Le seigneur de la guerre

Nous nous sommes enveloppés dans de grandes capes afin de rester cachés dans la foule. En effet, des centaines de manifestants sont venus protester contre la politique écrasante du Sanctuaire malgré les combats qui ont animé les maisons du zodiaque. Il y a aussi pas mal de pancartes pour soutenir la rébellion que j'ai lancée en début de journée ; d'autres soutiennent les chevaliers noirs, et d'autres encore soutiennent les deux, croyant que nos objectifs sont similaires. Tellement de choses ont changé depuis ce matin, c'est dingue !

Au milieu de la place s'élève la grande statue du Maquereau. C'est la première fois que je la vois d'aussi près. Il a l'air encore plus abruti qu'en vrai ; je ne croyais pas la chose possible !

Nous venons d'arriver avec Marie. Elle a finalement récupéré de son combat contre Muhammad, peut-être pas complètement, mais au moins elle n'a plus l'air d'un cadavre ambulant et semble avoir mis ses doutes de côté. Elle est donc prête pour la grosse bataille qui s'annonce et qui ne devrait plus tarder. Espérons que nos armures tiendront le coup ; elles ont beaucoup souffert. Nous slalomons parmi les manifestants pour retrouver nos collègues et faire un point de la situation. C'est sur Hypolita que nous tombons.

— Alors ? Quels effectifs avons-nous ? chuchote Marie.
— Une dizaine de chevaliers d'argent, une douzaine de bronze, et avec vous nous sommes toujours cinq chevaliers d'or. Nous n'avons pas réussi à en réunir plus.
— Cinq d'or ? Mais où sont passés les autres ?
— Amalia, tu l'as bien amochée tout à l'heure, rappelé-je à Marie. Sanka a été gravement blessé ; Fèmi l'a accompagné chez le médecin. Gomez est mort…
— J'ignore où est Irma, et vaut mieux pas qu'on ait Emmanuello dans les pattes : il nous déconcentrerait plus qu'autre chose, complète Hypolita.

En face, si leurs effectifs sont complets, il doit leur rester Lion, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne, Verseau et Poissons Noirs, soit sept chevaliers de même niveau que ceux d'or, plus une ribambelle de chevaliers noirs de moindre puissance. Et le tout sera accompagné d'un dieu. Autrement dit, la bataille ne sera pas en notre faveur. Je jette un coup d'œil sur mes collègues au milieu de la foule ; Judith et Mario ne sont en effet pas très loin. Ils semblent aussi nerveux que moi. Nous avons tous conscience que nous n'en sortirons pas tous vivants.

— Je suis désolée pour tout… me chuchote discrètement Hypolita. J'ai été vraiment égoïste et je t'ai mal jugé ; je le regrette. Tu t'es bien battu contre les chevaliers noirs, tu es un homme d'honneur. J'espère que tu acceptes que je me batte à vos côtés. Oublions nos différends pour le moment.
— Quoi ? fais-je, surpris. Mais bien entendu que j'accepte ! Il serait vraiment ridicule de refuser de l'aide dans la bataille qui s'annonce.
— Bien, se rassure-t-elle. Merci. J'aimerais pouvoir me racheter à l'avenir ; peut-être puis-je te débarrasser de la malédiction que je t'ai lancée ?

Les voilà ! De puissants cosmos viennent de se faire ressentir. Ils débarquent en force. Tous les regards se tournent vers leur groupe. Les cris des manifestants cessent. Nos ennemis sont eux aussi encapuchonnés et dissimulés sous de lourdes capes noirs, si bien que nous ne voyons pas à qui nous avons affaire exactement. Et ils sont nombreux. Seul Arès, dans une tunique d'un blanc immaculé, est clairement identifiable. C'est un grand type à la carrure assez imposante et à la chevelure noire coupée à ras. Il a le sourire arrogant de celui qui croit la victoire déjà acquise.

— Nous en reparlerons plus tard, chuchoté-je à Hypolita.

Arès saute sur un toit pour être bien visible de tous. Une autre silhouette, pour le moment inidentifiable, fait de même. Cette deuxième personne, dont le visage se terre dans l'ombre créé par la capuche, est plus petite qu'Arès et semble plutôt avoir la carrure d'une femme. Qui est-ce ?

— Mes très chers braves gens, je suis Arès, déclame le dieu de la guerre. Laissez-moi vous parler de mon objectif et de ma volonté mise à votre service. Au nom du peuple du Sanctuaire, je souhaite m'engager dès aujourd'hui à vous libérer de l'oppression et de la cupidité de vos élites. C'est mu par un désir de stabilité et de renouveau mûri durant des années, et touché au plus profond de mon âme par vos plaintes meurtries qui ont atteint mes oreilles alors qu'on m'avait contraint à un terrible et long exil à mille lieues d'ici que je fais ce très noble souhait, tant espéré par beaucoup sans avoir du courage à la hauteur de cette puissante ambition, de prendre ce siège bien confortable. Je vous dis aujourd'hui, mes amis, que malgré les difficultés et les frustrations du moment, j'ai fait un rêve. J'ai rêvé qu'un jour cette nation se lèvera et connaîtra la vraie signification de sa force. J'ai rêvé qu'un jour chaque homme et chaque femme pourra se tenir fièrement debout et témoigner sans honte de la douloureuse et terrible souffrance qu'il traverse au quotidien et, à la différence de tous ceux qui m'ont précédé, à laquelle je resterai absolument et intolérablement sourd. J'ai rêvé qu'un jour ce Sanctuaire, désert étouffant d'injustice et d'oppression, sera arrosé par un ruissellement économique tout illusoire, théorie bien utile pour justifier un prétendu pragmatisme auquel je me référerai aussi, ainsi qu'un ordre que je m'apprête à remplacer sans rien en altérer d'un iota. Car oui, je dis qu'ensemble tout devient possible et que le changement c'est maintenant. Make the Sanctuary great again. Yes we can ! The yes needs the no to win against the no. Bon, là, ça ne veut absolument rien dire, mais je trouve que c'est assez dans le ton. Alors mettons-nous en marche, parce que c'est notre projet ! Car oui, j'ai cette volonté pour le Sanctuaire, et c'est avec le courage de la vérité que je vous affirme que le Sanctuaire doit être une chance pour tous, et surtout pour moi. Il faut faire battre son cœur car tel est la force du peuple. Debout, le Sanctuaire : nous avons l'avenir en commun !

Eh ben, bien que je saisisse clairement le bullshit du discours, je dois reconnaître qu'il a l'art et la manière de baratiner son monde. Il parle avec charisme et fougue. La foule des manifestants applaudit et acclame le beau parleur. Ces crétins ne se rendent pas compte qu'ils s'apprêtent à soutenir un type encore pire que le Grand Pope ou son Maquereau de fils. J'entends plusieurs manifestants juste devant moi :

— T'as compris quelque chose, toi ?
— Non, pas du tout, mais il a dit qu'il allait renverser nos élites corrompues, alors ça doit être une bonne chose.
— Bof, moi je ne suis pas vraiment convaincu : c'est quand même Arès ! se méfie un troisième.
— Ben quoi, on l'a jamais essayé. Il faut essayer pour voir. Si ça se trouve, il sera très bien.
— Oui, c'est vrai, reconnaît le troisième.

Tss ! Y a-t-il au moins un type qui ne se laisse pas avoir par ce discours flan ? Être contre la politique du Grand Pope est une chose, je le conçois aisément, mais il ne faut pas croire sur parole un parvenu opportuniste juste parce qu'il prétend vouloir renverser le système. Rien qu'avec son discours creux, Arès m'a montré qu'il était l'incarnation même de la politique qui opprime chaque jour un peu plus les travailleurs.

— Peuple du Sanctuaire, reprend-il, on vous a menti depuis des années. Le Grand Pope est votre ennemi. Il a usurpé le rôle afin de servir les intérêts politiques des élites et vous asservir. Mais son pouvoir repose sur un mensonge : Athéna ! Car oui, l'Athéna que vous connaissez est une marionnette du Grand Pope, un leurre qui sert seulement à légitimer son odieux pouvoir. La véritable Athéna, chassée et menacée par le Grand Pope, est venue me trouver pour demander mon aide. La véritable Athéna est aujourd'hui à mes côtés.

Voilà donc qui est la femme à côté de lui sur le toit ; j'aurais dû m'en douter. Marie se tend nerveusement. Depuis le temps qu'elle poursuivait cette imposteuse, la voilà enfin ici.

— Peuple du Sanctuaire, veuillez donc accueillir votre véritable déesse !

L'imposteuse découvre son visage et enlève sa cape. Pour le moment, nous sommes tous aveuglés par une lumière étincelante et quasi-divine. A priori c'est une femme qui aime faire forte impression. Quand la lumière se calme, apparaissent alors son visage et sa réelle identité ; des dizaines de manifestants commencent déjà à s'agenouiller. Un regard d'acier, un sourire charmeur, une longue chevelure broussailleuse… c'est Inanna du Dauphin Astral.

Hein ?

Pas de doute, c'est bien elle, mon ancienne collègue. Que fait une des gardiennes éternelles d'Aphrodite aux côtés d'Arès ? Je n'y comprends rien. Marie peste à côté de moi, et je ne peux que la comprendre ; elle a traqué cette fausse Athéna durant des jours et a marché à ses côtés sans se rendre compte que c'était sa proie.

— Tenez-vous prêts, nous chuchote Hypolita. Nous devons profiter de l'effet de surprise.

Je la vois discrètement sortir son arc et une flèche de sous sa cape.

— Je m'occupe d'Arès. FLÈCHE DÉICIDE !

La flèche file à une vitesse ahurissante et se plante dans la poitrine d'Arès qui pousse un cri de stupeur.

— Aïe ! Mais putain, ça fait mal. Qui a fait ça ? vocifère-t-il. Qui a osé s'en prendre à moi ? Que le coupable se dénonce ! PUTAIN, MA PERSONNE EST SACRÉE, VOUS NE ME TOUCHEZ PAS. LE SANCTUAIRE, C'EST MOI !

Hypolita arme rapidement une seconde flèche qu'elle décoche et qui file aussi vite que la précédente, mais elle n'atteint pas sa cible : des flammes noires apparaissent ; c'est Sartienpa du Phénix Noir qui joue les boucliers humains. Elle s'écroule, touchée par la flèche déicide et retombe au sol, raide morte avant de se consumer dans un nouveau brasier noir.

— TUEZ-LES TOUS ! vocifère Arès. J'M'EN FOUS, ILS VONT TOUS PAYER CET ACTE ODIEUX. RASEZ-MOI CE SANCTUAIRE INFÂME !

Et voilà : une petite flèche plantée dans la poitrine, et le monstre révèle son vrai visage. Les chevaliers noirs, maintenant découverts de leur cape, chargent la foule.

— Fuyez, pauvres fous ! hurle Hypolita aux manifestants avant de s'envoler dans les airs grâce aux ailes de son armure. PLUIE DE FLÈCHES !

Elle décoche une unique flèche que son cosmos transforme en une multitude. La nuée s'écrase dans les rangs, transperçant de nombreux ennemis. Impressionnant ! Combien en a-t-elle abattus en une seule attaque ? Seuls les plus puissants parviennent à s'en sortir indemnes alors que les autres sont soit blessés, soit tués sur le coup. Bien, voilà déjà un premier coup de balai.

Au sol, les civils ont enfin compris que les chevaliers noirs ne sont pas leurs amis ; ils commencent à fuir, protégés des attaques ennemies par les fidèles chevaliers de bronze et d'argent. En quelques secondes la zone est évacuée. Bien, nous allons pouvoir nous affronter sans être gênés par les civils.

Prêt à charger dans le tas, je m'aperçois que Marie saute en direction du toit où se tiennent Arès et Inanna. Merde, elle a décidé de les affronter seule : c'est une folie, elle va se faire buter à coup sûr ! Je me lance à sa poursuite.

Elle arrive à destination avant moi. Prête à porter un coup à Arès, son élan est stoppé net par Inanna. Les deux femmes font appel à toute la puissance de leur cosmos et s'affrontent dans un corps-à-corps violent. J'arrive à mon tour et charge mon ancienne collègue. Nous sommes deux contre elle tandis qu'Arès, la flèche toujours plantée dans sa poitrine, nous observe avec un sourire sadique.

— Faut-il que j'intervienne ? L'affaire sera réglée plus rapidement.
— Ne vous donnez pas cette peine, seigneur Arès : je vais m'en occuper moi-même.
— Inanna ! gueulé-je. Comment as-tu pu oser te ranger du côté d'Arès ?
— Sale chienne décadente ! rugit Marie en tentant de lui porter un coup au visage.

Inanna évite facilement l'attaque en arborant un sourire, sûre d'elle. Elle ne porte pas son armure, mais pourtant elle ne semble pas s'en préoccuper face à deux chevaliers d'or.

— Ha-ha, j'avoue : je suis une sorte de chienne des chevaliers noirs. En d'autre mots : BLACK DOG !

Son cosmos prend la forme d'un énorme chien noir qui bondit sur nous. J'ai le temps d'éviter l'attaque mais Marie se la prend de plein fouet. Ma belle passe à travers le toit et toute la maison. L'attaque est violente, mais je connais bien la Vierge : c'est trop peu pour la mettre hors d'état de nuire. Elle reviendra d'ici peu.

Je sais que je ne fais pas le poids face à Inanna. J'ai besoin d'attendre le retour de Marie. Il me faut donc gagner un peu de temps.

— Comment as-tu pu oser trahir la confiance d'Aphrodite et t'acoquiner avec Arès ?
— Ha-ha-ha ! Mais t'es vraiment qu'un crétin long à la détente, Francis. Tu penses que j'ai trahi Aphrodite ? D'après toi, qui m'a envoyée aux côtés d'Arès aujourd'hui ?
— Quoi ? Non… Aphrodite n'aurait jamais pu faire ça. Athéna et elle sont amies.
— Et Arès et Aphrodite sont amants. Ils travaillent ensemble à la chute d'Athéna depuis bien longtemps. Pourquoi crois-tu qu'elle vous a envoyés combattre Oshmonek du Troll ? Elle pensait qu'il était capable de vous vaincre. Pourquoi crois-tu qu'elle nous a demandé de vous mener dans le piège de Sartienpa du Phénix Noir ? Pour vous éliminer, bien évidemment !

Merde ! Je savais qu'Aphrodite et mes anciens camarades m'avaient caché des informations lors de mon dernier passage au Jardin, mais à aucun moment je n'ai envisagé la possibilité qu'elle soit complice de nos ennemis et qu'elle essaye de nous éliminer. Putain, après tant d'années à son service, comment a-t-elle pu désirer ma mort ? Même en tant que chevalier d'Athéna, j'aurais porté secours à Aphrodite et à son Jardin s'ils avaient été menacés. C'est fini : à partir d'aujourd'hui, je n'ai plus aucun lien avec ce maudit Jardin ! Ils m'ont pris pour un traître, moi qui me suis toujours montré loyal tandis que dans l'ombre ils trahissaient tous le pacte d'amitié qui les unifiait au Sanctuaire d'Athéna. La rage me gagne, et mon cosmos explose en conséquence. Sous mes pieds, le toit se met à vibrer dangereusement.

Marie n'est toujours pas revenue ? Tant pis, je charge. Je vais punir moi-même Aphrodite, et j'arracherai la tête de tous ses gardiens s'il le faut ! Ma vitesse a bien augmenté depuis que la rage m'a mené au septième sens. Je suis presque au niveau d'Inanna, mais je sens encore une nette différence entre nous deux. Merde, on dirait que je vais vraiment avoir besoin de Marie… mais que fait-elle, bon sang ?

— Tu attends ta grenouille de bénitier ? s'aperçoit Inanna. Tu peux toujours attendre. Crois-tu que je suis la seule gardienne éternelle qu'Aphrodite a envoyée escorter son chéri ? Matt du Démon est en ce moment même en train d'affronter ta harpie. Tu n'auras aucun renfort.
— FLÈCHE DÉICIDE !

Une flèche d'or me passe au-dessus de l'épaule et file en direction d'Arès. Inanna réagit sur le coup et provoque un flash lumineux afin de nous aveugler un instant, le temps de sauver Arès de cette nouvelle flèche. Ma vision revient et Hypolita se pose juste à côté de moi.

— Inanna, tu disais quoi à propos du renfort ? souris-je.
— Tu la connais ? s'étonne le Sagittaire.
— Oui : c'est Inanna du Dauphin Astral, gardienne éternelle de l'Olivier au Jardin d'Aphrodite. Mon ancienne déesse s'est rangée aux côtés d'Arès.
— Dans ce cas, je vais devoir l'éliminer aussi. Désolée pour toi ; j'espère qu'il ne s'agit pas de ton amour maudit que je t'ai refilé !
— Non, pas du tout. Fais-toi plaisir.
— Oui, ça me ferait mal à moi aussi… se moque Inanna. Le genre crétin n'est pas trop mon type d'homme : je préfère ceux qui en ont dans le ciboulot aussi bien que dans le pantalon, ce qui, faut l'savoir, est loin d'être le cas de Francis !

Espèce de… Je suis tellement en rogne que j'en perds mes mots, mais je n'en pense pas moins. Comment diable ose-t-elle parler ainsi de moi ? Elle va me le payer ! Je charge et frappe de toutes mes forces. Encore une fois, un sourire méprisant aux lèvres, elle évite le coup avec une facilité déconcertante. La contre-attaque est violente ; je me prends une pluie de poings sur la gueule.

— Remarque, c'est drôle aussi de te voir aux bottes de ta Vierge et espérer en vain un avenir avec elle. Tu joues les laquais, la suis comme un petit chien-chien, et te voilà une loque. Tu es tellement pitoyable que ça en devient comique. Où est passé le fier Francis de jadis, le tombeur de ces dames, celui qui aimait se dire aussi libre que l'air ? Le voilà maintenant à genoux devant la Vierge, lui léchant les bottes, vendant le peu d'amour-propre qui lui reste pour un peu d'amour. Mais il n'aura rien en retour. La Vierge n'en a rien à faire de lui. Elle lui brisera le cœur ! Elle est une HEARTBREAKER !

Une violente douleur m'enserre la poitrine. Je m'effondre à genoux et tente de résister à l'horrible étau qui me brûle la poitrine. La souffrance se prolonge dans tous mes membres, l'oxygène commence à me manquer. Merde ! Réveille-toi, bon sang, Francis ! Fais appel à ton cosmos… Non, je me souviens : gonfler son cosmos n'est pas une solution pour survivre au Heartbreaker d'Inanna. Je connais bien ses méthodes, et en particulier cette attaque que j'ai vue plusieurs fois à l'œuvre : elle renforce des doutes de la cible et son mal-être. C'est pour ça qu'elle a tenté de me rabaisser avant de la lancer.

Je ne suis pas qu'un paillasson pour Marie. Elle m'a sauvé lors du procès, elle a pris les armes pour moi contre le Grand Pope. Je suis son premier et véritable ami. Nos destins sont liés. Tout ça, c'est elle-même qui me l'a dit. Elle ne me témoigne peut-être pas l'amour que je désire, mais au moins nous sommes proches l'un de l'autre et nous nous battons ensemble contre l'adversité. Et ça, personne ne pourra nous l'enlever.

Les effets du Heartbreaker commencent lentement à se dissiper, mais il est encore trop tôt pour retourner au combat. Inanna affiche une mine déçue. Elle est prête à lancer une autre attaque tant que je suis encore faible, mais Hypolita lui tire une flèche pour l'en empêcher, flèche qui rate sa cible.

— Merde ! s'étonne le Sagittaire. C'est de Marie dont tu es tombé amoureux ? Oh, putain, je suis vraiment désolée… Si j'avais su que ça tomberait sur elle, je t'aurais lancé une autre malédiction parce que là, ça craint vraiment du boudin. C'était inutilement cruel. Tu as dû en chier grave !
— Ma… Marie n'est pas si terrible que ça…
— Inanna ! commence à s'impatienter Arès. Qu'attends-tu pour les détruire ? Je veux que tu me butes cette pétasse avec son arc qui a eu l'outrecuidance de me planter sa flèche d'or.

Le Dauphin Astral obéit et charge Hypolita, mais cette dernière s'envole dans les airs pour rester à distance. Inanna rugit de colère, prend de l'élan et saute de toutes ses forces afin de frapper ma collègue. Hypolita sourit et brandit une nouvelle flèche, prête à tirer.

— MAUX FLÉCHÉS ! crie-t-elle tandis qu'elle décoche sa flèche.

Ce coup-ci, la flèche atteint sa cible en plein dans les airs. Inanna pousse un strident cri de souffrance et s'écrase sur le toit où elle continue de se tordre de douleur. Soudain, Arès pousse lui aussi un cri en tenant fermement la flèche d'or plantée dans sa poitrine. Son regard laisse entrevoir de la panique.

— Elle… elle continue de s'enfoncer, hurle-t-il. Putain, c'est quoi ce bordel ?
— Tu t'en es donc enfin aperçu ? se réjouit Hypolita. Ma Flèche Déicide est une attaque destinée à occire les dieux. Si elle tue rarement au premier coup, elle continue à s'enfoncer dans sa victime au fur et à mesure qu'elle consomme son cosmos. Plus je te planterai de flèches, plus ton cosmos sera dévoré rapidement. À la fin, tu meurs !
— Putain, Inanna, j't'ai dit de la buter !

Inanna se relève difficilement et concentre son cosmos à son paroxysme tandis qu'Hypolita prépare une nouvelle flèche déicide à destination d'Arès.

— STAIRWAY TO HEAVEN ! rugit le Dauphin Astral.
— NON ! hurlé-je.

Le cosmos d'Inanna, projeté sur Hypolita, s'enroule autour de cette dernière avant qu'elle n'ait pu décocher sa flèche. Le Sagittaire se convulse dans tous les sens et hennit de douleur avant de venir s'écraser au sol, raide morte.

NON ! Après Gomez et presque Marie, c'est au tour d'Hypolita de périr au combat. Putain, ce n'est pas possible ! Je refuse de perdre d'autres compagnons. Mon cosmos explose de rage, prêt à venger ma collègue. Ayant retrouvé tous mes moyens, je charge Inanna.

— Ne te fais pas trop d'illusions, bébé. BLACK DOG !

Ce coup-ci, je ne suis pas assez rapide pour éviter l'animal cosmique que je prends dans le bide. J'ai le souffle coupé et je suis projeté loin du toit, en plein centre du champ de bataille où les chevaliers noirs affrontent toujours ceux du Sanctuaire. Judith et Mario viennent m'aider à me relever. D'ici, on entend Inanna vociférer des ordres à ses complices. Je tends l'oreille pour discerner le son de sa voix dans le chaos de la bataille.

— … a été blessé. C'est grave, j'vous dis ! Il faut l'évacuer tout de suite au Jardin. Vous trois, suivez-nous pour l'escorter. MATT ! Ramène ton cul tout de suite, faut y aller !
— Merde ! Ils vont se tirer, ces enfoirés. Il ne faut pas les laisser faire, et éliminons Arès tant que nous le pouvons. Suivez-moi !

Nous partons à leur poursuite tandis qu'Inanna, Matt et les chevaliers du Lion, Balance et Poissons Noirs escortent Arès en dehors du champ de bataille.

— Que quelqu'un les retienne ! hurle Inanna. Et rasez-moi ce Sanctuaire !

Notre course est arrêtée par quatre chevaliers : les Scorpion, Sagittaire, Verseau et Capricorne Noirs. Marie arrive juste derrière pour nous donner un coup de main.