Épilogue (1/2) : Union

Je ne sais pas, j'ai chaud. Je repousse les draps d'un geste brusque. Voilà. Le corps nu, offert à la petite brise matinale me va beaucoup mieux. Je m'étends de tout mon long, profitant de la totalité de l'espace du lit. Mon esprit erre entre une multitude d'images érotiques, et je sens mon membre se tendre à son aise. Ma main descend sur mon entrejambe pour le flatter. Je me sens bien.

Je perçois une présence qui m'observe ; quelqu'un est là ! J'ouvre les yeux et me redresse dans mon lit. C'est Hypolita du Sagittaire. Hein ?

— Putain, qu'est-ce que tu fous là, bon sang ? Je te pensais canée !
— Ben, c'est le cas. Mais là, t'es juste en train de rêver.
— Quoi ? Tu es sûre ? Attends voir…

Je me concentre, essayant d'agir sur le rêve. D'un coup, les vêtements d'Hypolita disparaissent et la voilà à poil. Elle sursaute, rougit et se couvre le sexe et la poitrine à l'aide de ses mains. Cette vision m'enchante. Je me sens durcir encore plus.

— Il semble que tu aies raison ; je dois être en train de rêver.
— Dis donc, remarque-t-elle, ta bite a l'air bien plus grosse que la dernière fois…
— Ce qui confirme la théorie du rêve. Que viens-tu faire dans mon crâne ?

Ses lèvres se mettent à dessiner un petit rictus sadique. Hypolita lève son bras. L'arc d'or du Sagittaire apparaît dans sa main. Elle encoche une flèche d'or et me vise. Paniqué, je tente de fuir mais mon corps refuse de m'obéir. Merde alors, je n'aime pas la tournure que prend ce foutu rêve !

— Je suis venue t'apporter mes vœux pour ton mariage. Je te souhaite d'aimer, toi aussi, la mauvaise personne. FLÈCHE MAUDITE !

La flèche d'or part en un éclair et vient se planter en plein dans ma poitrine. Je hurle et me lève d'un bond, cette fois bel et bien réveillé.

Merde ! Putain de cauchemar… Pourquoi maintenant ? C'est aujourd'hui que je suis censé me marier avec Marie. Cette malédiction, c'est de l'histoire ancienne. La tournure des évènements m'a prouvé que j'ai eu tort de m'inquiéter. J'ai gagné le cœur de ma belle, et ce soir je gagnerai sa couche. Alors pourquoi faire ce cauchemar maintenant ? Bon, je suppose que ça signifie que je stresse.

Cela fait trois mois que la guerre contre Arès est terminée, et depuis ça a été la course pour organiser ce foutu mariage. Merde, j'imaginais pas qu'il fallait autant de préparatifs pour s'envoyer en l'air dans les règles de l'art. Bon, au moins, ça c'est prêt ; il n'y a plus qu'à épouser ma belle tout à l'heure, et après c'est parti pour une nuit de noces de folie ! J'ai hâte.

Bon, sortons-nous ce rêve de la tête et préparons-nous. C'est le grand jour, il ne faut pas traîner : ce serait con d'être en retard à son propre mariage. Et puis Marie me le ferait payer cher !

Hier soir, c'était mon enterrement de vie de garçon. Au début, j'avais prévu avec Sanka – mon premier témoin – de faire ça entre mecs, mais à y réfléchir nous n'aurions pas été nombreux : Mario et Gomez sont morts, Harvey en fuite, et le Maquereau, que je n'aurais jamais invité. J'aurais donc été seul avec Sanka. Nous avons donc invité Judith et Amalia. Heureusement, puisque quand je suis allé retrouver le Cancer hier, il était tellement défoncé qu'il m'a pris pour un lapin à trois têtes ! J'espère qu'il sera frais pour la cérémonie car c'est lui qui est censé me remettre les alliances.

Du coup, pour la soirée, les filles ont improvisé un truc pour moi. Nous avons fait les cons dans un bar d'Athènes puis nous avons rejoint la chambre d'hôtel d'Amalia où elle et Judith m'ont offert un strip-tease puis ont commencé à se caresser et à jouer ensemble devant moi. En tant que futur marié, je n'ai eu le droit que de regarder, pas même de me toucher.

Deux heures plus tard, je suis quasiment prêt. Judith, mon second témoin, m'a rejoint à l'hôtel ainsi que quelques serviteurs chargés de s'occuper des derniers préparatifs. J'ai l'impression de courir partout, qu'il n'y a encore rien de prêt. Les fleurs n'ont pas été livrées, et le traiteur a du retard… J'ai une boule à l'estomac. Ce jour doit être parfait pour ma belle.

— Es-tu vraiment sûr de vouloir te marier ? me lance soudain Judith.
— Oui, évidemment. Sinon je ne me serais jamais emmerdé avec tout ça.
— Non, je voulais dire « l'épouser elle » ? Tu risques d'en baver, non ? Elle n'est pas du genre facile à vivre.

Je change de sujet en me plaignant de l'absence de Sanka. Il devrait déjà être arrivé, ce con ! Ah, justement, le voilà. Pour une fois, il n'a pas l'air trop défoncé ; juste un peu. Ouf, me voilà un peu rassuré sur ce point.

— Tu as bien les alliances avec toi ?
— Les alliances ? Oui, oui, bien sûr. Attends… quoi ? Tu veux dire quoi par alliances ?
— Les bagues pour la cérémonie. Tu sais, ce qu'on doit se passer au doigt, Marie et moi, pour valider le mariage.

Il blêmit.

— Euh… comment dire… Je reviens tout à l'heure. On se retrouve à la cathédrale.
— Putain, t'abuses ! Ne sois pas en retard !

Oui, la cérémonie doit se dérouler à la cathédrale d'Athènes. Il n'y avait pas d'église catholique au Sanctuaire, et Marie voulait à tout prix se marier à l'église.

Hop, c'est l'heure de se mettre en route. Il ne nous faut qu'un quart d'heure pour se rendre sur le parvis. Pas de Marie en vue – ça porte malheur de voir la future mariée avant la cérémonie – mais toute une foule venue assister à notre union. Il n'y a pas que des visages familiers ; beaucoup de curieux ont été attirés par l'évènement. Je reconnais quand même quelques têtes dans toute cette foule : le grand Pope, déjà, qui pour l'occasion aurait pu se séparer de son casque, son masque, de ses lourdes épaulettes et de sa cape dégueulasse ; mes apprentis Friedrich et Sacha ; des journalistes, dont la sublime Marina Solo, ainsi que… Emmanuello ? Qu'est-ce qu'il fait là, ce con ? De tout le Sanctuaire, s'il y a bien une personne que je n'ai pas invitée, c'est bien lui !

Ah, et puis il y a Athéna aussi, Athéna qui est censée me mener à l'autel, ma mère étant décédée. Je la rejoins. Elle me sourit et me serre chaleureusement dans ses bras. Comprimé contre sa grosse poitrine, j'oublie un instant mon stress.

— Je suis désolée, Francis, me souffle-t-elle à l'oreille, mais je n'ai jamais eu l'occasion de me rattraper pour la fellation que je te devais. C'est trop tard, maintenant…

Merde, pourquoi elle me parle de ça maintenant ? Elle va finir par me foutre une érection alors que je suis le centre de l'attention.

— Alors, es-tu sûr de vouloir épouser Marie ? Elle n'est pas vraiment du genre facile…

Non, mais c'est bon, arrêtez de me bassiner avec ça. J'ai déjà assez de doutes comme cela !

Bref, Amalia arrive et me signale que la mariée est prête. Nous invitons donc les gens à prendre place à l'intérieur. Sanka arrive en courant et en sueur. Il lève une main en signe de victoire. Ouf, juste à temps ! Je l'envoie illico presto prendre place à l'intérieur. Me voilà plus qu'en tête-à-tête avec Athéna et le grand Pope. C'est lui qui est censé amener Marie à l'autel.

Accroché au bras d'Athéna, j'entre à mon tour dans l'édifice. Tous les regards se tournent vers moi. Mon cœur bat à cent à l'heure. J'ai trop chaud. Je sue comme un porc. J'ai envie de prendre mes jambes à mon cou. Merde, et si je faisais une terrible erreur ? Je n'arrive pas à croire ce que je m'apprête à faire, moi qui ai toujours été allergique à m'engager. Il est peut-être encore temps de se tirer… Avec un peu de chance, Marie ne me retrouvera jamais pour me castrer par vengeance ! Non, je n'ai pas fait tout ça pour rien. Je continue d'avancer. Merde !

Me voilà devant l'évêque. Juste à côté, Sanka et Judith me lancent un sourire d'encouragement. L'homme d'église s'approche doucement de moi et commence à me murmurer :

— Êtes-vous bien sûr de vouloir épouser cette femme-là ? Elle est plutôt terrible, à ce qu'on dit.
— Quoi, même vous ? m'étonné-je. Je pensais qu'un homme d'église tel que vous n'aurait rien trouvé à y redire.
— Détrompez-vous ! Si les rumeurs qui sont parvenues à mes oreilles sont à moitié vraies, je la trouve déjà bien trop terrible et perchée.

La marche nuptiale retentit. Marie pénètre dans les lieux, escortée par le grand Pope. Mon Dieu, quelle vision de rêve ! Tous mes doutes s'envolent en un instant et je me retrouve hypnotisé par tant de beauté. Elle est magnifique dans sa longue robe immaculée. L'habit met ses courbes en valeur, et particulièrement sa poitrine. Son visage d'ange est couronné par une coiffure qui la sublime. Elle tient dans la main un magnifique bouquet de fleurs multicolores. Hum, j'ai hâte de passer aux choses sérieuses…

La voilà à mes côtés. Le grand Pope se range sur le côté avec Athéna, l'autre témoin de Marie. Ma belle m'envoie un sourire radieux. L'évêque commence son speech. Je ne l'écoute pas, trop occupé à me noyer dans les yeux bleus de ma belle Vierge. De toute façon, il fait son baratin sur Dieu, alors je n'en ai pas grand-chose à foutre.

D'un coup, une odeur de cannabis me ramène sur terre. Je me tourne vers Sanka et fronce les sourcils pour lui faire comprendre d'éteindre son pétard, mais il n'a pas l'air de s'en préoccuper. Prêt à m'énerver, je suis cependant stoppé par l'évêque qui me demande de faire mes vœux.

— Marie, mon ange, mon cœur, ma beauté, avant toi je n'imaginais pas connaître pareil amour. D'ailleurs l'idée de l'amour me dégoûtait plus qu'autre chose. Tu as changé ma vie. Tu as fait de moi un homme meilleur. Je veux consacrer le reste de ma vie à te chérir et à être à tes côtés.

J'enfile la bague de mariage à son annulaire gauche.

— Francis, enchaîne-t-elle, j'ai toujours eu rien à battre des autres, et aujourd'hui, grâce à toi, ce n'est plus tout à fait vrai. Tu es le premier à avoir trouvé le chemin de mon cœur, et tu t'y es accroché. J'ai toujours pensé que s'attacher à quelqu'un me détournerait de ma mission et me rendrait plus faible ; mais la vérité, c'est que te fréquenter m'a rendue bien plus forte. Comme je te l'ai dit par le passé, nous formons tous les deux une bonne équipe et je souhaite de tout cœur être ton équipière de tous les jours, jusqu'à ce que la mort nous sépare.

Oh, j'en ai les larmes aux yeux. C'est tellement fort… Je lutte pour les retenir mais les vannes cèdent au moment où elle me passe la bague au doigt. Je chiale comme une madeleine, et Marie se moque doucement de moi.

Viens le moment du baiser. Nos lèvres se soudent. C'est officiel : elle est ma femme ! Ma langue, prête à partir au contact de la sienne, se voit déçue quand notre contact se brise trop tôt à son goût. Marie se tourne vers nos convives qui nous applaudissent.

La cérémonie se termine. La cathédrale se vide. Nous sommes les derniers à sortir. On nous balance du riz à la gueule. Les flashs nous aveuglent. Les cris de joie et de félicitations nous cassent les oreilles. Je mettrais bien fin à tout ce bazar pour emmener directement ma femme dans notre chambre et lui prendre sa virginité, depuis le temps que j'en rêve !

On avance, on se mêle à la foule, on reçoit des félicitations de toute part. D'abord Athéna et le grand Pope, puis nos amis… plutôt mes amis, vu que je suis la seule personne qui trouve vraiment grâce aux yeux de ma femme. Judith, Amalia et Sanka enchaînent. Le Maquereau s'approche. Hop, je fais semblant de ne pas l'avoir vu et bats en retraite, entraînant mon épouse à ma suite. Aucune envie de l'avoir dans les pattes. Nous nous écartons de la foule et nous asseyons sur un banc, histoire de respirer un peu.

J'observe le visage de ma belle. Elle est tellement sublime… Ses lèvres, ses yeux, sa chevelure, tout respire la perfection. J'ai énormément de chance de l'avoir épousée. Cependant, quelque chose me chiffonne : par moments elle semble réfréner une petite grimace.

— Quelque chose ne va pas ?
— Non, rien. J'ai juste un peu mal au ventre.
— Ah oui, je vois. Cela doit être le stress de la journée. C'était aussi mon cas tout à l'heure.
— J'ai mené des combats à mort et j'ai affronté Arès ; je ne vois pas pourquoi je me laisserais impressionner par un petit mariage.

Notre tranquillité est perturbée par deux garnements : Friedrich et Sacha, mes apprentis à l'humeur plus que joviale. Ils nous félicitent, et le rouquin commence à évoquer les prochains entraînements. C'est pas possible, celui-là, il ne pense qu'à ça ou quoi ? En tout cas, il a fait de nombreux progrès et ça se voit sur sa carrure : il a vraiment gagné en musculature. Il risque d'être impressionnant quand il sera adulte.

Marie grimace encore en se massant le ventre. Elle n'est pas attentive à la conversation, si bien qu'elle ignore complètement les questions que lui pose Sacha. Elle finit par se lever et s'éloigner sans s'excuser.

— Maître, vous êtes sûr d'avoir fait le bon choix en l'épousant ? demande Friedrich. Elle n'est vraiment pas une femme agréable !
— Oh non, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ?
— Ben quoi, il n'a pas tort, je trouve, ajoute Sacha.

Quoi qu'il en soit, le comportement de ma femme est étrange, même pour elle. Je ferais bien de surveiller cela, même si ce n'est probablement rien.

— Alors, Maître, quand est-ce que je deviens chevalier d'or ?
— Quoi ? Mais je t'ai déjà dit de ne pas me bassiner avec ça. Tu n'es pas encore prêt.
— Mais, Maître, il y a des places libres pour le moment. Il faut que je me dépêche avant que les trois chevaliers d'or décédés lors de la guerre soient remplacés. Je ne veux pas que cela me passe sous le nez.

Je le rassure, lui certifie qu'il sera bien chevalier d'or un jour. Je m'excuse auprès de mes apprentis et pars rejoindre ma belle à qui je demande une nouvelle fois comment elle se sent. Ma question l'agace, mais au lieu de piquer une crise elle décide de faire diversion :

— C'est que j'en ai marre de porter ça. C'est quand que je m'en débarrasse ? me demande Marie en me montrant son bouquet.
— Ben, on peut faire le lancer maintenant si tel est ton désir.
— Oui ! Et juste pour info, quand tu m'offriras un cadeau pour mon anniversaire ou quand tu auras un truc à te faire pardonner, oublie les fleurs : je n'en ai rien à faire. Non, moi j'attends de toi des vrais cadeaux, pas des trucs que je vais foutre dans un coin et qui seront fanés au bout de trois jours.

C'est donc l'heure du jeter de bouquet. Toutes les femmes présentes se rassemblent derrière Marie. Leur tournant le dos, elle se concentre et lance le bouquet derrière elle ; il atterrit dans les mains d'Ayéfèmi. Je lance un clin d'œil à Sanka. Il ne réagit pas, l'esprit dans le brouillard sans doute.

Pauvre Ayé… depuis la disparition de sa seconde personnalité, elle s'isole de plus en plus, se terrant toute la journée dans la maison des Gémeaux. Seul Sanka arrive encore à l'approcher. Il lui a offert sa pomme d'or, mais je n'en sais pas plus. J'ai même été étonné qu'elle accepte de venir à mon mariage. J'espère que cela lui changera les idées.

— Alors, vous voilà mariés… Eh bien, c'est une belle surprise. Félicitations !

Je me retourne et tombe sur le charmant sourire de Marina Solo.

— Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous voir ici, même si je ne m'y attendais pas.
— Oh, tu sais, je suis là pour le boulot ; mais ce n'est pour autant pas déplaisant. Je suis heureuse de vous revoir après notre dernière entrevue. Dommage qu'on ne puisse pas pousser les choses aussi loin que la dernière fois. À moins que…
— Et non, la coupé-je. Alors vous êtes là pour un article ?
— Oui. Il faut bien relancer notre journal depuis qu'Athéna a mis fin à la loi qui nous censurait.
— Ah oui, cela a dû vous pénaliser.
— Ce n'est pas le pire. Qu'elle mette fin à la crise du Sanctuaire en reprenant les choses en main a été plus catastrophique. La colère des habitants calmée, les ventes sont bien basses. Heureusement pour nous, tu es encore bien populaire, et ton mariage fait vendre. Depuis deux semaines, on ne communique que sur ça.
— Ah oui ? Vous n'avez vraiment rien d'autre à ronger, alors…
— Oui, quasiment. Même le Maquereau se tient un peu trop à carreau en ce moment. On a bien réussi à caser un petit article sur la fuite de Harvey de la Balance, mais comme nous n'avons aucune info, c'est compliqué. D'ailleurs, en avez vous de votre côté ?
— Non, toujours rien. Malheureusement.
— Bon, ce n'est pas grave. Je suis sûre que les tensions vont revenir. Athéna va se calmer, et le grand Pope va en profiter pour reprendre la main sur les lois. Chassez le naturel, il revient au galop.

Le reste de la journée passe avec une lenteur étouffante. Les félicitations de chacun durent des plombes, mais pas autant que la pénible séance de photos. La bonne nouvelle, là dedans, c'est que j'ai réussi à éviter le Maquereau tout le long, même pour la photo réunissant tous les chevaliers d'or (j'ai chargé Friedrich de l'occuper ailleurs).

Arrive la soirée, et enfin les choses deviennent un peu plus festives. Nous ne sommes pas longs à ouvrir les bouteilles et à faire couler l'alcool. En quelques instants je suis éméché. Mon épouse se montre plus raisonnable que moi mais, à ma grande surprise, ne me juge pas et se contente de rire de mon état. De toute façon, elle m'aurait reproché quelque chose, je lui aurais rappelé la fois où elle a dégobillé sur mon armure.

Les plats sont servis par le traiteur. On va pouvoir un peu éponger l'alcool dans l'estomac. Nous avons prévu les choses en grand ; il y en a pour tous les goûts, et je m'en mets plein la panse. Marie aussi s'en donne à cœur joie. Les autres aussi. Sanka est tellement défoncé qu'il s'écroule dans son assiette. Judith et Ayéfèmi le raccompagnent à sa chambre d'hôtel.

— Au fait, toutes mes félicitations pour votre mariage !

Merde, le Maquereau ! Je ne l'ai pas vu arriver, ce fumier. Depuis le temps que j'essayais de l'éviter, il a finalement réussi à m'avoir.

— Qu'est-ce que tu fous là, Emmanuello ? Je n'ai pas souvenir de t'avoir invité.
— Ah ? J'ai cru que mon carton d'invitation s'était égaré en cours de route. Je me suis dit « C'est impossible qu'ils aient oublié le plus noble et charismatique des chevaliers d'or. »
— Je confirme : nous n'avons pas oublié. C'est juste que nous ne désirions pas ta présence.

Il baisse les yeux et ne mouche pas. Étonnant !

— Je sais, prononce-t-il tout bas. Nous avons eu de nombreux différends tous les deux, mais c'est du passé tout ça.
— T'as quand même organisé un procès truqué pour me faire exécuter…
— Oui, c'est vrai, mais toi t'as pas arrêté de m'embêter ; on est quittes, non ?

Je prends une profonde inspiration pour éviter de péter un câble. C'est mon mariage, et je refuse qu'il me fasse perdre les nerfs ce soir.

— Qu'est-ce que tu veux ?
— Eh bien, avec la guerre sainte, je me suis aperçu que je n'étais pas au niveau. J'ai eu de la chance de pas clamser au combat. Je me suis donc dit qu'il fallait que je reprenne l'entraînement. Je me demandais donc si tu accepterais d'être mon instructeur…

Je recrache ma gorgée de vin sur sa gueule en éclatant de rire.

— Moi ? Mais t'as craqué, mon pauv' vieux !
— Hé, ho, ça me demande un effort monstre de venir vers toi. Crois-tu que cela me plaise de venir te lécher les bottes ? Mais je n'ai pas vraiment le choix.
— Et pourquoi c'est à moi que tu viens casser les pieds ?
— Ben, c'est que je n'ai personne d'autre à qui demander. Mon père est trop occupé avec ses responsabilités au Sanctuaire ; Hypolita, c'est de l'histoire ancienne, et apparemment, Irma est bien plus heureuse depuis qu'elle ne traîne plus avec moi. Je suis seul au monde…

Non, il ne va pas pleurer quand même ? C'est vrai que depuis la guerre, il est maintenant isolé au Sanctuaire. Irma, qui était son dernier soutien, préfère maintenant traîner avec nous. Elle s'est révélée sympathique, alors ce n'est pas pour me déplaire.

— En éliminant Arès, reprend-il, tu as prouvé que tu étais l'un des plus puissants de notre Ordre. Tu es donc le meilleur candidat pour m'entraîner. Tu crois que tu pourrais m'apprendre le Gae Bolga ?
— N'y compte pas. C'est une technique sacrée réservée aux plus sages. Il faut la mériter.
— Allez, s'te plaît…

Son regard de chien battu est accompagné d'un sourire implorant à pleines dents. Sur sa tronche de fouine, ça donne un résultat des plus perturbants.

— Non, arrête avec cette gueule, ça ne te réussit pas. Pas la peine d'insister : j'ai déjà deux apprentis, et cela me suffit. Je ne vais pas m'encombrer d'un troisième, surtout toi.
— Moi je pourrais ! intervient Marie.

Il se tourne vers elle. Son regard exprime effroi et répulsion.

— Euh… je suis pas sûr…
— Je suis toujours la plus puissante de notre Ordre ; tu n'auras pas meilleure instructrice. C'est ça, ou tu te démerdes tout seul.
— Bon… OK…

Et le voilà qui bat en retraite. Eh ben, je n'aurais jamais cru le voir venir ramper devant moi.

— Chérie, fais-moi plaisir : ne le ménage pas pendant l'entraînement.
— Pour qui me prends-tu ? Je suis ta femme, et il s'en est jadis pris à toi ; je n'ai aucune intention de le ménager. Il va connaître la colère de la Vierge !

Hé-hé, finalement, c'est une optique réjouissante. Je savoure déjà la scène. Il a bien fait de venir aujourd'hui.

La soirée touche à sa fin et les invités commencent à partir les uns derrière les autres. C'est l'heure de la nuit de noces, le moment où, enfin, je vais pouvoir goûter au fruit défendu de la Vierge. Direction notre hôtel. J'en ai l'eau à la bouche…