m'as menti ! se hérissa Cassie en s'arrachant à son étreinte. Reprends tes foutues roses et barre-toi ; je ne veux plus jamais te revoir !
— Cassie, je t'en supplie… implora Éric en lui prenant les mains. C'est en cours, crois-moi, mais je fais tout ça pour les enfants…
— Menteur ! s'écria Cassie, blessée et suffoquée par la sensation d'être trahie. Tu vas la baiser, hein ? Salaud !

Elle écrasa ses poings sur la poitrine de son amant. Il la laissa faire, ses yeux éclaircis par les larmes.

— Je t'aime, mon amour, tu ne le vois donc pas ? C'est simplement que je ne veux pas leur faire de mal ; je ne veux pas détruire leur vie… J'ai besoin de temps pour faire ça dans les règles.
— Ça fait six mois ! hurla Cassie. Je ne te crois plus ! J'ai pris un mois de vacances, et toi tu pars pendant ce temps-là, tu m'abandonnes ! Salaud !
— Ne sois pas bête, Cassie ; je vais revenir très vite et je m'arrangerai pour passer du temps avec toi… Tu es tellement belle mon amour… je t'aime tellement… Viens près de moi.

Éric embrassa doucement sa maîtresse sanglotante, y mettant tout son amour, toute sa tendresse. Cassie lui rendit passionnément son baiser, mais la douleur était trop forte. Elle s'écarta de lui et le fixa, planté dans sa cuisine, attirant, aimant, et tellement… marié !

— Tu as fait de moi une femme désirable, murmura-t-elle d'une voix cassée.
— Tu es telle que tu l'as toujours été à mes yeux, répliqua Éric, l'air surpris. Aussi magnifique que le premier jour de notre rencontre…
— Eh bien, avant je ne suscitais pas vraiment d'intérêt, tu vois, et maintenant c'est différent : j'ai des promotions canapé.

Silence.

— Que veux-tu dire ? demanda faiblement Éric.
— Mon patron m'aime beaucoup, et je le lui rends bien.
— Tu… tu as couché avec lui ? s'enquit Éric, abasourdi.
— Oui, et ça continue. Toutes les semaines, figure-toi ! ajouta Cassie, cruelle.
— C'est… impossible. Notre vie sexuelle est si riche que tu ne peux pas…
— Eh bien si. Tu as réveillé des pulsions en moi, mon cher Éric ; il faut bien que je les nourrisse, puisque tu n'es pas là pour le faire.

Éric se taisait. Il se contentait de la regarder. Avec lenteur, il glissa ses mains dans ses poches de jean, comme s'il avait peur qu'elles fassent des gestes malencontreux. Le corps raidi, Cassie recula de quelques pas pour s'adosser au mur.

— Pourquoi cherches-tu à me faire du mal ? souffla Éric. Tu ne m'aimes plus ?
— Je t'aime plus que tout au monde, Éric, riposta Cassie. Mais il faut que tu fasses des choix, maintenant. Je ne peux plus vivre comme ça.
— Mes enfants…
— Tu as prétendu que tu allais divorcer. Je ne t'avais rien imposé. Tu as fait germer l'espoir en moi, mais il ne se passe rien. En fait, si : je t'aime à la folie, j'ai besoin de tes yeux sur moi pour vivre… et tu n'es pas là.
— Je suis là, devant toi, et tu me racontes des conneries, dit Éric en se rembrunissant.
— Ce ne sont pas des conneries : j'ai vraiment baisé avec mon patron. Pourquoi crois-tu que j'ai eu deux promotions en trois mois de temps ? Il est fou de moi, cet idiot. Il me harcèle pour qu'on se voie en dehors du boulot.

Silence.

— Et pendant qu'on y est, c'est arrivé un samedi, où tu m'as plantée au dernier moment parce que ta putain de femme voulait emmener tes putains de gosses au jardin d'acclimatation.
— Ne parle pas d'eux comme ça, menaça Éric sans bouger.

Mais ses yeux brillaient de colère. Cassie s'aperçut soudain que tous ses couteaux de boucher se trouvaient sur le meuble de cuisine, juste derrière lui. Son cœur eut des ratés.

— Avoue qu'en six mois j'aurais pu faire plus, pendant que tu te tapais ta femme dans votre grande chambre conjugale ! ajouta-t-elle malgré tout.

Pendant dix interminables secondes, le corps crispé comme une corde tendue, Cassie crut qu'Éric allait se retourner et saisir les couteaux. Elle contempla l'homme qu'elle aimait ; elle observa ses traits défaits, le pli amer de sa bouche et ses yeux enflammés par la rage. Finalement, la tristesse tomba sur la physionomie de son cher amant qui sembla se ratatiner sur lui-même. Il tourna les talons et sortit de l'appartement sans rien ajouter. Il ne claqua même pas la porte : elle entendit juste le petit « clic » discret du battant qui se refermait.

Alors seulement, Cassie s'effondra en larmes dans sa cuisine.