Les affres de l'amour

Mon corps astral se téléporte près du Pommier Sacré. Sanka est là, pour le moment seul, à admirer le reflet doré des pommes. Je m'avance vers lui. Il me tend la main.
— Cet arbre, murmure-t-il, il dégage quelque chose de beau et d'intense. Et ces pommes dorées qui brillent de mille feux comme de petits soleils… c'est magnifique. On a l'impression de ne faire qu'un avec la Nature, de former un tout harmonieux avec les plantes et les petits lapins tout mignons. Est-on vraiment obligé de détruire ces arbres ? N'y a-t-il aucun autre choix ?
— Malheureusement non. Dépêche-toi, le temps presse.

Sanka obéit. Triste, il se résout tout de même à accomplir sa mission. Son cosmos resplendit tout autour de lui. Sanka serre le poing et le lève, prêt à frapper. Un bruit fend l'air et quelque chose s'enroule autour du poignet du Cancer.

— Pas touche, mon mignon ! l'arrête Mériade d'Omphale, son fouet en main.

Évidemment, cela aurait été trop facile. La belle Mériade n'aurait pas laissé son arbre à l'abandon, à cause de ce qu'il représente, aussi bien pour Aphrodite que pour elle.

Sanka se retourne vers son adversaire. Ses yeux se ravissent de la beauté de la gardienne éternelle du Pommier. De tous les gardiens éternels, l'armure de l'Omphale doit être celle qui offre le moins de protection. Elle met le corps de Mériade divinement en valeur, lui offrant un sensuel décolleté et souligne ses courbes bien dessinées. L'armure a toujours été plus esthétique que défensive mais, à vrai dire, Mériade n'a jamais eu besoin d'une bonne défense.

— Allez, s'il te plaît, je suis censé le détruire. Promis, je l'abîme juste un peu.
— Jamais !

Le cosmos de Mériade créé un courant électrique le long de son fouet. Sanka hurle de douleur et s'effondre. La belle brune ramène son fouet à elle et en lèche le bout. Ses yeux de braise se portent sur le Cancer qui se relève.

— Je ne peux te laisser détruire le Pommier : il est le symbole suprême de ce qui m'anime chaque jour, le plus beau des trésors. Il est…

Sanka a frappé plus vite que la foudre. Le poing en avant, il a chargé son adversaire. Je ne lui connaissais pas une telle vitesse. Comme quoi, quand il combat sérieusement, il peut être impressionnant. Mériade a tout juste eu le temps de réagir en se décalant légèrement. Elle essuie une goutte de sang qui perle sur sa lèvre.

— Désolé, fait-il, sincère.

Elle le dégage d'une décharge d'énergie. Sanka se ramasse une nouvelle fois par terre. Il se relève doucement, une grimace de douleur sur le visage.

— Tu sais, c'est la dernière fois que tu vas porter la main sur moi.
— Ce n'est pas que ça m'enchante, mais j'en doute…
— Et pourtant ! Beaucoup d'hommes ont cru pouvoir m'abattre, mais ils se sont tous retrouvés à genoux. Tu ne seras pas différent des autres. Je vais faire de toi mon esclave. Tu vas devenir un de mes plus beaux jouets… si tu y survis, bien entendu.

Elle ne perd pas de temps. Le coup qu'elle lui a porté lui aurait-il fait peur ? Sanka, méfiant, charge pour l'empêcher de lancer la moindre technique. Il a retenu mes conseils, au moins. Il enchaîne les coups au corps-à-corps mais, mieux préparée, Mériade ne se laisse pas surprendre. Le Cancer ne lui laisse aucun répit, la harcelant encore et encore.

Bien, je vois que pour le moment il a l'air de mener le combat. Mario du Scorpion est censé atteindre la parcelle défendue par Brodsky – le compagnon de Mériade – d'une minute à l'autre. Je pense que je peux laisser Sanka cinq minutes et aller m'assurer que le combat commence sur de bonnes bases.

Je transfère mon corps astral près de la Vigne Sacrée. Une vieille tour de pierre qui a vaguement la forme d'un phallus fièrement dressé sert de support à « l'arbre » sacré d'Aphrodite. Au sommet et un verre à la main, Brod' est assis, attendant son adversaire. Il me remarque et me lance un signe de bienvenue. Hop, d'un bond, le voilà à mes côtés.

— Salut, Francis. J'ai cru sentir le cosmos de Mériade. A-t-elle commencé à se battre ?
— Oui, elle affronte le chevalier d'or du Cancer.
— Ah ? A-t-elle des chances de l'emporter ? Non, ne réponds pas. C'est Mériade : bien entendu qu'elle va l'emporter.

De lourds pas résonnent derrière moi, signe que mon collègue vient d'arriver. Je me retourne pour accueillir Mario et le… Amalia ?

— Qu'est-ce que tu fous là ? C'était censé être le combat de Mario. Tu devais partir à l'Est après ton combat contre le Lion Noir.
— Je sais, mais j'ai senti que le cosmos de Mario avait déjà pris ce chemin. J'ai donc décidé de mener son combat à sa place. Cela va-t-il poser problème ?
— Pour toi, non, ça devrait aller ; mais c'est pour Mario que ça risque de poser problème.

Bon, je fais les présentations rapidement pour ne pas faire perdre de temps et recule de quelques pas pour laisser les deux adversaires combattre. Merde, Amalia et Mario qui échangent leur place, mauvaise nouvelle ! J'espère que cela va aller.

— C'est donc toi le premier gardien que je vais affronter ? Enchantée.
— De même. Hâte de foutre la pâtée à votre bande de corrompus du Sanctuaire !

Les deux adversaires se chargent mutuellement et les premiers coups s'entrechoquent. Brodsky est rapide, mais déjà on peut voir qu'il peine à suivre le rythme d'Amalia. Pas étonnant, puisque l'aînée des chevaliers d'or a presque failli l'emporter contre Marie. Cela devrait relativement bien se passer pour ma collègue. Cependant, ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

— Elle est pas mal foutue, la Lionne ! Hum, si j'étais encore de ce monde, je crois bien que je la laisserais me croquer un morceau !

Quelle est cette voix ? Je me retourne pour découvrir l'identité de mon interlocuteur. Un vieux type au regard malicieux et au visage marqué se tient debout. Il sourit devant mon air perplexe.

— Allons, Francis, tu ne devines pas qui je suis ? C'est vrai que tu ne m'as jamais connu de mon vivant, mais quand même…
— Hank ?
— Bingo, morveux !

Le vieux maître de Brodsky ? Alors Brod' n'était pas fou ! Et moi qui en ai douté durant tout ce temps…

— Mais comment est-ce possible ? Pourquoi puis-je te voir ?
— Excellente question ! Je pense que ton corps astral doit vibrer sur un plan similaire à celui de mon vieux fantôme décrépit. Ce qui veut dire que…

Il s'avance vers moi et me colle une énorme droite dans la mâchoire. Argh, ce n'est pas mon vrai corps, mais la douleur est réelle ! Comment donc ?

— Je le savais ! s'exclame-t-il avec joie. Même plan d'existence, je peux donc interagir avec toi. Ah, que c'est bon ! Allez, viens morveux, que je te colle ta raclée.
— Sans façon, Hank ; j'ai aucune raison de me battre contre toi.
— Allez, gamin, fais pas ta fiotte ! Toutes ces années à vous regarder vous foutre sur la tronche ou vous envoyer en l'air sans pouvoir participer, t'imagines même pas le calvaire. Fais-moi plaisir et colle-moi une droite ! En garde, espèce de vieille pute dégarnie !

J'obéis. Mon poing s'écrase sur son nez fantomatique. Hank valse à l'autre bout du Jardin. Il pousse un cri de joie, me charge de nouveau, et me voilà à me battre contre un macchabée.

Mais le combat qui importe vraiment est celui du Lion contre le Satyre, et ce dernier semble déjà évoluer. Amalia a profité d'une ouverture pour abattre une pluie de coups sur son adversaire. Bien amoché, Brodsky est propulsé sur sa tour.

— Tu ne te défends pas trop mal, mais j'ai une meilleure expérience et j'ai parfaitement analysé ta façon de te battre.
— Ah ouais ? C'est ce que nous allons voir !

D'un coup de main il essuie une goutte de sang qui perlait sur le coin de sa lèvre. Pas impressionné par Amalia, il la charge de nouveau. Difficile de suivre exactement le déroulement du combat, avec le fantôme qui me casse les pieds. Hank me harcèle. Je me prends une droite dans la gueule. Il est rapide pour un mort, et ses mouvements sont originaux. Difficile de le suivre.

Soudain Amalia se fait atteindre. Étonnant : Brodsky a réussi à trouver une parade pour lui porter des coups. A-t-il vraiment réussi à innover une technique ? Pas le temps de réfléchir : Hank me charge, le poing en avant. Prêt à contrer son attaque ; le coup vient finalement du genou. Deux secondes plus tard, Brodsky utilise la même feinte contre Amalia. Le chevalier du Lion se prend le coup et perd du terrain. Je comprends mieux !

— Amalia, le fantôme du maître de Brodsky est là, la préviens-je. Il profite de son combat contre moi afin de montrer des mouvements à son ancien apprenti. C'est comme cela que Brodsky arrive à t'atteindre. Sois prudente.
— Ouais, j'avais bien remarqué qu'il utilisait deux techniques distinctes. T'inquiète, encore un peu et j'aurai parfaitement analysé la seconde. Cela va me demander un peu plus de concentration, mais rien d'insurmontable. Tu devrais plutôt aller voir comment s'en sort Sanka. Je n'ai pas besoin de conseils pour le moment.

Ouais, c'est vrai qu'elle ne craint pas grand-chose pour l'instant, d'autant plus que les coups du Satyre seront inefficaces à cause de la peau impénétrable du Lion.

Retour donc du côté de Sanka. Plusieurs écorchures salissent Mériade. Sanka sourit, fier de lui. Oui, c'est bon ! S'il ne se laisse pas distraire, Sanka peut l'emporter sans trop de dommages.

— Je vois que nos informations n'étaient pas tout à fait correctes. Tu es loin du chevalier d'or minable qu'on m'avait décrit ; tu ne te défends pas trop mal, je dois avouer.
— Merci, et la réciproque est aussi vraie.
— Quoi qu'il en soit, c'était un chouette échauffement. Il est temps de passer aux choses sérieuses. Il est temps de faire de toi mon esclave. Dis-moi, me révélerais-tu les secrets de ton âme ?
— Pardon ?
— Ouvre-moi ton cœur ; je vais mettre ton âme à nu. Tu seras mien et je pourrai t'user comme bon me semble. MISE À NU !

Oui, les choses commencent sérieusement. Le cosmos de Mériade d'Omphale vient de grimper en flèche. Une main griffue tendue devant elle, elle projette son énergie sur Sanka, qui se tord de douleur. Il n'a plus le moindre contrôle sur son corps. Les pièces de son armure l'abandonnent les unes après les autres et tombent tout autour de lui.

— À genoux ! ordonne Mériade.

Le corps de Sanka obéit. La gardienne éternelle sourit, satisfaite. Un coup de fouet dont la lanière s'enroule autour du cou du Cancer. Maintenant, un coup de foudre et le Cancer se convulse. Mériade rit.

— Tu vois, ton corps est déjà à ma merci. Encore quelques tortures et tu seras complètement sous mon charme, et tu m'appelleras « Maîtresse » !
— D'accord, Maîtresse. Pitié, encore…
— Hein ? Quoi ? Déjà ? Ce n'est pas possible, ça n'a pas pu aller aussi vite… ou alors tu es un esprit faible.
— Non, non, c'est que j'adore ça.

Son regard sonde celui de Sanka pour y chercher une supercherie mais elle ne trouve rien. Satisfaite, elle avance vers lui et se débarrasse de quelques pièces de son armure. Rha, c'est mauvais : Sanka m'avait pourtant affirmé qu'il était capable de résister à la torture en cas de besoin, mais il n'a pas tenu cinq minutes. C'est quoi ce bordel ?

Mériade s'amuse à lui donner plusieurs coups de fouet sur la poitrine. Bien qu'il grimace de douleur, Sanka écarte les bras en signe d'invitation.

— Allez-y, Maîtresse, continuez, je suis tout à vous.
— Sanka, bon sang, réagis ! gueulé-je.
— Laisse tomber, Francis ! s'exclame Mériade. Son corps doit trop aimer souffrir. Il ne t'écoutera pas.

Est-ce en rapport avec ce qu'il s'est passé avec Ayéfèmi lors de notre courte rébellion ? Il a pris un pied d'enfer alors qu'elle lui faisait subir les pires tortures. L'envie de revivre une expérience similaire doit être gravée dans son âme, le rendant beaucoup trop sensible au pouvoir de Mériade.

La gardienne éternelle s'avance vers lui en adoptant une démarche féline. Ses griffes se posent sur le torse musclé du Cancer. Un ongle se plante à même l'une des plaies ouvertes par le fouet. Sanka grimace. La main d'Omphale caresse maintenant les abdos, puis atterrit sur l'entrejambe de mon ami.

— Oh, mais c'est que ça a l'air de te faire grossement réagir là-dessous…

Elle glisse sa main à l'intérieur du pantalon et sort un sexe bandé de belle taille qu'elle caresse doucement. Sanka gémit.

— Oh, je ferai tout ce que vous voudrez, ma reine…
— Très bien. Agenouille-toi et baise-moi les pieds.

Le Cancer obéit. Il embrasse avec passion les pieds de la gardienne. Il semble même s'en délecter. Puis ses lèvres remontent lentement le long des mollets, passent près des genoux et tentent de s'approcher des cuisses. Ses mains, elles aussi téméraires, se glissent sous la tunique de Mériade et cherchent à se frôler un chemin vers l'entrejambe. Mériade se mord les lèvres mais, contre toute attente, le repousse.

— Doucement, soumis. Il faut le mériter pour déguster mon coquillage.
— Oh oui, Maîtresse. Bien désolé, Maîtresse. Pardonnez mon impertinence. C'est que vous êtes si sublime…
— Arrête tes viles flatteries et allonge-toi dans l'herbe que je te fasse subir mille extases.

Sanka, le sourire aux lèvres, se jette au sol, ventre à terre. Mériade arrive derrière lui, s'agenouille et lui descend le pantalon, découvrant son cul. Ses mains empoignent les fesses, puis un doigt s'enfonce dans le cul sans passer par quatre chemins. C'est maintenant le manche de son fouet qu'elle lui enfonce dans le rectum. Sanka grogne de plaisir. Je m'étonne d'être autant fasciné par cette scène.

— T'as rien d'autre à faire que de nous mater, Francis ? m'apostrophe la terrible Omphale.
— Faut dire, que je ne suis pas insensible au spectacle, même si je crains pour mon pote. Et puis c'est plus intéressant que de se battre contre un fantôme car oui, Hank existe bel et bien : Brodsky n'était pas fou.
— Étonnant ! Et comment il s'en sort, mon Brodsky ?
— Il affronte un adversaire puissant. Je ne parierais pas sur lui.
— Je vois… Il va bien réussir à trouver une parade, non ? C'est mon Brodsky adoré ; il a toujours une carte dans sa manche, ce vieux saligaud ! Oui, j'ai confiance en lui, il va s'en sortir. Cela ne peut être autrement.

Elle cherche à se rassurer, c'est évident. Bien que puissant, Brodsky n'a jamais été l'un des meilleurs gardiens. Il a peu de chances contre Amalia. Je ne vois pas ce qu'il pourrait faire. Je devrais peut-être aller quand même jeter un coup d'œil, m'assurer que tout va bien là-bas. Pour le moment, Sanka n'est pas en danger de mort. Omphale va continuer de jouer avec lui.

Retour du côté d'Amalia et Brodsky, visiblement toujours en plein corps-à-corps. Hank est toujours là, à lancer des conseils à son apprenti. Je m'approche de lui et lui demande comment cela se passe.

— Elle est coriace, la donzelle. Brodsky galère. Ah, la garce, quelle femme ! Elle me dit quelque chose…
— Ouais, c'est un chevalier de talent.
— Hé, Brodsky ! gueule-t-il, tu vois bien que tu n'arriveras à rien ainsi. Et si tu tentais autre chose ? Passe un peu aux choses sérieuses.
— Hé, le Vieux, comme si je n'y avais pas pensé…
— Orbe Infernal !

Amalia a tenté de le prendre par surprise mais le Satyre a réagi à temps, évitant l'attaque. Brodsky sort une flûte de Pan de son armure et l'approche de ses lèvres. Amalia se tient sur ses gardes.

— Chevalier du Lion, je dois reconnaître que tu es une adversaire valeureuse, et surtout sublime. Te combattre réveille mes ardeurs de vieux satyre. Si tu savais toutes les salaceries que j'aimerais te faire… NOTES OF A DIRTY OLD MAN !

Les notes de musique de la flûte de Pan résonnent et le cosmos du Satyre se déploie. Je connais cet arcane : il s'agit d'un mélange d'illusions et d'attaques directes. Apparaît un énorme satyre, jambes et cornes de bouc, sourire pervers et gigantesque phallus dressé. La bête charge Amalia. Ses mains la frappent sur la poitrine et le cul tandis que le phallus tente de briser l'armure pour embrocher ma collègue. L'attaque se dissout et Amalia se relève sans dommage.

— Quoi ? s'étonne Brodsky. Mais c'est impossible !
— Et pourtant je n'ai absolument rien senti, mon cher. Bon, assez joué avec toi. Il est temps que mamie Amalia te mette ta fessée !
— Mamie Amalia ? Fessée ? réagit Hank à côté de moi. Mais oui, je me disais bien que je l'avais déjà vue quelque part… Brodsky, je la connais ! Je l'ai croisée lors de vacances en Argentine. Je me disais bien qu'une femme comme ça, je n'aurais pas manqué de me la taper du temps de mon vivant ! Putain, ça remonte à… comment se fait-il qu'elle soit toujours aussi jeune ? Je me souviens : elle puise l'énergie de la Terre pour créer un bouclier cosmique à la surface de sa peau. Tu n'arriveras rien par des attaques directes !
— Hé ho, c'est de la triche, me plains-je. Tu n'es pas censé intervenir dans leur combat.
— Argh, tu te fous de ma gueule ? Tu vas pas me faire croire que tu n'es pas du tout intervenu à jouer les anges astraux !

Ouais, pas faux. Notre tactique de l'assaut sur le Jardin repose uniquement sur cette stratégie. J'aurais dû me taire sur ce coup-là.

— Pas d'attaques directes ? s'interroge Brodsky. Je vois, il va donc falloir que je m'attaque à ton esprit. Tales Of Ordinary Madness !

Les notes de la flûte de Pan résonnent pour jouer un nouvel air. Amalia hurle de douleur, tombe à genoux et s'enserre le crâne avec ses mains. Je me crispe, ne connaissant pas du tout les effets exacts de cette attaque, mais visiblement c'est plutôt mauvais.

— Rassure-toi, se réjouit Hank à côté de moi, cela ne la tuera pas. Elle va juste perdre la tête et peut-être même devenir un légume !

Ouais, vraiment rien de bon, mais malgré tout Amalia résiste et se relève. Hank ravale son sourire et maugréé.

— C'est impossible ! s'étonne Brodsky.
— Non, pas impossible, reconnaît son défunt maître. Si elle a déjà accepté sa part de folie, elle peut résister à l'attaque.
— Accepté sa part de folie ? s'interroge Brod'.
— C'est en effet le cas, confirme Amalia. J'ai déjà goûté à la folie, et j'ai appris à y faire face. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts.
— Hum, en effet, je me souviens d'une grande dépravée et d'une alcoolique pire que moi. La garce que j'ai croisée à l'époque n'était sûrement pas saine d'esprit ! Brodsky, si tu veux que ton attaque soit plus efficace, il faut que tu trouves ce qui a causé sa folie ; cela renforcera l'impact de ton pouvoir.
— Méfie-toi, Amalia ! la conseillé-je à mon tour. Il va remuer ton passé pour te tourmenter.
— T'inquiète pas pour moi, je vais gérer. Va voir comment s'en sort Sanka.

Elle semble sûre d'elle. Je n'insiste pas plus et me téléporte vers le « combat » du Cancer en espérant qu'il ait réussi à se délier du charme de Mériade.

Je trouve cette dernière assise sur le buste d'une statue d'Hercule écroulée. Ses jambes sont grandes écartées et un sourire d'extase s'affiche sur ses lèvres carmin. Sanka, à genoux devant elle, a le visage glissé entre les cuisses de la dame. Il semble se délecter du trésor offert. Visiblement, il est toujours sous son charme.

— Quelque chose ne va pas ! s'exclame soudain Mériade.
— Qu'y a-t-il, Maîtresse ? Je ne vous lèche pas correctement ?
— Chut, tais-toi et continue. Bouffe-moi la chatte !

Elle lui plaque de nouveau le visage sur son entrejambe. Sanka continue sa dégustation sans chercher à comprendre. Le visage de Mériade exprime un mélange de plaisir et d'inquiétude. Ce dernier sentiment est cependant effacé par sa proche jouissance. Son souffle s'accélère. Elle est sur le point d'atteindre l'orgasme. Sanka se donne à fond pour la faire crier de plaisir. Ses efforts sont récompensés par un tonitruant hurlement sauvage.

— Alors, Maîtresse, heureuse ?
— Je ne comprends pas. Tu n'es toujours pas sous mon charme, pas complètement en tout cas. Tu adores ce que je te fais faire, mais tu ne m'adores pas, moi. C'est anormal.

Elle le repousse violemment. Sanka se ramasse au sol. Elle se redresse, remet un peu d'ordre à sa tenue et réfléchit.

— Il n'y a qu'une seule façon de trouver ce qui cloche. MISE À NU !

Une nouvelle décharge d'énergie est envoyée. Sanka se tord de douleur mais lâche en même temps un cri d'exaltation.

— Oui, je vois : ton cœur est déjà pris. Cette femme déborde d'un amour nouveau, violent et flamboyant. Tu n'en as peut-être même pas encore conscience. Qui est-elle ?

Elle envoie une nouvelle décharge.

— Ayéfèmi des Gémeaux ? Je lis dans ton esprit qu'elle a su t'envoûter avant moi. Bien, je comprends mieux. Il est temps d'effacer sa présence dans ton cœur pour en être la seule maîtresse. Empty Heart !
— NON ! hurle Sanka. THREE LITTLE BIRDS !

Les deux pouvoirs s'entrechoquent et provoquent une explosion entre les deux combattants, qui sont repoussés chacun de son côté. Sanka est le premier à se relever. Son corps est tout écorché.

— Belle demoiselle, je veux bien qu'on s'amuse un peu ensemble, mais je refuse que tu traficotes ce que j'ai dans le cœur. C'est à moi de décider à qui j'accorde une place au chaud.
— Je vois : cet amour est trop puissant, se relève à son tour Mériade. Dans ce cas, il ne me reste plus qu'à t'écraser pour de bon. Par les Foudres d'Omphale !

Le fouet de Mériade s'enroule autour de Sanka, et comme auparavant un courant électrise le pauvre Cancer. Seulement, Sanka résiste plus que précédemment. Il ne tente pas de repousser l'attaque, se contentant de la subir. À quoi joue-t-il ? Il ne tiendra pas longtemps ainsi.

Mériade s'impatiente ; son arcane a beau se déchaîner, Sanka tient bon. Le cosmos du Cancer ne semble pas faiblir. C'est même peut-être l'inverse. Que se passe-t-il ?

— Argh… Je… je ne peux me permettre de perdre maintenant. Tu as raison : mon cœur bat pour la douce et terrible Ayéfèmi, ange et démone à la fois. C'est tout nouveau, et je refuse de ne pas connaître cet avenir. Je veux voir où cela va me mener. WANT MORE !

Ses mains agrippent le fouet comme des pinces. Il pousse un cri de rage et son cosmos se déchaîne tandis que les pièces de son armure retrouvent leur propriétaire. Mériade tire sur son arme pour la récupérer mais mon ami tient le coup. L'énergie transmise à travers le fouet semble de plus en plus importante.

— Je suis loin d'être le plus fort des chevaliers d'or. Je peux manquer cruellement de puissance, comparé à d'autres de mes collègues. Mon arcane Want More est là pour contrebalancer ce problème : quand mon ennemi m'attaque avec un flot d'énergie constant, je peux lui voler de sa puissance pour la lui renvoyer. Il est temps de mettre fin au combat, de te vaincre avec la seule chose qui importe vraiment en ce monde : l'amour. ONE LOVE !

Les bras repliés sur sa poitrine, Sanka déchaîne son cosmos qui prend une teinte rouge. Il déplie les bras et les écarte en grand, comme s'il proposait un câlin à son adversaire. Cela libère son énergie. Une vague rouge submerge Mériade. Elle ne hurle pas. Au contraire, son visage semble serein et apaisé, mais son armure est dissoute dans l'attaque. Une fois la tempête finie, elle s'écroule à genoux, puis chute définitivement.

Sanka est essoufflé mais victorieux. Il s'avance vers la gardienne du Pommier qui, visiblement, respire encore.

— Tes… tes sentiments sont forts, parvient-elle à prononcer. Ton amour est prometteur… Ne détruis pas le Pommier Sacré complètement… Cet arbre, c'était le symbole de mon amour qui me reliait à Brodsky. Il m'avait offert une pomme d'or, à moi, « la plus belle d'entre toutes » qu'il disait, ce vieux libidineux. Je l'ai plantée dans ma parcelle et j'en ai pris soin. Voilà d'où vient cet arbre sacré. Alors, par pitié, il faut qu'il en reste quelque chose. Avant de le détruire, récupère une pomme et offre-la à ta dulcinée.
— C'est promis. Que la paix guide ton âme, Mériade d'Omphale.

Et voilà, c'est réglé de ce côté. Même si la rancœur m'anime encore, ça me fait mal de voir encore un ancien camarade chuter. Tout ça à cause des sentiments d'Aphrodite envers ce maudit Arès. Cela valait-il vraiment le coup de tout gâcher ? Je téléporte mon corps astral pour rejoindre l'autre champ de bataille.

De l'autre côté, Brodsky et Amalia se font toujours face. Vu le visage fermé de Brod', il doit déjà avoir compris ce qu'il vient de se passer. Son regard perdu se pose sur moi ; un maigre espoir l'habite encore, espoir que je m'apprête à piétiner.

— Je ne sens plus son cosmos. Celui du Pommier Sacré vient de disparaître aussi. Est-ce que…
— Je suis désolé, Brod', elle a perdu.

Il tente de cacher sa réaction mais une larme le trahit. Sa tête lui tourne et il manque de trébucher, pris par l'effroi du décès de sa bien-aimée. Il a beau être mon ennemi, un ancien camarade qui m'a tourné le dos, je comprends parfaitement sa peine et j'ai mal pour lui. Je me souviens du désespoir qui m'a habité quand j'ai cru Marie décédée ; elle ne faisait pourtant pas partie de ma vie depuis longtemps…

— Je suis désolée moi aussi, ajoute Amalia. Je sais que tout ce que je pourrais dire n'apaisera pas votre douleur, mais je compatis de tout cœur. Du peu de ce que j'ai pu voir, je reconnais qu'un véritable amour vous reliait tous les deux.
— Merci, chevalier du Lion, cela me touche… mais il faut maintenant terminer notre combat. TALES OF ORDINARY MADNESS !

Comme précédemment, l'attaque touche Amalia qui se met à hurler de douleur. Le Satyre enchaîne rapidement et charge son adversaire. Plusieurs coups d'une fureur insoupçonnée s'abattent sur le Lion, si bien qu'elle est obligée de battre légèrement en retraite. Que cherche-t-il ? Il sait très bien qu'il ne parviendra pas à passer outre la protection du Lion.

— Bon alors, gamin, on reprend où on en était ? m'apostrophe le fantôme du maître de Brodsky.
— Non, désolé, Hank. Je n'ai vraiment pas le cœur à ça.
— Mais du nerf, moussaillon ! Je t'attends ! À moins que tu préfères que l'on dise partout que le chevalier d'or du Bélier est une petite pédale qui pisse dans son froc à l'idée de se battre !
— Hank, n'insiste pas s'il te plaît.

Le spectre soupire de déception et s'assoit à côté de moi. Son regard vide se pose sur les deux combattants toujours en plein combat acharné.

— Tu sais, gamin, je voulais juste un dernier baroud d'honneur avant de partir pour de bon. Brodsky ne s'en sortira pas, je le sais. La Lionne est trop forte pour lui. Il va mourir lui aussi, lui, le seul lien qui me retient encore à ce monde, et moi je disparaîtrai pour de bon.
— Dis pas ça, Hank : Brod' a encore une chance de l'emporter. Tant qu'il est debout, il peut encore changer la donne. C'est ton apprenti, après tout !
— Oui, il l'est ; c'est justement pour ça que je sais que c'est déjà terminé. Toi, tu ne le vois pas, mais je t'assure qu'il a perdu toute volonté de se battre à cause du décès de sa belle. Maintenant, il n'attend plus que de la rejoindre. Ce n'est qu'une question de temps.

Vraiment ? Connaissant le personnage, Hank a peut-être raison. Alors Brodsky du Satyre ne cherche plus que la mort ? Amalia n'a qu'à l'achever, et pourtant elle attend. Là, elle vient encore de laisser une occasion de profiter d'une ouverture. Amalia aurait-elle des scrupules à éliminer une âme en peine ? Elle semblait vraiment sincère quand elle a présenté ses condoléances à Brod' ; je suis sûr qu'elle s'est prise de pitié pour lui et qu'elle hésite à le tuer.

— Je me souviens du morveux. J'étais en mission incognito chez Dionysos à cette époque, raconte Hank. À un moment, je me noie dans une taverne, normal, et deux gus trouvent le moyen de me casser les couilles. Complètement soul, je leur casse la gueule sans utiliser mon cosmos. Gentil, quoi. Là, le jeune Brodsky, un pauvre gamin issu du peuple, qui vient d'assister à la scène et qui me prend pour un clodo, décide de m'offrir un toit pour la nuit, ayant un peu pitié du débris qui lui fait face. Chez lui, il m'explique son rêve de devenir le plus grand chevalier du monde. J'lui dis : « Tu sais, gamin, être chevalier, c'est surfait. C'est qu'un ramassis de branleurs arrivistes qui pètent plus haut que leur cul. » Et là, ce crétin m'affirme que lui, le moins que rien dont tout le monde se fout, allait « botter le cul à tous les vieux de l'Olympe ». Il m'a fait marrer ; je l'ai embarqué avec moi à la fin de ma mission. C'est au Jardin d'Aphrodite qu'il rencontre sa Mériade quelque temps plus tard. J'ai eu beau le prévenir de pas s'emmerder avec ça, que ça ne lui apporterait rien de bon, mais il ne m'a pas écouté. Et voilà où nous en sommes maintenant. Quel gâchis !

Ouais, quel gâchis toute cette histoire ! Non, pas l'amour qu'il ressentait pour Mériade – je suis sûr que ça en valait la peine – mais la folie d'Aphrodite qui nous a poussés à nous opposer et à nous entretuer. J'ai vraiment la rage contre elle.

Le Satyre et la Lionne continuent de s'affronter avec une intensité toute simulée. Faudrait quand même qu'Amalia se décide à en finir, parce qu'en attendant c'est Arès qui en profite. Ils se tiennent maintenant l'un en face de l'autre. Une certaine résolution brille dans le regard de Brodsky. Il avance son pied droit, lève les bras en l'air et concentre son cosmos. Hank réagit au quart de tour et se relève brusquement.

— Cette position… c'est la technique interdite ! Brod', arrête, pauvre malheureux ! Tu sais très bien les effets que ça aura : tu vas tout détruire !
— Amalia, ça pue ! la préviens-je. Je ne sais pas ce que ça signifie, mais il va falloir que tu agisses vite !
— Love Is A Dog From Hell ! prononce le gardien éternel du Satyre tandis que son cosmos forme une grosse boule noire au-dessus de ses mains.

Je me tords de douleur, Amalia aussi. Quelque chose nous est arraché, une sorte d'énergie sombre qui vient nourrir l'attaque du Satyre. Un cri de rage de Brodsky laisse échapper la même chose. D'autres auras sombres arrivent de toute part. Très vite, la boule prend des dimensions démesurées et le sol se met à trembler. La terre se retrouve brisée. La tour du Satyre ne résiste pas et s'effondre, détruisant au passage la Vigne Sacrée. Amalia, inquiète, recule de plusieurs pas.

— Cette technique se renforce de toutes les peines et souffrances du monde causées par l'amour, explique Brodsky à Amalia. Et tu peux me croire, c'est une ressource inépuisable. Ta peau ne pourra pas arrêter une technique d'une telle ampleur. Je vais tout détruire. Je ne sais pas jusqu'où cette attaque va frapper, mais je peux t'assurer que le Jardin va y passer totalement. Ce ne sera plus qu'un amas de cendres.
— Amalia, réagis-je, des tas d'innocents vivent ici. Tu ne peux pas le laisser relâcher son attaque.
— Je sais, crétin !

Elle se mord les lèvres de désespoir. Elle ferme les yeux, prend une grande inspiration et concentre son cosmos. Elle est maintenant résolue. La puissance de son flux vient nourrir le chaos ambiant.

— Gardien éternel du Satyre, je sais pourquoi tu fais tout ça. Tu ne souhaites pas vraiment tout détruire : tu veux seulement me forcer la main. Je vais accéder à ta requête puisque tu ne me laisses pas vraiment le choix. Adieu, Brodsky. ORBE INFERNAL !

Amalia prend bien le temps de former une énorme boule de feu avec son cosmos pour être sûre d'emporter Brodsky rapidement, le tuer sans le faire souffrir davantage inutilement. Au moment où elle l'envoie sur son adversaire, le regard de ce dernier semble compatissant. Il ne fait rien pour contrer l'attaque, ni ne hurle en la recevant. Son corps est calciné. Hank, à mes côtés, a les larmes aux yeux avant de disparaître, signe du décès du Satyre. La technique de ce dernier est dissipée et les énergies s'éparpillent.