Retour de flamme

Une chaude nuit où tous les tabous de la femme de Gabriel volent en éclat. Entre elle et son amie la restauratrice, une vraie complicité intime s'accomplit sous les regards – et parfois même les directives verbales – d'Alain. Une bordée de débauche fait découvrir à la brune le corps si analogue au sien de son amie. Elle donne autant qu'elle reçoit, se livre, ose approfondir certaines découvertes, et son mari, loin de ses yeux, se trouve loin de son cœur. Volées en éclats, ses belles résolutions de ne plus recommencer ! Parties en fumée, ses craintes de tromper un homme qui ne le mérite pas ! Et c'est emportée par un tourbillon sexuel que Laure s'endort au petit matin entre un homme et une femme qui ont su l'entraîner dans leurs jeux enivrants.

Après un petit déjeuner entre copains, la brune est rentrée chez elle, ne voulant plus repenser à ces deux sales types qui l'avaient presque agressée. Mais prudence oblige, elle a refermé toutes les portes à clé derrière elle en rentrant, branché les alarmes de tous les endroits où elle ne se rend pas. Chez elle, la douche prise, elle se vêt d'une chemise en satin rouge sombre, d'une jupe noire, et se prélasse dans son salon avec pour seule compagnie une bonne musique en sourdine. Laure fait le point sur les événements de ces trois jours. Le bilan est plutôt mitigé, et surtout en défaveur d'un contrat de mariage qui paraissait solide.

C'est Gabriel qui vient par le biais du téléphone s'incruster dans son ambiance musicale morose :

— Allô, ma chérie ? Tu es rentrée ?
— « Rentrée » ? Comment ça, « rentrée » ?
— Ben… je t'ai appelée hier soir et tu n'as pas répondu. J'ai réessayé vers minuit, toujours sans succès.
— J'ai passé la nuit chez Marine et Alain. J'en avais un peu marre de cette solitude engendrée par ton absence ; j'ai de plus en plus de mal à supporter les longues séparations, ces séminaires qui me volent mon mari.
— Je dois aussi bosser, ma belle. Nous avons tout pour être heureux, mais le prix à payer reste ces séparations inéluctables. Tu as passé une bonne soirée chez nos amis ?
— Ils sont sympas et accueillants.
— Je m'en doute. Ils sont restés corrects, au moins ?
— Comment ça, « corrects » ? Je ne comprends pas, là…
— À vrai dire, je me suis laissé dire qu'ils étaient plus ou moins libertins ; ne me dis pas que tu n'es pas au courant. Nous n'en avons jamais parlé parce que c'est leur vie et que ça les regarde. Mais si tu couches chez eux, à leur domicile, tu dois être au courant de certains détails.
— Et tu le sais depuis quand ? Pourquoi ne m'en as-tu jamais touché deux mots ? C'est fou que tu sois au courant et pas moi !
— Nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler. Alain a toujours aimé les belles nanas, et je pense que la seule chose qui l'a empêché de te draguer c'est que nous sommes mariés. Je crois qu'il a converti Minouche à ce genre de mœurs légères.
— Comme tu y vas ! Nous aussi nous aimons le sexe, et ce n'est pas pour cela que nous avons des – comme tu dis – des « mœurs particulières ». Et puis grand bien leur fasse ! Mais si nous parlions d'autre chose… Tu reviens bien après-demain ?
— Si je pouvais avancer mon retour, je le ferais avec plaisir, mais ce n'est pas possible. C'est drôle, on dirait que ça te dérange de parler du libertinage de nos amis.
— Tu penses que s'ils me proposaient de « jouer » avec eux, je ferais quoi ? À ton avis ?
— Je n'en sais rien. Mais le fait d'en discuter tous les deux, je t'avoue que ça me donne des palpitations. J'ai chaud, d'un coup.
— Ah non ! Tu ne vas pas me refaire le coup du téléphone rose, hein ? Pas aujourd'hui ! Je t'assure que je n'ai guère la tête à cela.
— … Tu es malade ? Ça ne va pas ? Tu m'inquiètes, du coup.
— Mais non ; qu'est-ce que tu vas encore imaginer ?
— Bon, alors si tu ne veux pas me parler d'amour, si je te perturbe par mes propos, je n'ai donc plus qu'à raccrocher. Enfin, j'ai au moins perçu le son de ta voix, et ça suffit à mon bonheur. Je peux donc tenir une journée de plus loin de toi. Et puis je ferai ma lessive à la main… en songeant à ces formes que je retrouverai dans deux jours.
— Attends ! Je veux juste te dire… je t'aime, Gabriel.
— Oh, je t'aime tout autant, ma Laure ! Je t'embrasse là où tu aimes le plus, mon ange… Bisous.

Dans l'oreille de la femme, le silence du téléphone lui fait mesurer à nouveau le vide de l'éloignement de son compagnon. L'horreur de ses cachotteries, de ses tromperies aussi, remontent à la surface, trop fraîches pour être parfaitement assimilées. Cet homme – son homme – est adorable et ne mérite vraiment pas d'être bafoué de la sorte. Mais les choix que l'on fait parfois sont-ils le fruit d'un hasard heureux ou malheureux ?


La journée se traîne en longueur, pour ne pas dire en langueur. C'est en début d'après-midi que la femme de Gabriel décide de rompre cet isolement qui la perturbe pour de bon. Chaque bruit inaccoutumé, insolite, la fait sursauter. Elle s'attend à revoir les deux loustics surgir à ses fenêtres. Alors, de guerre lasse, elle saute dans sa voiture et file faire les boutiques, dans l'unique but de n'être plus seule. Elle passe un temps infini à essayer des robes et des jupes qu'elle n'achètera pas, elle en est bien consciente.

Les vendeuses zélées des échoppes lui font des ronds de jambe, avec le secret espoir que cette femme bien faite remplisse un peu leur tiroir-caisse, mais Laure ne craque pas pour ces ensembles pourtant hyper beaux, super chers également, évidemment. C'est chez Morgan qu'elle passe un pull qui lui moule la poitrine à la perfection. La jeune demoiselle qui traîne dans les parages la voit sortir de la cabine d'essayage avec des yeux ronds.

— Ce chandail vous va à ravir ! On le dirait fait pour vous.
— Vous trouvez ?
— Oui ! Et c'est de la qualité. La couleur marine se marie bien à votre teint hâlé. Vous avez de la chance.
— De la chance ? Pour le pull ?
— Non, pour le bronzage. Moi je brûle dès que je m'expose un peu trop longtemps aux rayons du soleil. Ma peau de rousse n'aime pas la bronzette.
— Les hommes aiment aussi les peaux laiteuses, non ? Et vous êtes bien jolie, si j'en juge par ce que je vois.
— … Vous allez me faire rougir. Je ne saurais trop vous suggérer avec ce haut d'essayer cette jupe-là.

Elle tend à Laure un ravissant vêtement pourtant relativement court.

— Nous avons toutes les tailles, dans différents coloris. Vous devriez voir ce que ça donne sur vous.
— Bon, apparemment, vous avez bon goût ! Voyons donc cela.

Elle s'est emparée de la minuscule pièce d'étoffe blanche et retourne dans la cabine, suivie par la vendeuse. Alors qu'elle va pour tirer le rideau, la jeunette la suit, sans un mot.

— Attendez, je vais vous aider.
— Mais…
— Les fermetures Éclair sont parfois récalcitrantes.

Les petits doigts nerveux sont déjà partis en quête de l'agrafe qui tient fermée la jupe, puis la brune entend le glissement du zip sur les rails de nylon du fermoir de son vêtement. La pression de la ceinture qui enserre la taille de Laure se délite quelque peu. Ce qu'elle porte glisse alors le long de ses longs fuseaux gainés. L'employée doit voir ses bas Dim-Up et sa culotte, car dans le miroir de la cabine Laure voit son visage devenir cramoisi ; elle constate aussi qu'elle tremble. Faisant un pas de côté, elle se baisse un peu pour ramasser le chiffon qui gît au sol.

— Je… Mon Dieu, comme je souhaiterais être gaulée comme vous !

C'est dit candidement, avec le cœur. La brune attrape le vêtement à essayer et se met en devoir de l'enfiler. Cette jupe est une pure merveille, et c'est vrai que la coupe plaît à Laure. La couleur blanche peut-être un peu moins, mais comme la jeune fille lui a dit qu'elle existait dans d'autres coloris…

— C'est vrai qu'elle est belle… mais le blanc, c'est très salissant.
— Oh, je vais vous la chercher dans d'autres teintes. Pour la taille, ça me semble nickel !
— Oui, je l'aime déjà. En noir ou en bleu pour l'appareiller avec le chandail, c'est possible ?
— Tout à fait ! Je vais vous chercher cela.

La gosse est ressortie en coup de vent de la cabine, sans vraiment se soucier de rencontrer une autre éventuelle cliente. De retour quelques secondes après, elle aide Laure à mettre en place la jupette qui lui va comme une seconde peau. C'est encore la jeune femme qui lui prend la main pour presque la traîner à l'extérieur du réduit jusque devant un large miroir en pied.

— Regardez ; voyez comme elle vous… colle au corps. Elle vous va comme un gant !
— Vous trouvez vraiment ?
— La glace est là pour vous le prouver, non ? Vous êtes mannequin ?

La brune éclate de rire. Devant cette hilarité débordante, la gamine opte dans un premier temps pour une moue étrange puis se laisse gagner par la joyeuseté de cette femme qui porte si bien les vêtements.

— Bon, je crois que vous m'avez convaincue. Je vais prendre l'ensemble pull-chandail.
— Un bon choix. Oui… excellent choix, même !

Laure est à nouveau dans la cabine, suivie par la jeunette qui ne perd pas une miette d'un déshabillage pourtant rapide. La jupe revient dans les menottes de l'employée et le pull remonte sur les épaules de la brune, au grand dam de la voyeuse impromptue qui découvre d'un coup que, sous la laine, aucun soutien ne vient retenir une paire de seins qui n'en ont nul besoin. Deux jolies boules aussi brunies que le reste du corps de la cliente attestent du bronzage intégral embellissant cette femme.

— Je… Ils… Vous êtes drôlement bien dorée.
— Ah, le bronzage ? Vous parlez de ma peau hâlée ?
— Oui.
— J'ai une petite maison et un grand jardin où je peux lézarder au soleil dès que le temps le permet. Ceci explique donc cela.
— Vous avez de la chance ; moi j'habite dans un trois-pièces HLM et n'ai guère l'occasion de m'exposer sur mon balcon, gros comme un confetti.
— Vous êtes jeune, et un jour vous aussi aurez votre maison et un jardin, et un beau prince charmant.
— Dieu vous entende, mais je préférerais… une princesse. Enfin, je crois. Je me cherche un peu, bien que mon choix se porte plus particulièrement sur les filles.
— Il n'y a aucune honte à cela : quel que soit le genre, c'est le partage qui compte.
— Vous avez encore raison. Mais pour l'entourage, il faut souvent se battre encore et encore.
— Oh, je pense vraiment que personne ne peut plus décemment s'opposer à ce qui désormais est une évidence. L'important, c'est bien d'aimer et aussi d'être aimée, non ?
— Bien sûr, mais les parents ne sont pas toujours prêts à entendre ou voir cela. Malgré tout, le dialogue reste possible.
— Alors rien n'est perdu, n'est-ce pas ?
— Je… ne sais pas. Mais vous… vous aimez les hommes ?
— Le mien surtout ! Nous avons traversé bien des années tous les deux. Et il est là, ancré en moi. Il me va comme votre jupe.
— Vous n'avez jamais eu une attirance pour les filles ?

Laure de nouveau sourit. La jeune femme, dont elle ne connaît pas même le prénom, s'imagine candidement qu'elle va lui répondre. Une pareille question avec une inconnue, c'est impensable. Mais quelque part la brune sent confusément que cette gamine a besoin de repères, de se rassurer également. Alors elle ne l'envoie pas vraiment paître, éludant seulement la question, se bornant à ne pas répondre. Pourtant, la jeune insiste :

— Oui. J'imagine que vous êtes heureuse en amour. Il a de la chance, votre mari ! Vous êtes…
— Chut ! Allons ! Je voudrais passer à la caisse et payer mes emplettes.

Les doigts de la brune se sont posés sur la bouche rougie au gloss de cette vendeuse impertinente, mais Laure jurerait bien que la jeune femme lui a passé le bout de la langue sur la peau qui lui interdisait d'autres paroles. C'est insensé ! Et pourtant, dans un étrange élan, l'employée retient sa cliente dans la cabine. Son visage se rapproche du sien et la bouche couleur sang se colle sur ses lèvres. Cette fois, le doute n'est plus permis : la langue baveuse s'est bien extirpée de sa tanière pour forcer le passage.

Alors pourquoi Laure se laisse-t-elle embrasser par cette gamine tout juste majeure ? Aucune raison à cela, sauf que c'est si spontané que c'en est surprenant. Le fait qu'elle réponde à ce baiser fou laisse supposer à la jeunette que la partie est gagnée. Est-elle perdue pour autant ? Le visage de la brune recule sans hâte, comme pour échapper à une seconde effusion, mais c'est sans compter sur la force et l'envie de cette follette qui se cramponne.

— Oh, encore un, s'il vous plaît… C'est trop bien, trop bon ! Je vous assure que vous êtes… trop belle, trop bonne.
— Arrêtez ! C'est trop, trop de trop. Qu'est-ce qu'il vous arrive, bon sang ? Ça ne se fait pas d'embrasser les clientes !
— S'il vous plaît, ne me dites pas que vous n'avez pas aimé. J'ai bien senti que vous aussi en aviez envie.
— Vous êtes folle, ma parole ! Et si j'avais crié, qu'auriez-vous fait ou dit ? Votre patronne serait arrivée en courant et vous auriez peut-être perdu votre emploi. C'est ce que vous désirez ?
— Euh… non, non, je voulais simplement vous dire que vous me plaisez beaucoup. Je vais finir mon service dans dix minutes. Vous ne voulez pas prendre un café avec moi, dans un bar tout proche d'ici ? Je vous assure que je ne chercherai pas à vous…
— Et pourquoi devrais-je faire cela ? Vous pourriez être ma fille.
— Oh, s'il vous plaît, je vous en prie… Je ne sais pas avec qui parler de mon… problème, et vous me semblez être une des rares femmes avec qui je pourrais en discuter. Je vous en prie…
— Calmez-vous ! Je veux bien prendre un café en votre compagnie, mais je n'aime pas les bars.
— Vous… avez une voiture ? Si oui, vous pourriez me ramener chez moi et nous pourrions en parler.
— Bon, ça me va. Tenez, portez cela à la caisse ; je vais faire un autre tour dans votre boutique en attendant votre fin de service.
— Oh, merci ! Mille fois merci ! Vous êtes… un ange !

Laure file dans les allées, fouille dans les portants où sont exposés des tas de fringues. Elle se traite de cinglée. Oui, folle d'avoir encore craqué sous la pression de cette fille. Qu'est-ce qu'elle a bien de commun avec elle ? L'autre est jeune, a la vie devant elle, lesbienne sur les bords à ses dires. Alors, qu'est-ce qu'elle va encore se fourrer dans une pareille galère ? Elle se rend compte qu'elle a une propension à s'enfoncer profondément dans les ennuis depuis quelque temps, tout cela parce que son Gabriel est à son foutu séminaire annuel.

C'est un comble, tout de même ! Elle qui se dit heureuse en amour se laisse facilement influencer, manipuler, même par des inconnus, et ça le rend presque mal à l'aise. Pourquoi agit-elle de la sorte ? Gaby n'a pas besoin de cela. Et si jamais il apprend ses frasques, que va-t-il se passer ?

Laure est tirée de ses réflexions par la jeune femme qui lui fait signe. Apparemment, elle a passé une veste sur ses épaules, signe qu'elle va sortir. C'est donc désormais vers la caisse que la brune dirige ses pas. Ses achats réglés, elle sort tranquillement tandis qu'à quelques pas devant la porte la vendeuse l'attend.

— Merci de me ramener chez moi ; vous êtes trop…
— Bon, ça suffit avec vos « trop ». Bon sang, les jeunes n'ont-ils plus aucune conversation ? Allez, venez. Je vous dépose, on prend un café et je file chez moi.
— Votre mari vous attend… ?

Aucune réponse. Seulement le bruit de l'ouverture électrique des portières de la voiture et Laure se glisse au volant. Sa passagère s'assoit à ses côtés sans un mot. Le moteur ronronne doucement, mais la conductrice semble attendre.

— Bien. Où allons-nous donc ?
— Ah oui ! Au trois de la rue Charles de Gaulle. C'est tout droit et à cinq minutes en voiture.

Le véhicule s'insère dans le flot de circulation pas très dense, il est vrai, à cette heure de l'après-midi. En effet, l'appartement de la jeune est tout proche. Chez la petite vendeuse, Laure découvre un endroit agréable, puis la conversation qui s'engage est sympathique, amicale même.

— Vous voulez un café ?
— Oui… euh… je ne sais encore pas votre prénom. Moi, c'est Laure.
— Mon Dieu, vous avez raison ! Lydie, je me prénomme Lydie, et j'ai vingt-cinq ans. Vous voyez, c'est mon palace. Là se trouve le balcon. Jetez donc un œil et vous comprendrez pourquoi je ne peux pas me mettre nue ici pour profiter du soleil.

La brune avance de quelques pas et se glisse sur la loggia de béton adjacente au salon. En effet, une immense barre composée de dizaines d'appartements fait face à ce minuscule espace séparé du vide par une simple balustrade ajourée en aluminium. Évidemment que les voisins en face, pour peu qu'ils regardent chez la jeune fille, peuvent tout voir sur cet espace non clos. Sans doute avec de bonnes jumelles pourraient-ils également scruter son intérieur.

— Pas tellement d'intimité possible n'est-ce pas ?
— Hum… C'est certain que pour de la bronzette intégrale, c'est difficile. Je vous comprends.
— Vous mesurez votre chance de n'avoir pas de voyeurs dans votre jardin ? Une bénédiction de pouvoir aller et venir sans se soucier des autres.
— Ça viendra pour vous aussi. Vous entrez seulement dans la vie active, et un jour…
— C'est gentil de me laisser rêver, mais avec ce que je gagne par mois, il me faudrait dix vies accumulées pour m'offrir une maison, et encore ce ne serait pas sûr qu'elle soit isolée des résidences environnantes…
— Je ne peux pas grand-chose pour vous, j'en suis bien désolée.
— Ne le soyez pas ; la richesse peut aussi se trouver en nous. Vous êtes en couple, avec un mari. Mais des enfants, Laure, vous en avez ?
— Non. Nous n'avons pas d'enfant… et c'est un de nos plus grands regrets.

Les yeux de la brune viennent de s'embuer, ce qui n'a pas échappé à la jeune Lydie qui s'est rapprochée de cette nouvelle amie.

— Venez, le café est prêt. Je ne… voulais pas ranimer chez vous des souvenirs qui semblent douloureux. Je suis une bécasse qui pose parfois des questions idiotes ; je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez.
— Vous ne pouviez pas savoir. C'est passé, maintenant. Je me suis forgé une carapace… pas toujours bien étanche.
— Sucre ou non ?
— Hein ? Ah non, non, pas de sucre.

La cuillère qui tourne dans la tasse entraîne dans son sillage des images qui laissent une trace, telle une blessure dans l'esprit de cette belle brune qui, assise dans un fauteuil, fait face à la jeune occupante de ce logis au troisième étage d'une HLM. La main qui se place soudain sur les doigts qui machinalement font des cercles dans le breuvage noir, cette petite patte stoppe délicatement les mouvements incohérents.

— Ne vous fâchez pas, Laure, mais j'ai… encore envie de vous… embrasser.
— … ?

L'ombre d'un visage qui s'approche du sien ne ramène pas de suite Laure à une réalité perdue depuis quelques secondes, mais la bouche qui ventouse ses lèvres l'oblige à un vrai sursaut. Comme dans la boutique, d'instinct elle entrouvre ses lippes et la langue nerveuse vient caresser celle qui garde le palais. Alors les bras de l'effrontée jeune femme entourent ceux de la brune avec une vigueur toute féminine. Le baiser est consommé sans qu'aucune marque de désapprobation ne vienne en perturber la bonne réalisation. Alors pourquoi la jeunette n'aurait-elle pas le cran de continuer ?

Tous se suivent et se ressemblent. Il n'y a plus de résistance chez l'aînée des deux donzelles. Et les caresses sont plus ciblées. Laquelle des deux ose la première ? De toute manière, l'employée de la boutique de vêtements a déjà pratiquement vu cette cliente magnifique quasiment nue. Les phalanges qui pressent sur le corsage à l'emplacement des seins savent bien que nulle étoffe ne les recouvre, à l'exception de la chemise. Et c'est sans vergogne qu'entre pouce et index le déboutonnage savant est entrepris.

Laure reste médusée, attentiste aussi devant une telle audace. Elle pourrait repousser l'assaillante mais n'en fait rien. La gamine poursuit son effeuillage avec une fougue passionnée. Du reste, son souffle qui court sur le cou de sa victime consentante donne déjà des frissons à la belle brune qui laisse aller la musique. Elle tressaille seulement un peu lors de la venue d'une bouche gourmande sur la fraise d'un sein totalement découvert. Alors l'épouse de Gabriel ferme les yeux et un tourbillon vertigineux s'empare d'elle.