Le quiproquo

Si le dîner se passe sous de bons auspices, notre invitée a pris garde de ne pas se griser. Un seul verre de vin durant le repas pour raison préserver. Elle reste charmante, me prêtant la main dans les tâches ménagères courantes. Comme tu es avant nous au salon, nous entendons en sourdine la musique que nous distille le CD que tu as collé sur la platine. C'est langoureux au possible et je vois que Jeanne aussi apprécie ces sons que nous reviennent. Tout est rangé. Elle esquisse un pas chaloupé, presque un pas de danse, là où la place est libre entre cuisine et salon.

Mue par je ne sais quel réflexe, je fixe ce corps qui cherche dans la danse à exprimer son amour pour les accords que nous entendons. Et sans vraiment me poser de question, je lui attrape la main.

— Tu aimes danser ? Alors viens.
— Ça fait si longtemps que je ne l'ai plus fait… Oui, j'adorais guincher. Mais chez nous, la seule musique qui revenait en boucle c'était celle du cuir… qui battait tambour.
— Chut… Viens.

Elle se laisse aller et nous esquissons quelques pas chassés maladroits. Le carrelage n'est pas un sol idéal pour la pratique d'un slow tout en tendresse, mais au bout de quelques secondes nos deux corps se collent suffisamment bien pour que ce soit presque potable. Jeanne a fermé les yeux et je sens palpiter contre mon cœur fou une autre poitrine. Je la sais libre sous le chiffon qui la recouvre. Nous tournons au rythme de cette musique qui me serre, me noue les tripes.

Ton disque, Stéphane, ne comporte que deux slows. Je le connais parce que c'est notre préféré. Le second commence de lâcher ses sons prenants, et les doigts de ma cavalière se crispent sur mon épaule. À mon tour je baisse mes paupières et continue à l'entraîner avec ses battements de cœur que je ressens de plus en plus. Enfin, peut-être sont-ce les miens qui se répercutent dans ma poitrine et qui font battre mon sang à mes tempes ? Est-ce la brune que je tiens contre moi qui tremble ainsi, ou tout mon être lui imprime-t-il ces mouvements à elle aussi ?

Quand je rouvre les yeux, sur la chaîne hi-fi, c'est une valse. La brune également revient à la réalité, et toutes les deux nous te voyons. Debout dans l'encadrement de la porte, tu nous souris. Je me sens fautive, prise en défaut, mais pas Jeanne ; elle réagit au quart de tour alors que moi je suis toujours aussi remuée tout au fond de moi :

— Oh, Stéphane, tu sais valser ? J'ai si souvent rêvé de faire une valse avec un cavalier qui aimerait cela…
— Oui, je sais valser, mais Élyse aussi ; et vous étiez si belles, toutes les deux, collées-serrées…
— Oh, vas-y, Stéphane : Jeanne meurt d'envie que tu la fasses tourner. Mais avec son parquet, le salon serait peut-être mieux que le sol de la salle à manger… Fais-la danser ; je crois que j'ai moi aussi envie de vous dévorer des quinquets.

La vilaine pointe de jalousie est de retour alors que je suis ta patte qui s'empare de celle bien plus fine de notre hôtesse. Puis vos pas s'envolent dans une ronde où je vois bien qu'elle aime cela. Le salon vous trouve guinchant en vous frottant tantôt aux fauteuils, parfois contre le sofa. J'admire la dextérité avec laquelle tu mènes le bal. Et elle aussi apprécie hautement le merveilleux danseur que tu es, je suis bien placée pour le savoir. Mais curieusement, plus vous vous envolez sur les trémolos de notes si belles, plus mes mâchoires se crispent.

La série de valses est plus longue que celle des slows, mais elle a également une fin. C'est au tour des fox-trots de venir emplir notre salon de leurs accords pointus. Vous vous éloignez l'un de l'autre, et pourtant elle met un temps infini à lâcher ta main. C'est comme à regret qu'elle ouvre ses doigts alors que tu regagnes ta place sur le canapé. Et tout naturellement Jeanne s'assoit près de toi. Pour éviter la promiscuité, j'opte, quant à moi, pour un fauteuil qui donne de trois-quarts sur la télévision.

— J'allume la télévision, ou vous choisissez un film toutes les deux ?

Ta voix vient de crever cette sorte de silence pesant qui, lorsque la chaîne s'est tue, s'est installé entre nous. Je sors de mes pensées, et la brune aussi sursaute. Son visage est braqué sur le mien ; elle paraît anxieuse de ma réponse. Moi, franchement, je suis perdue. Dans mon cerveau, Dimitri me fait un clin d'œil polisson. Lui aussi, c'est le troisième larron de mon histoire. Je n'ai pas encore décidé de ce qu'il va y faire, mais il est là qui me rit au nez.

— Tu en penses quoi, Élyse ? Un bon film ? Quelque chose de léger ?

Bon sang, elle a une voix qui me ramène dans notre monde. Ma jalousie se trouve du coup renforcée par les sons cristallins qui sortent de sa bouche. Pourquoi ai-je envie de lui lancer une vacherie ? Elle a déjà presque pris la place que j'occupe habituellement sur le divan. Merde, alors ! Elle n'a pas la moindre idée de ce que je pense, là ? Et je m'entends répondre platement :

— Oh moi, vous savez, je m'en fiche. Choisissez, toi et Stéphane, je vous fais confiance.

Je me mens, et le plus terrible c'est que je le fais avec une sorte de sourire béat. Je mélange tout dans cette caboche qui me fait perdre pied. Vous êtes maintenant debout, vous me tournez le dos et farfouillez dans le tiroir où sont rangés les vidéos. Moi, je replonge dans l'imaginaire de Paule et Damien… L'ombre du frère jumeau plane sur le couple d'amants fraîchement dépucelés. Ce sera eux qui me vengeront de ce qui va forcément se passer ici, dans cet espace confiné où je crois percevoir des relents suspects, une subtile fragrance d'amour.

Jeanne se penche pour aller plus au fond du tiroir. Les vieux DVD sont difficiles à dénicher ? Mais elle ne fléchit pas sur ses longues gambettes, ce qui lui faciliterait le mouvement. Non, elle penche tout le haut de son corps. Et bien entendu, sa jupe remonte sur l'arrière, découvrant le haut de ses cuisses. Pourquoi ? Le fait-elle sciemment ? Stéphane, tu ne peux pas, d'où tu es, voir cette chair lisse et claire. C'est pour m'aguicher ? Mais elle n'a pas besoin de cela pour me foutre le feu au… là et ailleurs.

Je n'entends déjà plus ce que vous vous racontez, juste quelques gloussements. Dans mon disque dur, mes guignols m'attendent. Je dois être à la hauteur, m'imprégner de ce qui se passe à deux pas de mon fauteuil. Et la face hilare qui se tourne vers cette jalouse que je suis s'adresse bien à ma petite personne :

— Oh, Élyse, vous avez ça aussi en rayon… Tu veux bien que nous visionnions celui-là ?
— …

Ce qu'elle me tend ne me rappelle rien. Un blister pareil aux autres, avec un disque à l'intérieur. Je secoue ma caboche de bas en haut. Mon assentiment, après tout, n'est qu'accessoire, une simple formalité. Et les images commencent à défiler. Je ne reconnais rien de cette femme qui jaillit à l'écran. Je me creuse les méninges pour deviner qui elle est. En tout cas, c'est une actrice superbe. Crinière de feu, et d'une beauté gracieuse. Ce n'est qu'à son prénom que je sursaute… Nous avions cela dans nos archives ? Je ne le savais pas.

Il pleut sur l'écran. Devant une baraque en bois, en pleine jungle ou dans un endroit qui y ressemble, une jeune fille se berce sur une balançoire. Elle est si légèrement vêtue… Sous ses pieds qu'elle tient à l'équerre, une mare de boue qui s'élargit au fil de l'averse. Une autre femme, très jolie aussi, scrute les mouvements de la joueuse trempée. Un homme aussi se tient près de cette seconde nana d'une singulière beauté. Ils palabrent gentiment sous un auvent, bien à l'abri de cette flotte qui dégringole.

Sans que je ne sache bien d'où, arrive un autre loustic, un éphèbe vêtu celui-ci, qui rejoint l'utilisatrice trempée de la balançoire. Les deux jeunes se jaugent des yeux et le type pousse la femme qui vient de se redresser sur son perchoir branlant. Ça pue le désir et l'envie. L'oscillante danseuse finit par chuter dans cette boue qui couvre l'endroit. Les deux autres, sur leur balcon, se sont rapprochés. Ils suivent avec intérêt les faits et gestes de ces deux-là qui se vautrent dans la fange noire. Les choses s'enchaînent rapidement.

Les deux silhouettes qui roulent sur le sol détrempé sont dans une mer de terre grasse et gluante. Ils se complaisent dans cette mucosité sombre, se caressent plus précisément, et alors que je n'y croyais pas, la femme en culotte blanche a réussi à dessaper l'homme. Elle s'est emparée de l'engin que je pense deviner. Puis non, la caméra va plus loin. Elle montre maintenant sans suggérer : la bouche de la demoiselle lape le sexe de ce type qui lui, de son côté, s'occupe de ce même endroit qui, chez moi, me titille depuis cinq bonnes minutes.

Un véritable soixante-neuf en live, sous nos regards à tous les trois, se déroule sur l'écran. J'ai la nette impression que Jeanne vient de détourner les yeux et qu'ils sont venus m'effleurer. J'ai compris… Salaud qui nous dirige sans un mot vers ce que tu attends de nous ! J'ai senti que tu avais orienté la belle brune dans son choix, simplement pour que mes sens prennent le pas sur ma raison. Et j'admets volontiers que tu as réussi ton coup. Oui, cette étrange et époustouflante scène m'a donné une terrible envie.

Je présume que notre amie aussi est excitée par les images qui défilent sur le petit écran. Je devine ses cuisses. Elle les frotte doucement, sans doute sexuellement remuée par la vision fantastique de l'échange entre les deux jeunes. Toi, tu n'as pas bronché. Ton visage reste rivé sur la scène qui se poursuit. Le film enfin passe à autre chose, mais dans notre salon, l'atmosphère reste de plomb. Jeanne se penche vers toi et te murmure quelque chose à l'oreille. Je me sens oubliée dans mon coin. Je n'ai pas entendu un traître mot de votre messe basse.

Par contre, j'ai parfaitement assimilé ton hochement du menton. Par ce simple mouvement, tu viens sans doute de dire oui à ce qu'elle voulait ; et je vais le savoir tout de suite, puisqu'elle vient de se lever. Elle est désormais à genoux sur le tapis sur lequel nos fauteuils et canapé sont posés. Ses mains viennent sur mes chevilles. Celle qu'elle soulève reçoit un baiser qui m'électrise. C'est donc cela ! Tu lui as donné le feu vert pour me caresser ! Mais mon avis ne compte-t-il pas ? Pas vraiment le temps de réfléchir à cela. Elle a aussi saisi l'autre cheville, et mes deux pieds passent par-dessus ses épaules.

Cette fois ce sont ses mains et sa frimousse qui montent dans ce couloir qu'elle vient d'entrouvrir. Je ne me dérobe pas, suspectant qu'elle n'est que ton envoyée : tu as juste manœuvré de manière à obtenir ce résultat. Elle doit bien se rendre compte que je suis trempée. Les images que mon cerveau a assimilées, la scène de sexe pur dans la boue, et cette incroyable envie qui m'étreint depuis que Jeanne est chez nous… tout ressurgit là en quelques fractions de seconde. Je me borne à poser mes pattes sur ses cheveux.

Je n'ai aucune velléité de la repousser. Ni à l'exhorter à aller plus vite, du reste. Je sens son souffle sur la barrière de froufrous qu'elle doit entrevoir puisque son visage a déjà franchi le passage de mes genoux. Mes cuisses s'écartent de plus en plus pour laisser le champ libre à cette intrusion. Et je dois avouer que, loin de me dégoûter, cette reptation lente renforce mes frissons. Ses joues sont douces, sa peau délicate. Je fais la comparaison avec ta figure à toi : dans des circonstances analogues, ta barbe m'arracherait des cris.

Mais là, rien qu'un velours qui se frotte à l'intérieur de mes cuisses, qui inexorablement pointe le bout de son nez vers ma culotte. Alors je n'ai qu'un gémissement de principe lorsque deux doigts poussent sur le côté la chiffonnade entièrement humidifiée de mes sécrétions intimes. La langue qui ouvre sans préambule mes grandes lèvres pour recueillir les gouttes d'envie qui y suintent est une délivrance. Sur ton canapé, tu as juste avancé ton buste, et je suis certaine que ce n'est plus le film qui t'intéresse.

Ce qu'elle me fait est magique. Mais j'étais déjà depuis longtemps dans un tel état que ce n'est plus qu'un aboutissement. Il fallait que ça se concrétise par ce flot de câlins qui me font frétiller. À plusieurs reprises ses mains doivent desserrer l'étreinte de mes quilles qui se referment sur son cou. C'est simplement par réflexe que je lui coupe la respiration, ce qui ne l'arrête nullement dans ses attouchements si particuliers. Et il me semble dans mon brouillard que tu t'es aussi déplacé ; j'ai seulement perçu le bruit que tu as fait en bougeant : mes yeux sont clos.

Elle aussi bouge bizarrement, mais je m'en fiche. Tant qu'elle reste le nez entre mes cuisses, la langue sur ma chatte, je ne veux plus rien connaître de ce qui m'entoure. Ses gémissements sont-ils dus à son bonheur de me lécher ? Est-ce que c'est toi qui la cajoles aussi de ton côté ? Je ne veux rien savoir. Je suis si bien dans cette position, largement ouverte, avec des allers et retours sur ce qui se trouve si sensible en cet instant… Ma perception reste imaginée. Je ne cherche pas à voir.

Je me laisse aller à une vague de jeux sexuels avec cette complice qui véritablement a une expérience que je ne possède pas. Et j'admets que c'est radicalement différent de ce que tous les deux nous faisons. Bien sûr qu'une minette faite par toi ou elle est quasiment identique ; ce n'est pas dans ce sens que je parle : il s'agit juste d'une autre manière de la vivre, d'un autre ressenti qui n'a rien à voir avec les sensations que sa langue me donne. Un peu comme l'eau et le vin, comme l'air et l'eau. Dans mon esprit, je transgresse un interdit, un tabou. Il me semble que je te trompe, et que tu sois présent ne change rien à l'affaire.

À quel moment t'es-tu rapproché de moi ? Je ne me suis rendu compte de rien ; j'ai deviné que tu étais là. Pourquoi aussi ma main s'est-elle dirigée dans cette direction où je pensais te trouver ? Je ne sais pas ! Toujours est-il que je suis heureuse de cette chaleur qui m'encourage et me dit que tu apprécies. Je ne touche chez Jeanne rien d'autre que ses tifs qui se baladent de droite à gauche entre mes cuisses, et je râle en serrant bien fort tes doigts. Je t'attire aussi contre moi, t'obligeant sans doute à t'asseoir sur l'accoudoir de mon fauteuil.

Je réalise soudain que tu es… nu. Donc cette paluche qui te tient file vers le centre de toi et bien sûr te découvre en de bonnes dispositions. Mes doigts qui encerclent ce cylindre en érection sont poisseux, signe que l'engin vient de servir. Ce sont donc les sécrétions de la brune qui engluent ton sexe ? J'en frémis ! Tu viens donc de réellement la baiser ? Ça me rend complètement dingue de comprendre soudain cela.

Tout mon corps se déplace prestement vers ce centre de toi difficile d'accès. Je veux savoir, connaître le goût de cette chatte dans laquelle tu viens certainement de plonger. Est-ce que tu as joui en elle ? Je désire ardemment goûter à ces fragrances mélangées, les siennes, les tiennes, et cette seule pensée me donne un incroyable plaisir. Dans la fourche où elle officie encore, Jeanne ne se doute pas de ce remue-ménage que sa possession par toi provoque chez moi. Mais toi, Stéphane, tu as subtilement saisi, et ta queue s'avance vers ma bouche.

Je suce avidement ton membre, et tes soupirs rejoignent ceux de la brune, provoquant les miens. Ce qui en ressort n'est jamais arrivé de cette façon-là. Je ne contrôle plus rien de mon ventre, plus rien de mes envies, et encore moins de ce qui se passe dans mon corps. Je suis ivre de sa langue, ivre de ta bite et, mon Dieu… je jouis. Je jouis vraiment comme jamais je ne l'ai fait. Elle, là où sa tête se trouve, est sur le chemin le plus direct de ce qui se déclenche. Ce n'est plus un peu d'humidité due à ses caresses, mais bien un grand jet qui éclabousse tout dès sa sortie. Et elle doit subir parce que mes cuisses se sont refermées sur ses tempes, l'obligeant à prendre en plein visage la cataracte que je ne maîtrise pas, plus.

Je me tortille comme un ver, voudrais me rouler par terre sous les sensations inouïes qui s'emparent de tout mon être. L'orgasme avec un O majuscule, celui que nous n'avons sans doute pas expérimenté plus de vingt fois dans notre vie de couple, m'embrase et me rend dingue. Les cris que j'entends, ce sont les miens ? Les siens, peut-être, pour que je la libère de l'étau qui lui écrase la tête ? Je n'en sais rien je m'en fiche.

Toi aussi tu retires brutalement ce sucre d'orge que je tète depuis quelques minutes sans me préoccuper de planter mes crocs dans sa texture fragile. Et lorsqu'elle réussit à sortir de l'endroit brûlant, je me sens abandonnée par vous deux. Un immense vide, un abîme de solitude qui m'envahit, m'étreint et me ferait presque pleurer si j'en avais la force. Vidée de toutes forces, pantelante et tremblante, je laisse mon corps revenir sur terre.

Vous m'avez allongée sur le tapis. Je reprends pied dans une réalité moins rose.

— Ouf ! Tu reprends tes esprits ? Quelle frousse tu nous as faite ! Ben, dis donc, si ça ne s'appelle pas jouir, ça, je ne m'appelle plus Jeanne.
— Oh, ma chérie, tu as été sublime ! J'ai adoré ce qui vient de se passer. C'était un vrai feu d'artifice… un quatorze Juillet. Mon Dieu, j'ai cru que nous allions être dans l'obligation d'appeler un médecin…
— Je ne garde aucun souvenir de ce qui est arrivé, juste un énorme éblouissement. Mais c'est vrai que je suis lessivée, anéantie. J'ai joui comme une folle, et ça me fait peur, cette éblouissante lumière qui m'embarquait dans un autre monde. Oh, merci, Jeanne ! Merci, Stéphane ! Je crois qu'il faut vivre cette expérience une fois dans sa vie. Quel pied… Je me répète sans doute, mais je n'ai pas de mots pour qualifier… l'inqualifiable.

Quatre mains s'ingénient à me caresser. Toi sur le visage, et les petites pattes de notre invitée qui me tripotent la poitrine. Mes seins sont du reste encore gonflés par cette extase si mal contenue. Les pointes sombres sont sensibles, et je dois d'un geste sur le poignet de Jeanne lui faire stopper ses passages sur mes tétons. Ils sont presque douloureux, ses effleurements, maintenant. Je me tourne sur le côté, me pelotonnant contre ton torse velu. Elle laisse pourtant ses menottes flirter avec mon dos. Et je ne trouve plus rien à redire à ces affectueux témoignages d'affection.

— Élyse… comme tu es belle quand tu jouis… Je suis si heureuse de t'avoir donné autant de plaisir ! Vous êtes un couple merveilleux et tellement plein d'amour… Merci à vous deux.
— Tu as été extraordinaire, mon amour…
— Ouais, vous voulez dire, tous les deux… « sextraordinaire » ? Je me fais l'effet d'une salope ; pire… d'une pute.
— Tu es folle ? Élyse, le plaisir que nous avons partagé, c'était, c'est de l'amour pur et simple. Ça ne change rien entre nous ; je pense même que ça renforce les liens qui nous unissaient déjà.
— Oh, Stéphane, j'ai si peur… que tu ailles maintenant voir ailleurs. Tu l'as prise ?
— Honnêtement ? Oui. Je ne vais pas te mentir : j'ai pénétré Jeanne, mais c'était bien avec toi que je faisais l'amour.

Leurs mains qui jouent sur ma peau apaisent mes craintes. Elles me gardent encore un peu de la chaleur qui m'a étreinte durant ce long moment où j'ai joui. Et l'une de celles de Jeanne me saisit le poignet pour diriger mon bras vers le centre de son corps, plus précisément vers sa chatte qui palpite soudain sous ma paume ouverte. Je me suis parfois touchée, mais le faire sur une autre femme n'est jamais arrivé. Et je suis gauche, sans doute, maladroite au possible. Mais elle vient de se coucher à plat sur le dos, et ta bouche aussi s'invite à la fraise d'un de ses seins.

Alors que nous sommes toi et moi les yeux dans les yeux, tu lui suces comme par gourmandise ce téton que je vois s'étirer sous ton aspiration. Elle soulève son corps, décollant ses fesses de la couche, et tout naturellement son ventre monte lui aussi au contact de ma main. Je suis subjuguée par ce que tu lui fais. Machinalement, mon index fouille la commissure des lèvres pour y chercher ce qui s'y niche ; sous le bout de mon doigt, il est là, élastique et ferme à la fois. Alors… moi aussi je veux y goûter.

Pour ce faire, je m'agenouille les fesses en l'air, tendue vers toi, Stéphane. Je ne te vois plus lui suçoter la pointe du nibard, et mon visage s'approche de ce mini-pénis que mes phalanges triturent toujours. Il est là, érigé comme une petite bite. Dix fois plus gros que le mien ; enfin, je crois. C'est d'une couleur très particulière, ce truc qui déborde, si pareil au gland de ton sexe, mon homme. Il m'attire, m'envoûte, et je penche mon visage tout entier vers le sanctuaire qui garde secret cette bizarrerie en taille.

Le premier contact me fait étrangement frémir, mais entraîne aussi une réaction analogue chez notre amie. Jeanne s'est courbée de nouveau, et son minou est monté contre ma figure, me collant sa fourrure au nez. Ça sent bon, ça sent la femme ; ça pue le sexe, le cul. Alors, pour ne pas être idiote, je sors un bout de langue pour découvrir une autre forme de baiser. Et je retrouve avec son clitoris hyper développé un peu de ta queue, Stéphane. Je me prends au jeu et me laisse séduire par une pipe originale. Je l'ai complètement aspiré et ne relâche plus la pression. Elle hurle, rue, et ses paluches me contraignent à rester dans ma position.

Je me surprends à astiquer juste avec les lèvres ce qui ressemble bien à ton pénis en minuscule. Et il me faut un sacré bout de temps pour sentir que tu es en moi et que tu navigues à grands coups de bite dans mon fourreau qui s'enflamme à nouveau. Dans ma tête, tout est confus, mais j'adore être ainsi limée alors que je persiste à étirer, coincé entre mes lèvres, le dard miniature… Elle jouit, et je crois bien que moi aussi. C'est bien entendu moins violent que tout à l'heure ; c'est autrement, et pourtant j'apprécie également.

Je n'en peux plus de te sentir en moi, et tes mouvements de bassin, les bruits de ton ventre qui claque sur mes fesses, ces hululements de sirène, tout concourt à m'envoyer en l'air. Cette fois, je ne suis pas la seule : ta semence m'éclabousse le derrière alors que Jeanne gémit sans discontinuer… et d'un coup tout s'arrête ! Il ne reste plus que les longs tressaillements de nos deux corps de femmes, allongés côte à côte. Et toi, mon mari, tu ne bouges plus non plus, sauf ta main qui cherche celle de notre invitée et la mienne. Tu es le trait d'union entre nous deux.

Quelques heures de sommeil vont nous être salutaires.


Un mois que notre Jeanne vit sous notre toit. C'est aussi une habituée de notre couche, désormais. Un vrai ménage à trois. Je vous surprends parfois à faire l'amour partout. Tout comme elle et moi faisons quand tu n'es pas là. J'ai mis un mouchoir sur cette jalousie qui m'envahit parfois. Je prends goût – je l'admets – à guetter ces moments où vous vous tripotez, où tu la baises aussi comme s'il s'agissait de moi. Je cherche surtout à ne pas me montrer pour profiter de ces scènes très chaudes qui vous unissent.

Gabriel et elle divorcent. Elle attend patiemment avec nous que leur maison se vende pour recommencer une autre existence dans un « chez elle » que, pour le moment, ses moyens financiers ne lui permettent pas de s'offrir. J'aime aussi nos baisers, ceux que nous échangeons toutes les deux, avec ou sans toi. Je me complais dans un rôle de salope partageuse, et comme c'est toi qui as contribué à ce genre de mélange, tu ne peux guère te plaindre. Je crois… je crois que je m'épanouis de mieux en mieux dans cette intimité à trois.

Paule aussi retrouve depuis quelques jours un semblant de vie sous mes doigts. Je me repasse dans la tête, ressasse les phases qui nous unissent toi, elle et moi, et je veux y puiser l'imagination pour les transposer sur le papier. La seule différence, c'est que je n'ai qu'une héroïne et deux mâles, alors j'invente une autre forme de triangle amoureux. Cette jeune femme s'est donc, après les assauts répétés de son prétendant, enfoncée dans un sommeil lourd. Damien aussi, sans plus penser au retour de Dimitri, s'est endormi.

Le soleil n'est pas encore levé lorsqu'un bruit singulier ramène à la vie le jeune homme. Il tend une oreille en prenant bien soin de ne pas réveiller sa conquête. D'un coup, dans son esprit se fait jour la provenance de ces sons encore nocturnes. Merde, son frangin qui rapplique ! Et dans l'entrée, l'autre s'est pris les pinceaux dans quelque chose qui, d'ordinaire, ne traîne pas au sol. Dimitri jure après son con de frère qui n'a sûrement pas rangé ses affaires.

Le nuiteux ne veut pas allumer pour finir de mettre le feu à la baraque. Non, il se contente de la lampe de son téléphone portable. Ça sert aussi à cela maintenant, ces machins modernes. Dans le faisceau de lumière, une paire d'escarpins ici, là un chiffon, et plus loin un autre le renseigne sur la nature de ce qui gît au sol. Si Damien se met à ramener des putes à domicile, ça va compliquer singulièrement leur colocation. Puis il réfléchit. Non, ce n'est pas le genre de son jumeau. S'il a amené une gonzesse dans l'appartement, c'est qu'il a des sentiments pour elle.

Du reste, en caleçon, le voici qui déboule, sortant de sa piaule, l'air renfrogné, notre Damien. Il se montre presque furax :

— Bon Dieu ! Tu as décidé de réveiller tout l'immeuble ? Tu ne peux pas être un peu plus discret ?
— Quoi ? Non, mais… qu'est-ce qui te prend ? Et ta poupée, elle ne peut pas ranger un peu ses affaires aussi ? Vise-moi ça, il y en a partout dans l'entrée ! Comment veux-tu que je ne me prenne pas les panards dans son bordel ?
— Chut ! Elle dort…
— Ah bon ! Viens donc à la cuisine me raconter ça.

Les deux garçons sont dans la kitchenette et boivent un verre d'eau. Dimitri, intrigué, pose tout un tas de questions à son frère. Il veut surtout savoir, cherchant à deviner qui est la donzelle avec qui Damien a visiblement forniqué – pour ne pas dire niqué fort – mais l'autre reste évasif et refuse de répondre. Cependant, le gaillard sait s'y prendre et tente les grandes manœuvres pour l'obliger à se découvrir et savoir qui se cache dans le lit d'à côté.

— Tu peux bien me le dire, quoi… Nous avons toujours tout partagé. Allons, qui c'est ? Il n'y a quand même pas de secrets entre nous.
— Non ! Tu n'as pas besoin de savoir. Je veux seulement être tranquille. Elle se prénomme Paule, et c'est tout que tu as à en connaître.
— Ma foi… n'oublie pas que ce matin à neuf heures tu dois aller retrouver maman à la gare : c'est à ton tour de l'emmener faire une virée en ville. Alors ta madame doit être barrée avant cette heure-là.
— Ne t'occupe pas de ça !
— Comme tu veux… mais ce n'est pas sympa. Je vais me coucher. Ramasse aussi les pelures qui jonchent l'entrée, ça fait désordre…
— Hummm.

Damien a grommelé entre ses dents et les deux ont regagné leur chambre respective. Depuis la sienne, Dimitri écoute les bruits qui pourraient provenir de derrière la cloison qui sépare les deux pièces. Mais rien, pas un son. Donc la demoiselle ou la dame dort du sommeil du juste. Le jeune homme finit aussi par s'endormir en rigolant. Tout de même, Damien avec une gonzesse… surprenant ! Il en est presque jaloux. C'est sur cette réflexion triviale que Dimitri ferme les yeux avec presque une envie de faire l'amour.


Lorsqu'il ouvre les quinquets, le jour tout neuf a déjà quelques heures d'ensoleillement. Le jeune gaillard s'étire, puis sans penser à rien d'autre se lève. Premier rendez-vous matinal avec les toilettes. Il urine sans se préoccuper de rien, se sentant bien dans une solitude normale. C'est en revenant dans leur coin cuisine qu'il comprend son erreur : assise devant une tasse de café fumante, une incroyable créature le chouffe avancer vers elle. Elle lui sourit sans qu'il comprenne bien pourquoi.

— Eh bien ? Je te croyais parti depuis un moment. Tu n'es pas encore habillé ? Ta mère va t'attendre !
— Hein ?…
— Quoi, « hein » ? Eh bien, tu n'as donc aucune explication ? Tu étais passé où ? Je me suis permis de prendre un peu de café…
— Oui, tu as bien fait.

Dimitri réalise que c'est plat et fade, ce qu'il vient de dire. Puis lentement son esprit se remet en route. Cette nana, c'est donc la fameuse Paule ? Il a bon goût, son saligaud de frérot. Nom de Dieu, elle est bien gaulée, la nénette ! Et il saisit d'un coup qu'elle ne fait pas non plus la différence entre lui et Damien. Il veut lui dire qui il est, mais elle s'est déjà levée et se tient près de son corps. Là encore, il s'aperçoit qu'il est à poil depuis le début ; mais ça ne l'a pas dérangée : donc ils ont bel et bien baisé…

— Alors, tu ne veux déjà plus de moi ? Je n'ai pas droit à un bisou à ton lever ? Tu t'es amusé avec moi, c'est cela, et tu as vite changé d'avis… L'amour de ta vie, c'est bien ce que tu prétendais ? C'était donc seulement pour me tripoter. Pire, pour me baiser !
— Mais… non, je t'assure.
— Montre-le-moi, alors ! Embrasse-moi, Damien. J'en ai envie, et aussi de plein d'autres choses. Moi aussi je suis amoureuse de toi. Je t'aime et je te veux. Tu as eu ce que j'avais de plus précieux ; je t'en redemande : fais-moi l'amour encore et encore.
— Mais…
— Mais quoi ? Tu n'avais pas besoin de commencer. Désormais, il te faut assumer : je me suis toujours juré que celui qui prendrait mon pucelage devrait me faire l'amour toute la journée suivante. Il te faut donc assumer mes envies !

Paule vient de le prendre par le cou et elle approche sa bouche de la sienne. Dimitri recule un peu sa caboche et commence une phrase :

— Je ne…
— Chut ! Embrasse-moi, sale type.

Les lippes qui se frottent aux siennes sont d'un velours incomparable. Il imagine la tronche de son frangin, s'il vient à apprendre… Mais s'il ne fait rien, la belle brune va ficher le camp et Damien passera pour un con ; pire, un salaud qui a profité de la situation. Cruel dilemme… Comment faire ? Elle est si persuasive, la jolie femme qui lui roule une pelle… Comment expliquer qu'il n'est pas Damien ? Il ne peut de toute façon plus rien dire et doit se contenter de subir. Oh, il y a de bien plus désagréables supplices que celui-là. Elle a aussi empoigné son sexe, preuve que celui de son frère… elle le connaît.

Curieusement, Paule ne trouve aucune différence entre les baisers de l'un ou de l'autre. Mais la bite ? Elle devrait bien comprendre qu'elles ne sont pas tout à fait identiques. Encore que Dimitri n'en soit plus aussi certain. La brune s'est laissé tomber à genoux et embouche le clairon. L'air qu'elle joue le ravit. Il se laisse dorloter avec une authentique nonchalance et éprouve un émoi visible. Puis elle se redresse, prête sans doute à passer aux choses sérieuses. D'une main, elle écarte son bol et tout ce qui pourrait gêner sur la table puis elle pousse son amant contre ce tablier de bois et, les mains nouées derrière le cou du jeune homme, elle se soulève tout entière. Tout son corps monte le long de celui de Dimitri. Ses lèvres reviennent cercler la bouche du gars alors qu'elle se laisse glisser sur le pieu tendu. Cette fois il souffle et sent qu'inexorablement elle vient de faire entrer sa queue en elle.

Mon Dieu, il réalise que c'est nul, qu'il fait cocu Damien. Mais cette Paule, là, elle ne sait pas, elle, qui il est en réalité. Et puis, c'est si bon, si jouissif d'être le jouet de cette fille…