Le maître des métaux

Non, pas de doute : c'est bien de cette zone que Mario s'approche. Ce n'est pas ce qui était prévu. Je l'attends à quelques mètres de son futur champ de bataille. Le voilà qui apparaît. Il court vers moi avec un air déterminé.

— Putain, Mario, qu'est-ce que tu fous là ? m'énervé-je. Ce n'est pas ici que je t'avais envoyé !
— Tu m'as pourtant dit « au prochain carrefour, tu prends à droite. » C'est ce que j'ai fait.
— Attends, c'est quoi la droite pour toi ?

Il lève sa main gauche.

— Ben, tu devais aller sur l'autre droite.
— Bon, ce n'est pas grave, je vais m'occuper de lui alors. Ça devrait le faire ! T'en penses quoi ?
— Honnêtement, je n'en sais rien. Mais de toute façon, nous n'avons pas trop le temps d'envoyer quelqu'un d'autre. Bien qu'on ralentisse de plus en plus le retour d'Arès, son heure approche.
— Bon, alors j'y vais.

Je téléporte mon corps astral en plein futur champ de bataille. C'est la zone la plus urbanisée du Jardin : petits murets en pierre, fontaines, arbustes fleuris. Au milieu d'une petite colline au gazon impeccable s'élève le Myrte, l'arbre sacré d'Aphrodite, ou plutôt arbuste puisque sa taille fait pâle figure à côté d'autres arbres sacrés bien plus imposants. Disposées un peu partout à la gloire des victoires de Pat, des statues de plomb à l'effigie de ses anciens ennemis.

En attendant son tour de se battre, Pat le Vilain est en train de feuilleter un catalogue de lingerie ouvert, bien entendu, à la page des porte-jarretelles. Il a bien remarqué ma présence mais il semble trop plongé dans sa lecture pour me porter attention, à moins qu'il me boude, me considérant toujours comme un traître.

Mario, la moustache au vent, pointe à son tour le bout de son nez, une résolution ferme brillant dans son regard. À contrecœur, Pat range son catalogue et se lève.

— Je suis Pat de la Coquille Saint-Jacques, se présente-t-il, gardien éternel du Myrte, co-gestionnaire du Jardin d'Aphrodite.
— Et je suis Mario, chevalier d'or du Scorpion, et je suis venu détruire le Myrte. Écarte-toi de mon chemin si tu tiens à la vie !
— Tu comprendras que je ne peux te laisser faire et que je vais défendre chèrement mon jardin d'Eden. Si tu veux détruire l'arbre, tu devras d'abord me tuer.

Il n'en faut pas plus pour que le combat commence. Les premiers coups sont échangés. Pour le moment, ils se contentent tous deux de tester les réflexes de l'autre et sa façon de se battre ; autrement dit, de faire connaissance. Honnêtement, je ne suis pas convaincu que Mario soit capable de vaincre l'homme pas sage. Ce dernier n'est pas le plus puissant mais il se débrouille très bien. Mario, bien qu'il se défende pas mal au corps-à-corps, manque cruellement de puissance brute dans ses attaques.

— AIGUILLE ÉCARLATE !

Bon, c'est parti pour une technique qui va prendre quinze coups à battre l'adversaire. Purée, je sens que ça va être long. Si seulement il pouvait vaincre son adversaire plus rapidement… L'ongle de son index droit s'allonge pour prendre une forme de dard rouge. Mario lance un faisceau lumineux rouge qui vient s'écraser contre l'armure de la Coquille Saint-Jacques sans causer le moindre dommage. Et merde, c'est bien ce que je craignais !

— Ha-ha, tu crois pouvoir traverser mon armure avec une si faible attaque ? Sache, chevalier d'or, que mon armure est la plus résistante de toutes les armures des gardiens éternels. Il te faudra bien plus de puissance si tu veux m'avoir !
— Ah ? C'est étonnant… Jusqu'alors, mon Aiguille Écarlate n'avait jamais été arrêté par une armure. Du coup, c'est dommage. Francis, un conseil ?
— Ben, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? C'est pour cela que je t'avais envoyé combattre quelqu'un d'autre : c'était la seule personne que je te pensais incapable de battre… Ah si, il y a Doc contre qui tu aurais perdu… et puis sûrement Inanna aussi… Et peut-être aussi….
— C'est bon, j'ai compris. J'ai l'impression que tu me sous-estimes. Dis-moi juste ce que je dois faire pour le vaincre.
— Attends, gagne du temps, je reviens !

Je me téléporte près d'Amalia. Je la découvre aux prises avec une bande de chevaliers noirs de niveau argent et bronze. Plusieurs morceaux d'entre eux sont déjà éparpillés dans tous les coins. Visiblement, elle s'en sort bien.

— Dis, Amalia, Mario est en difficulté contre sa cible. Tu es la plus proche de lui ; tu ne pourrais pas venir en renfort ?
— Ouais, attends ; je suis tombée sur un nid de ces crétins. Je finis de les massacrer et j'arrive.
— OK, mais fais vite ! À plus tard.

Hop, retour sur le champ de bataille où les deux hommes continuent d'échanger des coups. Bon, Mario est toujours vivant : je ne devrais pas, mais j'en suis surpris. C'est vrai qu'il ne m'a pas semblé particulièrement puissant lors de son combat contre Judith, bien que son « Aiguille Écarlate » semblait assez vicieuse.

— Alors ? me questionne Mario tout en évitant un poing chargé de cosmos de Pat.
— Je t'amène du renfort. Il faut que tu tiennes jusque là.
— Pas la peine : j'ai un plan, en fait. Il faut juste que j'arrive à me concentrer.
— Ne te donne pas autant de mal, sourit Pat en canalisant son cosmos. Tu n'auras pas le temps de faire quoi que ce soit : je ne te laisserai pas abîmer notre beau Jardin.
— Oh toi, je sens que tu me prépares un sale coup… s'inquiète Mario. Je suis prêt. Tu verras que les armures d'or sont aussi très résistantes et peuvent encaisser.

Bien entendu, cela fait rire Pat.

— Mario, j'ai oublié de te le dire, mais ses attaques se contrefichent de l'armure que tu portes. À vrai dire, la plupart de ses attaques, c'est l'armure qu'elles visent.
— Je dirais même plus : plus l'armure ennemie est puissante, meilleure mon attaque sera. CERCUEIL D'OR !

Et, bien évidemment, Mario n'a pas le temps de réagir. Le cosmos de Pat manipule les métaux – c'est d'ailleurs pour cela que c'est lui qui, généralement, s'occupe de la réparation des armures ici – ainsi il se sert de la propre armure du Scorpion pour écraser peu à peu Mario. Ce dernier tente de résister avec son propre cosmos, mais cela devient de plus en plus compliqué. Il hurle de douleur et finit par expulser son armure.

Oui, il n'avait pas d'autre choix que de la retirer. J'en ai vu beaucoup subir l'attaque de Pat, et la plupart font l'erreur de s'accrocher coûte que coûte à leur armure. C'était la seule solution, mais ça n'empêche pas que Pat est toujours avantagé, d'autant plus qu'il est le seul à avoir une protection maintenant. Voilà pourquoi j'avais prévu que ce soit Amalia qui le combatte ; elle aurait pu facilement compenser la perte de son armure en se protégeant grâce à l'énergie de la terre. Le Scorpion n'est pas serein.

— Mario, tu n'avais pas d'autre choix. Maintenant, c'est sûr que tu es en danger sans l'armure du Scorpion, mais Pat n'a pas d'attaques extrêmement puissantes. Tu devras tout de même les éviter. Un chevalier d'or comme toi devrait être assez rapide.
— PESTE OXYDANTE ! lance Pat.

Mario se prépare à éviter l'attaque mais rien ne se passe, ou plutôt il ne se rend pas compte que l'attaque vise cette fois encore les pièces de l'armure disposées tout autour de lui.

— Mario, expliqué-je, il vient juste d'affaiblir ton armure d'or au cas où il perdrait le combat. Cela la rendra moins résistante pour tes futurs duels.
— Tu me déçois vraiment, Francis. Après tout le temps que tu as passé parmi nous, comment peux-tu balayer d'un geste l'amour que tu portais au Jardin et à Aphrodite, et vendre tous nos secrets ?
— Allez, c'est reparti ! me plaigné-je, agacé qu'on me reproche encore ma prétendue trahison.
— Franchement, n'as-tu pas honte de participer à la destruction d'un havre de paix, de notre paradis vert ? Une guerre dans notre Jardin, ce n'est pas cool. Après tout le temps que tu as passé ici, comment peux-tu vouloir annihiler ce que tu as jadis tant chéri ?

Une larme coule de son œil, signe qu'il est vraiment peiné par ce que arrive. Oui, je sais, déjà la moitié des arbres ont été détruits. C'est triste, surtout pour lui qui est un de ceux qui aiment le plus notre Jardin ; ce n'est pas pour rien qu'il a été choisi comme co-gérant.

— Un paradis vert ? se moque Mario. Avec toutes les statues de plomb qui jonchent ton sol, ton paradis vert, il doit être bien pollué…
— Crois-tu que cela me fait plaisir ? me défends-je. Je n'ai pas eu le choix. C'est Aphrodite qui a scellé le destin de son Jardin en s'attaquant au Sanctuaire. Et toi, cela ne te gêne pas qu'elle ait trahi son amie et alliée et qu'elle cherche à anéantir une force qui a toujours défendu la Terre contre les puissances du mal ?
— Vous vous racontez de jolies histoires afin de vous donner le beau rôle, mais au fond vous savez bien que le Sanctuaire n'est qu'un ramassis de chevaliers corrompus qui préfèrent de loin leur gloire personnelle à la paix. Entre le chevalier des Poissons qui vendrait père et mère juste pour un peu plus de pouvoir ou ton intolérante Vierge, vous êtes bien servis !
— Et donc tu trouves logique de remplacer les chevaliers d'or par les chevaliers noirs d'Arès ? C'est vrai que la Vierge Noire était beaucoup moins intolérante que Marie ; et que dire de cette fêlée de Bélier Noir prête à imposer sa censure sur des milliers d'œuvres ? Et puis Arès n'a certainement rien du politicien corrompu qui cherche le pouvoir pour le pouvoir… Te fous pas de ma gueule, Pat : votre camp ne cherche pas le bien de la Terre et de son peuple. Quant aux chevaliers d'or, ils sont plus nobles qu'ils n'en ont l'air. Marie est une femme courageuse et dévouée à notre cause ; Judith est une experte dans beaucoup de domaines, qui œuvre chaque jour à combattre les fake news. Amalia n'hésite pas à partager sa sagesse et son expérience avec les jeunes générations, et Sanka met toute son énergie à défendre la cause animale !

Bon, j'avoue j'enjolive un peu pour servir mon propos. Marie est dévouée à Athéna uniquement parce qu'elle pense que c'est Dieu qui l'a envoyée là. Judith combat les fake news quand elle ne les fabrique pas elle-même sur ordre du Grand Pope. Amalia, c'est surtout son expérience sexuelle qu'elle partage, et Sanka défend la cause animale quand il se sent motivé et qu'il n'est pas défoncé, c'est-à-dire pas souvent.

— Et moi ? intervient Mario.
— Quoi, toi ?
— Ben, tu as dit un mot cool sur nos autres compagnons d'armes, mais tu m'as oublié.
— Mais si souviens-toi, je l'ai dit : toi, c'était… euh… euh… Ah oui : t'es un bon ami !
— Quoi, c'est tout ce que tu trouves à dire ? Tu aurais au moins pu rappeler que j'étais prêt à mourir par respect pour ma mission lors de votre rébellion !
— Oui, mais ça, ce n'est pas grand-chose… J'veux dire, même Gomez s'est sacrifié pour la mission.
— Sérieux, Francis, j'vais commencer à croire que t'es pas vraiment un ami : me mettre au même niveau que Gomez, là, tu me fais mal. Je suis bien plus noble et dévoué qu'il ne l'était. Tu ne me prends pas au sérieux. Je vais te faire changer d'avis.

Mario atteint le septième sens d'un bond. Son cosmos brûle d'une énergie tourbillonnante. Il passe aux choses sérieuses. Hâte de voir ce qu'il préparait !

— Crois-tu avoir été le seul à t'entraîner durant ces deux derniers jours ? Je ne suis pas resté à me tourner les pouces. Depuis mon combat contre Judith, j'ai compris que c'était une erreur de se reposer sur une attaque lente comme l'Aiguille Écarlate et qu'il m'en fallait une qui puisse tuer un adversaire d'un coup. C'est pourquoi j'ai mis au point une technique capable de lancer mes quinze piqûres en une fois avec une puissance renouvelée. PAR LA CONSTELLATION ÉCARLATE !

L'ongle-dard pointé vers Pat, c'est, ce coup-ci, quinze filets rouges qui filent à la vitesse de la lumière vers l'homme pas sage. La Coquille Saint-Jacques hurle de douleur après avoir été transpercée mais ne tombe pas à terre. Non, seuls deux impacts ont touché la victime.

— Mamma mia… on dirait que ma technique n'est pas tout à fait au point.
— Ouais, ben ça fait mal quand même. Il y a longtemps qu'une attaque ne m'avait pas atteint.
— Ouah, je suis profondément étonné par tant de puissance, me moqué-je. Tu comptes faire quoi, maintenant ? Le mieux, c'est que tu résistes le temps que les renforts arrivent.
— Non, bon sang, je tiens à occire moi-même mon adversaire. Et de toute façon, j'avais prévu l'éventualité que ma technique ne soit pas assez puissante. Je n'ai pas encore dit mon dernier mot.
— Je ne vais donc pas attendre que tu le prononces, reprend la Coquille Saint-Jacques. LAMES D'OR !

D'un geste de bras, Pat remplit l'air de traits d'or fondu qui filent à toute vitesse vers Mario. Voilà une des attaques auxquelles je faisais référence plus tôt. Cela peut être dommageable, mais Mario peut éviter les coups assez aisément, ce qu'il tente bien entendu de faire, mais quelque chose le retient, comme si on le tirait par le poignet. Mario se débat, mais trop tard : une des lames d'or lui tranche la main droite.

— Argh ! hurle-t-il.

Que s'est-il passé ? Comment l'homme pas sage a-t-il fait pour le retenir ? Il ne peut manipuler que les métaux, pas les chairs…

— Ma… ma gourmette ! crache Mario. Tu t'es servi de ma gourmette… Enculé, c'était un cadeau de ma maman !
— Au moins, je ne crains plus aucune de tes piqûres… à moins que tu sois capable d'utiliser aussi tes techniques écarlates de la main gauche.

L'ongle de l'index gauche de Mario s'allonge en pointe et se colore en rouge, exactement comme le droit auparavant.

— Et merde ! Tu es capable d'utiliser tes techniques écarlates de la main gauche ?
— Eh oui… C'est le moment de sortir ma botte secrète ; au moins, avec ça, je suis sûr que ma Constellation Écarlate atteindra son but !

Sa botte secrète ? Qu'est-ce qu'il réserve encore ? Va-t-il encore faire un flop ? Le voilà qui sort de sa poche un petit champignon qu'il gobe d'une bouchée. Non, il est sérieux, là ?

— Je savais que mon cosmos ferait peut-être défaut, m'explique-t-il. C'est pourquoi j'ai cherché un petit boost au cas où. Sanka m'a proposé un de ses joints spéciaux, mais ça m'a plus rendu malade qu'autre chose. Ce champignon est une idée du docteur Lieberman : il devrait avoir un effet similaire, ou tout du moins réveiller mon potentiel caché.
— « Devrait » ? m'inquiété-je.
— Oui, c'est ce qu'il m'a dit, mais je n'ai pas pu encore tester.

Ouais, sachant que le docteur Lieberman doit se défoncer au moins autant que Sanka et connaissant sa grande incompétence, personnellement, je ne ferais pas confiance à un de ses champignons. J'imagine plutôt un genre de champignon hallucinogène.

— Ouah, s'écrie Mario, je commence à ressentir les effets ! C'est dingue, je crois que je n'ai jamais autant plané…

Qu'est-ce que je disais ! Il aurait mieux fait d'attendre les renforts. Maintenant, il va se faire dégommer parce qu'il est trop défoncé.

À ma grande surprise, son cosmos semble éclater. Il atteint un niveau démesuré, une puissance que je n'avais jamais ressentie chez lui. Il semblerait bien que Lieberman ne se soit pas trompé, finalement.

— TRANSMUTATION EN PLOMB ! hurle Pat.

L'homme pas sage semble être arrivé à la même conclusion que moi et tente d'intervenir avant que ce ne soit trop tard pour lui. « Transmutation en plomb » ? J'ignorais tout de cette attaque.

— Ah, c'est bizarre… mes pieds deviennent lourds, s'étonne Mario.

En effet, ses bottes ont pris une couleur de plomb. C'est là que je réalise ; toutes ces statues de plomb qui décorent la zone, ce ne sont pas des sculptures de ses anciens ennemis vaincus : ce sont ses ennemis transmutés en plomb. Mario vient de comprendre lui aussi alors que l'infection grandit et vient d'atteindre ses genoux. S'il veut vaincre, il doit le faire maintenant ou jamais.

— CONSTELLATION ÉCARLATE !

Les quinze coups frappent Pat et le mettent à terre. Il ne s'en relève pas ; son sort se dissipe, signe que la mort l'a emporté. Ouf ! Finalement, Mario a réussi à vaincre son adversaire. Le voilà qui se dirige maintenant vers le Myrte Sacré et envoie une puissante salve d'énergie qui déracine l'arbuste. Mission accomplie.

Je m'approche pour le féliciter.

— Bien joué, mec. Je savais que je pouvais compter sur toi.
— Ouais, c'est ça… ne se laisse-t-il pas avoir.
— Et ta main ? Ça va aller ?
— Oui, je m'y ferai. Je vais avoir un peu plus de difficulté pour me masturber, c'est tout.
— T'es grave, là ! Bah, en cas de problème, tu prends quelqu'un pour te donner un coup de main.
— T'es volontaire ?
— Non ! Bon, il faut que je te laisse. Ça va être à mon tour de jouer. À plus tard, et bonne chance pour la suite.

C'est, en effet, le moment de retourner dans mon corps physique ; celui-ci vient d'arriver à destination. Il est l'heure de rencontrer mon ancien maître : Pierheim. J'espère pouvoir le convaincre de me laisser détruire l'Arbre Sacré qu'il est censé protéger : l'Aulne. S'il y a bien une personne qui pourrait le convaincre, c'est moi.

— Bonjour, Francis. Je suis heureux de t'accueillir ici en forme, mais je me désole que ce soit dans de telles conditions.

Malgré tout, il a un grand sourire, comme toujours avec lui. J'ai toujours été émerveillé par sa capacité à rester de bonne humeur dans le moindre contexte.

— Moi aussi, Maître. Tu as l'air en forme ; heureux de le voir. Afin d'empêcher le retour du maléfique Arès, nous sommes obligés d'abattre les arbres sacrés d'Aphrodite. Cela serait-il possible de s'arranger ?
— Tu sais que je t'ai affirmé vouloir rester fidèle à notre déesse, et j'ai pour mission de protéger l'Aulne Sacré. Je suis donc obligé de refuser ta requête.
— Maître, je ne ferai pas demi-tour. Je t'en prie, ne t'oppose pas ; je n'ai aucune envie de t'affronter. Aphrodite n'a plus les idées claires à cause de sa liaison avec l'ennemi. Nous ne pouvons pas laisser une telle menace planer sur le monde.
— Je sais, mais je ne trahirai pas mes vœux. Francis, je crois bien que tu vas être obligé de me tuer si tu veux détruire cet arbre.
— Sérieusement ? Parce que ma collègue Judith vient déjà de devoir affronter son maître, là. Ça fait redite, tu ne trouves pas ?
— C'était un autre combat et des conditions différentes.

Bon, il a l'air bien décidé. Je le connais : il ne changera pas d'avis aussi facilement. C'est bien ce que je redoutais. Bien que ça me peine, je vais devoir l'affronter. Peut-être arriverai-je à le mettre hors-jeu sans le blesser mortellement, le temps de détruire l'arbre.

J'avais prévu la possibilité qu'il refuse de rester neutre et qu'il préfère combattre. C'est pour ça que c'est moi qui devais y aller. Avec quelqu'un d'autre, il n'hésiterait pas à utiliser sa « Charrette de l'Ankou », l'attaque qui tue à coup sûr la personne contre qui elle est destinée et que j'ignore totalement comment déjouer. Mais contre moi, il n'ira pas jusqu'à une telle extrémité.

Pierheim me charge ; le combat est lancé. Il est rapide, mais je connais par cœur sa façon de se battre ; je sais donc comment éviter ses coups. Comme lors de nos entraînements, il ne fait pas semblant, voulant me pousser dans mes limites afin que je puisse les dépasser. Est-ce de ça qu'il s'agit pour lui ? Un entraînement, ou est-il vraiment sérieux ?

Si j'ai beau le connaître par cœur, lui aussi me connaît. Ainsi, il est très difficile de le surprendre. Je tente une déflagration atomique mais il la voit venir et bat en retraite avant l'onde de choc. Mais l'attaque était plus destinée à lui faire prendre du recul, histoire de relancer les négociations.

— Tu ne te bats pas sérieusement. C'est ainsi que tu prends ta mission de chevalier d'or ?
— Je n'ai pas spécialement envie de te tuer, Pierheim.
— Il le faudra pourtant, c'est ainsi. Tu dois être prêt à accomplir ce qu'il faut pour protéger le monde et ta nouvelle déesse.

Merde, on dirait presque qu'il voudrait mourir. Je n'aime vraiment pas la tournure que prend ce combat. Il faut que je trouve un moyen de le mettre hors-jeu sans le tuer. C'est dans ces moments que je regrette de n'avoir que des attaques de bourrin.

Pierheim relance un assaut, ne me laissant pas le temps d'élaborer une stratégie. Ce coup-ci, je me bats un peu plus sérieusement, ne me contentant pas d'éviter ses frappes, mais je suis loin d'être encore à fond. Certains de mes coups l'atteignent sans lui causer de réels dommages. Le cœur n'y est pas. Et puis, soudain, paf, crac ! Une fulgurante douleur me brûle le pif : son poing vient de s'écraser sur ma face. Sans que je n'aie eu le temps de réagir, je me prends une rapide série de coups de poings dans la poitrine. Je hurle de douleur et suis projeté sur un énorme rocher qui explose à mon impact.

— Je t'ai dit de te battre sérieusement ! rouspète Pierheim, mais toujours avec le sourire. Tu dois être prêt à tout pour ta mission. Comment veux-tu emporter la victoire si tu as la moindre hésitation ?
— Mais je n'ai aucune hésitation sur le fait que je ne veux pas te tuer, Maître.
— Que dois-je faire pour que tu comprennes ? Non, tu ne me laisses pas le choix : je vais devoir utiliser les grands moyens. PAR LA CHARRETTE DE L'ANKOU !
— Gloups…