La dispute

Confortablement installée au premier rang, je ne quitte pas des yeux les deux papillons blancs qui virevoltent devant nous. Ils semblent parcourir l'espace, et la petite pièce de deux euros qu'ils tiennent s'éclipse sous un foulard jaune. Quand le tissu léger est retiré du bout des doigts qui le soutenaient, c'est une colombe blanche, pareille à un espoir, qui écarte deux belles ailes immaculées. Toute l'assemblée applaudit à ce tour de magie, mais je reste fascinée, moi, non par les mains qui sont habiles, mais surtout par l'homme qui va avec celles-ci. Toi, à mes côtés, toi mon mari, tu ne penses sans doute à rien d'autre, avec ton esprit tortueux, qu'à savoir comment il a pu faire.

— Il est drôlement bon, ce prestidigitateur ; tu ne trouves pas, ma chérie ? Je n'arriverai jamais à comprendre comment une pièce de deux euros peut se transformer en oiseau !

Et moi, je ne saurai jamais non plus comment l'homme que j'ai aimé il y a quinze ans peut être aujourd'hui ce type que j'ai là à mes côtés ! L'amour que j'ai eu pour lui s'est peu à peu transformé en un sentiment tout différent. Nous sommes encore ensemble, mais c'est juste par habitude sans doute. Il n'y a plus de surprise, seulement la routine, le train-train quotidien des jours qui se meurent trop lentement.

— Alors pourquoi a-t-il fallu que je pleure presque pour que tu daignes m'accompagner ici ? Tu sais, Alain, j'en ai plus qu'assez de végéter dans cette petite vie que tu m'imposes !
— Mais enfin, Maryse, qu'est-ce que tu as ce soir ? Tu es infecte avec moi. Qui fait bouillir la marmite à la maison ? Tu penses que je vais m'amuser tous les jours ? Le matin quand je pars de bonne heure et les soirs où je rentre tard, tu imagines que je joue, pendant toutes ces heures qui me tiennent éloigné de la maison ?
— Tu vois, tu aurais pu dire éloignées de toi ! Mais non, c'est « ta » maison, « ta » voiture, « tes » enfants quand tout va bien, « mes » gosses quand les choses ne sont pas ce que tu voudrais qu'elles soient.
— Qu'est-ce que t'as, à la fin ? Si tu continues comme ça, tu vas avoir une surprise.
— Eh bien vas-y, menace-moi, pour une fois que nous sortons ! Fais-moi le grand jeu du mari énervé. J'en ai plus qu'assez de la petite vie étriquée que tu me fais mener !
— Bon, allez, calmons-nous, ce n'est ni le lieu ni l'heure pour avoir ce genre de discussion.
— Ce n'est jamais le bon endroit, à t'entendre ; tu me gonfles avec tes idioties ! De toute manière, c'est toujours toi qui décides de tout. Mais attention, Alain : un matin ne ressemblera pas aux autres. Prends garde ! Quand la coupe est pleine, elle déborde !

Dans les yeux de mon mari, je lis des éclairs qui me fusillent sur place. Il est courroucé, mais je n'en ai cure. Les mains devant moi continuent leur étrange cérémonial et le foulard bleu maintenant se soulève sur de belles fleurs, des roses fraîches.

Ça fait bien longtemps que j'ai abandonné l'idée de recevoir un bouquet. Mais c'est vrai que je suis à cran ce soir. Je ne sais pas pourquoi. Le magicien, avec ses doigts, me donne de drôles de pensées. Marre d'être l'épouse qui attend le retour du seigneur ! Depuis combien de temps des mains ne sont-elles pas venues me donner du plaisir ? C'est maintenant juste un petit coup vite fait, le soir ou le matin, rien d'excitant. Hygiénique tout au plus.

Pourquoi suis-je énervée de cette façon ce soir ? Les doigts dansent devant mes yeux. Ils me donnent envie, mon cœur bat plus fort. Et Alain qui ne comprend jamais rien… Il suffirait qu'il me prenne dans ses bras pour que tout rentre dans l'ordre.

— Tu veux une autre boisson ? Allez, on ne va pas se faire la gueule toute la soirée ! Je commande ?
— Mais ce n'est pas vrai, ça ! Tu ne comprendras donc jamais rien à rien, mon pauvre Alain ! Tu crois que je suis assoiffée à ce point ? Et tu vas encore prendre un verre, puis un autre, et en fin de compte il va arriver quoi ? Elle va se terminer comment, notre soirée ? Par tes ronflements qui vont m'empêcher de dormir, comme d'habitude !
— C'est ça, vas-y ! Ameute le monde entier, déjà qu'ils nous regardent tous. Fais-moi passer pour un abruti, continue ! Eh ben, allez ! Si tu as quelque chose à me reprocher, crache-le ! Je suis prêt.
— Imbécile, c'est bien ce que je dis, quoi… Indécrottable ! Je rentre seule. Allez, finis ta soirée en beuverie si tu veux, mais ce sera sans moi !

Là-dessus, j'ai saisi mon sac, mon manteau, et me voilà qui file vers la sortie. Alain ne fait pas un geste pour me retenir. Il pense sans doute que je vais revenir après avoir passé ma colère à marcher cinq minutes dans la rue. À l'extérieur, l'air est plutôt frais. Je suis au bord de la crise de nerfs. Je marche, erre sans but. Je vais droit devant moi. Réaction épidermique ; je n'ai aucune excuse non plus. Mais c'est une sorte de ras-le-bol.

Je n'arrive pas à imaginer pourquoi deux mains dans une salle de spectacle m'ont mise dans un pareil état. J'ai des frissons. Le vent qui court sur mon visage balaie mes cheveux bruns. Les mèches se plaquent sur mon front et j'ai les yeux humides. Non, je ne vais quand même pas pleurer… C'est étrange, ce mal-être que je traîne avec moi. Et les doigts qui tournaient devant mes regards viennent de faire remonter à la surface toutes ces rancœurs qui me bouffent le cœur.

Je ne sais pas du tout où je suis ; les rues sont toutes un peu ternes la nuit. Quelle heure est-il, du reste ? Je m'en fous. Finalement, ce n'est pas important. C'est sûr que demain nous parlerons et tout redeviendra normal. Je ne suis pas non plus certaine que c'est bien ce que je désire. Nos deux filles jumelles ont vingt ans, et elles suivent des cours bien loin de la maison depuis deux ans. Le vide qu'elles ont laissé à leur départ pour l'université n'a pas été comblé. Un court moment, j'ai cru qu'Alain et moi pourrions mettre à profit cette solitude à deux pour nous retrouver. J'ai besoin, moi, de marques d'affection, de sentir que lui tient encore à moi. Mais perdu dans son monde à lui, il n'a pas vu que je partais à la dérive et que mes rêves se brisaient sur le mur de ses silences, sur la hantise de ses absences. Ramener de l'argent, c'est bien, parfait, mais je ne crois pas que le bonheur se conjugue en billets de banque.

Je me plonge dans d'autres pensées. Depuis quand n'a-t-il pas essayé de me faire jouir d'une autre manière que par la position du missionnaire ? La dernière fois qu'il m'a caressée plus longuement que pour s'exciter ? J'ai beau essayer de chercher, je ne m'en souviens plus. Les lampadaires viennent de s'éteindre. Magnifique ! Voilà les rues plongées dans la nuit, et moi également. Je ne sais pas vraiment où mes pas m'ont emmenée. C'est presque désert comme endroit, il ne passe même plus une voiture. Je rebrousse chemin ou je vais toujours tout droit ? Heureusement que j'arrive à lire une plaque sur un mur à l'angle d'une rue. Bon, il me faut me diriger vers la droite, et dans deux pâtés de maisons je serai revenue vers la gare. Nancy n'est pas si grande !

Encore un détour, et de la lumière enfin ; de la musique aussi. Toutes deux me parviennent entre deux larmes écrasées. Sur le trottoir, en face, deux ou trois gamins – pardon : des jeunes – fument leur cigarette tranquillement. L'enseigne brillante qui attire mes regards, Le Chat Noir, il me semble en avoir déjà entendu parler par des amis. Une boîte de nuit, pas du tout identique à celle d'où je sors. Là-bas, c'est une salle de spectacle, dîners dansants agrémentés de numéros de music-hall ou de variétés. Celle que je vois là, c'est une vraie boîte de nuit, avec un DJ et de la bonne musique faite pour faire danser les gens. L'envie me prend d'aller faire deux ou trois tours de piste ; après tout, ça me calmera peut-être.

Je pousse la porte et me voilà dans un corridor extrêmement sombre. Au fond du couloir, un videur qui me regarde approcher ; il arbore un sourire. Quelle carrure ! Une montagne de muscles sur pieds. Le caissier me jette un coup d'œil, un petit bonsoir, me montre le vestiaire ; j'y dépose sac et manteau.

— Allez-y, Madame, c'est gratuit pour les femmes le samedi soir. Bonne soirée.

J'entre dans une immense salle avec un parquet sur lequel se meuvent des dizaines de couples. Des lasers envoient leurs rayons sur les danseuses et leurs cavaliers. La musique me prend immédiatement à bras-le-corps. Elle est bonne, la chanson qui fait tourner les gens à mon arrivée sur la piste. Je suis entraînée par le rythme saccadé d'un batteur fou. Je commence à me trémousser, je me vide la tête. Des tas de femmes et d'hommes se croisent, se frôlent, et se touchent parfois sur les notes désabusées que le grand ordonnateur de la room transmet en boucle. Là encore, je me dis qu'il y a bien longtemps que je n'ai pas dansé. Je ne me demande pas non plus comment Alain doit prendre les choses. Une heure déjà que j'ai quitté son dîner dansant et je me laisse bercer par la musique qui me donne presque la chair de poule.

En levant les yeux, je vois moins de couples et plus d'hommes seuls. Ils ont sans doute repéré que je me trouvais seule sur la piste. Ils se bousculent au portillon pour tenter d'attirer mon attention. Mais je ne suis là que pour me défouler, et je ne me prête pas à leurs petits jeux. L'un d'entre eux, plus hardi que les autres, me touche des épaules en passant dans mon dos, faisant mine d'être entraîné dans sa ronde musicale. Je ne bronche pas : aucune envie de savoir qui il est ! Je ne cherche rien qu'un peu de paix, et comme son truc n'a pas fonctionné, je le vois qui va tenter sa chance auprès d'une autre danseuse esseulée. Puis en jetant un coup d'œil vers l'entrée, j'ai la surprise de voir mon magicien qui se trouve à moins de trois pas de moi. Il n'est pas solitaire : une belle femme blonde, mince, élancée le serre de près dans une danse un peu psychédélique.

Il tourne en tenant la main de sa cavalière, mais elle n'a pas l'air enchanté ; enfin, elle n'a pas un sourire franchement épanoui. Puis soudain elle lui chuchote à l'oreille et file vite, très vite, plantant là notre homme aux doigts d'or. Lui ne sait plus trop quelle contenance adopter, alors il se dirige vers le bar qui est au fond de la salle. J'ai soif. Je lui emboîte le pas, mais avec quelques mètres de retard.

— Garçon, un whisky. Un double !

Ça n'a pas l'air d'aller trop fort pour mon magicien. C'est un peu la boisson des mecs qui veulent oublier quelque chose de déplaisant. Je suis maintenant tout près de lui, et le barman qui vient de servir la commande vient vers moi.

— Et pour Madame, qu'est que ce sera ?
— Un Martini dry, s'il vous plaît.

Mon verre arrive rapidement. Assise sur un tabouret haut devant le bar, je fais tourner le bâtonnet fiché dans l'olive, puis trempe mes lèvres dans le mélange gin-Martini. La chaleur de l'alcool descend dans ma gorge ; j'adore cette sensation âpre et douce à la fois.

— Vous allez bien trinquer avec moi ; je n'ai pas vraiment envie de boire seul, ce soir. Et puis rencontrer une jolie femme non accompagnée, c'est si rare…

L'homme me semble moins grand que sur la scène où il exerçait ses talents tout à l'heure. Il tient son verre à la main et l'approche de moi – du mien plus exactement – dans le geste évident de les cogner ensemble.

— Si vous me promettez seulement de ne pas me faire disparaître, je veux bien !
— Ah, vous savez donc qui je suis ?
— Disons seulement que je vous ai vu transformer une pièce en colombe.
— Je n'ai pas réussi que cela, ce soir : j'ai aussi fait disparaître de ma vie la jeune femme que je considérais comme ma fiancée.
— Bon, c'est pour ça, le whisky ? Une de perdue, deux verres de bus ! Tous les hommes picolent dès qu'ils ont un problème ?
— Vous avez l'air de savoir de quoi vous parlez. Vous aussi avez quelqu'un dans votre vie qui boit ?
— Je n'ai pas envie de parler de cela ce soir, ici, et surtout avec vous : je veux juste prendre un verre ; et si vous voulez trinquer, alors allons-y ! Sinon, fichez-moi la paix. À votre bonne santé !
— Oui, vous avez raison : à chacun ses ennuis. À votre santé ! Tchin-tchin !

Je pivote légèrement sur mon siège. Ce faisant, ma jupe un peu serrée remonte de quelques centimètres sur mes cuisses. Immédiatement, je sens le regard du magicien s'appesantir sur les deux plages blanches à peine dévoilées. On peut avoir des doigts magiques et des regards insistants ; aucune incompatibilité. Je ne cherche pas à tirer sur le tissu. Je laisse les yeux dériver sur ces endroits qu'ils ont remarqués. Finalement, ce n'est pas si désagréable de se dire que l'on peut encore être regardée comme une femme. Il est tout près de moi ; je sens même son haleine discrètement alcoolisée. La mienne est semblable, je m'en doute bien.

— Alors, seule ce soir, ou seule dans la vie ?
— …
— Je vois, juste de la discrétion : Madame ne veut pas parler de sa vie privée ; c'est votre droit. Moi, je viens de me faire larguer par ma compagne, une blonde avec qui je faisais un bout de chemin. Elle me reproche de ne pas être assez présent, de ne pas m'occuper d'elle comme elle le voudrait.
— Et vous en déduisez quoi ? Elle a tort ? Raison ? Après un petit examen de conscience, là, vous arrivez à quelle conclusion ?
— Ben… je ne sais pas trop ! Pour le moment, je n'ai fait que commander un verre ; je n'ai pensé à rien d'autre. Il me faut toujours un peu de temps après mes spectacles pour me reconnecter à la réalité, je veux dire.

C'est quand même bizarre que je laisse en rade mon mari pour venir me fourrer dans les pattes d'un mec qui a des problèmes similaires.

— Hep ! Barman, un autre verre. Non, deux : Madame m'accompagne.
— Attendez, je n'ai pas dit oui…
— Vous n'allez pas vous faire prier ! Pour une fois que je prends un drink en compagnie d'une autre femme que la mienne… Allez, soyez chic ! Garçon, mettez un whisky pour Madame aussi.

Je me tais ; pas vraiment envie de discuter. Les deux boissons sont arrivées. Je bois ce scotch qui m'arrache presque une quinte de toux tant c'est fort.

— Je m'appelle Marcel. Et vous ?
— Maryse. C'est Marcel, vous ? J'aurais pensé à quelque chose de plus… enfin… de moins classique avec le métier que vous faites.
— Bah, sur scène, c'est Marcelino. On vous a déjà dit, Maryse, que vous avez des yeux superbes ?
— Et puis de belles jambes aussi ? Non mais, ma parole, vous me draguez, là !
— Ben, vous êtes seule, et je le suis aussi depuis quelques minutes, alors… C'est vrai que vous êtes belle ; vous avez des choses appétissantes, là où toutes les femmes doivent en avoir.
— Ça vous arrive souvent de sauter sur la première fille que vous trouvez juste après une rupture ? Et puis la jolie blonde qui dansait avec vous tout à l'heure, vous êtes bien certain qu'elle ne va pas revenir vous chercher ?
— Certain, certain, on ne peut jamais l'être. Mais elle avait l'air catégorique quand elle m'a dit d'aller me faire foutre. Mais vous auriez peut-être voulu que nous dansions ; autant le faire avant que j'aie trop picolé, pendant que je peux encore trouver les pas qui s'accordent à la musique.
— C'est que…
— Y a pas de « c'est que… » Allez, venez ! Allons jamboter un peu.

Marcel m'a attrapée par le poignet et il tire doucement sur mon bras. Je me retrouve debout, vite entraînée vers la piste. Après tout, pourquoi pas ? Une danse n'a jamais tué personne ; et puis si je compte sur Alain pour guincher, je peux attendre jusqu'à la fin des temps. La nuit est à nous, et me voilà dans les bras d'un inconnu – ou presque – pour un slow lascif. Il ne me marche pas sur les pieds, c'est déjà ça… Par contre, il a une nette tendance à me coller. Mais je dois dire qu'avec l'alcool ingurgité, je ne trouve pas cela si désagréable. Il me serre contre lui, et son parfum pourtant discret me parvient. Finalement, c'est un bon danseur, et il y a tellement de temps que je n'ai plus fait cela…

La tête de Marcelino se pose contre la mienne. Le contact de cette peau, un peu rugueux, ne m'interpelle pas plus que cela. Nous tournons au milieu d'autres couples ; je me laisse bercer par le son envoûtant de la musique, par les lumières tamisées distillées par des spots invisibles. Je me trouve bien, là, au centre de tous ces inconnus qui profitent comme nous d'un instant de douceur. Je ne prends pas garde quand une main vient se poser sur mes reins. Je reste sur un petit nuage, sur un moment de pure tendresse. Les lèvres de mon nouvel ami viennent tutoyer mon cou, y déposer délicatement un baiser. J'ai l'impression que contre ma cuisse quelque chose de dur frotte, au gré des pas de la danse.

La main sur mes reins se meut lentement et les doigts s'incrustent un peu plus que la normale dans le tissu de ma jupe. Je ferme les yeux, attendant une suite inéluctable. Une sorte de chaleur, plus du tout due à l'alcool, celle-là, s'est emparée de tout mon être. Je deviens tout entière attentive à la moindre caresse, priant même inconsciemment pour qu'il ose aller plus loin. Là, au milieu d'autres danseurs inconnus, un homme me caresse le bas du dos et ce n'est pas toi, Alain. Je m'en moque éperdument : tu ne l'aurais pas fait, de toute façon, et je suis certaine que tu ne le sauras jamais. Nous tournons langoureusement sur le parquet, et c'est déjà comme si je ne touchais plus le sol. Les gestes sont tout en délicatesse, tous en mesure avec la musique. Il arrive de temps en temps que, bousculée par un autre couple, j'aie tendance m'écarter de cet homme, mais il me maintient si bien et dans un tel climat de douceur que je ne voudrais pas qu'il arrête.

La main s'est maintenant encore déplacée ; elle monte et descend sur ma cuisse, plus bas que mes fesses. Puis elle revient sur les deux demi-globes en suivant le sillon, enfonçant ma jupe entre eux. Je me dis que je dois avoir un drôle d'accoutrement, le chiffon ainsi coincé dans la raie des fesses. Et pourtant je n'en ai rien à faire : ce que peuvent penser les autres n'altère pas le bon moment que je passe. Il y a trop longtemps que j'ai envie de quelque chose de nouveau, que l'on s'occupe de moi, de ma petite personne. Juste ce besoin que l'on prenne soin de moi, que l'on me donne l'impression d'exister ; et c'est ce que fait ce Marcel. Les miennes, de mains, ne quittent pas le dos de mon partenaire de danse pour l'une et son cou pour l'autre. Je profite simplement de ce petit bonheur d'être femme à nouveau.

Il m'écrase encore plus contre sa poitrine tout en continuant à me faire tourner. Mes seins sont plaqués sur ce torse que je devine viril. Et c'est le feu qui s'allume tout doucettement en moi : une irrésistible envie de sexe, de faire l'amour, de baiser, monte tranquillement en moi. Elle s'accompagne d'un abandon quasi total de mon corps, comme une reddition sans condition. La main sur mon derrière est revenue, plus insistante, plus pernicieuse, et le bas de ma jupe est soulevé sans à-coups, sans que je refuse cette option : celle d'être fatalement tripotée devant les autres danseurs qui peuvent, en regardant bien, voir les attouchements que se permet mon cavalier. Mais pour l'heure, sa monture – ou future monture – reste docile et calme.

La main est allée bien plus loin que la bienséance ne le voudrait. Elle dépasse les limites fixées par une morale de bon aloi. Les doigts sont parvenus à s'immiscer entre le nylon et la peau. Je sens déjà comme des aiguilles qui me percent le ventre, des picotements singuliers que je reconnais comme ceux d'un désir ardent et inhabituel. Puis c'est la tête de mon danseur qui tourne gentiment vers la mienne pour amener ses lèvres à la rencontre de ma bouche. Je sais que si je le laisse m'embrasser, ce sera plié ! Je lui appartiendrai pour le reste de cette nuit déjà bien entamée. Je minaude encore pour la forme, mais ce n'est que reculer pour mieux sauter. Ce besoin impérieux qu'il a su ancrer en moi ne peut se calmer seulement par des caresses.

Marcelino le magicien, Marcel l'homme aux doigts d'or, aux mains magiques, vient de réveiller la cochonne qui sommeille en moi. C'est moi maintenant qui me frotte à lui, qui cherche le contact avec ce que je sens, ce que je pressens comme important, là, juste sur ma cuisse, alors que la musique se fait plus tendre encore. Je colle mon ventre sur ce nœud bien dur que mes mouvements pour danser me font compresser. Il ne se dérobe pas non plus, accentuant par un simple mouvement de hanche cette friction à la limite de l'obscénité. Et il arrive ce qui devait finir par arriver : je sens que je coule dans ma culotte alors que les doigts de l'homme s'approchent dangereusement de ma chapelle. Chapelle ardente pour le moment !

La musique entre dans ma tête, elle entre dans ma peau, et les mains me touchent, s'incrustent dans mes replis les plus intimes au rythme de ces notes qui m'ensorcellent. Puis, comme le slow se dilue dans les derniers sanglots d'un accord doux, les couples sur la piste quittent un à un le parquet. La main qui me donne le vertige s'éclipse aussi vite qu'elle est venue. Marcel me cramponne encore quelques secondes, et il me prend par le poignet.

— Allons finir nos verres. Vous êtes une excellente danseuse ! J'espère que vous avez un peu aimé tourner sur ces airs tendres ?
— Oui, c'était bien. Vous aussi avez beaucoup de souplesse, surtout pour les figures libres ! Vous avez aussi un certain doigté, je dois l'avouer…

Il sourit à cette allusion non feinte et nous vidons nos whiskies.

— Vous en voulez un autre ?
— Non merci, je serais ivre si j'en buvais encore un.
— Vous voulez que nous allions prendre un café chez moi ? Ou autre chose, bien sûr.
— Et cette « autre chose » veut dire en clair ?
— Vous avez très bien saisi : s'il vous plaît, ne m'obligez pas à vous le dire…

Contrairement à ce qu'il pense, bien sûr que si, que je veux l'entendre. C'est vrai que ça fait plaisir de se sentir désirée même si, j'en suis sûre, c'est simplement une attirance sexuelle. Il me tente vraiment. L'envie est là, et bien incrustée dans mon esprit. Je veux du sexe, j'en ai presque un besoin vital.

— Si je vous dis oui, que se passera-t-il une fois chez vous ?
— Honnêtement ? Ce qui arrive entre une femme et un homme tous les deux consentants. Ensuite, pour reprendre un mot à la mode, le feeling fera le reste : c'est toujours à l'envie, ces choses-là, du moins pour moi.
— Aucun risque que votre… « fiancée » ne rentre à la maison ?
— Je vous l'ai dit : sans doute que non, mais… vous le jurer serait aussi mentir. Mais si vous préférez, nous pouvons prendre une chambre à l'hôtel.
— Non, je veux bien prendre un dernier verre chez vous. Vous êtes loin d'ici ?
— À dix minutes en taxi.
— Vous n'avez donc pas de véhicule ?
— Si, mais… madame mon ex l'a sans doute pris pour aller je ne sais où.
— Je vois, je vois…

Il se lève ; j'en fais autant. L'air plus frais de la rue me dégrise quelque peu et je me dis que je fais une connerie. Je n'ai cependant pas le temps de penser plus loin qu'une voiture s'arrête à notre hauteur et que Marcelino m'ouvre la portière arrière pour que je m'installe sur le siège.

— Chauffeur, à cette adresse s'il vous plaît.
— C'est parti, m'sieur-dame !

La voiture commence à rouler dans les rues encore éclairées de Nancy. Il y a toujours des gens qui marchent sur les trottoirs ; tout le monde n'est pas couché. Nous sommes bien assis sur un siège moelleux, et mon compagnon de route a les mains baladeuses. Nous n'avons pas fait dix mètres qu'il est déjà en train de me tripoter. Il a posé une main sur mon genou, et j'ai beau chercher à la retirer, il insiste lourdement. Ce n'est pas que je ne veux pas qu'il me touche, mais bon, je n'ai pas envie de distraire le conducteur. Il lorgne sans arrêt dans le rétroviseur. Puis finalement, je m'en fiche. Je laisse les doigts envahir l'espace entre mes deux cuisses.

Ils remontent rapidement pour venir sur ma culotte. L'homme ne s'embarrasse plus de pauses ou d'attentes. Rien de superflu, directement à l'essentiel, ce qui en dit long sur la suite prévisible de la nuit. Les visiteurs sont vite à l'œuvre et ma respiration est un peu courte, ce qui ne manque pas d'alerter le chauffeur sur l'avancement des approches de Marcel. J'écarte les jambes pour faciliter plus largement l'accès à ces joyeux drilles qui viennent d'éloigner sur un côté le nylon censé me protéger. Un coup d'œil vers le conducteur : je suis bien certaine qu'il n'en perd pas une miette. Un majeur court déjà sur le sillon sans doute poisseux de mon sexe avide de caresses.

Manque de chance pour le taximan, nous arrivons rapidement à l'adresse de mon magicien malicieux. Marcel règle la course, et j'entrevois comme un regret dans le regard du « taxi driver ». Je me dis à qu'il aurait préféré faire le tour de la ville deux fois plutôt qu'une, juste pour se rincer l'œil.

La maison de Marcelino, c'est une petite bicoque de plain-pied, dans une zone calme de la ceinture nancéienne. À peine la porte ouverte, juste entrée, je suis plaquée au mur par deux bras puissants et les mains fouillent à nouveau sous ma jupe. Je m'accroche cette fois au cou de mon compagnon du soir : c'est le signe de mon acceptation totale.

C'est d'abord mon chemisier qui se trouve déboutonné et retiré en deux temps trois mouvements. Puis la bouche de Marcel vient à la rencontre de la mienne qui, cette fois, participe au jeu. Ce baiser me plaît, ce baiser m'enflamme. C'est au tour de ma jupe de retrouver la boule de chiffon qu'est devenue ma liquette. Ma culotte ne reste qu'un très court instant sur mes fesses, suivie de près par mon soutif qui s'envole rejoindre toutes mes fringues. J'ai chaud, j'ai des frissons, et les lèvres de mon magicien sont gourmandes ; elles vont sur ma bouche, recherchant avidement les miennes. Il me soulève apparemment sans effort. J'ai l'impression de m'envoler dans ses bras pour faire le court chemin de l'entrée à la chambre à coucher.

Je sais que cette fois je ne vais plus pouvoir reculer. Mais en ai-je vraiment l'envie ? Il me dépose délicatement sur le couvre-lit, me dévore par de petits bisous puis il se redresse, entreprend de se dévêtir. C'est presque aussi rapide que pour moi. Je peux enfin admirer la poitrine bien velue, et pourtant mes yeux ne sont attirés que par cette chose qui se dresse au bas de son ventre. Je ne vois que cela. Et mon envie monte encore d'un cran. Voilà Marcel qui se couche près de moi et ses mains, sa bouche, toutes reviennent à l'assaut de ma poitrine, cette fois. C'est trop bon ! J'en frémis d'impatience.

— Je peux prendre ta main ?
— Si tu me la rends après usage.
— Ne t'inquiète pas. Tiens, je ne veux que la poser là.
— Hum, c'est bien dur, ce truc-là !
— Tu les aimes bien raides ?
— Ben, à vrai dire, je n'en connais qu'une seule, et elle ne montre plus tellement d'ardeur pour moi.
— La mienne te plaît donc ?
— Je dois reconnaître que… oui.
— Tu veux bien jouer avec elle ? Tu vois, j'aime que la main qui la touche la décalotte doucement. J'adore aussi que le bout d'une langue vienne juste lécher le gland à demi découvert. Et toi qu'aimes-tu ?
— Je ne vais pas le dire ; te laisser le découvrir, c'est mieux, non ?
— Comme tu veux. Je peux donc toucher partout ? Comme un gamin avec un nouveau jouet ?
— …
— Si je mordille là, tu ne me gifleras pas ?

Marcel a saisi un téton avec la bouche et fait glisser ses dents sur lui.

— Mumm, c'est un bon début !
— Je peux pousser le jeu un peu plus si tu le désires.
— Et si tu agissais au lieu de parler ?

J'enfouis mon visage dans la moquette qui recouvre le torse. Alors lui se redresse, ouvre un tiroir de la table de nuit et en extirpe un long foulard noir. Il me prend par les poignets, et rapidement les deux sont réunis, liés entre eux par l'étoffe douce. Encore un geste de son bras vers le lieu d'où provient le lien et en voici un autre, légèrement moins long. De ses deux mains il me soulève la tête, et mes yeux sont enfermés dans le noir par le nylon qu'il serre derrière ma nuque. Me voilà à sa merci ; mais bizarrement, je n'éprouve aucune crainte, seulement une sorte d'envie encore plus oppressante.

— Tu es à moi désormais. Je peux faire ce que je veux ; je te promets que je ne vais pas me gêner ! Bien, je vais te laisser une minute, le temps de chercher une ou deux petites choses pour jouer avec toi. Pas de souci ? Je peux ?
— C'est quoi, les jouets ? Je ne veux pas être frappée !
— Cool… Calme-toi, il n'est pas question de violence : juste de vrais joujoux intimes pour te donner du plaisir. De toute façon, tu n'as plus vraiment le choix.

Il vient de quitter le lit. Je le sais parce que le matelas a bougé. Je suis seule, étendue, entravée et les yeux bandés. Je pourrais bien sûr retirer facilement ce qui me bouche la vue, mais je veux faire confiance à cet homme-là. Et puis je suis trempée. Mon ventre coule au sens littéral du mot. C'est impossible de ne pas le voir. Ah ! Il est revenu ; le lit a remué. Une main me parcourt le visage. Elle s'attarde sur mes lèvres. Elle me les caresse ; je frémis des mille picotements qu'elle me procure. Puis elle descend sur mon cou, y traîne un moment avant que de reprendre un chemin qui la mène vers mes seins. Entre deux doigts, mes tétons sont pincés, tournés, étirés. Quand la main me quitte, je suis en nage et je perçois la respiration de mon magicien qui n'est plus vraiment calme.

Il a tendu mes bras au-dessus de ma tête et je sens passer entre mes deux poignets reliés entre eux un autre lien. Quand il a fini de s'affairer, je ne peux plus bouger mes bras. Me voici immobilisée ; et là, je ne peux plus retirer ce qui m'obstrue la vue. Maintenant, les mains sont revenues et elles courent sur mon ventre, raclant de leurs ongles ma peau dénudée. Je souffle un peu plus fort ; je tremble de tous mes membres mais il n'en a cure. Je dois aussi avouer que je ne désire plus qu'il s'arrête. Puis Marcel vient se frotter à moi. Il s'est mis à califourchon sur ma poitrine et j'ai son sexe entre les seins. Il se frotte alors que de ses doigts il ouvre ma chatte.

Je réagis à l'arrivée de ces doigts qui veulent entrer. Ils vont y parvenir alors que la bite, elle, vient toucher mon menton à chaque coup de reins donné par l'homme. Alain, je suis bien loin de tes petits attouchements et de ta position du missionnaire ! Pourquoi ton image en cet instant revient-elle me hanter ? C'est l'espace d'une seconde, mais je replonge bien vite dans le bonheur d'être tripotée. Finalement il me redresse la tête sur un oreiller sans doute, et maintenant à chacun des passages de la queue je laisse ma langue la toucher. Il arrive un moment où il ne se frotte plus contre mes nichons mais reste sur ma bouche. Je fais du mieux que je peux dans la position où je suis. Marcel me tient par les tempes et fait aller et venir sa bite entre mes lèvres. J'avale, je suce, je lape ; du moins, j'essaie. J'ai du mal à respirer, et pourtant j'entends bien ce bruit étrange. Comme un moteur miniature qui se met en route.

Sur ma chatte glisse maintenant l'objet qui fait du bruit ; j'en deviens presque folle ! Je suce de plus en plus cette hampe qui n'en finit pas de grossir. C'est au moment où l'engin ronronnant commence à me pénétrer que je me dis que quelque chose ne va pas. Comment Marcelino peut-il m'enfoncer un gode dans le vagin alors qu'il me tient par les tempes ? Je voudrais bien savoir, lui demander, mais son vit est en place et il me lime maintenant à la même cadence que celle imprimée à l'olisbos qui navigue dans mon ventre. Je râle, je suis frémissante, je suis en transe… Et la bite continue ses mouvements alors que ma chatte est remplie et que je remue maintenant mon bassin pour qu'elle reste pleine. Je sens cette chose dans ma bouche et j'ai le pressentiment qu'il va éjaculer. Un long soupir me parvient ; je ne stoppe pas pour autant mon manège. Ma langue tourne autour de ce gland décapuchonné, et aux frétillements de l'homme assis sur ma poitrine, je sais que le dénouement n'est pas très éloigné.

Je mouille comme jamais je ne l'ai fait, sans doute. Savoir, deviner que nous sommes trois sur ce lit me donne encore plus envie. En tous cas, celui qui enfonce en moi la queue factice le fait de belle manière, juste ce qu'il faut pour me tenir en haleine, juste assez pour que mon envie ne se transforme pas en orgasme immédiat. Il fait durer le plaisir. Quelques soubresauts, et un liquide gluant, chaud, gicle dans mon gosier. Je voudrais le recracher, mais comme Marcel reste allongé de tout son long sur ma figure, la verge reste plantée bien au fond de ma gorge. Je dois avaler cette semence qui n'en finit plus de jaillir. Pourtant avec toi, Alain, je n'ai jamais voulu goûter à cela. Bizarre comme les mêmes choses faites différemment peuvent avoir des résultats aussi peu semblables…

J'ai bu jusqu'à la dernière goutte ! Il faut dire aussi que le gode qui s'active en moi me garde dans un état second constant. Je suis entre orgasme et bien-être, sur un nuage de bonheur. Celui qui fait aller de si belle façon l'engin qui me donne un infini plaisir s'arrête soudain. Personne n'échange un seul mot, mais j'arrive à distinguer l'autre respiration. Impossible de définir cependant à qui elle appartient. Marcel se remet sur le côté et mes poumons l'en remercient. Je peux prendre une grande bouffée d'air. Pourtant je n'en suis pas quitte : une bouche me ventouse l'endroit laissé vacant par le latex. Ma poitrine est de nouveau prise à partie par les mains de mon magicien (enfin, je suppose que ce sont bien les siennes).

Lequel vient de saisir mes chevilles pour les remonter sur mon torse ? Peu importe ! Je suis ouverte, offerte, et pourtant je me sens comblée de joie. Impudique sans doute, obscène à coup sûr, la posture obligée que l'un d'entre eux m'impose ne l'est que pour mon plaisir. Je gémis sans interruption. Je découvre qu'être ainsi attachée, dans un jeu où je ne suis maîtresse de rien, où je ne contrôle plus mes mouvements, m'apporte une débauche de sensations inconnues. Je te trompe pour la première fois, et c'est du gratiné, du solide ! Mon Dieu, si tu me voyais… Imaginerais-tu ta gentille épouse se faire ainsi trousser par deux mâles ? Pas sûr que tu apprécierais ! Mais, mon pauvre mari, je suis à cent lieues de me soucier de ce que tu peux penser. Pourtant, reste au fond de mon crâne ce sursaut pour me dire que c'est mal, ce que je fais. J'ai honte, mais c'est bien connu : c'est bon, la honte !

Un doigt s'est frayé un chemin entre mes grandes lèvres et il s'introduit lentement dans la caverne visqueuse. Vite rejoint par un second, ils débutent le bal de ma foufoune. C'est encore une sensation différente de celle du gode qui me remplissait tout à l'heure. Ça se complique un peu quand les deux voyageurs sont retrouvés par un troisième, et suivis en cela par un quatrième. Ensemble ils s'enfoncent en moi sans trop de difficultés. Ils repartent tous soudés en arrière pour mieux revenir, mais si lentement que je ressens chaque millimètre qui me creuse le ventre. Un vrai délice, quand ils sont bien au fond de moi, bloqués par un pouce qui, lui, me cajole le clitoris. Le propriétaire de cette main sait s'en servir ! Il m'amène au bord de l'extase pour arrêter ses mouvements quand il me sent toute prête à jouir. Les temps morts sont sublimes ! Je me pâme entre les bras de ces deux-là. Mon magicien n'en a pas fini avec mes seins. Il les triture, les garde en état d'érection permanente et à la limite de me faire mal.

Mon bouton est maintenant délaissé, et je sens que ma chatte est tout doucement dilatée. C'est monstrueux ce qui veut rentrer à l'intérieur… Je gémis de plus en plus. Pourtant je mouille toujours aussi abondamment. Ils connaissent bien leur affaire, mes deux amants. J'ai la sensation que la main avec tous ses doigts réunis va m'arracher, me déchirer la minette. Mais je bouge mon bassin, ce que l'autre prend sans doute pour une invitation à persister. Bien sûr, lubrifiée comme je le suis, toute la main arrive enfin à s'introduire en moi, et c'est un grand choc dans ma tête. Je me sens remplie bien plus que je ne l'ai jamais été. C'est merveilleux comme sensation, malgré un zeste de peur. Puis l'énorme mentule qui est en moi ne bouge plus, me laissant digérer son entrée, mais Marcel continue à pincer mes nichons, ce qui me fait remuer la croupe.

Chacun de mes gestes me fait sentir cette chose immobile en moi, et les frissons qui parcourent mon corps des pieds à la tête sont les sublimes prémices à une jouissance qui s'annonce monumentale. C'est l'instant que choisit Marcelino pour remettre son vit contre mes lèvres.

— Alors, tu aimes ça ? Tu m'as l'air d'une fieffée salope ! Un joli fist que tu nous montres… C'est trop bon. Ouvre la bouche. Sens comme je rebande bien fort. Allez, Maryse, suce-moi le jonc ! Voilà, c'est bien… C'est ça, comme je te l'ai dit. Juste le bout de ta langue sur le gland. Oui, fais-la tourner sur le bout. Hum, c'est trop bon… Tu suces comme une reine ! Je ne comprends pas qu'un mec avec un pareil canon dans son lit soit assez bête pour te laisser filer ; enfin, tant mieux pour nous ! C'est bon… Oui ! Tu aimes le fist, et ça se voit.

Évidemment entraînée par mon envie, par les caresses qui n'en finissent plus, je lèche le gland que j'imagine rose et lisse.

— Bon ! Alors, je peux continuer ? Puisqu'elle te suce la queue, je vais la limer maintenant. C'est bien ; elle est très docile, et plutôt mouillée. Un régal pour y plonger la main que cette chatte bien baveuse !

C'est la première fois que j'entends la voix de mon second partenaire ; je reste tétanisée par celle-ci : c'est une voix féminine qui vient de dire cela. Je me fais mettre par une femme ? Mon Dieu, je n'y aurais pas pensé. Qui est-elle, celle dont l'avant-bras plonge en moi comme une bite monstrueuse ? Elle a remué légèrement les doigts et je suis secouée de partout ! Encore un autre mouvement interne, comme si elle serrait le poing, puis elle le tourne intérieurement. Là, c'est de la folie ! Des milliers de spasmes m'emportent dans un autre monde. Je lâche le vit pour crier, hurler sous cette caresse inédite et incroyable. Puis, le poing toujours fermé, la femme se met en devoir d'aller et venir tout en imprimant une sorte de rotation à cet ersatz de queue.

Ma jouissance est magistrale, instantanée ! Je hurle sous les coups de boutoir d'un avant-bras qui me prend comme une salope, et j'aime ça. Je me tords sur le lit alors que les mains pincent de nouveau mes seins et que de temps à autre la bite de Marcel me touche la bouche que je garde ouverte sous l'effet fantastique de ce fist que je savoure. J'en tombe presque dans les pommes tant c'est bon ! La petite mort ! L'orgasme avec un O majuscule.

Je mets un temps fou pour reprendre mes esprits. Je ne me rends même pas compte que mes mains sont déliées, que mon bandeau m'est retiré. Quand j'émerge enfin de ce demi-sommeil, les deux sont là l'un contre l'autre, enlacés, et je vois pour la première fois en pleine lumière celle qui m'a mise en transe de si belle manière. Elle porte des cheveux blonds, et ses yeux sont clairs.

— Maryse, je te présente Adeline, ma compagne. Elle a apprécié de faire des choses avec toi ce soir.
— Je croyais qu'elle ne devait pas rentrer ?
— Mais elle était là avant notre retour ; elle savait – ou elle espérait – que j'allais revenir avec une femme : c'est notre petit jeu à nous.
— Et si j'avais refusé le bandeau et les liens ? Comment auriez-vous fait ?
— Il arrive parfois que les femmes avec qui je rentre ne veuillent pas entrer dans notre combine ; ça fait aussi partie des règles à accepter. Nous aurions fait l'amour tous les deux, voilà tout.
— Il y a encore une chose que je ne comprends pas…
— Ah oui ? Laquelle ?
— Je vous ai vu partir fâchés tous les deux.
— Nous l'étions, mais sans plus. Du reste, notre plan ne fonctionne que si nous nous quittons sur une engueulade, et c'est notre façon à nous deux de faire la paix : nous offrir une jolie femme. Adeline adore les femmes qui se laissent faire, un peu dociles, quoi. Tu es pour elle l'exemple parfait de ce qu'elle aime.
— En tout cas, elle est très douce et elle sait y faire… Je n'ai sans doute jamais joui aussi fort que cette nuit ! Mais au fait, quelle heure est-il ?
— Six heures vingt du matin.
— Mon Dieu ! Mon mari doit vraiment être inquiet lui aussi. Il faut que je file ! Bien, où sont mes vêtements ? Allez, je file vite, et merci pour tout !
— Attends, ne pars pas comme ça : nous allons te raccompagner chez toi ; tu veux ?
— Oui, mais vous me déposerez un peu avant la maison : je n'ai pas envie d'une autre scène avec mon mari.
— Nous espérons bien te revoir ; et puis – qui sait ? – si tu arrivais à décider ton mari, nous aimons aussi les jeux à quatre.
— Là, vous voyez, on a toujours le droit de rêver !

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