Faire l'amour, pas la guerre ?

La maison des Gémeaux se dresse devant nous. D'ici nous ressentons le cosmos important d'Ayéfèmi. Cela me rappelle ma première confrontation avec elle. J'étais loin de sa puissance ; et je le suis encore, d'ailleurs. Heureusement pour moi, c'était sa personnalité pacifique qui avait le dessus. J'espère que c'est toujours le cas aujourd'hui car elle sera plus facile à convaincre. Si nous devons l'affronter, l'épreuve ne sera pas aussi simple qu'avec le chevalier du Taureau. Nous pouvons aussi compter sur une grosse puissance de notre côté, mais tout de même nous risquons de ne pas nous en sortir indemnes. Vu la menace qui plane sur le Sanctuaire et qui pourrait surgir n'importe quand, mieux vaut atteindre le Grand Pope sans trop nous affaiblir.

Nous pénétrons tous les quatre à l'intérieur du bâtiment. Ayéfèmi se dresse fièrement dans son armure, au centre, les bras croisés. Une magnifique chevelure rose déborde de son casque ; ouf, nous avons affaire à Fèmi, son côté doux. Je m'avance vers elle, prêt à parlementer, indiquant par un signe de main aux autres de me laisser faire.

— Bien le bonjour, noble chevalier des Gémeaux. Nous souhaitons passer pour aller nous entretenir avec le Grand Pope. Rassure-toi, nos intentions sont pacifiques.
— Ah oui ? fait-elle semblant de s'étonner. Pourtant j'ai senti les affres du combat dans la maison du Taureau.
— Oui, reconnais-je. Malheureusement, nous n'avons pas eu le choix : le Taureau refusait de nous laisser passer. Mais rassure-toi : il est toujours en vie ; nous n'avons pas l'intention de prendre la vie de nos frères d'armes. Il y a eu une méprise avec le Grand Pope : notre but est seulement de rétablir la vérité.
— J'ai pourtant ordre de ne pas vous laisser passer, sous aucun motif. Et de tuer les traîtres qui fouleront du pied le Sanctuaire.
— Allons, Ayéfèmi, toi comme moi savons que tu as horreur de la violence, et que tu ne nous affronteras pas. Nous aussi, nous ne souhaitons pas nous battre. Je te jure que nous ne sommes pas des traîtres et ne cherchons que le bien-être du Sanctuaire, insisté-je.
— Mes ordres ont été très clairs, regrette-t-elle. Je ne souhaite pas vous tuer, mais je ne peux vous laisser passer.
— Bon, ça suffit ! s'impatiente Marie. On la défonce et on continue notre route. Assez de bla-bla !
— N'y a-t-il aucun moyen de vous faire rebrousser chemin ? On pourrait trouver un compromis, propose Fèmi. Je suis prête à trouver une solution qui pourrait vous satisfaire.
— Que proposes-tu ? est intriguée Judith.
— Rappelle-toi de notre précédent accord, me lance Ayéfèmi avec un clin d'œil ; cela t'avait beaucoup plu. Je suis prête à t'offrir encore plus si vous faites demi-tour.

Notre précédent accord ? Oui, je m'en souviens très bien. Comment peut-on oublier une si douce fellation ? C'est impossible. Elle y avait mis toute son âme. C'était divin !

— De quoi parle-t-elle ? m'interroge Marie avec un regard suspicieux.

Merde, la situation devient tendue. Il ne faut sous aucun prétexte que Marie apprenne ce qu'il s'est passé. Elle me prend pour un type chaste ; si elle apprend que j'ai menti, elle risque de se détourner de moi, et tous les progrès que j'ai accomplis pour me rapprocher d'elle seront balayés. Me voilà tout à coup bien mal à l'aise… À son sourire moqueur, Judith semble comprendre la situation.

— Non, c'est impossible ! tenté-je de rattraper la situation. Peu importe ce que tu pourrais nous proposer, nous ne ferons pas demi-tour.
— En es-tu sûr ? insiste-t-elle avec un craquant regard de biche. Je te laisserai passer par devant comme par derrière.
— Hein ? ne comprend pas l'innocente Marie. Je croyais que tu refusais de nous laisser passer ta maison ?
— Mais non, réagit Sanka ; elle ne parle pas de sa maison…
— Elle parle de quoi, alors ?

Bon sang, pour une fois, ne pouvait-on pas avoir affaire à Ayé ? En plus, j'ai un compte à régler avec cette dernière ; elle a menti à mon procès, juste par pur sadisme. Là, Fèmi risque vraiment de me mettre mal vis-à-vis de Marie. Un combat à mort aurait été tellement plus pratique…

— Francis, reprend les Gémeaux, vous pouvez même vous mettre à deux, Sanka et toi, ça ne me dérange pas. J'ai toujours adoré les doubles ! Les filles aussi peuvent participer.
— On parle combat, là ? se réjouit Marie.
— Non, pas vraiment… sourit Judith.
— Laisse tomber, Fèmi ; nous ne sommes pas intéressés, lancé-je.
— Parle pour toi, me coupe Sanka ; moi, ça me tenterait bien. Cela fait un petit moment que je n'ai rien fait.
— Pas fait quoi ? questionne Marie, toujours à l'Ouest.
— La bête à deux dos ! rit Judith.
— La quoi ? Qu'est-ce que c'est que ce machin encore ? Un truc satanique ?
— Laisse tomber, Marie, tenté-je.
— Mais non, bon sang ! s'énerve-t-elle. Je veux qu'on m'explique ce qu'il se passe ! J'ai l'impression d'être le dindon de la farce !
— Oui, c'est ça, reprend Fèmi. Je vous laisserai me gaver comme une dinde de Noël : je suis prête à passer à la casserole encore et encore et à déguster vos sauces.
— Elle parle cuisine maintenant ? se désespère Marie. Ce n'est pas possible, elle est devenue folle !

La situation devient de plus en plus tendue pour moi ; je n'ai pas d'autre solution que d'éliminer le chevalier des Gémeaux avant qu'elle ne révèle ma nature perverse à Marie. Je charge discrètement mon cosmos en espérant l'avoir par surprise et l'éliminer en un seul coup.

— Bon, OK, me coupe soudain Judith, qui a compris mes intentions. Nous acceptons ton marché, Fèmi : nous ferons demi-tour si tu te donnes à nous.
— Hein ? prends-je peur. Mais non !
— Chut ! me stoppe-t-elle de nouveau, avant de reprendre : seulement, nous tenons tous à notre intimité. Nous préférons donc régler notre affaire chacun notre tour au sous-sol.

Oh, je comprends où elle veut en venir : pendant que l'un d'entre nous couchera avec Fèmi au sous-sol, les autres passeront la maison et poursuivront notre route. C'est un piège grossier : aucune chance que Fèmi gobe ça ! Mais cette dernière semble réfléchir et hésiter. Elle a l'air d'avoir compris l'arnaque mais fait semblant que non. Elle finit même par accepter l'offre de Judith. Eh ben, pas étonnant, finalement : elle doit vraiment avoir envie de se faire sauter. Elle n'avait pas non plus envie de s'opposer à nous et de bloquer notre route : faire semblant de s'être fait leurrer lui fournira une excuse au Grand Pope.

— Qui passera donc le premier ? interroge Judith.
— Le premier à quoi ? Je n'ai toujours pas compris de quoi il s'agit, se désole Marie.

Pauvre Marie… Être si chaste la rend tellement imperméable au monde des adultes. Tant mieux pour moi.

— C'est à moi de le faire ! déclaré-je solennellement, comme si je m'apprêtais à me sacrifier.

Oui, je sais, je suis un pervers ! Ne m'en voulez pas : c'est que la proposition de Fèmi m'a tout de même mis le feu aux sens. J'ai beau aimer Marie de tout mon cœur, j'ai toujours autant de mal à résister aux charmes féminins.

— Tu étais si formellement opposé à ce type de négociation tout à l'heure, me rappelle Judith avec un sourire moqueur, et là tu es prêt à y aller sans aucune hésitation ?
— Il faut bien que quelqu'un se dévoue…
— Alors laisse passer en premier Sanka : il était bien plus volontaire que toi.
— Tout à fait ! confirme l'intéressé.
— Mais, euh… protesté-je.

Merde, elle se moque de moi, la saleté ! Me voilà pris au piège : si j'insiste plus, Marie va finir par trouver ça suspect. Et moi qui pensais prendre un peu de bon temps, voilà qu'une occasion me passe sous le nez. Et Judith qui se marre de ma déception ! Finalement, l'affaire est réglée : Sanka et Ayéfèmi descendent au sous-sol tandis que Judith commence à s'avancer vers la sortie de la maison des Gémeaux.

— Je comprends rien, déclare Marie. On y va tout de suite, finalement ? Nous ne devions pas faire chacun je ne sais quoi avec Ayéfèmi avant ?
— Cela n'a jamais été l'intention de Judith. Sanka fait diversion pour nous permettre de passer. Il nous rejoindra plus tard.
— Ah… fait-elle, perplexe.

Notre route se poursuit. Nous traversons la maison vide du Cancer, son gardien étant occupé ailleurs. La prochaine étape est donc la maison du Lion. J'ai bon espoir de convaincre Amalia de se joindre à nous, je me suis toujours bien entendu avec elle. Seulement, cette dernière se montre aussi obstinée que nos deux collègues précédents.

— J'ai fait serment de ne laisser passer aucun intrus, quel qu'il soit. Vous avez pris les armes contre le Sanctuaire : ma mission est donc de vous éliminer.
— Allons, Amalia… l'imploré-je. Tu me connais, je ne suis pas un ennemi.
— Un véritable traître rôde au Sanctuaire et conspire avec nos ennemis, lui explique Judith. Nous cherchons aussi à le démasquer.
— Vous n'avez aucune preuve.
— Si : je le tiens d'un aveu d'un des gardiens éternels d'Aphrodite, lui expliqué-je.
— Et bien sûr, tu me demandes de te croire sur parole, de le croire sur parole.
— J'ai confiance en ma source : il s'agit de mon ancien maître.
— Et ? Par expérience, je sais que nos maîtres ne sont pas plus dignes de confiance que d'autres.
— Et moi, alors ? Tu me connais bien aussi ; n'as-tu pas confiance en moi ?
— J'ai confiance en ton honnêteté, mais pas en ton jugement qui, faut l'avouer, est déplorable. Je suis persuadée qu'il est probable que quelqu'un te manipule.
— Hein ? fais-je, étonné. N'importe quoi !
— Allons, rends-toi. Nous mettrons cela au clair tous ensemble, et tout rentrera dans l'ordre.
— C'est impossible : le Grand Pope croit que je souhaite le renverser, et il m'a piégé pour ça. Je dois lui prouver qu'il peut avoir confiance en moi et que je ne cherche à assouvir aucune ambition personnelle, mais qu'à protéger le Sanctuaire.
— Et donc tu n'as rien trouvé de mieux que de prendre le Sanctuaire d'assaut ?
— Ben… ouais.
— Comme je le disais, ton jugement est déplorable.
— Ce n'est pas si simple… Il y a ce traître qui se cache dans l'ombre et que nous devons débusquer avant qu'il ne soit trop tard.
— Ah oui, ce fameux traître… fait-elle, pas du tout convaincue. C'est ridicule ! Dépose les armes et je me porterai garante de toi, je te le promets. Nous réglerons la situation ensemble, et tout reviendra en ordre. Nous pourrons ainsi recommencer nos douces séances intimes comme avant.
— Hein ? Quoi ? réagit soudain Marie, les yeux grands ouverts. Vos quoi ?

Gloups ! Merde, Ayéfèmi n'était pas loin de lâcher la bombe, et voilà qu'Amalia me l'envoie en pleine gueule. Marie vire dans une teinte carmin colérique. Si je ne réagis pas rapidement, je ne donne pas cher de ma peau. Est-ce étonnant si j'affirme que je voudrais être à dix lieues d'ici ?

— Tu m'avais pourtant affirmé ne pas être un de ces décadents ! grogne-t-elle en me lançant un regard noir vertigineux.
— Mais non ! Que vas-tu imaginer là ? C'est que… euh… comment dire… on se faisait des séances de gymnastique ensemble.
— De gymnastique ? Tu me prends pour une conne ou quoi ? Elle a bien parlé de séances intimes !
— Oui, bon, t'as gagné. Voilà, j'avoue. Je voulais pas le dire parce que j'en avais honte, d'où le terme « intime », mais Amalia m'a initié à l'ASMR ; ça aide beaucoup à se détendre après une dure journée de labeur.
— L'ASMR ? Ah… euh… Désolée d'avoir douté de toi, j'ai cru autre chose.
— Pas grave.

Ouf, un peu plus et j'étais cuit ! Plus c'est gros et plus ça passe ! Et là, le mensonge était vraiment énorme, genre comme si on avait des dures journées de labeur au Sanctuaire… C'est vraiment ridicule ! Mais bon, elle m'a cru, c'est le principal. Et puis je ne lui ai pas vraiment menti pour l'ASMR : il s'agit de quatre des pratiques favorites d'Amalia : Anulingus, Sodomie, Masturbation, et un peu de Rhum, histoire de se désaltérer après l'effort. Oui, je sais, je fais taire mon sentiment de culpabilité comme je peux.

— Quoi qu'il en soit, reprend Amalia, nous n'avons pas à nous battre. Nous pouvons peut-être trouver un terrain d'entente, négocier et…
— Ah non, ça ne va pas recommencer ! s'emporte Marie. Poussez-vous tous les deux : je suis venue pour me battre, moi, pas pour autre chose. Assez de bla-bla, assez de négociations : place aux poings !

Judith et moi lui laissons le passage et Marie se met en position de combat, bien décidée à en découdre aussi rapidement que possible. Amalia sourit et se met à son tour en position de combat.

— S'il y a bien une personne que je désire combattre, c'est bien toi, affirme Amalia.
— Moi aussi, j'attends cela depuis un moment. Je vais enfin pouvoir faire taire ta prétention !
— C'est ce qu'on verra.

D'un coup, le monstrueux cosmos de Marie explose et atteint une puissance inimaginable. Elle semble déterminée. Je ne l'ai jamais encore vue déchaîner une telle force, surtout en début de combat. C'est impressionnant. Je ressens les vibrations de son pouvoir dans la moindre de mes cellules. Le sol tremble, et déjà les murs se lézardent.

— Le premier qui interfère dans notre combat, je le bute ! déclare-t-elle à notre intention.

Nullement impressionnée, Amalia déploie son cosmos à son tour. Elle aussi est fort impressionnante, mais pas autant que Marie. On ressent une différence marquante entre les deux, même si j'ai rarement rencontré un cosmos aussi grand que celui d'Amalia ; elle est peut-être en dessous d'Ayéfèmi en terme de force brute. Quoi qu'il en soit, les deux puissances combinées rendent l'atmosphère bouillante et promettent un combat des plus violents. Ça va saigner !

Un sourire narquois sur ses lèvres, Marie lance au Lion :

— Tu vois, tu es encore loin de mon niveau ! Je savais bien que ce n'était que de la prétention.
— Pauvre petite Vierge… Tu n'as encore rien compris : ce n'est pas la taille qui compte : c'est comment on s'en sert. Tu as peut-être une puissance supérieure, mais j'ai une bien meilleure expérience. Tu ne gagneras pas !
— Nous avons toujours considéré Marie comme la plus puissante de notre Ordre, m'explique Judith, mais Amalia a souvent affirmé qu'elle la battrait sans problème, ce qui a, à chaque fois, fait enrager la Vierge. Elles se sont donc souvent disputées pour savoir qui est la meilleure.
— Et toi, tu en penses quoi ?
— Moi ? Je pencherais plus pour Marie, mais c'est difficile à dire, d'autant plus qu'elles oublient toutes deux qu'une autre personne pourrait aussi prétendre au titre, même si elle reste discrète : Ayéfèmi des Gémeaux.

Ça y est, Marie charge ! Les coups sont échangés. Ils s'abattent comme la foudre. La vitesse est folle. Un peu plus et j'aurais du mal à suivre. Mais elles ne sont pas encore à fond : elles se contentent de se jauger, de se tester. La rage les anime, pourtant. Et puis soudain, sans que je n'aie eu le temps de comprendre comment, Marie se prend une série de violents coups qui la font reculer. Surprise, elle observe son adversaire un court instant et repart à l'assaut. Une minute plus tard, rebelote : elle se mange une nouvelle salve sévère. Marie effectue un repli stratégique. Elle réfléchit, probablement à une stratégie.

— Tu vois, intervient Amalia, tu as beau avoir toute cette force, tu ne parviens pas à prendre l'avantage sur moi. De mon côté, j'ai déjà parfaitement analysé et compris tes coups et tes enchaînements. L'expérience fait tout !

L'expérience ? La fois où Amalia m'a affirmé avoir bien plus d'expérience que moi, je ne l'ai pas crue sur le moment, et pourtant elle avait absolument raison. J'ai quelques vapeurs rien qu'à repenser à ce moment torride de notre première rencontre.

— Soit, j'admets qu'au corps-à-corps tu es avantagé, reconnaît Marie. Je n'ai qu'à aller sur un terrain avantageux : celui de la puissance brute.

En un fragment de seconde, je la vois prendre la pose pour son attaque « Malleus Maleficarum », charger Amalia et la frapper violemment sans que cette dernière n'ait le temps de réagir. Le chevalier du Lion est projetée contre un pilier du temple qui explose sous l'impact du choc. Marie sourit, satisfaite, tandis qu'Amalia se relève doucement. Mais, surprise, aucune égratignure ne l'abîme.

— Ha-ha, toute cette puissance, et pourtant je n'ai absolument rien senti.

Marie grogne et retourne à l'assaut en enchaînant une pluie de Malleus Maleficarum qu'Amalia ne se donne pas la peine de contrer. Malgré la puissance des coups portés au Lion, seule sa maison subit des dégâts.

— C'est impossible ! rugit Marie. Comment fais-tu ?
— Tel le lion de Némée, je suis impénétrable !
— Avec une prostituée comme toi, j'en doute…

Et la folie du combat reprend, Marie enchaînant coup sur coup dans une rage folle. Pour le moment, le Lion se contente de jouer avec la Vierge. Elle n'attaque pas et s'amuse du désarroi de son adversaire. Que se passe-t-il, bon sang ? J'ai déjà vu l'attaque de Marie à l'œuvre plusieurs fois ; impossible qu'Amalia résiste autant. Elle n'a pas la moindre égratignure, c'est dingue !

— Quel est son pouvoir ? demandé-je à Judith.
— Je n'en sais rien au juste. Je sais juste qu'elle affirme maîtriser les quatre éléments.

Vraiment ? J'ai hâte de voir ce pouvoir à l'œuvre. Et justement, comme si Amalia avait lu dans mes pensées, la voilà qui nous fait une première démonstration de son savoir.

— ORBE INFERNAL ! hurle-t-elle.

Son cosmos forme une énorme boule de feu qu'elle projette sur Marie. Surprise, cette dernière a cependant le temps de dévier l'attaque vers le haut, créant ainsi un énorme trou dans le toit du temple. La chose semble pourtant avoir grandement fatigué ma belle. Son regard trahit de l'inquiétude.

— Ha-ha, rit Amalia. Je vois que tu commences à comprendre que ta fin est proche. Tu vas bientôt mourir, rebelle !
— Ne m'enterre pas trop vite. J'ai encore plusieurs cartes à jouer.
— Elles te seront inutiles.

Marie charge une nouvelle fois, mais ce coup-ci Amalia lui refuse l'initiative. Elle lance une attaque d'eau qu'elle nomme « Vague Déferlante ». Peu puissante, l'attaque sert avant tout à déstabiliser la Vierge le temps que le Lion lui envoie un nouvel Orbe Infernal. À terre, Marie n'a pas le temps de dévier l'attaque comme précédemment. Un « non » d'horreur m'échappe de la bouche tandis qu'une violente explosion se déclenche à l'impact de l'orbe.

Les flammes finissent par se dissiper et laisser une Vierge blessée se relever. Ouf, elle est toujours en vie, mais la situation commence à m'inquiéter de plus en plus. Quel secret peut bien cacher Amalia ?

— J'en ai ma claque ! crache Marie, ivre de colère.
— Allez, avoue maintenant ! ordonne Amalia. Que recherches-tu vraiment en menant cette rébellion ? Quel est ton véritable but ?
— Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu es complètement cinglée, je n'ai pas de but caché.
— Tu es toujours resté distante avec le reste des chevaliers d'or, tu as toujours agi dans ton coin, et là tu veux me faire croire que tu te préoccupes du sort d'un autre collègue et que tu as choisi de rejoindre son combat ?
— Mais ferme-la, putain décadente ! DEUS VULT !

Son cosmos explose d'un coup, créant une vague de choc qui balaie tout sur son passage. Si ses autres attaques sont puissantes, ce n'est rien en comparaison de celle-ci. Tout va trop vite, je n'ai pas le temps de réagir. Je ne dois mon salut qu'à la réaction de Judith qui a créé un rapide champ de force pour nous protéger du gros de l'impact. Les secondes qui suivent, je les passe dans le noir après qu'un bout de toit nous est tombé sur le crâne. Quand je reprends conscience, Judith et moi sommes recouverts d'une pile de gravats. Grâce à l'énergie de son cosmos, le Capricorne repousse les débris ; nous retrouvons ainsi l'air. Fort heureusement, plus de peur que de mal : nous allons bien tous les deux. Heureusement que l'attaque ne nous était pas destinée et que le pouvoir de Judith nous a protégés.

Les deux adversaires se tiennent toujours debout sur les décombres, l'une en face de l'autre, sous un soleil brûlant. Amalia, toujours bien droite, nargue son adversaire du regard.

— Non, ce n'est pas possible… se désespère Marie. Une de mes plus puissantes attaques… et tu n'as rien ?
— Pas même décoiffée. Tu vois, la puissance ne sert à rien sans la réflexion. Voilà pourquoi je suis meilleure que toi.

Marie est de plus en plus perdue. Son moral est en chute libre. Il faut faire quelque chose pour renverser le combat ou elle sera vaincue, et vite. C'est fou ! Je n'ai jamais vu quelqu'un résister à des attaques si puissantes… mais attends : si, j'ai déjà vu quelque chose de similaire.

— Marie, crié-je, rappelle-toi d'Oshmonek du Troll ! Son pouvoir le protégeait de nos attaques.
— Hein ? Tu penses qu'elle se nourrit de ma colère ?
— Pas forcément, c'est peut-être différent. Mais en tout cas, tes attaques te seront inutiles. Tu ne feras que t'épuiser pour rien.
— Hé-hé, bien vu, confirme Amalia. Tu fais parfois preuve d'un peu de jugeote, dirait-on. En effet, je puise mon extraordinaire résistante dans l'énergie du sol. Et cette énergie que je prélève réagit au contact d'un cosmos ennemi en formant un bouclier indestructible à la surface de ma peau. Tu vois : comme je le disais, je suis impénétrable.
— Quoi ? s'attriste la Vierge. Mais alors tu es vraiment imbattable…
— Non, Marie, comprends-je ; sa protection réagit au cosmos ennemi. Ta seule chance de la vaincre, c'est au corps-à-corps.
— Au corps-à-corps ? Mais tu as bien vu qu'elle était meilleure que moi !
— Je ne le crois pas un seul instant. Tu es Marie de la Vierge, la femme la plus proche de Dieu. Tu tires ta force de ta chasteté et de ta dévotion. Ce n'est pas un petit corps-à-corps de rien du tout qui va te faire peur !

Marie semble réfléchir, et un petit sourire agréable se dessine sur ses lèvres ; j'ai réussi à lui redonner confiance, on dirait. Je lis un « merci » dans son regard. Ça y est, les choses repartent !

— Intéressant… sourit Amalia.

Et hop, de nouveaux coups sont échangés. Amalia envoie un faisceau de flammes que Marie évite. Mine de rien, la façon de se battre de ma belle n'est plus la même qu'au début de la bataille. Le Lion l'a remarqué aussi, et elle semble intriguée. Difficile donc de prévoir les mouvements de son adversaire. C'est à son tour de se prendre des poings dans la tronche. Elle fait un bond en arrière et se nettoie les lèvres d'une trace de sang. Marie se tient en face, un air satisfait lui illumine le visage.

— Calme ta joie. Tu as peut-être réussi à m'atteindre, mais tu es encore loin de m'avoir vaincue.
— Ce n'est qu'une question de temps !
— En tout cas, je dois avouer être impressionnée. Tu as complètement mis ta rage de côté, renouvelant ainsi ta façon de te battre. Tu es ainsi plus concentrée et moins prévisible. C'est très curieux, ce changement… RACINES DE LA TERRE !

Une nouvelle attaque ? Qu'est-ce que ça va être ?

Trop concentré sur Marie, je ne m'aperçois pas tout de suite que c'est à moi que cette attaque est destinée. Des racines sortent du sol et s'enroulent autour de moi, m'empêchant ainsi de bouger.

— ORBE INFERNAL !

Cette nouvelle attaque m'est aussi destinée. Immobilisé comme je le suis, impossible de l'éviter : je vais me la manger en pleine face. Ça va faire mal ! Je ferme les yeux tandis que l'immense boule de feu se dirige vers moi.

Je sens les flammes me chauffer le visage, mais rien de plus : quelque chose l'a stoppée dans sa course. J'ouvre les yeux et découvre Marie devant moi. Elle n'a pas pu dévier l'orbe mais a joué les boucliers humains à la place. J'hurle un « Non ! » de terreur. Marie s'écroule à genoux, très amochée.

— Très intéressant…

Les racines de la Terre défaites, je suis de nouveau libre de mes mouvements. Je me précipite vers Marie pour voir les dégâts. Sans même me regarder, elle me fait un signe de main pour m'arrêter. Difficilement, elle se remet debout.

— Sorcière… prononce-t-elle doucement, ce combat c'est entre toi et moi. Tu n'avais pas à viser quelqu'un d'autre.
— Viser quelqu'un d'autre ? Je me doutais bien que tu t'interposerais ; c'est donc bien toi que je visais indirectement. Ma théorie s'est révélée juste.
— Comment oses-tu utiliser un appât ? C'est bas, c'est lâche, c'est indigne d'un chevalier, ESPÈCE DE PUTAIN !

Le cosmos de Marie se réveille à sa pleine puissance, comme tout à l'heure au moment de son DEUS VULT. Sa rage s'est de nouveau réveillée et lui donne une énergie folle.

— Allons, qu'espères-tu à la fin ? Tu sais très bien qu'aucune attaque ne marchera contre moi.

Mais Marie n'utilise aucune attaque. Non, elle charge une nouvelle fois Amalia pour l'affronter au corps-à-corps, et de violents coups sont échangés entre les deux femmes. Une nouvelle fois ça s'enchaîne à une vitesse fulgurante, mais cette fois Amalia peine à suivre la cadence. Sous les chocs, les mains de Marie prennent cher ; bien vite, elles se retrouvent recouvertes de son sang.

Je comprends enfin ; Marie ne frappe pas avec son cosmos chargé dans ses poings comme tous chevaliers ont appris à le faire : elle frappe à mains nues afin que ses coups ne soient pas stoppés par la protection d'Amalia. C'est pour ça que les mains de la Vierge prennent aussi cher, car habituellement notre cosmos protège nos poings. Marie utilise différemment son cosmos pour augmenter sa vitesse. C'est brillant ! Elle a retrouvé un moyen de mettre à profit son potentiel de puissance supérieur au chevalier du Lion.

La vitesse de la Vierge augmente encore. Amalia n'arrive plus à suivre. Les coups s'enchaînent. Le Lion subit et saigne, mais les mains de Marie sont dans un état critique. Va-t-elle sacrifier ses poings pour la victoire ?

Amalia est incapable de suivre la cadence et ne parvient pas à contre-attaquer. Elle résiste autant qu'elle peut mais s'affaiblit de plus en plus. Les poings de Marie s'abattent comme une violente pluie de grêle et fracassent le visage du Lion. C'en est trop ! Amalia, ne pouvant plus renverser la vapeur, s'écroule au sol, vaincue. Marie s'avance vers elle, prête à faire pleuvoir sa sentence de mort. Je veux l'empêcher d'en arriver là, mais c'est Amalia qui parle la première :

— Tu sais pourquoi tu as gagné ? Parce que tu ne te bats plus seule.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai eu besoin de personne pour te vaincre.
— Tu sais très bien ce que je voulais dire : tu n'es plus seule dans ton cœur.

Marie se retourne vers moi et me lance un rapide coup d'œil énigmatique. Elle ne dément pas les dires d'Amalia. Plus seule dans son cœur ? Qu'est-ce que ça signifie exactement ? Elle m'a avoué m'apprécier, mais se pourrait-il qu'il y ait plus que ça ? Quelle place occupé-je ?

— Je suis contente pour toi, reprend Amalia. Les autres nous apportent une force plus importante. Tu vas vraiment devenir un chevalier exceptionnel.
— Tu parles trop, la coupe Marie, visiblement gênée et émue. Tu devrais aller te faire soigner.
— Oui, tu as raison, je vais y aller… Bon courage pour la suite de votre voyage.

Marie aide notre collègue à se remettre sur pieds, puis Amalia lui fait signe qu'elle se sent capable de continuer seule. Elle nous lance un sourire d'encouragement et quitte les ruines de sa maison en clopinant.

Plus qu'à continuer notre route vers le palais du Grand Pope. Marie ouvre la marche. Je me précipite à ses côtés.

— Que voulait-elle dire au juste par « Tu n'es plus seule dans ton cœur. » ?
— Ta gueule !
— Mais… protesté-je.
— Ta gueule, j'ai dit !

Elle me lance un regard noir signifiant qu'elle ne veut absolument pas m'en parler. La connaissant, je sais qu'il ne faut pas insister. Tant pis, je finirai bien par savoir ce qu'il en est.