(Thomas) Séjour à Méronze

Seul le ronronnement du moteur de la voiture de location anime ce trajet morose. Au volant, Élodie n'a pas ouvert la bouche depuis notre départ. Son regard semble perdu dans le vide. Je me surprends à repenser à tout ce qui s'est passé depuis le début de l'année scolaire : le club des sirènes, ma séparation avec Louise, Lorelei, la tentation quotidienne à laquelle ma sœur m'a soumis, et finalement la fellation qu'elle m'a faite. Cela semble être une autre vie.

Notre père avait un rendez-vous d'affaires à Méronze mais il y a eu un terrible carambolage le soir de la Saint-Valentin impliquant plusieurs véhicules. Il y a eu plusieurs morts. Notre père, lui s'accroche toujours à un minuscule fil de vie qui peut rompre à tout instant. Il a était emmené à l'hôpital de Méronze après l'accident. Les médecins font tout leur possible en ce moment même pour lui sauver la vie.

Les panneaux directionnels nous indiquent que nous nous rapprochons de notre destination. Plus que quelques kilomètres.

— Méronze ? semble soudain décidée Élodie à briser le silence. Ce n'est pas là qu'a grandi Sarah ?
— Oui, c'est ici, réponds-je d'un air absent.

Sarah, son souvenir me fait frissonner. J'aimerais tant qu'elle soit là pour m'aider à passer cette épreuve. Je me rends compte à l'instant à quel point elle me manque. J'espère que tout va bien de son côté.

Nous franchissons enfin les frontières de la ville et nous dirigeons immédiatement vers l'hôpital. Ma mère, que j'ai prévenue plus tôt par SMS de notre arrivée, nous attend à l'entrée du bâtiment. Son visage est sombre. Je me jette dans ses bras. Les émotions sont trop fortes et nous nous mettons tous deux à pleurer. Élodie n'est pas insensible à notre détresse mais se retient pour le moment. Elle prend ma suite dans les bras de maman.

— Alors ? demandons-nous inquiets.
— Il est toujours dans le coma. Les médecins viennent de l'opérer et ont fait leur maximum mais ses jours sont toujours incertains. Nous n'avons plus qu'à attendre.
— Ils ne peuvent vraiment rien faire de plus ? Il doit bien y avoir quelque chose à faire.
— Ils m'ont dit que ça ne dépendait plus que de lui.

Nous pénétrons dans le bâtiment et nous dirigeons vers son étage. Nous demandons à le voir. Les infirmières nous laissent quelques minutes. L'atmosphère est pesante. Les murs blancs de la chambre sont sinistres. Mon père est allongé sur le dos, branché sur des machines qui le maintiennent en vie. Sans les ecchymoses qui lui colorent le visage, on aurait presque l'impression qu'il dort paisiblement. Sa respiration est lente et lourde.

Ma mère s'approche de lui et lui prend la main. Élodie, le visage blême, préfère se calfeutrer dans un coin. Je m'avance à mon tour et attrape l'autre main de mon père.

— Papa, imploré-je doucement, tiens bon s'il-te-plait et reviens nous. Nous avons encore besoin de toi. Nous t'aimons. S'il-te-plait. Sois fort.

Et les larmes coulent de nouveau. Ma mère passe une main sur mon épaule pour me réconforter. Élodie préfère s'éclipser de la pièce. Je pleure sur l'épaule de ma mère. Ce n'est pas possible ! Comment notre vie peut-elle changer d'un jour à l'autre ? Un jour je retrouve Louise et le bonheur m'ouvre les bras, et le lendemain mon père risque de m'être retiré. Pourquoi ? Quelqu'un veut-il me punir ? Si je ne l'avais pas laissé pour aller retrouver Louise, il serait parti plus tard et aurait évité l'accident. Ce n'est pas juste ! Il n'avait rien fait de mal. Il a toujours été un père aimant. Pourquoi le destin lui fait-il subir cette épreuve ? Je ne comprends rien.

Nous sortons à notre tour de la chambre. Dans le couloir, nous pouvons continuer à l'observer à travers une vitre. A deux pas de là, Élodie s'est réfugiée dans une salle d'attente. Ma mère et moi la rejoignons pour voir comment elle se sent. Elle nous assure qu'elle supporte la situation bien qu'elle semble très pâle. Nous nous asseyons tous les trois dans le silence. Les minutes passent interminablement, puis les heures. Maman nous rapporte quelques sucreries qu'elle a récupéré dans le distributeur mais aucun d'entre nous ne mangent beaucoup. Malgré la faim qui me tiraille le ventre, je ne peux rien avaler.

— Je vous ai réservé une chambre pour cette nuit à l'hôtel, nous déclare ma mère. C'est à l'hôtel Pressman, c'est vers le centre-ville.
— Merci, murmuré-je doucement. Et toi ?
— Moi je crois que je vais rester ici.

Et puis, pour passer le temps, et surtout pour mettre de côté cette peine qui nous tiraille, maman et moi commençons à nous souvenirs d'anecdotes et de souvenirs joyeux mettant en scène papa. Élodie, assise dans son coin, reste silencieuse se contentant d'afficher un visage inexpressif.

Profitant d'une pause entre deux cours, Louise m'appelle pour avoir des nouvelles et pour voir comment je gère la situation. Je lui explique donc tout et la rassure quant à mon état. Elle me souhaite bon courage avant de raccrocher et de retourner en cours.

— C'était Louise ? demande ma mère.
— Oui, réponds-je. Nous sommes de nouveau ensemble.
— Ah oui ? C'est une bonne nouvelle Thomas. Je sais que tu tenais beaucoup à elle. Apprendre votre séparation m'a fait beaucoup de peine pour toi. Je suis heureuse que vous vous remettiez ensemble. C'est une fille bien.
— Merci maman…

Moi aussi notre séparation, même si ça n'en était pas totalement une, m'a fait beaucoup de peine. Tout ça n'aurait pas eu lieu sans les manigances d'Élodie. Je jette un coup d'œil vers elle, elle a tout entendu mais le masque qu'elle porte ne s'est pas brisé. Elle reste toujours aussi inexpressive, le regard perdu dans le vide.

Au bout de plusieurs minutes, elle se lève d'un bond et commence à sortir de la pièce.

— Où vas-tu ? demande ma mère.
— Je ne supporte plus de rester enfermée. J'ai besoin de prendre l'air.
— Accompagne-la, me souffle maman tandis que ma sœur s'éloigne rapidement de nous, presqu'en courant.

Elle me précède dans l'ascenseur. Ce n'est qu'à l'extérieur que je la rattrape.

— Attend-moi, lui hurlé-je.
— Je n'ai pas besoin de toi, se défend-t-elle.
— Je n'en doute pas mais moi aussi je voulais prendre l'air, mens-je. Alors, où va-t-on ?
— Je n'en sais rien, loin d'ici…

Nous nous engageons au hasard dans les rues de Méronze dans un silence pesant. Élodie marche rapidement, je peine à suivre ses pas. Elle doit souhaiter me semer. Mais je ne compte pas la laisser faire. J'ai beau avoir de nombreux griefs contre elle, elle est ma sœur et nous devons nous soutenir dans cette épreuve difficile. Je ne vais pas la laisser seule.

Mon obstination la convainc finalement de ralentir le pas. Nous voilà arrivés sur une petite place au centre de laquelle s'élève une statue représentant un chevalier. Pris d'une curiosité, je m'approche pour l'observer plus en détail. L'homme, tout en armure, du haut de son piédestal, est sculpté dans une position majestueuse, le regard fier porté au loin. Élodie s'approche à son tour.

— Guillermo di Monferrati, lit-elle l'inscription, tu crois que c'est un ancêtre de Sarah ?
— Possible. Je ne sais pas grand-chose de sa famille, juste qu'elle a perdu tous les siens.
— Ah bon ? est surprise Élodie. Je l'ignorais. Elle n'en a jamais parlé.

Une femme remarque notre intérêt pour la sculpture et s'avance vers nous. Elle est très belle, entre vingt et trente ans, les détails de son visage lui apportent une harmonie angélique bien que mélancolique. Sa tenue sombre et sa coiffure complexe lui offre aussi une certaine classe. Je ne manque pas de remarquer le volume imposant de sa poitrine. « Pff, me maudissé-je, même dans ces moments-là je ne peux m'empêcher de repérer ce genre de détail. »

— Bonjour, nous aborde-t-elle, vous vous intéressez au chevalier de Montferrat ?
— Euh oui, confirmé-je. Nous nous demandions qui pouvait-il être.
— Guillaume de Montferrat était un chevalier originaire d'Italie exilé ici. Il était considéré comme un grand héros après avoir remporté la bataille de Méronze pendant la guerre de cent-ans. Il y avait pris la défense de la ville contre une bande d'anglais. Pour le remercier, on lui a offert ce fief et on lui a construit un château dans lequel ses descendants ont vécu jusqu'à récemment.
— Un château ? s'étonne Élodie.
— Oui, il appartient toujours à la dernière descendante de Guillaume mais elle n'y vit plus. Elle l'a loué à Émile Scorciano.
— Connais pas, s'exprime ma sœur.
— C'est un écrivain, lui expliqué-je. Louise lisait l'un de ses romans. C'était un cadeau d'Aliénor.
— Oui c'est ça, confirme notre interlocutrice. Ce qu'il faut aussi savoir sur Guillaume, c'est qu'en vérité, il était loin d'être un preux chevalier. Tout d'abord, il était accusé de fratricide, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a était exilé de chez lui. Ensuite, pour remporter la bataille, il n'a pas hésité à sacrifier une centaine de paysans pour attirer les anglais dans un piège. On dit même qu'il ne se gênait pas pour violer une ou deux paysannes de temps en temps.
— Vous avez l'air de vous y connaître, êtes-vous guide touristique ? demandé-je curieux.
— Moi ? s'étonne-t-elle. Non, je ne suis qu'une simple coiffeuse mais… j'avais un ex qui était passionné d'histoire. En général, les guides touristiques du coin oublient volontairement de vous parler des méfaits du chevalier. Ils préfèrent se contenter de la partie la plus glorieuse de l'histoire. C'est beaucoup plus vendeur. La vérité c'est que les gens ne sont pas toujours ce qu'on s'imagine. Ils cachent, malheureusement, bien souvent un côté sombre.

Au ton de sa voix, je sens qu'elle parle d'expérience. Je me demande quelle a bien pu être son histoire.

— En tout cas, vous formez un joli couple tous les deux, reprend-t-elle plus joyeusement. Je vous souhaite beaucoup de bonheur.
— Ah non, nous sommes frère et sœur, réagit Élodie.
— Nous sommes à Méronze car notre père y est hospitalisé suite à un accident de voiture, expliqué-je.
— L'accident de la Saint-Valentin ? s'assombrit notre interlocutrice.
— Euh oui… Vous en avez entendu parler.
— J'y ai perdu… quelqu'un, hésite-t-elle avec émotion.
— Toutes nos condoléances, se désole Élodie.
— Merci beaucoup. J'espère que votre père s'en remettra bien vite.

Nous laissons finalement notre jeune coiffeuse pour revenir doucement vers l'hôpital. Cette petite escapade m'a fait personnellement du bien, permis de penser à autre chose que la pénible situation qui nous attend à l'hôpital. Maintenant j'en sais un peu plus sur la famille de Sarah. J'ignorais qu'elle descendait d'une ancienne lignée.

Nous rejoignons notre mère qui nous indique que la situation de mon père n'a pas évolué. Nous nous asseyons dans le silence. Élodie ne met pas longtemps à retrouver son masque qu'elle avait un peu abandonné à l'extérieur. Voilà, c'est reparti, attendre sans rien pouvoir faire, sans agir. Attendre que le destin de mon père soit enfin fixé. Rester dans l'incertitude me peine. S'il devait mourir, je préfèrerais le savoir tout de suite. Au moins, je pourrais me préparer. En attendant, j'ai peur d'espérer en vain.

Le temps passe et la situation de papa n'évolue toujours pas. Comme la fatigue de la journée se fait sentir, ma mère nous convainc, Élodie et moi, d'aller à l'hôtel nous reposer. Elle nous promet de nous tenir au courant dès qu'il y aura des nouvelles. Nous ne mettons pas longtemps à trouver notre hôtel. A la réception, on nous donne les clés de la chambre 208.

Je suis surpris en arrivant dans la pièce de découvrir un lit double-place. Je vais donc devoir partager ma couche avec ma sœur. La situation aurait été différente, je suis sûr qu'elle aurait été ravie. Tout de même, j'aurais préféré deux lits simples séparés. Mes yeux parcourent ensuite le reste de la chambre ; elle parait assez chaleureuse. Les murs sont tapissés de tissus rougeoyants. Les meubles sont finement ouvragés. Un écran plat géant fait face au lit. Notre mère ne nous a visiblement pas choisi un hôtel bon marché.

J'ouvre la porte d'un petit réfrigérateur situé dans le coin et y découvre de quoi grignoter et surtout, une petite fiole de vodka. Je partage ma découverte avec ma sœur et me jette dans un fauteuil afin de déguster ce remontant. Le moment est venu de réappeler Louise ; entendre sa voix me fera du bien. Notre précédente conversation ayant été écourtée, nous avons tout le temps ce soir. Une nouvelle fois, ma belle me fait part de son soutien. Mais je n'ai pas trop envie de parler de mon père ce soir, je préfère plutôt me changer les idées, alors je l'interroge sur sa journée de cours. Tandis qu'elle me raconte les cours que j'ai loupé, Élodie s'est assise sur le lit et regarde la télé d'un air absent. J'enchaîne ensuite sur les découvertes que nous avons faites ; Louise est aussi surprise que moi de savoir Sarah propriétaire d'un château est héritière d'une très vieille famille. Finalement, notre conversation se termine et je m'en vais rejoindre ma sœur sur le lit à mater une émission de télé sans intérêt.

J'observe Élodie du coin de l'œil. Elle n'a pas dit un mot sur mon père de la journée. Elle cache ses émotions. Je m'inquiète pour elle.

— Élodie, comment tu te sens ? l'invité-je à parler.
— Ça peut aller, répond-t-elle sur un ton neutre.
— Tu es sûre ? insisté-je. Tu sais, ce n'est pas bien de garder tout pour soit. Il faut parfois mieux se confier.
— Tu fais chier Thomas, peste-t-elle. Je t'ai dit que ça allait. Je n'ai pas besoin de toi alors lâche moi la grappe !
— Putain Élodie, m'emporté-je à mon tour, même maintenant tu ne peux t'empêcher d'être désagréable.

Je m'attends à une autre réplique de sa part mais une grimace lui déforme soudainement le visage. Ses yeux s'humidifient et bien vite, elle éclate en sanglot.

— Désolé Élodie, j'ai dit ça sur le coup. Je ne le pensais pas, tenté-je de la calmer.
— Si, tu le pensais ! pleure-t-elle. Et tu avais raison ! Je ne peux m'empêcher d'être désagréable. Comme au réveillon, papa voulait juste avoir sa famille autour de lui et moi j'ai tout fait pour gâcher la fête. Je me suis disputée avec lui et je lui ai dit des horreurs que je ne pensais pas juste parce que j'étais contrariée. Je suis un monstre égoïste. Et maintenant, s'il meurt, il partira sans que j'ai pu m'excuser et lui dire à quel point je l'aimais. Je suis un monstre…

Alors c'était donc ça ce qu'elle cachait sous son masque. Elle culpabilise. Voir ma sœur en larme est un spectacle plutôt déconcertant et insupportable. Mon instinct protecteur prend le dessus ; je la saisis dans mes bras pour la calmer. Elle s'est retenue toute la journée mais là, elle craque. Maintenant que les vannes sont ouvertes, elle semble inconsolable.

— Ne t'inquiète pas, lui murmuré-je, papa sait très bien que tu l'aimes.
— Ça n'empêche que je suis un monstre…
— Arrête, ne dis pas de bêtises. Tu as certes des défauts, mais tu es loin d'être un monstre.
— Ah oui ? Pourtant même avec toi je me suis montrée horrible. Je t'ai toujours mal traité, t'ai rabaissé quand tu fantasmais sur moi tout en jouant de ce fantasme et, quand tu étais sur le point de t'en débarrasser, j'ai tout fait pour te garder dans mes filets avec mon défi ridicule alors que tu ne voulais pas. J'ai tout fait aussi pour t'écarter de la seule fille que tu aimais par jalousie. Tu vois, je suis un monstre égoïste ! Je ne pense qu'à moi et tant pis si ça fait souffrir mes proches. Si tu savais comme je suis désolée.

La sincérité de ma sœur n'est pas à douter pour une fois. Elle se livre comme jamais elle s'est livrée auparavant. Sa détresse me touche si bien, que les larmes me montent aux yeux à mon tour. Son corps est tremblant, son visage humide plongé sur mon épaule. Même si elle a assez bien résumé notre relation, mon empathie m'empêche de lui en vouloir. Elle reste ma sœur. Tout ce que je souhaite sur le moment c'est qu'elle aille mieux.

— Ce n'est rien. Je te pardonne et papa en fera tout autant quand il sera réveillé. Tu peux en être sûre.
— Oh Thomas, je suis vraiment désolée. Je vais me racheter je te promets. Je vais devenir une meilleure sœur. Si tu savais comme je t'aime petit frère. Je vais m'améliorer. Tu n'auras plus à me détester…
— Je ne te déteste pas…

Je lui prends le visage dans mes mains. Son regard humide est profond, triste, perdu. Sa peine me blesse, d'autant plus qu'elle fait écho à la mienne. La sœur que j'ai toujours espérée montre enfin son visage. Je me sens, à l'instant, bien plus proche d'elle que je ne l'ai jamais été. Sans réfléchir je dépose mes lèvres sur les siennes et l'embrasse. Elle a un petit mouvement de recul dû à la surprise mais se laisse faire.

C'est une manière pour moi de la convaincre que je ne la hais pas et que je tiens, malgré tout, à elle. C'est un geste irréfléchi qui se voulait sans conséquence. Je n'avais pas prévu que mes émotions, chamboulées dans tous les sens, prennent le dessus et me fassent perdre tout contrôle et toute raison. Les choses dérapent très rapidement : nos langues s'emmêlent, nos sens se réveillent, nos corps se frôlent, nos mains se perdent sur la peau de l'autre. Chacun de ses doigts m'électrisent la chair.

J'allonge Élodie sur le dos, je la déshabille entièrement. Mes lèvres plongent sur la douce peau de ses seins. Je lèche et lui malaxe la poitrine. Elle gémit. Ce soir, en m'occupant de ces seins sur lesquelles j'ai souvent fantasmé, j'ai une sensation étrange. J'ai l'impression de planer, comme si j'étais dans un rêve, presque comme si c'était un autre que moi qui vivait ce moment.

Quoi qu'il en soit, je continue la découverte du divin corps d'Élodie. Son ventre recouvert de baisers, j'atteins maintenant sa vulve qui suinte de désir. J'embrasse, je lèche, je bois son intimité offerte. J'explore chaque recoin intime d'un coup de langue habile. Le corps d'Élodie devient vite incontrôlable. Sa main glissée dans mes cheveux, elle geint bruyamment. Élodie m'a livré son âme ce soir, je lui livre mon corps en échange.

Avant que l'orgasme l'ait atteinte, elle réattire mon visage vers le siens et m'embrasse passionnément. Elle m'arrache à mon tour les vêtements. Ses doigts agiles et ses lèvres brulantes se posent sur mon torse. Son corps se love contre le miens. Une de ses cuisses se frotte contre mon sexe en érection. Elle m'attire à elle, m'invite à la pénétrer. Je réponds à son désir et plonge en elle.

Élodie me serre dans ses bras comme pour m'empêcher de partir. Je sens son souffle dans mon cou. J'entends ses petits gémissements de plaisir tandis que mon sexe coulisse en elle. Son parfum sauvage m'enivre les narines. Je fais l'amour à ma sœur et prend, malgré la situation qui nous a amené dans cette ville, beaucoup de plaisir.

Lors des jeux érotiques de l'année passée, j'avais plus ou moins couché avec Élodie mais ça n'avait rien à voir avec ce qu'on vit ce soir. Cette soirée-là, elle m'a plus utilisé pour atteindre Louise, pour la blesser juste avant les élections. Aujourd'hui, c'est bien différent. Aujourd'hui, nous avons besoin l'un de l'autre. Aujourd'hui est un échange, une union. Aujourd'hui, je ne souhaite que son bien-être.

Les conditions particulières qui nous ont amenés à faire l'amour ce soir en font vraiment une expérience des plus singulières. Je sens au fond de moi qu'on ne le refera jamais. Je ne le souhaite pas d'ailleurs mais je profite de chaque seconde de cet abandon intense. Ce soir, je libère mon désir pour elle, je lui laisse libre recours. J'ai convoité ma sœur des années, j'ai refoulé ce sentiment tout ce long, maintenant que ma volonté est accomplie, je sens que je vais enfin pouvoir me délier de ce trouble, m'en affranchir complètement.

Chaque chose vit et se meurt ; il en va de même pour notre union incestueuse. Ce soir est la concrétisation d'un long parcours de désir et de répulsion, le point final d'une relation ambiguë et tumultueuse. Je sens au fond de moi que les choses ne seront plus jamais les mêmes avec ma sœur. Ce soir nous nous sommes livré l'un à l'autre ; nous allons pouvoir reconstruire notre relation sur des bases plus saines. « Demain est un nouveau jour » c'est cette certitude qui m'anime au moment de jouir dans le ventre d'Élodie. Épuisé, je tombe à ses côtés.

— Merci petit frère. Je t'aime.

Elle se colle à moi et dépose un petit bisou sur la joue. Je la prends dans mes bras et nous nous endormons ainsi.

C'est de bonne heure le lendemain matin que son téléphone nous réveille. Élodie réagit rapidement et se jette sur l'appareil. Même si je ne comprends pas les paroles, je reconnais la voix de ma mère. Nous avons donc des nouvelles. Une boule me sert au ventre tandis qu'Élodie, le visage inquiet écoute l'exposé de notre mère. Je surveille l'évolution de ses réactions afin de deviner la nature des propos de maman. Les yeux d'Élodie s'humidifient. Les larmes se mettent à couler ; des larmes de joie. Un sourire lui déchire le visage.

— Il est réveillé, me hurle-t-elle de joie. Il va s'en sortir !

Je laisse échapper un cri de joie et serre ma sœur dans mes bras pour fêter cette nouvelle. Il ne nous faut pas longtemps pour nous habiller et nous rendre au plus vite à l'hôpital. Nous accourons dans sa chambre où maman nous attend. Il est là, assis dans le lit, le visage toujours tuméfié mais souriant. Élodie éclate en sanglot.

— Oh papa, je suis tellement désolée pour tout ! Je t'aime.

Pour unique réponse, notre père lui tend les bras. Elle n'hésite pas un instant pour s'y blottir.