La rupture

Trouver un couple n'a rien d'aisé. Ce qui semble pourtant simple ne l'est en fait aucunement, bien sûr, pour moi qui ne sais même pas comment faire. Je songe un instant à Adeline et Marcel, mais le risque qu'ils racontent notre soirée est trop grand. Alors évidemment la vie nous happe de nouveau dans sa routine, et c'est vrai qu'il est facile de retomber toujours dans les mêmes travers. Alain ne s'occupe plus de rien, ne cherche pas à s'intéresser, à savoir si mes recherches avancent ; finalement, c'est bien pratique de ne poser aucune question. Combien d'heures ai-je passées sur Internet à parler avec des inconnus ? Combien de temps perdu pour n'avoir en fin de compte qu'un pauvre « mdr » de la part d'un type qui s'est moqué de moi sans doute en se faisant passer pour une femme ?

Mais cette fois, les manières peu câlines de mon mari me font voir rouge. Je n'ai plus envie vraiment de continuer, de n'être que son faire-valoir, qu'il n'ait envie de moi que très épisodiquement. Les espoirs que j'avais fondés sur son « oui » avaient donné un peu de regain à notre vie sexuelle, un sursis sans doute à notre couple. Mais nous sommes revenus, retombés dans les mêmes petits travers. Ceux d'un léger brossage, d'un entretien du matériel le samedi matin ou éventuellement un soir, si le film l'a émoustillé.

Pourquoi ce dimanche-là plutôt que le précédent ou le suivant ? Je n'en sais rien, c'est juste que c'est arrivé comme ça.

— Je vais faire mon tiercé. On mange vers midi, comme d'habitude ?
— Et moi ? Je fais la bobonne, quoi ! Je dois te préparer la tambouille, et le mâle, lui, va se ressourcer au bistrot. Elle est plutôt saumâtre, celle-là, tu ne crois pas ?
— Quoi ? Qu'est-ce que tu as encore à t'énerver ? Tu voulais quoi ? Que nous fassions l'amour, là ? Ici, dans la cuisine, pour que tu sois contente ? Alors viens !
— Dégage ! Fiche-moi la paix, va au troquet, va retrouver tes potes, va encore te soûler ; tu rentreras pour te mettre les pieds sous la table, et moi je serai là à attendre le retour du seigneur.
— Écoute, je t'ai donné mon feu vert depuis un long moment pour que tu invites ou que nous le soyons par un couple pour… J'attends toujours que tu en reparles.
— Et toi, tu as cherché ? Tu t'es intéressé à ce que je faisais ? Tu t'es bien gardé de ré-aborder le sujet, n'est-ce pas ! C'est facile de faire l'autruche. Mais cette fois-ci, je t'ai prévenu : ce ne sera plus des mots en l'air.
— Que veux-tu dire ? J'en ai assez de tes menaces, tu comprends ? Assez de ne plus te sentir à mes côtés. Enfin, marre de tes reproches incessants ! Si ce que je te donne ne te suffit plus, eh bien va voir ailleurs ! Vas-y, qu'est-ce que tu attends ? Mais c'est plus facile avec la langue, non ?
— Ah, tu crois ça, toi ! Eh bien, va picoler avec tes potes, et à ton retour le nid sera vide ; ça, je peux te le garantir. Ça doit un jour se terminer comme ça de toute façon, vu le peu de cas que tu fais de moi. Je suis seulement bonne pour faire le ménage et la popote de Monsieur.
— On reparlera de tout cela à mon retour. Allez, à tout à l'heure.

Sans même se retourner, il est parti vers le village, vers ses amis, vers le bar et son sacro-saint tiercé. Alors, remplie d'une colère mauvaise conseillère, dit-on, dans une valise j'ai entassé rapidement quelques nippes et mes papiers. Me voilà sur la route à errer sans trop avoir de but, à tenter de sécher ces larmes qui m'embuent les yeux. Je te hais, je te maudis presque dans ces instants-là. Égoïste et individualiste au possible, je jure que tu ne me reverras pas de sitôt. Ma petite voiture roule sans vraiment de but. Où aller, vers qui me tourner ?

Finalement, c'est à cet instant précis que je vois toute la difficulté de ma décision. Ils jouent sur du velours, les hommes, et j'imagine que beaucoup de femmes ne partent pas juste par souci matériel. Mais je me dis que ce genre de chose ne peut pas arrêter ma décision. Je suis sur la route, seule, et je ne compte pas faire machine arrière. Ma première idée, c'est de me rendre chez Nathalie, ma sœur. Puis je l'entends déjà vanter les mérites de mon mari : « Comment ça, tu es partie ? Mais tu as un mari en or, qui s'occupe de tout, adorable au possible ! Tu n'es donc jamais satisfaite ? » Alors, entendre d'une voix féminine ce qu'il me serine à longueur de journée, non, merci.

Il me reste la solution de l'hôtel, mais je ne pourrai pas y séjourner indéfiniment ; mes moyens financiers ne sont pas inépuisables. C'est tout bêtement que je prends la direction de chez Marcel et Adeline. C'est instinctif, je n'ai rien prémédité. Pourquoi aller chez eux plutôt que dans ma famille ou dans celle de… mon mari ? J'ai déjà quelques scrupules à l'appeler encore de cette façon.

Voilà, j'ai trouvé une place pour me garer à proximité de leur appartement. Mais je n'ai aucune idée de la manière dont je vais être reçue. Qu'importe, je ne veux que faire le point, un jour ou deux. Voir ce qui va ressortir de cette fugue. Devant la porte que j'ai quelque peine à retrouver, je suis hésitante. J'y vais ? Je renonce et repars ? Tout s'embrouille dans ma tête et d'autres larmes, toujours de colère, viennent encore inonder mon visage. Mon doigt écrase le bouton de la sonnette et le son cristallin de la musique à l'intérieur me rassure. Des pas derrière la porte, quelqu'un arrive. Le sourire sur le visage d'Adeline m'éclabousse soudain.

— Maryse ! Si je m'attendais à te voir aujourd'hui ! Tu as une drôle de mine… Eh bien entre, ne reste pas sur le perron. Allez, viens ici, ma belle. Tu as des ennuis ?
— Pas vraiment des ennuis, non, mais je suis partie de chez moi, un peu… vite. Je cherche un abri pour un jour ou deux, le temps de me retourner.
— Tu peux rester ici autant de temps que tu voudras. Marcel est en tournée, il ne reviendra que dans une quinzaine de jours. Je ne me sentais pas d'attaque, alors je ne l'ai pas suivi. Je suis contente de te revoir ; tu me tiendras compagnie…
— Merci, c'est gentil. Entre Alain et moi, c'est… de plus en plus galère, et je n'ai pas forcément envie de continuer comme ça.
— Là, c'est seulement à toi de décider. Dans ce domaine, les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs, et je ne veux pas influer sur une décision qui t'appartient.
— Oui, bien sûr. Mais c'est difficile, d'autant que financièrement… je m'aperçois que je suis très dépendante.
— Tu n'as pas de job ? Pas d'amis qui puissent t'embaucher ? Ça rendrait ta décision plus simple à assumer.
— Non, mais je compte bien dans les jours à venir chercher un travail.
— Bon, pour l'instant, nous sommes dimanche et on ne fera rien aujourd'hui, alors viens. Tu veux un café, quelque chose à boire ?
— Je… j'aimerais un alcool fort, si tu n'y vois pas d'inconvénient.
— J'ai seulement de la vodka et du jus d'orange.
— Ça me suffit.
— Tu es toujours aussi belle. Quel idiot, ton mari… enfin, c'est votre affaire.

Adeline nous a servi deux rasades bien tassées du liquide incolore. Elle ajoute, d'une main sûre, un volume de jus de fruit dans chaque verre. Les glaçons qui viennent tinter sur les bords semblent un instant attirer mon regard. Mes yeux sont brillants ; sans doute suis-je prête à pleurer. Alors juste pour me réconforter, mon amie me prend par les épaules. Elle me presse lentement contre elle, déposant sur mon front un baiser bruyant.

— Tu peux compter sur moi. Je connais du monde dans le milieu du spectacle, alors je peux essayer de te recommander.
— Tu ferais cela ? Tu crois que ça pourrait marcher ? Je ne sais pas faire grand-chose, et tu imagines la difficulté de trouver un boulot…
— Je sais, je sais. À la tienne, ma belle. C'est pourtant vrai que tu es super mignonne. Buvons à cette journée, à ta nouvelle vie ; buvons, ma belle. Finalement, Marcel me manque un peu aussi. Il doit être du côté de Montpellier à l'heure qu'il est.
— Trinquons donc à la vie, à ce dimanche ; et pour le reste, vivons l'instant présent, oublions le passé et attendons pour découvrir l'avenir… s'il y en a un.
— J'ai une idée : je me fais belle – toi, pas besoin, tu l'es déjà – et nous allons danser. Je connais un petit dancing tranquille. Ça te dit ? On fait comme ça ?
— Tu as raison. Je veux me changer les idées, alors d'accord. Prépare-toi et allons guincher.

Adeline et moi levons nos verres ; un sourire est revenu sur mon visage. Elle sirote rapidement sa vodka puis file dans la chambre, et j'entends l'eau de la douche qui coule. Assise dans un fauteuil confortable, je ferme les paupières et laisse glisser le liquide délicieusement amer au fond de ma gorge. J'imagine la peau de la fille qui dégouline du jet tiède. J'en frémis ! Une petite pointe de chaleur commence à se diffuser en moi. Bien entendu, je mets cela sur le compte de l'alcool, mais… je ne suis pas certaine que cette chose qui crée des spasmes dans le fond de mon ventre soit bien due à la seule boisson alcoolisée.

— Ne t'endors pas… J'en ai encore pour une petite minute. Allez, secoue-toi ! Allons danser.
— On prend ta voiture ? La mienne, c'est Marcel qui l'a.
— Comme tu veux. Tu me guideras.

Le trajet qui nous mène à ce lieu d'où des notes d'accordéon se font entendre, à peine un pied posé sur le parking, se fait rapidement. L'ambiance à l'intérieur de la boîte est plutôt bonne. Beaucoup d'hommes seuls, pas tous de première jeunesse, font tapisserie. Bien sûr, les visages de ceux qui ne dansent pas se tournent vers ces deux nouvelles. Pour le moment, une dizaine de couples évoluent sur le parquet au rythme d'une valse frénétique. Au bar, Adeline se penche vers le garçon puis se tourne vers moi, et je devine qu'elle me demande si je veux boire quelque chose.

Je ne réponds que par un signe de tête, immédiatement interprété par le barman comme une affirmation. Il nous sert, et nous voici à chercher un endroit pour poser nos fesses. Une banquette de velours qui me paraît être rouge nous offre l'opportunité de le faire. Un grand gaillard s'est approché d'Adeline et lui parle à l'oreille. Je vois qu'elle décline une invitation à danser. L'homme n'insiste pas.

— Tu viens ? On y va ? Il va y avoir une série de slows et je n'ai pas envie qu'un gros lourd vienne encore m'inviter. Je veux que mes premiers tours de piste soient avec toi.
— D'accord. Je comprends.

Sur la piste, quelques autres couples mixtes se forment et nous commençons à danser. Elle me guide comme le ferait un homme. Elle se frotte honteusement à moi et je ressens de nouveau cette chaleur… De temps à autre je croise des regards de mecs, des regards concupiscents. Sans doute que certains envient Adeline. Elle a une main sur mon épaule, l'autre sur le haut de mes reins. Je sens cette pression qu'elle met pour me faire tourner, au tempo d'une musique douce. Sous les éclairs des spots qui inondent les couples, j'aperçois des mains qui s'égarent sur des postérieurs, des jambes qui s'enchâssent entre des cuisses de femmes. Je me laisse bercer par les notes qui m'enivrent.

Doucement, très doucement, les doigts qui se trouvent au-dessus de mes reins glissent sans en avoir l'air. Ils ont dérivé vers mes fesses, mais je ne fais rien pour leur interdire de voyager. Je me demande même pourquoi ils sont si longs à venir me donner un petit frisson. Il y a de plus en plus de monde sur la piste. Les autres couples aussi sont plongés dans cette nuit entrecoupée de lueurs syncopées. Il nous arrive d'être bousculées gentiment par un de ceux qui se perdent dans des mouvements lascifs et agréables. Adeline a réussi à descendre suffisamment ses doigts pour qu'ils me caressent pratiquent le cul. Je ne bronche toujours pas. Alors que nous passons très près du bord de la piste, que nous sommes perdues dans ce bien-être que nous procure le slow et sa musique, il me semble entendre un homme parler de « gouines ».

Je pense qu'Adeline a aussi saisi l'allusion directe à notre couple entrelacé. Sa main sur mon épaule s'est incrustée un peu dans ma chair, m'arrachant un soupir. Elle continue de me guider, me serrant encore plus contre elle. Je suis sûre qu'elle joue ce jeu pour faire crever d'envie ces types qui nous observent. Et ce n'est pas pour me déplaire. Le souffle de sa bouche s'est singulièrement rapproché de ma joue. C'est presque tout naturellement que nos lèvres se rencontrent, et je sens une pointe de langue nerveuse qui s'incruste entre les miennes. Pourquoi est-ce que je me comporte en femme soumise ? J'ai envie qu'elle prenne soin de moi, qu'elle me serre contre elle. J'ai plus qu'envie, j'en ai besoin ! Un corps qui palpite, qui vit, qui me rend vivante, ce sont toutes ces images qui se bousculent au fond de mon crâne alors que la femme m'embrasse.

— On fait une pause ? J'ai chaud.
— Oui, viens. Notre place n'est pas encore prise, une chance. Tu me gardes mon verre ? Je vais fumer une clope. Tu n'as pas peur de rester seule avec… tous ces monstres qui nous reluquent ?

Elle éclate de rire en fouillant dans son sac. Elle en extirpe son cylindre de mort retardée puis, avec toujours une désinvolture qui me sidère, se dirige vers la sortie. Je suis des yeux cette silhouette aux cheveux blonds. Elle est d'une finesse, une bien jolie femme, avec des formes qui doivent donner envie, des idées à tous ses mecs qui traînent par ici avec un seul but. Puis je sens aussi l'insistance de certains regards, qui eux appuient lourdement sur les miennes de formes. S'ils pouvaient me déshabiller avec la seule force de leurs yeux, je crois que depuis un long moment je serais à poil ! Enfin l'un d'entre eux, plus hardi que les autres, s'approche de la place que j'occupe.

— Vous me permettez de m'asseoir à cette place ?
— Non : j'ai mon amie qui va revenir ; vous voyez bien que son sac est là, sur le siège.
— Pas grave, je lui rendrai sa place et sa copine dès qu'elle reviendra. Du reste, qui va à la chasse perd sa place.
— On le dit, mais n'espérez rien de moi ; si c'est cela qui justifie votre venue près de moi, c'est peine perdue.
— Ah bon ? Une belle femme comme vous ! Pff… Je n'ai jamais de chance : je rencontre un oiseau rare et elle ne veut même pas engager la conversation !
— Les beaux parleurs ne m'intéressent pas, et il n'y a rien à croire des paroles des hommes, de toute façon. Ce sont tous des menteurs. Ils savent toujours s'arranger avec leur conscience.
— Belle opinion des mâles ! Enfin, vous avez sans doute raison pour certains, mais inutile de nous mettre tous dans le même sac. Je vous offre un verre ?
— Non, merci. Du reste, voici mon amie qui revient.
— D'accord. Donc, ça s'appelle un râteau ! Tant pis pour moi ; mais vous ne savez pas ce que vous perdez.

En louvoyant entre la piste et les sièges occupés, Adeline revient vers notre place. Elle a des difficultés à avancer dans cette cohue qui se forme devant elle. C'est comme une marée qui l'enlace, la garde éloignée, et le type qui reste assis près de moi lui aussi suit cette chevelure qui voudrait s'approcher. Finalement, il se remet sur ses pieds et se penche vers mon oreille :

— Si vous changez d'avis, vous me trouverez au bar. Je me prénomme Paul.

Ceci ne réclame aucune réponse et je le vois qui s'éloigne du côté du DJ et du bar. Pendant ce temps, Adeline est revenue. Elle a un sourire large et contagieux.

— Alors, je ne peux pas te laisser une seconde sans que tu te mettes à draguer ? Pourquoi tu n'es pas allée danser avec le zig qui t'a abordée ?
— Parce que je suis avec toi… tout bêtement.
— Tu sais, je crois que c'est d'un attribut dont je ne dispose pas que tu as besoin. Faire l'amour avec un homme te remettrait les idées en place. Laisse-toi donc aller ; ton mari, c'est une chose, mais t'envoyer en l'air en est une autre. Tu devrais vraiment essayer.
— Mais, tu me prends pour une salope ou quoi ?
— Les grands mots, tout de suite ! Je peux te donner du plaisir, mais il te manquera toujours la finition ; et malgré l'utilisation d'un gode, je ne pourrai jamais remplacer… une bonne queue. Tu peux même le ramener avec nous à la maison. J'en profiterai finalement, moi aussi.
— Et Marcel, dans cette histoire ? Tu penses qu'il en dirait quoi ?
— Parce que tu l'imagines seul dans une chambre d'hôtel ? Non, mais tu rêves, là ! Il doit tringler à tout-va ! Et puis mon corps m'appartient, il n'a rien à dire.
— Je vous envie d'avoir autant de facilités pour assumer ces choses-là ! Moi, je suis trop… Ma morale me joue des tours. Dans ma tête, c'est toujours très complexe. Alain est mon mari – encore, je veux dire – et le sentiment de tromperie est ancré au fond de mon cerveau, comme me rappelant sans cesse que…
— Si tu penses que ce serait plus simple que ce soit moi qui drague un mec, pas de souci. Je peux le faire pour nous deux. Tu as un choix, un profil qui te convient mieux que les autres ?
— Non…
— Bon, alors je vais me lancer. On va en dégotter un bon, un qui bande pour deux…

Elle éclate à nouveau de rire, et je dois avouer que cette situation me remue aussi les tripes. Elle se dirige vers le bar. Il ne lui faut pas plus de cinq minutes pour revenir avec… celui que j'ai pratiquement jeté. Il reprend avec un sourire la place qu'il occupait précédemment. Son rictus m'est sans doute destiné, comme pour me rappeler que je suis une sotte.

— Je ne te le présente pas. Paul, mon amie Maryse.
— Ah, j'aime beaucoup votre prénom. Sincèrement, si j'avais un choix à faire entre les deux beautés que vous êtes, je ne saurais pas laquelle…
— Eh bien, ça tombe à pic parce que vous n'aurez pas à vous creuser les méninges. Vous voyez, nous avons toutes les deux une petite faim. Alors, soit vous êtes en mesure de calmer notre appétit à toutes les deux, soit on cherche un autre candidat.

Je vois dans les yeux de ce Paul comme une hésitation. Il pèse le pour, le contre, se demande si c'est du lard ou du cochon. Je dois être rouge de honte d'entendre Adeline nous vendre de cette manière. Je me garde bien de tout commentaire. Il ne sait pas trop quoi répondre. À sa place, j'aurais envie de me barrer aussi. Mais il reste là, à supporter nos deux paires d'yeux. Adeline ne reste pas longtemps silencieuse.

— Vous ne dites plus rien ? Il faut un peu de courage. Ne me dites pas que vous ne bandez plus à votre âge… Rapprochez-vous de ma copine. Allez, ne soyez pas timide !
— À votre aise.

Il est venu près de moi ; la banquette n'offre pas une place terrible. Paul se serre contre moi et nos jambes se frôlent, bien évidemment.

— Vérifie donc, Maryse.
— Quoi ?
— Regarde donc si monsieur Paul a de quoi nous faire vibrer tout à l'heure.
— Ça ne va pas, non ?
— Tâte-moi ça, bon sang, ne te gêne pas : tu vois bien qu'il en a autant envie que nous. Mon Dieu ! Mais un rien te fait peur, ma pauvre. Vas-y, mets-moi ta main sur cette braguette. Touche-moi ce grand gaillard.

Comme un automate, rouge de honte, je lève la main. C'est encore Adeline qui se penche vers moi, me prend le poignet et dirige ma main vers cet endroit si… intimidant. Ma paume s'écrase sur une bosse déjà conséquente. Je ne fais rien pour refermer les doigts, mais je sais que là, sous le tissu, une jolie queue a une vigueur impossible à dissimuler. L'homme semble s'amuser de cette situation, et j'ai l'impression que tout le dancing me regarde. Bien sûr que ce n'est pas le cas, mais je suis morte de honte. Dès que mon amie n'appuie plus sur mon poignet, je quitte cette chose qui pourrait me brûler.

— Alors ? Tu penses que nous en aurons pour notre soirée ? On peut le ramener à la maison ? Bien ! Qui ne dit mot consent, n'est-ce pas ? Vous voulez bien que deux femmes s'occupent de vous ?
— …
— Allez, Maryse ne sois pas… ne feins pas de ne pas comprendre. C'est bien ce que nous voulons, non ? Ne vois dans Paul qu'une bite qui va nous donner un grand plaisir. Et puis il en prendra sans doute aussi autant que nous. C'est bien le rêve de tous les mecs de se taper deux femmes en même temps.
— Vous mettez votre amie mal à l'aise. Elle n'a pas l'air bien décidé. Et moi, si je suis d'accord pour ce genre de… jeu, il n'est pas question que je force qui que ce soit.
— Tu l'entends, Maryse ? Alors tu vas être dans l'obligation de donner ton avis. Paul veut ton aval, et moi j'ai vraiment faim, maintenant.
— Je vois que je dois dire oui, alors, mais je n'ai pas l'habitude de ce genre de situation. Je ne voudrais pas vous gâcher la soirée ; vous saurez peut-être me décider à… passer outre mes craintes.
— Pas de problème, alors. On boit un verre et nous y allons ? Vous nous suivrez ?
— Puisque vous êtes d'accord toutes les deux… j'espère vous satisfaire… toutes les deux.

La boisson alcoolisée qui me racle le gosier ne me fait ni bien ni mal. C'est juste pour me donner une contenance. Puis, alors que le soleil décline sur l'horizon, nous quittons tous les trois les flonflons de la musique. Encore des regards chargés de regrets ; ceux-là s'appesantissent sur mes hanches autant que sur les fesses d'Adeline lors de notre sortie. Je n'ai qu'une hâte : retrouver l'habitacle protecteur de ma voiture. Alors je démarre le véhicule, n'osant pas jeter un coup d'œil dans mon rétroviseur. Je ne doute pas que deux phares soient dans le sillage de mes feux rouges.

— Tu vois comme c'est simple. Tu ne vas pas faire ta craintive toute la soirée. Il me semble que nous étions d'accord, toi et moi. Allez ! Ne pense plus à ton Alain, il n'a pas volé ce qui va arriver. Tu verras : la vision de la vie sera toute neuve après une bonne partie de jambes en l'air.
— Tu en parles à ton aise, toi !
— Souviens-toi comme celle que nous avons vécue avec Marcel a été bénéfique, et dis-toi qu'on ne vit qu'une seule fois. L'existence est trop courte pour se gâcher les joies de la vie. En plus, celle que nous allons avoir est gratuite !
— Peut-être ! Mais j'ai quelques scrupules encore…
— Oublie tout cela ; laisse-moi te guider. Tu verras, tout se passera le mieux du monde. En plus, sans mentir, ce Paul-là, il a l'air sympa. Quand nous serons à la maison, ne t'occupe de rien ; je saurai bien vous amener tous les deux à tout oublier.
— Bon, comme tu veux. Je te laisserai faire, alors.
— Voilà qui est sage. Crois-moi, après tu seras… bien contente d'avoir osé.

Le retour ne prend pas plus de temps que l'aller, et je vois avec une certaine tension arriver la maison d'Adeline. Alors que nous sortons du parking, en deux foulées Paul nous rattrape. Il prend le bras de ma blonde amie et me tend la main. Instinctivement, je laisse faire. Les doigts qui me pressent les phalanges sont chauds, et j'ai la sensation que cette paluche, comme la mienne, tremble un peu. Mais le pire, c'est dans le salon. Si Adeline se sent totalement à l'aise, il n'en est rien pour Paul et moi. Et elle fait comme si elle ne voyait pas cette gêne qui nous tétanise. J'en viens à redouter le moment où elle s'approche de moi.

J'en ai des frissons, des sueurs froides mais elle persiste, et malgré tout je sens ses mains qui glissent dans mon cou. Adeline soulève mes cheveux, les ébouriffe, puis son souffle court sur ma nuque. Paul me fait face, assis dans un fauteuil. Ses yeux sont comme hallucinés, et il ne quitte plus ces mains qui empaument mes seins, les pétrissant sur le tissu de mon corsage. Je tressaille lorsque les doigts se mettent en devoir d'ouvrir sans hâte, un à un les boutons. Mes pommettes doivent ressembler à un feu rouge de carrefour. Je laisse faire, j'ai chaud. Le vêtement glisse sur mes épaules, descend sur ma taille. L'homme s'est mis debout. Il me tient la main.

Rien d'anodin dans cette démarche : il ouvre lui aussi les boutons des manches et me voici en soutien-gorge. Les lèvres d'Adeline courent de nouveau sur ma peau entre l'oreille et la nuque. Paul aussi approche son visage du mien. Je ferme les yeux. Alors que j'attends la bouche qui devrait toucher la mienne, c'est une joue râpeuse qui se frotte à mon menton. Je ne sens plus le souffle de mon amie, et quand j'entrouvre les paupières, je la trouve qui se fait embrasser pas notre invité. Ils se roulent un patin contre ma figure, et quand lui reprend son souffle, c'est pour mieux revenir maintenant, sur mes lèvres à moi. Ce baiser au goût de salive mélangé au gloss d'Adeline m'enivre soudain et je sens mes jambes flageoler.

Elle a pris entre deux doigts l'attache de mon soutif. Il cède sans se faire prier et mes deux nichons sont à portée des lèvres qui persistent à m'embrasser. Coincée entre la femme qui m'oblige à rester bien droite et l'homme qui ne se prive plus de rien, je suis complètement déboussolée. Mon ventre se crispe, mon cœur s'emballe, et je me vois livrée à ces deux-là qui en usent, pour ne pas dire en abusent. C'est une vraie envie qui s'empare de tout mon être. Je deviens comme une folle, soupirant, tanguant légèrement sur ces jambes qui tremblotent sans aucune retenue. Ma jupe a subi un sort analogue à celui de mon soutien-gorge. Et c'est encore Paul qui fait descendre la culotte, ne la quittant que pour mieux me faire lever un pied. Quand il réitère son geste pour le second ripaton, je suis à leur merci.

Alors que mon amie s'est emparée de mes seins, les étirant, les triturant, lui ne s'est pas relevé. Il est resté à genoux, sa bouche venant se caler contre cette fourche formée par le haut de mes deux cuisses. Le baiser qui en résulte devient extrêmement agréable et je frémis sous l'arrivée de la langue masculine le long de cette grotte encore fermée. Adeline s'est rapidement dénudée et frotte son bas-ventre contre mes fesses. Elle soupire, mais j'en fais autant depuis quelques minutes. La bouche qui me ventouse est maintenant accompagnée par des doigts dont j'ignore s'ils sont masculins ou féminins. Mes fesses sont ouvertes sans trop de ménagement. C'est de plusieurs degrés que la température nous rattrape. La pièce embaume, une odeur de sexe règne en maîtresse sur l'ensemble du salon.

Je n'en peux plus… Mes paupières sont constamment fermées ; mes seins sont étirés, les tétons aspirés par les lèvres d'Adeline. Je n'en peux plus, et l'homme se relève. Il se met un peu en retrait, m'empoigne par les fesses et me voilà allongée sur la moquette épaisse. Entre mes cils, je le vois qui se défringue à toute vitesse. C'est à son tour à elle de se dépouiller de tout. Nus, tous les deux se penchent encore sur moi. Mon amie se baisse lentement, faisant venir sa chatte sur mon visage, et en gros plan j'ai cette foufoune sur les lèvres. Adeline se frotte langoureusement contre mon visage. Sans y prendre garde, je fais sortir ma langue qui s'ajuste tranquillement sur cette fente glabre qui glisse doucement au rythme des mouvements de la femme. Chaque passage du sexe féminin entraîne une coulée de salive, et les sécrétions de la blonde me coulent dans la gorge. Je lèche, lape, suce la grotte alors que l'homme en fait autant… à la mienne.

Mais lui se concentre sur un point qui me rend dingue. Il a écarté avec ses deux mains ma brèche de femme, appuie des deux pouces de chaque côté des petites lèvres, faisant sortir de son capuchon mon clitoris. Il aspire ce pic entre ses lippes, puis serre légèrement les dents. Il relâche un peu la pression, mais c'est pour mieux renouveler l'opération. Au bout de cinq ou six fois de ce traitement, je suis arc-boutée, pantelante et déjà prête à jouir. Mes râles ont pris la place des gémissements du début. Tous deux s'ingénient à me rendre folle. Je sens que je dégouline d'envie, que ma chatte coule, que je ne peux plus rien empêcher. Je hurle, et mes mains s'accrochent à tout, à rien. J'empoigne ce que je peux, et bien entendu les seins de la blonde sont les premiers à subir les griffures de mes ongles.

C'est elle qui pour finir, jugeant sans doute qu'un autre morceau mérite plus d'être agrippé, dirige l'une de mes mains, la guide vers le pieu qui est d'une raideur exemplaire au milieu du corps de l'homme. Nos cris sont mélangés, se confondent, se fondent, et la queue se tend davantage. Adeline a saisi mes chevilles. Elle remonte mes jambes tout en les gardant écartées. Ce faisant, elle facilite le passage à Paul. La bite que je tiens coulisse sur mon coquillage ; elle se presse sur toute la longueur de ma fente, butant sur mon clitoris qui a, suite aux manœuvres masculines, doublé de volume. Ma tête dodeline de droite à gauche dans des bruits étranges, caressant, suçant, aspirant la chatte de mon amie. Je ne sais plus ce que je fais, je m'avilis dans des attouchements imparfaits. Prise par la frénésie de mes envies, je me rends corps et âme, sans aucune pudeur, hurlant des mots sans équivoque :

— Oh oui ! Baisez-moi, allez-y ! Faites-moi du bien. Je vous en prie, faites-moi du bien… Faites-moi mal ! Je veux une bite, j'ai envie de me faire prendre. Allez ! Vas-y, rentre ta queue ! Baise-moi…

Les fesses de la femme sur moi s'affaissent et je ne peux plus crier. Ma bouche ne peut plus bouger non plus, et elle me pince les nichons, crûment, violemment. Je cherche de l'air et j'entrouvre les yeux. J'ai une vue paradisiaque sur l'anus de ma copine. Comme elle se tortille de plus en plus sans lâcher mes seins, je sors la pointe de ma langue et la plante dans cette cible qui n'en espérait pas autant. Elle aussi se trémousse d'envie alors que d'une seule poussée Paul est entré en moi. Ses premiers coups de queue font choir sur le côté Adeline. Elle a une voix bizarre en criant :

— Non ! Non !

Alors l'homme qui me chevauche me saisit à bras-le-corps sans jamais sortir de mon ventre. D'une seule poussée, il se retrouve sur le dos et j'accompagne le mouvement de son corps. Je suis, de monture, devenue cavalière. Lui s'accroche à mes épaules, me forçant ainsi à garder les fesses relevées. C'est à ce moment-là que je ressens une vive douleur sur le postérieur. Je rue pour échapper à ces claques qui pleuvent sur mon cul, mais c'est sans compter sur la poigne de ce Paul qui me maintient plaquée contre lui. Son dard se fraie toujours un chemin dans ma chatte et les gifles tombent sur mes deux demi-globes, ratant parfois leur cible et venant percuter mes cuisses.

C'est incroyable, mais je jouis ; je me sens emportée par une sorte de raz-de-marée qui me fait tressauter des pieds à la tête et je ne retiens plus rien du tout. Mon cerveau ne semble plus maîtriser ce corps qui prend un plaisir immense autant sous la fessée que par les coups de boutoir masculins. Je ne gémis plus : je suis un gémissement permanent. Je ne jouis pas : je suis la jouissance même. Je m'enfonce dans le plaisir, et si mes deux compères arrêtaient là leurs gestes, mon corps, lui, continuerait cette fallacieuse indécence. Impossible de raisonner correctement ; je ne suis plus qu'une chatte béante, une salope en rut qui veut de la bite, qui veut du cul, tout simplement. Perdues, oubliées mes réticences du retour : je ne suis plus qu'une cochonne qui veut se faire, se laisser baiser par ces deux-là.

Et ils mettent du cœur à l'ouvrage ! Ils savent bien où il faut aller pour que mon corps, mon ventre, que tout mon être ne sache plus comment arrêter ces spasmes qui m'envahissent. Et c'est moi qui hurle sans relâche. Les mots que j'emploie là sont d'ordinaire tabous dans ma bouche. Mais en plus, j'ai le sentiment que crier que je suis une salope, une pute, ne fait qu'inciter les deux autres, les encourager à me toucher encore plus. Un cercle vicieux, en quelque sorte, une vis sans fin, des vices sans fin… et cependant je persiste à exorciser par des mots salaces cette montée de lave qui me brûle tout entière. Ça me fait un bien fou de vomir des insultes à l'encontre de ce corps que je ne domestique plus du tout. Je sens cette barre qui me perfore le ventre durcir encore plus ; elle a comme des soubresauts, et soudain elle sort rapidement de moi.

C'est ce moment que choisit Adeline pour se coucher tête-bêche sur moi. Sa bouche envahit la fourche abandonnée par le sexe masculin et elle lape comme un jeune chien les sécrétions produites par le coulissement de la queue dans mon minou. Ça me fait un drôle d'effet. Je ne peux que l'extérioriser en m'occupant de l'endroit qui ressemble à s'y méprendre au mien chez cette blonde. Et c'est là que Paul intervient en se plantant dans cette foufoune. Celle que j'écarte de mes doigts, de laquelle j'aspire le clitoris. Je vois donc, cette mentule qui cogne à l'entrée, puis s'infiltre entre les lèvres, obligeant mes mains à les délaisser. C'est incroyablement érotique, pornographique, cette pénétration en gros plan ! Je ne retiens plus rien de ce que mon ventre laisse échapper. C'est la situation tout entière qui me file entre les jambes, devrais-je dire.

L'homme s'enfonce par des coups réguliers de son bassin, bousculant cette femme qui jouit sous moi. Tous les trois, nous roulons sur le côté et j'admire cette technique, cette maestria, avec laquelle il fait aller et venir ce pieu au gland rose. J'aperçois par intermittence cette tête de velours lisse qui frôle ma langue. Elle est restée sur le clitoris qui semble lui aussi grossir sous mes sollicitations. Je ne saurai jamais si c'est lui ou moi qui lui offrons ce plaisir inouï. Sans doute est-ce le mélange des deux douceurs conjuguées qui amène rapidement Adeline à un point de non-retour. Elle aussi psalmodie des mots sans suite, des mots incompréhensibles pour les deux bêtes affamées de sexe que Paul et moi sommes devenus.

J'ai en vision directe cette queue qui fait son labour, et je vois ces deux boules velues qui s'écrasent sur les fesses de la blonde. Tous les trois nous remplissons le salon de soupirs, de gémissements, mais aussi d'une incroyable fragrance de cul. Comment expliquer cette odeur qui s'élève dans la pièce ? Soudain les cris de l'homme deviennent plus rauques, sa bite se crispe en restant tout au fond de mon amie ; l'idée qu'il va éjaculer me traverse l'esprit. Mais, là encore, il se retire au dernier moment. Une minuscule trace blanche vient frapper les lèvres de la chatte qui reste béante. Pourquoi ai-je envie… envie de lécher cette laitance qu'il n'a pas su garder ? Quand ma langue gourmande passe dessus, j'en sens l'âcreté, et pourtant cela ne me semble pas aussi exécrable que tous le disent.

Tout à ma dégustation, je n'ai pas pris garde qu'il a changé de place. Ce sont les mains qui m'écartent les fesses qui me font réaliser que ce sexe qui a failli se vider en Adeline frappe à la porte du canal sombre de mon anus. Je me raidis alors que les cuisses de mon amie m'enserrent la tête, m'interdisant ainsi le moindre mouvement. La pointe dure est en position contre cet œil qui refuse de céder. Mais l'homme pousse alors que je grogne ; il presse si fort qu'une violente douleur me tétanise. Je hurle tandis qu'il arrête son mouvement, et cette chose reste en moi. Me cramponnant par les hanches, il attend, patient, que la brûlure s'estompe. Et c'est quand je m'y prépare le moins que d'une seule autre poussée il se met en place en totalité dans ce fourreau si peu usité.

Un court moment, j'ai une larme qui me coule au coin des yeux. J'ai une pensée pour mon derrière qui est pris, et c'est bizarre, les réflexions que l'on peut se faire au pire instant. Je me dis que je fais partie de la grande famille des sodomisées. Il reste encore un long moment immobile puis, insensiblement, l'épée se retire. Quand elle est pratiquement ressortie de mon anus, c'est pour mieux s'y reloger sans brutalité. Maintenant, en me cramponnant fermement, toujours sur le côté, Paul débute un pistonnage en règle. Quant à Adeline, elle aussi fouille entre mes lèvres, s'ingéniant à me triturer le clitoris. Honnêtement, je suis incapable d'aimer cela, mais au bout d'un long moment la gêne se dissipe pour laisser place à un bien-être diffus. Je ne peux pas dire que je grimpe aux rideaux par cette voie, mais j'avoue que c'est quand même assez plaisant. Je sais pourtant que je n'irai pas au nirvana par cette pratique, mais je ne reste pas insensible à cette queue qui a ouvert la porte.

L'homme me lime, me besogne avec conscience, et quand il finit par se laisser aller à jouir, je sens le jet chaud qui me gicle dans le fondement. Il arrête ensuite ses mouvements, gardant ses couilles plaquées sur mes fesses. La bête qui a perdu un peu de sa superbe met un temps infini à mollir. Je la devine qui rétrécit, puis ressort d'elle-même sans qu'il fasse quoi que ce soit pour précipiter l'éjection de son pénis redevenu flasque.

Nous sommes tous les trois sur le dos, couchés sur la moquette. Nos yeux sont dans le vague du plafond. Personne ne dit plus un mot ; le calme nous surprend. La fraîcheur de la nuit aussi retombe rapidement sur nos corps alanguis et repus. C'est bien, c'est le silence… seulement troublé par nos respirations régulières.

— Bon, si nous allions nous coucher ? Qu'en dites-vous, les gens ? Tous dans mon lit, je n'ai pas envie de faire une lessive de draps, demain…

Adeline a lancé cette phrase avec ironie. Elle n'attend pas de réponse. C'est du reste plus un ordre qu'une prière, et comme deux zombies, Paul et moi lui emboitons le pas. La douche, passage obligé, nous voit arriver tous les trois. Chacun frottant le dos des autres, elle n'est qu'un bon moment, mais sans équivoque. Puis le lit qui nous accueille est large, frais. Je ne sais pas combien de temps il me faut pour m'endormir, mais ce doit être très rapide. Pas de rêve dont je me souvienne, mais dans le noir complet j'ai l'impression que je me trouve sur un bateau qui tangue, alors que je me réveille.

Tout d'abord, je ne sais plus où je suis. Il me faut un certain temps pour que mon esprit s'entrouvre à la réalité du matin. Ce roulis n'est provoqué que par l'accouplement à mes côtés de Paul et Adeline. Elle ne crie pas, se laissant prendre par l'homme en rut en position du missionnaire. Elle griffe les draps puis, alors que ma main s'empare de la sienne, me laboure les phalanges de ses ongles colorés. Dans un souffle, je devine dans la nuit qui m'entoure encore un peu que Paul vient d'éjaculer. Il ne bouge plus, elle non plus.

— Eh bien, quelle santé ! Déjà en forme au réveil ? Il n'y a plus rien pour moi ?
— Désolé, mais le matin j'ai toujours une petite érection ; et comme ma bite frôlait un cul, je n'en ai pas contrôlé l'appartenance.
— Ne t'inquiète pas, je ne suis pas jalouse d'Adeline. J'ai eu plus que ma dose cette nuit !
— Tant mieux, parce que là, j'avoue qu'il va falloir du temps pour que… coquette reprenne des forces.
— Bon. Eh bien, puisque je vois que vous vous faites la conversation, je vais préparer le petit déjeuner. Vous pouvez encore profiter un peu de mon plumard.
— D'accord. Tu veux un coup de main ?
— Mais non ; tiens donc compagnie à notre étalon. Finalement, il le mérite bien, son « repos du guerrier ». Merci, Paul, de nous avoir fait si bien plaisir.
— Je crois que c'était partagé… Enfin, Maryse, tu n'as pas été trop déçue ?
— Non, et je dirais même que tu m'as fait des trucs que je n'avais jamais…

Adeline s'éloigne, et Paul reste à caresser de la main ma poitrine. Sa queue est sans doute hors-service, mais il a quand même un certain savoir-vivre. Il m'embrasse sur le visage ; je le laisse faire en ronronnant comme une grosse chatte.

— Vous vivez ensemble, elle et toi ?
— Mais pas du tout. J'avais besoin d'une maison pour retrouver un peu de calme, et je suis venue frapper à la porte de mon amie, hier dans l'après-midi. Mais je ne sais pas vraiment où je vais vivre ce soir, demain. Je suis un peu dans la galère. J'ai un mari, et notre couple ne fonctionne plus très bien. Voilà, tu sais tout. Et toi ? Pas de femme dans les environs ?
— Non, je vis seul. Mais si tu veux, je peux te proposer de t'héberger quelque temps… et plus encore.
— C'est gentil… mais bon, on ne se connaît pas vraiment.
— Moi, j'ai l'impression de t'avoir toujours fréquentée.
— Je ne te dis ni oui ni non ; tu me laisseras ton adresse, et j'aviserai.
— Ça me convient parfaitement.

De la cuisine, outre les bruits de couverts, monte maintenant une odeur agréable, celle d'un café bien frais.

— Bon, les enfants, si vous avez fini vos cochoncetés, vous pouvez venir boire le café. C'est prêt !