Clémence

Cette fois-ci je vais vous raconter mon histoire avec Clémence, une amie de la famille.
Je ne suis clairement pas fier de cette aventure, alors qu’il n’y a rien de très grave non plus ; mais bon, je ne me suis pas très bien comporté quand même, ce qui n’est pas dans mes habitudes. Le texte retranscrit exactement ce qu’il s’est passé et mon état d’esprit au moment des faits. Je ne vais pas essayer d’embellir mon comportement ni mes pensées, alors je m’excuse par avance si certains lecteurs (et certaines lectrices) trouvent mon attitude navrante. Encore une fois, je n’en suis pas fier. Et, pour info, cette femme est toujours une très bonne copine ; on a eu le temps de s’expliquer depuis.

Les origines

Quand j’ai rencontré Clémence pour la première fois, j’avais onze ans. Je jouais au foot derrière la maison de mes parents avec mon grand frère et des copains : mon voisin d’en face et d’autres gamins du village. Notre petite voisine – de mon âge – était notre super copine, et ce jour-là elle était venue nous voir jouer, accompagnée d’une fille que nous ne connaissions pas. C’était Clémence. Elle n’était pas de chez nous : elle passait ses vacances chez ses grands-parents qui habitaient dans la même rue que nous.

À cet âge-là, une nouvelle fille dans un groupe, tout de suite tous les mecs s’y intéressent. Mais pour être honnête, elle était vraiment mimi. Elle avait douze ans. Nous avons tous essayé de nous mettre avec, mais elle avait déjà fait son choix ; et ce n’était pas moi. Non, moi j’ai hérité du rôle du bon copain, du confident, du « oui-oui ». Un rôle de merde, quoi ! J’avais onze ans, et j’ai gardé ce rôle-là pendant quinze ans. Et il se trouve que moi j’ai plutôt changé en bien durant ce laps de temps. Attention : même à vingt-sept ans je n’étais pas une bombe, hein, mais quand j’étais gosse, j’avais vraiment un physique pas facile. Alors disons que je m’étais amélioré.

De plus, je venais d’enchaîner deux histoires assez longues, donc mon amitié avec Clémence n’avait pas pu évoluer vers autre chose, mais il me semblait bien que son regard sur moi avait changé avec les années. Ma dernière copine me l’avait d’ailleurs fait remarquer également, mais il se trouve que dans ma tête j’avais pris un chemin totalement inverse : elle était devenue plus une amie qu’autre chose et, du coup, même physiquement elle ne me plaisait plus du tout. Elle avait changé, quoi. Elle avait pas mal grossi (pas juste quelques rondeurs charmantes) et son visage s’était défait lui aussi. Elle n’était pas moche du tout ; ce n’était pas un monstre, mais elle ne correspondait plus à ce que j’aime. Voilà, je n’en dirai pas plus sur ce côté-là ; je crois que c’est assez clair et je n’ai pas envie d’insister sur son physique. Venons-en à l’époque des faits.

Juste après ma rupture avec Camille

Pour ceux qui n’ont pas lu les textes précédents, Camille est ma meilleure amie, et également mon ex. Nous sommes restés ensemble pendant six ans. Bref, nous venons de nous séparer. J’ai beau faire genre, je ne le vis pas très bien au fond de moi. J’habite dans une grande ville à ce moment-là de ma vie. Me voilà célibataire après six ans passés avec Camille, et presque deux ans avec celle d’avant. Je ne suis plus trop habitué au célibat. Ce n’est pas évident pour moi qui suis quelqu’un de très fusionnel quand je suis en couple. Vous sentez venir ce qui va se passer, je pense…

Clémence vient me voir pour trois jours pendant ses vacances. Tout se passe bien, et la veille de son départ nous sortons boire un verre dans un bar, puis un peu plus d’un, finalement. Nous ne sommes pas complètement bourrés mais un peu touchés, quoi. On rentre chez moi dans la nuit. Je ressens un vrai besoin d’affection et elle est là ; c’est ma pote, et à ce que je vois et sais, je suis presque sûr qu’elle a envie de moi. Je m’avance vers elle et je l’embrasse. Je ne me faisais pas d’illusions : elle me rend mon baiser. Nous ne tardons à nous déshabiller et nous couchons ensemble.

C’est un moment plutôt agréable mais je ne suis pas transporté non plus par le désir et l’excitation. Je n’ai pas de sentiments pour elle et je n’arrive pas à décoller réellement. Malgré tout l’enthousiasme dont elle fait preuve (pendant les préliminaires notamment), je ne suis pas à l’aise : je n’aime comme elle bouge ni ce qu’elle dit, ni comment elle est… Je crois que si elle n’avait pas été une amie, j’aurais tout arrêté et je serais parti. Mais au lieu de ça je préfère simuler pour ne pas la vexer et pour que ça se termine assez rapidement. J’ai un préservatif, donc elle ne sentira pas le sperme couler (ou pas) en elle.

Elle jouit, pas très discrètement d’ailleurs. Je décide de simuler mon propre orgasme à ce moment-là, mais je fais ça en douceur pour ne pas que ce soit trop grillé. Je fais comme si le plaisir montait crescendo en moi, et alors que je commence à accélérer le rythme et à faire exprès de respirer plus rapidement pour bien jouer la comédie, je la sens qui s’emballe à nouveau. Et pendant que je simule mon orgasme, elle s’en offre un deuxième. Nous jouissons donc en chœur. Enfin, surtout elle, du coup. Mais cela prouve quand même que je ne suis pas mauvais en simulation.

Une fois terminé, je me retire et me pose sur le côté pour qu’elle n’ait pas le temps de voir que le préservatif n’est pas rempli (enfin, de liquide en tout cas). Je remonte le drap sur nous et enlève vite fait le préservatif, fais mon petit nœud et le remets vite fait dans son emballage avant de mettre le tout un peu planqué sous le lit.

Clémence s’approche et se pose amoureusement contre moi. Elle me caresse le torse. Je prends conscience alors que j’ai fait pas mal d’erreurs : non seulement j’ai couché avec elle sans avoir vraiment envie, mais en plus avec mon idée d’orgasme simulé et en voulant faire l’effort de faire les choses bien, je n’ai rendu tout cela que plus agréable. Et enfin j’avais oublié – ou en tout cas pas assez mesuré – qu’elle ressentait peut-être quelque chose pour moi. Bref, j’ai fait le con ! Et ce n’est pas fini…

Je me retrouve bien embêté, maintenant ; cela dit, je l’ai bien cherché. Je ne sais absolument pas quoi faire, n’ayant jamais eu à gérer une situation comme celle-là, et comme jusqu’ici je n’avais couché qu’avec des femmes que j’aimais, je suis totalement ignorant de la meilleure façon de gérer la chose, d’autant plus avec une amie que je n’ai pas du tout envie de blesser. Alors je vais faire ce que je ne conseillerais à personne : je vais être lâche. Et je n’en suis pas fier, encore aujourd’hui.

Alors le soir même, je fais semblant d’être épuisé et lui dis qu’il faut que je dorme ; et le lendemain matin j’essaye d’être distant afin qu’elle ne se fasse pas d’illusions. Mais en même temps, comme j’ai peur de lui faire du mal, je ne suis pas totalement distant, et surtout je n’arrive pas à lui dire simplement que nous avons fait une erreur et que je n’aurais pas dû coucher avec elle. Je sais que c’est con et que je laisse pourrir la situation, mais je suis perdu. Comme dans une célèbre émission à la con, j’aimerais avoir un joker et demander l’« appel à un ami » pour m’aider à répondre à cette épineuse question, mais je ne suis pas dans un jeu télé… Alors je ne dis pas grand-chose mais reste courtois. Je la laisse partir et n’évite même pas le baiser sur la bouche qu’elle me donne avant de franchir la porte de l’appartement. Et dans les jours qui suivent, je ne vais simplement pas répondre à ses appels… et faire le mort. Lâche, vous ai-je dit, et pas fier de moi !

La situation se règlera la fois d’après quand elle reviendra pour une fête de famille et que nous discuterons. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Trois ans plus tard

J’ai trente ans, et Clémence en a trente-et-un. Je suis toujours célibataire, même si j’ai eu quelques aventures avec des femmes dans l’intervalle ; Clémence l’est aussi, et nous nous retrouvons dans mon appartement pour un jour et une nuit avant de redescendre – chez mes parents pour moi, et chez ses grands-parents pour elle – le lendemain pour les vacances de Noël. Mais en attendant nous avons une petite soirée prévue avec des amis à moi : on doit se rendre chez un pote qui nous a invités pour une soirée jeux chez lui. Une bonne partie de « Loup-garou de Thiercelieux ».

Nous sommes une dizaine, garçons et filles mélangés. Comme nous arrivons les derniers, il ne reste que deux places autour de la table, à l’opposé l’une de l’autre. Après avoir dit bonsoir à tout le monde et fait les bisous obligatoires, je vais m’asseoir, l’air de rien, entre William (qui a organisé la soirée) et surtout Annabelle, qui me plaît beaucoup et dont je me rapproche depuis quelques semaines. C’est une adorable rouquine aux yeux verts, toute menue et toute petite. Mais elle a un visage superbe ; elle travaille dans une librairie, donc nous partageons la même passion pour la littérature.

La partie commence. Je ne sais pas si vous connaissez ce jeu, mais c’est assez amusant ; il faut savoir mentir, savoir embobiner, accuser, dénoncer, se défendre… et ce soir c’est particulièrement bien parce que je suis proche de ma jolie rouquine. Au cours de la partie je lui glisse quelques compliments en toute discrétion ; et, en confiance, je tente de poser ma main sur sa cuisse. Elle attrape ma main. Je m’attends à ce qu’elle la dégage. Je la regarde. Elle me jette un regard noir qui me fait présager le pire, puis elle se met à sourire, desserre la pression de sa main sur la mienne et se met même à me la caresser de ses doigts fins.

Le reste de la soirée va être un long jeu continu de regards et de mots plus ou moins coquins et d’attouchements plus ou moins audacieux par-dessus nos vêtements. Nous sommes d’une discrétion presque parfaite ; seuls William et la copine d’Annabelle, toute proche d’elle, s’aperçoivent de quelques trucs. Au moment de prendre congé nous échangeons un léger smack, imperceptible pour le reste des convives.

Alors que je rentre à pied avec Clémence, sur le chemin du retour j’envoie un texto à la coquine rouquine : « À suivre… » auquel elle répond dans la minute un simple : « Vivement la suite, alors… » Mais la suite je ne vous la raconterai pas, en tout cas pas aujourd’hui.

Nous rentrons et nous ne tardons pas à nous coucher. Nous dormons dans le même lit : pas de problème, on se connaît depuis longtemps. Allongé dans le noir, je me laisse envahir par les souvenirs de la soirée : le visage d’Annabelle, son regard, nos échanges, le contact de sa peau sur la mienne, les promesses à venir… Je me sens émoustillé, et il s’ensuit une réaction physique au niveau de mon entrejambe ; rien de trop, mais significative quand même. Je suis bien, je voyage dans les images d’un hypothétique futur coquin quand soudain je sens une peau frôler la mienne. J’entends un «  Tu dors ? » puis je sens une main passer dans mon boxer et saisir mon sexe qui commençait déjà à durcir un peu et qui, flatté de cette prise manuelle étrangère, se raidit encore plus. Soit mon rêve est très réaliste, soit je suis en train de me faire toucher par Clémence. Revenant à la réalité, je lui réponds :

— Non, non, je ne dors pas. Mais tu fais quoi, là ?
— D’après toi ? dit-elle, coquine…
— Oui, j’ai bien compris, mais je n’ai pas envie, moi.
— Ce n’est pas ce qu’il dit, lui ! rétorque-t-elle en accentuant la pression sur mon sexe.

Le problème, c’est que chez moi l’érection est assez mécanique ; parfois un simple contact ou un frottement, pas nécessairement prodigué par quelqu’un, d’ailleurs : parfois celui d’un drap peut suffire, ou bien le fait d’être allongé sur le sable. Bref, c’est assez clair : ce contact paraît efficace, mais il ne traduit en aucun cas mon envie de coucher avec elle. Et là, il me faut expliquer à mon amie que je bande, oui, mais que je n’ai pas vraiment envie d’elle alors que mon corps semble dire le contraire.

Je me rappelle trop ce qu’il s’était passé il y a trois ans et je ne veux pas que ça se répète ; et de toute façon, il n’y a aucune confusion en moi cette fois : je ne veux pas coucher avec elle. Je saisis son poignet et l’oblige à sortir sa main de mon sous-vêtement. Je me tourne légèrement et lui dis clairement :

— C’est juste le contact qui fait ça, mais je n’ai pas envie de toi.
— Mais c’est comme ça, juste ; c’est pas pour qu’on soit ensemble, insiste-t-elle.

Elle tente une nouvelle approche de sa main en précisant :

— Juste pour se faire du bien.

Je suis ferme – trop, sûrement – et pas fier une fois de plus, mais il faut bien que je lui dise les choses. Je vais éviter de lui parler d’Annabelle, ça ne ferait que la blesser. J’ajoute alors :

— Pour te faire du bien : moi, je n’en ai pas envie. Du tout, même. Alors n’insiste pas. Si un mec essayait de te forcer lourdement, avec des mots et en essayant de te tripoter, tu le prendrais mal, et tu aurais raison. Alors arrête ça, s’il te plaît. En plus, ça ne servirait à rien qu’on couche ensemble. Ce n’est pas méchant, mais voilà.

Elle retire sa main et s’écarte de moi. Elle est vexée, c’est évident… Et moi, une fois de plus avec elle, j’ai probablement mal géré les évènements. Mais je pense qu’il valait mieux empêcher qu’il se passe quoi que se soit, même maladroitement, que laisser se passer quelque chose d’insincère et qui aurait pu la blesser encore plus par la suite. La nuit a été tranquille, et le matin nous avons fait comme si de rien n’était. Elle a fait la tronche pendant quelques heures puis ça s’est arrangé au fur et à mesure de la journée.

Malgré tout, nous sommes encore amis aujourd’hui. Elle a déménagé, et à présent elle vit et travaille même très près de chez moi. Je crois qu’elle ne serait toujours pas contre que nous fassions des trucs ensemble, voire plus, mais je me suis promis de ne plus jamais cultiver la moindre ambiguïté entre elle et moi. Ce souvenir est même devenu un moyen de la chambrer, et c’est pourquoi j’aime lui murmurer pour rigoler « Tu dors ? »