Inanna

Le stress est intense. Mon cœur bat la chamade. Marie est sur le point d'arriver dans la zone d'Inanna. Bien que la Vierge soit la plus puissante d'entre nous, le combat est loin d'être gagné d'avance : Inanna est une adversaire retorse.

Je téléporte mon corps astral près de l'Olivier Sacré, arbre sous la protection d'Inanna du Dauphin Astral. La belle est là, en train de chevaucher un mec allongé dans l'herbe pendant que des dizaines de ses « mignons », recouverts de pagnes minimalistes, sont agenouillés en simples mais heureux spectateurs tout autour du futur champ de bataille. Je ne vois pas l'identité du chanceux, mais en tout cas il a l'air de bien satisfaire la puissante Inanna dont les cheveux broussailleux ondulent jusqu'au bas du dos. J'ai beau ne plus porter Inanna dans mon cœur, je ne peux m'empêcher d'être échauffé par la scène.

Et puis la belle atteint l'orgasme, reprend son souffle et se relève. S'apercevant de ma présence, elle sourit sournoisement. Le type se relève à son tour ; c'est là que je le reconnais : Harvey !

— Toi ? grogné-je. Je vais te buter, sale fumier !

Je lui fonce dessus, poing en avant, et le traverse… Merde, j'avais oublié que je n'étais plus tangible.

— Quoi ? Tu n'es pas content de me revoir ? se moque-t-il. Nous avions pourtant fait la paix, si j'ai bonne mémoire.
— Te fous pas de ma gueule, sale traître !
— Traître ? C'est marrant : c'est exactement comme cela qu'ils t'appellent ici. D'ailleurs, je ne comprends pas comment tu as pu quitter ce havre de paix. Les gonzesses sont plutôt charmantes ici, et elles ouvrent les cuisses bien facilement. N'est-ce pas, Inanna ?
— Nan, mais casse-toi maintenant ! lui répond-elle sèchement. T'es lourd !
— Hé ho, après la partie de baise qu'on s'est faite, tu pourrais te montrer un peu plus respectueuse… De toute façon, je ne tiens pas à me retrouver face à la Vierge ; elle me hérisse toujours autant le poil, cette pute ! Allez, good bye, et bonne bourre !

En quelques secondes, Harvey disparaît. Les mignons s'approchent avec les morceaux de l'armure du Dauphin Astral et la lui enfilent à même la peau.

— Te taper ce type… Franchement, tu me fais pitié, Inanna. Tu n'as donc aucun respect pour toi ?
— Quoi ? T'es jaloux, mon chou ? Tu sais, j'aime juste me détendre avant un bon petit combat à mort, et il était dans les parages. Il ne représente rien pour moi, juste un pénis sur pattes. Tu vois, maintenant j'suis en forme, prête à défoncer ta bonne sœur ! C'est bien que tu sois là, d'ailleurs ; tu vas pouvoir assister en direct à sa mort.

D'un coup, des vibrations se font ressentir dans le sol et dans l'air. La pression atmosphérique augmente, limite étouffante. Un énorme cosmos est en approche. Marie semble vouloir jouer la carte de l'intimidation, et visiblement, l'expression que tente de réfréner Inanna semble indiquer que cela marche. Quelques secondes plus tard, l'armure dorée de la Vierge fait face à la mauve du Dauphin Astral.

Marie jette un coup d'œil à l'Olivier situé juste derrière Inanna.

— C'est donc ça ma cible ?
— Oui. Voici l'Olivier Sacré, l'arbre qu'Athéna a jadis offert à Aphrodite. Comme vous pouvez le ressentir, son cosmos est très similaire à celui de votre déesse. C'est en puisant dedans que j'ai pu usurper l'identité d'Athéna auprès de nombreux rebelles du Sanctuaire.
— Voilà qui explique comment des crétins se sont fait si facilement berner… Un bon conseil, la décadente : si tu tiens à la vie, écarte-toi de mon chemin, sinon je t'écraserai.
— Viens donc, si tu l'oses !

Bien entendu, elle ose ! Et même plutôt deux fois qu'une. Voilà, le combat tant redouté est maintenant lancé. Les coups fusent, les poings s'entrechoquent, les cosmos se déchaînent. Elles mettent une grande puissance derrière leurs coups afin de faire plier l'adversaire, mais les volontés tiennent bon. J'ai du mal à suivre le rythme. Nul doute qu'elles sont chacune exceptionnelles.

— MALLEUS MALEFICARUM !

Un bruit sourd fait trembler le sol tandis qu'une colossale vague énergétique noire déferle du poing de Marie. Inanna prend l'attaque de plein fouet et gonfle son cosmos pour résister. Les pieds bien ancrés au sol, elle est pourtant repoussée de plusieurs mètres. Plusieurs de ses « mignons » se jettent dans la déferlante cosmique afin d'en dissiper un peu la puissance ou de dévier une partie de l'attaque. Ils sont bien entendu désintégrés, mais leur action permet tout de même à Inanna de s'en tirer sans trop de dommages.

— Ils se sont sacrifiés ? s'étonne Marie.
— Bien sûr. Pour leur princesse, ils sont prêts à tout. Mais ne t'inquiète pas, j'en ai encore plein d'autres.

Et Inanna contre-attaque. Le Malleus Maleficarum de Marie ne semble l'avoir affaiblie en rien ; bien au contraire, sa motivation et son plaisir ont grimpé en flèche. Le fracas se déchaîne à l'impact de ses poings sur l'armure d'or. Des cris de douleur s'échappent de la gorge de la Vierge. Le sourire du Dauphin Astral s'agrandit.

— BLACK DOG !

Un énorme chien noir formé par le cosmos d'Inanna saute à la gorge de Marie comme pour la lui déchiqueter. C'est l'attaque de base du Dauphin Astral, mais elle reste néanmoins violente. Heureusement, il en faut plus pour désarçonner Marie. Inanna poursuit tout de suite derrière avec plusieurs enchaînements au corps-a-corps. Mal préparée, Marie se prend plusieurs coups violents dans la poitrine et au visage.

— Hé, hé, chérie, j'aime ta manière de remuer. Je vais te faire transpirer, te faire vibrer !
— Sale décadente ! INQUISITIO !

Le son strident du hurlement de souffrance qui s'échappe de la gorge du Dauphin Astral est agréable aux oreilles. Cette dernière se tord sous la douleur provoquée par le maléfice de Marie. Plusieurs des mignons chargent Marie pour lui faire stopper l'attaque. Bien obligée, elle relâche son emprise pour les défoncer. En quelques coups et têtes arrachées, c'est chose faite.

— Envoie-moi tes chiens tant que tu veux ; s'il faut buter tous ces décadents pour t'atteindre, je n'aurai aucune pitié et je le ferai.
— Décadents ? Et pourtant la ferveur de mes mignons est des plus exemplaires. Je suis une déesse à leurs yeux !
— Quelle bande d'hérétiques…
— Des hérétiques ? Et pourtant, ce qu'ils vénèrent est bien réel. Les faveurs que je leur apporte sont bien réelles. Peux-tu en dire autant de ton dieu ?
— Dieu existe !

Cela n'a duré qu'une fraction de seconde, mais l'hésitation dans la voix de Marie était bien perceptible et, bien sûr, cela n'a pas échappé à Inanna comme l'indique son sourire satisfait.

— HEARTBREAKER !

Marie a le souffle coupé ! Une main se plaque sur sa poitrine. Merde, pas cette attaque ! Depuis le combat contre Muhammad, la foi de ma belle a vacillé. Elle est encore prise de doute. Je savais bien que cela pouvait lui être préjudiciable. Marie, le regard apeuré, accroît son cosmos pour tenter de résister ; erreur.

— Non, Marie, pas comme ça, c'est inutile. Cette attaque se renforce avec tes doutes. Chasse les doutes de ton cœur pour la dissiper !

Facile à dire, mais compliqué à faire. Si Marie avait pu se débarrasser de ses doutes, elle l'aurait déjà fait. Mais elle n'a plus le choix : elle doit le faire maintenant ou elle mourra.

— Tu pries depuis des années une illusion ; les vrais dieux marchent sur terre. Tu n'es rien qu'une petite misérable dont tout le monde se fout ! Tu es bien inférieure à moi, la femme la plus proche d'une déesse. Moi, on me vénère. Moi, on me loue. Pour moi, on se sacrifie. Toi, personne ne tient véritablement à toi.

Merde, ce genre de discours aurait bien mis en rogne l'ancienne Vierge, mais ses doutes sont bien trop présents. Elle semble avoir de plus en plus de mal à résister. C'est très mauvais signe. Il faut que j'intervienne tout de suite.

— C'est faux, Marie ; je suis là, souviens-toi. Nous sommes liés.
— Encore une illusion, poursuit Inanna. Il te lâchera à la première occasion comme il a lâché ses anciens collègues. C'est un traître, c'est dans sa nature ! Il ne s'attache à rien ni à personne.

Mon intervention n'a servi à rien. Encore quelques secondes est c'en sera fini de la Vierge. L'emprise d'Inanna est bien trop forte ; elle arrive même à lui faire douter de mon soutien. Il faut que je trouve un argument bien meilleur pour redonner confiance à ma belle, lui prouver à coup sûr qu'elle peut compter sur moi.

— Marie, je suis attaché à toi comme jamais je ne l'ai été. Moi, je t'estime ; moi, je te respecte. Je n'hésiterais pas une seconde à sacrifier ma vie si c'était le cas pour sauver la tienne. À vrai dire, je suis amoureux de toi.
— QUOI ? se relève-t-elle d'un coup.

J'ai tenté le tout pour le tout et ça a marché. Incroyable ! Maintenant, il va falloir m'expliquer parce que ma belle me dévisage avec un regard ahuri.

— Oui, Marie, je suis amoureux de toi depuis le premier jour. J'ai mis du temps avant de l'accepter, mais maintenant je suis prêt à tout pour honorer cet amour.
— Complètement cinglé… souffle Inanna.
— Je… je ne suis pas une catin ! Je suis pas si naïve. J'ai fini par comprendre que tu m'as menti, que tu n'es pas si chaste que ce que tu as prétendu au début. J'ai voulu fermer les yeux parce que je t'apprécie. Je ne suis pas prête à te donner ce que tu veux.
— Je t'épouserai s'il le faut. Je sais que tu tiens à ton honneur plus qu'à tout au monde, alors je tiens à respecter cela.
— C'est la demande en mariage la plus pathétique que j'ai jamais vue ! s'exclame Inanna.
— Bon… OK, lâche Marie stoïquement.
— Hein ? T'es sérieuse, là ?
— Ben, si un jour je dois me marier, je ne vois pas de meilleur candidat que toi. Après tout, moi aussi je crois bien que je t'aime.
— Merde alors ! s'étonne elle aussi Inanna.

Si je le pouvais, je courrais dans sa direction, la prendrais dans mes bras et l'embrasserais. C'est incroyable ! J'ai du mal à le réaliser, mais le sourire chaleureux qu'elle me renvoie me confirme que tout ceci est bien réel. Nos regards restent figés l'un sur l'autre.

— Hé, les tourtereaux, ne m'oubliez pas. Nous sommes en plein duel à mort, je vous rappelle.
— T'inquiète, je n'ai pas oublié que j'ai une raclée à te foutre ! charge Marie.

Ma… fiancée – merde, c'est vraiment bizarre d'utiliser ce mot – semble maintenant déborder d'énergie. Des coups sont portés avec une toute nouvelle confiance. Je lui rappelle de rester prudente : Inanna n'a pas encore utilisé toutes ses cartes.

— Attends ! s'arrête soudain Marie. Je pense à un truc. Tu as manipulé les rebelles du Sanctuaire en te faisant passer pour Athéna, et ton Heartbreaker est capable de provoquer une crise cardiaque. Aurais-tu quelque chose à voir avec la mort de l'ancien chevalier d'or du Bélier ?
— Ha-ha… réagit Inanna. Tu ne sembles pas si débile que ça, après tout. En effet, l'idiot n'a pas résisté longtemps à mon attaque.
— Quoi ? suis-je surpris. Mais quel était le but d'Aphrodite dans cette manœuvre ?
— Aucun, sourit Inanna. C'était une initiative personnelle. Je savais que si une place au Sanctuaire se libérait, tu te précipiterais là-bas. C'était un moyen de me débarrasser de toi. Et puis cela me fournirait une occasion de te buter dès que la guerre commencerait.
— Quoi ? Mais, putain, qu'est-ce que je t'ai fait, à la fin ?
— Rien ! Ta gueule ne me revient pas, c'est tout. On a encore le droit de ne pas aimer les gens, non ? T'es qu'un bourrin sans aucune poésie, ni aucune subtilité ; tu n'avais rien à foutre au Jardin d'Aphrodite.
— MALLEUS MALEFICARUM !

Aussi violent que tout à l'heure, mais la rage en plus, l'attaque défonce tout sur son passage, y compris les quelques « mignons » qui tentent de faire barrage. Inanna se la mange en pleine face, moins sur ses gardes que précédemment. Malgré tout, son cosmos important l'a protégée de dégâts trop décisifs.

C'est donc Inanna qui s'est arrangée pour se débarrasser de moi ? Et après la saleté ose me qualifier de traître ? Putain, j'ai la rage ! Moi qui l'avais toujours prise pour une amie, découvrir qu'elle m'a toujours détesté me dégoûte.

Inanna se rapproche et se tapote les bras pour se dépoussiérer.

— Bon, va falloir que je te calme un peu avec ton Malleus Maleficarum. Je crois que ce combat a assez duré. Puisque mon Heartbreaker n'a pas fonctionné, on va jouer plus gros. Stairway to Heaven !

Le moment tant redouté : l'attaque qui a emporté Hypolita du Sagittaire ! Marie avait un plan pour contrer la technique ; on va voir si son pari va se révéler payant. Le cosmos d'Inanna s'enroule autour de Marie qui fait tout pour le repousser avec le sien, mais c'est insuffisant. Marie finit par être soulevée dans les airs, à se convulser avant de s'écraser, corps sans vie.

Pas de panique, tout n'est pas encore fini. C'est à moi de jouer maintenant, et j'ai intérêt à assurer sinon cela aura été les plus courtes fiançailles dont j'aie entendu parler. Je me concentre, essaye de ne faire qu'un avec l'univers et tout le reste. À l'autre bout du Jardin, mon corps physique s'est lui aussi concentré pour concentrer toute mon énergie sur le même objectif. Je pousse mon cosmos à son paroxysme pour l'envoyer à travers les dimensions, à la recherche de l'âme de ma belle.

Marie a juré que l'attaque d'Inanna fonctionnait d'une façon similaire à celle de Muhammad – c'est à dire arracher l'âme du corps et l'envoyer dans une autre dimension plutôt que de tuer directement – et donc elle pensait que je serais capable de la ramener dans notre monde si Inanna l'utilisait. Je n'étais pas très chaud pour ce plan. Je l'avais fait une première fois sans trop savoir comment, et donc je ne savais pas si j'en allais en être capable. Marie était persuadée que oui, grâce notamment à l'ouverture de mon troisième œil. Tout repose donc sur mes épaules.

Je crois que ça marche. Je ressens les pulsations du cosmos de Marie quelque part dans un espace indéterminé à l'aspect kaléidoscope. Le cosmos réagit à ma présence et semble se diriger vers moi. Une aura dorée se dessine, et bientôt une silhouette apparaît. Marie est là, toute souriante.

— Coucou, toi ! me fait-elle, joyeuse. Tu vois, j'avais raison.
— Et je suis content que ce soit le cas. Alors, qu'est-ce que ça fait d'être morte ?
— Oh, tu sais, on s'habitue à force.
— Prête à y retourner ?
— Bien sûr. Je vais lui botter le cul à cette décadente.
— Alors suis-moi.
— Attends, juste une chose avant…

Elle s'approche de mon corps astral et pose ses lèvres fantomatiques sur les miennes. J'apprécie le geste même si elle passe à travers, étant aussi intangibles l'un que l'autre. Dommage que cela ne fonctionne pas ; j'aurais tant aimé découvrir la saveur de ses lèvres…

Bon, je me concentre pour retrouver le chemin du Jardin d'Aphrodite. Je suis le premier à réapparaître près d'une Inanna qui était déjà en train de boire un coup à sa victoire. Là voilà surprise de me voir réapparaître, d'autant plus que mon corps astral a le sourire aux lèvres. Et puis c'est au tour du cosmos de Marie de réintégrer son corps. Ses doigts retrouvent vie, puis ses bras, et très vite tout son être se relève, bien décidé à en finir une fois pour toutes.

— Co… comment ?
— Tu t'la pétais avec tes décadents prêts à se sacrifier pour tes charmes, mais mon homme, lui, est capable de me ramener du royaume des morts. Tu vois bien que j'ai quelqu'un sur qui je peux compter.
— C'est impossible ! Cet abruti n'a pas…
— Cet abruti, la coupé-je, déjà il t'emmerde. Et après il a ce pouvoir. Il n'est pas qu'un bourrin sans cervelle comme tu te l'imagines !

Marie fait exploser son cosmos, prête à en finir. En un éclair, la voilà sur Inanna. Ses poings s'écrasent avec une violence inouïe sur le Dauphin Astral qui s'en mange plein la gueule. C'est jouissif ! L'armure mauve d'Inanna commence à se briser sous la violence des coups de la Vierge. Les derniers mignons debout tentent de venir en aide à leur princesse, mais Marie les repousse rien qu'avec son cosmos.

— BLACK DOG !

Inanna a lancé son attaque plus pour repousser Marie que pour réellement la blesser.

— Je ne peux, peut-être, plus te tuer. Mais ne crois pas que ce combat est terminé. INDÉCENCE !

Le cosmos du Dauphin Astral se manifeste par un flash lumineux. Marie reste perplexe, elle qui s'attendait à une attaque frontale, mais ce n'est pas le cas. Merde, j'avais complètement oublié qu'Inanna possédait aussi cette technique !

— Francis, dis-moi, c'est censé faire quoi son truc ?
— L'attaque indécence t'enlève un des sens. Le nom de l'attaque n'est qu'un jeu de mots nul.
— Non : c'est poétique, crétin ! se vexe Inanna.

Reste plus qu'à savoir quel sens Marie a perdu.

— Quoi ? Qu'est-ce que tu dis, Francis ? Je n'ai rien entendu…
— Je disais que… ah non, elle a dû t'enlever l'ouïe.
— Parle plus fort, je n'entends rien ! Hé, mais moi aussi je ne m'entends plus de tout… c'est quoi ce délire ?

Le Dauphin Astral charge Marie et la frappe à plusieurs reprises avant de lancer une nouvelle fois son « Indécence ».

— Putain, c'est quoi ce délire encore ? Je ne vois plus rien maintenant ! Oh, je crois que j'ai compris : elle doit m'enlever mes sens. C'est bien ça ?

Oui, Marie, c'est tout à fait ça. Je voudrais bien te le confirmer, mais aveugle et sourde, je n'ai plus aucun moyen de communiquer avec toi. Désolé, ma belle, tu vas devoir te débrouiller toute seule sur ce coup.

— Dis donc, Francis, se moque Inanna, tu vas être heureux avec madame zombie incapable de ressentir la moindre sensation. INDÉCENCE !

Nouveau flash ; Marie est maintenant chancelante. Elle a du perdre le sens du toucher. Plus que deux sens. Va-t-elle trouver un moyen de vaincre son adversaire avec si peu ? La solution m'inquiète de plus en plus, bien que le visage de Marie reste serein. En peu de temps, Inanna lui retire ses deux derniers sens. Malgré tout, Marie reste debout.

— Si tu crois que j'ai besoin de mes sens pour te tuer, c'est que tu sous-estimes encore la femme la plus proche de Dieu. Je suis Marie de la Vierge ! Je tire ma force de ma foi en Dieu et en mon homme. Petite indécente, l'heure est venue de te faire connaître ton châtiment. ARMAGEDDON !

Son bras et son cosmos s'élèvent. Le sol tremble, le ciel s'obscurcit, et une pluie de météorites embrase le ciel et s'écrase en détruisant tout. Ça explose de partout ! Inanna et l'Olivier Sacré ne résistent pas à la violence phénoménale de l'attaque.

— Tu vois, la poésie, c'est bien : mais tout péter autour de soi comme un gros bourrin, c'est mieux… Euh, Inanna, du coup, t'es morte ou pas ?

Non, pas tout à fait, mais pas loin. Je m'approche d'elle pour lui dire adieu. Malgré tout, elle reste une ancienne collègue pour qui j'avais beaucoup d'estime. Sa seule réponse est d'envoyer un crachat dans ma direction, peu avant son dernier souffle. Ainsi disparaît Inanna du Dauphin Astral, gardienne éternelle de l'Olivier.

— Ah, je revois ! réagit soudain Marie.
— Bravo, Marie : tu l'as vaincue.
— Et je t'entends aussi. Hâte de pouvoir te toucher !
— Bientôt, ma belle… La bataille n'est pas encore finie, et nous devons nous séparer pour le moment. Mario est bientôt arrivé à destination. Quant à toi, dirige-toi maintenant vers le Rosier Sacré. C'est Judith qui devait s'en occuper, mais j'ai peur qu'elle ne soit pas en état.
— Pourquoi ? Elle a été blessée ?
— Elle a lancé une attaque interdite qui lui a peut-être ôté la vie.

Elle me lance un dernier signe avant que je transporte mon corps astral ailleurs, c'est-à-dire au palais d'Aphrodite. Cette dernière, toujours assise sur son trône, est d'une humeur sombre.

— Bon, on en est à combien d'arbres rasés ? J'ai perdu le compte… La régénération de ton chéri s'éloigne de plus en plus. Bientôt, il sera trop tard pour lui.

Aphrodite me grogne dessus.

— Et puis ce n'est pas Inanna qui était censée tuer la Vierge dans d'atroces souffrances ? On dirait qu'elle a lamentablement échoué.
— Ta gueule, bon sang, Francis ! Je te maudis !
— Oh tu sais, Aphro chérie, les malédictions, moi, je gère… Non, plus sérieusement, je sais que tu n'as pas ce pouvoir. Et puis, cette situation, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même : tu as choisi de trahir ton camp pour les beaux yeux d'Arès.
— Je n'ai rien choisi ! Quand on aime, on ne choisit pas.
— C'est faux, et tu le sais ! Rien ne t'obligeait à le suivre dans sa folie.
— Facile à dire pour toi ! Toi et ta belle, vous êtes dans le même camp. Que ferais-tu si elle passait chez l'ennemi ?
— Je… jamais je ne rejoindrais une cause que je juge maléfique.
— Ah oui ? Eh bien je demande à voir !