La vie qui revient

La vie suit son cours et nous nous partageons, Adeline et moi, ce que nous appelons pompeusement « le travail ». Ça va plutôt bien pour nous deux ! Bien sûr, j'avais décidé d'arrêter, mais mon amie m'a quelque peu décidée à ne pas la laisser seule. Nous recevons chacune séparément, et quand un de nos « amis » est là pour l'une, l'autre se fait très discrète et reste invisible… Je n'éprouve plus vraiment d'allant, plus de pulsions pour ces types qui nous baisent pour une poignée de billets. Par contre, Adeline semble s'épanouir dans cette nouvelle vie. À plusieurs reprises, son ex-compagnon est venu, comme un fou furieux, frapper à la porte de ma maison.

Une chance pour nous qu'il ne soit pas trop au courant des activités spéciales de la blonde qui a partagé un long moment sa vie ; ou pas assez méchant pour aller voir les flics ! À mon avis – mais ce n'est que le mien – il avait à chaque fois ingurgité une bonne dose d'alcool et il avait toujours une certaine hargne, autant dirigée contre moi que contre Adeline. Il m'en voulait d'avoir, à ses dires, « débauché sa copine ». Je pouvais comprendre son point de vue, mais ne l'avait-il pas un peu cherché en me demandant de l'accompagner dans une de mes soirées ?

Tant bien que mal, la boîte de biscuits de ma colocataire se remplissait de petits paquets de couleur verte et violette. Un joli matelas… gagné sur le dos.

Mais ce matin, je me suis levée de plus méchante humeur que d'habitude. Ma tête est pareille à une citrouille, et quand le carillon de la porte d'entrée me vrille les tympans, je maugrée déjà après l'importun qui ose venir me casser les pieds. De surcroît, quand je trouve derrière la porte un Marcel excité comme une puce, je sens la moutarde me monter au nez.

— Je veux voir ma femme. Dis-lui de venir immédiatement, sa voiture est là, je l'ai vue garée dans la rue.
— Bon, tu te calmes, Marcel. Tu n'arrives pas ici en terre conquise. Je suis chez moi, et si c'est pour foutre la merde que tu es là, tu peux repartir immédiatement.
— Je me fiche pas mal de ton avis ; j'exige de voir Adeline. Et écarte-toi, que j'aille dans sa chambre lui parler deux minutes.
— Non ! Tu ne viens pas chez moi dans un état pareil. Quand tu seras sobre, on en rediscutera.
— De quoi ? Non mais, toi la pute, tu ne me parles pas sur ce ton. Dégage-toi de là ! Et fissa, sinon je te colle une rouste.
— Bien, tiens mon bonhomme ! Essaie donc pour voir. Je me sens d'attaque pour répliquer. Vas-y qu'on rigole cinq minutes.
— Arrête Maryse ! Je vais lui parler à ce dingue, il est capable de tout casser dans la maison. Alors, mon bonhomme, nous allons en finir une bonne fois pour toutes.
— Ade… Adeline, je voudrais…
— Tu n'as plus rien à vouloir ; je fais ce que je veux de ma vie. De mon cul aussi, d'ailleurs, et il n'est plus du tout question que je retourne vers toi. C'est fini, bien fini. Alors tu vas arrêter de venir nous faire du cri devant la maison, surtout quand tu es bourré. La prochaine fois, j'appelle la police, et comme ça tu n'auras plus de permis pour venir nous gonfler. Maintenant, tes menaces à Maryse ou à moi, tu te les colles où je pense et tu te tires vite fait.
— Je… j'ai besoin de te voir, de te parler.
— Oui, surtout quand tu as picolé. Alors mets-toi dans ton petit crâne de piaf que c'est FINI.

Cet homme qui repart en titubant me fait me souvenir d'un autre, quelques mois plus tôt. Je me demande si j'ai été aussi odieuse avec lui. J'efface d'un revers de main l'image qui vient de passer dans mon crâne, celle d'une paire d'yeux revolver, assassine en puissance.

— Adeline, si on allait faire un tour aujourd'hui ? Une belle balade en forêt, ça te dit ? Il va faire un soleil magnifique, alors pourquoi ne pas en profiter un peu ? Je n'ai personne à voir. Et toi ?
— Moi non plus ; et puis tu as raison : ça me calmera. Je te jure, pourquoi insiste-t-il de la sorte ? Ah, ces mecs… Banco pour une balade en forêt. Tu as une idée d'un endroit tranquille ?
— Oui, j'ai une petite idée.
— Parfait, alors on y va quand on est prêtes ?
— Oui. Je me douche ; je t'attends.

Je prends ma douche gentiment, sans me soucier de ce que peut bien faire mon amie. Quand je sors de ma chambre, fraîche et pimpante, elle a préparé une couverture, de l'eau en bouteille et deux ou trois revues. Prévoyante, la jolie blonde ; je m'aperçois de cela en finissant de faire une retouche à mon rouge à lèvres.

— Alors, on démarre ?
— Me voilà. C'est parti !

Nous sommes sur la route. L'endroit où je compte emmener la belle est éloigné de tout ; et, dans mon esprit, avec un pareil soleil, je compte bien faire un peu de nu intégral. Quand j'arrive là où je veux, le joli ruisseau n'a déjà plus qu'un mince filet d'eau et le petit sentier qui le longe est parcouru par des ronces qui ne nous inspirent guère. Devant mon air dépité, Adeline se moque de moi. Mais finalement, au second emplacement où je stoppe notre voiture, la place est libre et enfin nous trouvons une vaste clairière pour y étendre notre couverture. En deux temps et trois mouvements, elle et moi sommes sans rien sur le corps.

Allongée sur le dos, je me fais bronzer. Mon amie à mes côtés aussi, mais quand je suis dans un sens elle est dans l'autre, puis quand elle donne son recto à la face du soleil c'est mon verso qui s'y trouve. Au bout d'un long moment à nous être retournées comme des crêpes dans une poêle, je pose ma main sur ses fesses rebondies qui sont idéalement placées. Elle ne bronche pas. Ses paupières closes pourraient laisser penser qu'elle dort, mais je sais qu'il n'en est rien. Sa peau est tiède, douce comme du satin, et j'ai soudain moi aussi très chaud, mais pour une autre raison : l'envie de cette femme me tombe dessus, m'attrape aux tripes, me monte à la gorge.

Ma main s'insinue partout sur ces fesses qui ne bougent pas. Je les malaxe l'une après l'autre, et finalement les petits soupirs d'aise qui me parviennent de la bouche de mon amie m'indiquent qu'elle apprécie ces attouchements de moins en moins innocents. Elle écarte même ses cuisses pour faciliter le passage de la petite menotte qui cavale le long de la raie de son joli derrière. Sans crier gare, elle se retourne, se frotte de tout son long contre moi, et sa bouche vient à la rencontre de la mienne. Sa langue se fraye un passage dans ma bouche. Elle me coupe le souffle par ce baiser-ventouse, par ce bécot profond, et je suis emportée dans un abîme de douceur.

Mais c'est un autre baiser qui vient s'interposer dans une suite d'images que je n'attendais pas ; ce visage qui se penche sur le mien, c'est celui de mon ex-mari. Pourquoi Alain ressurgit-il du passé pendant ce moment si… intimement personnel ? Je ne cherche aucune explication et je me coule dans les bras de la blonde pour savourer cet état de langueur furtif. Le soleil joue sur nos peaux, il fait bon, il fait beau et je suis bien. Pourtant, cette image qui ne veut plus sortir de mon crâne me rend bizarrement morose. Puis il y a ce ventre qui se frotte au mien, qui pèse de tout son poids sur moi. Les seins lourds de ma belle amie qui se lovent sur ma poitrine l'écrasent de leur masse. Tout concourt à faire durcir les pointes de mes nichons.

Nos souffles se mêlent, se raccourcissent au même instant, mais elle me libère les lèvres un court moment, juste suffisant pour que je reprenne un peu d'air. Puis comme si de rien n'était, elle part en expédition sur les chemins vallonnés de mon anatomie. Découvrant sans doute des paysages pareils aux siens, ses mains parcourent lentement chaque centimètre carré de mon épiderme. Ce qui entraîne une étrange volupté, une chair de poule qui me hérisse les poils. Quand son visage plonge entre mes cuisses largement ouvertes, j'ai les yeux fermés et je devine tous les mouvements de cette maîtresse qui s'ingénie à entretenir chez moi une envie qui me tenaille depuis longtemps déjà.

Mes soupirs doivent emplir la clairière qui nous abrite. Puis, juste à l'instant où je ne peux plus me retenir, je sens Adeline qui sursaute, s'arrête net dans la caresse qui allait amener au fond de mon ventre une extase impossible à interdire. Mes paupières se rouvrent, pour comprendre. Et là, face à mon visage, impossible de ne pas le voir… un homme, le slip au milieu des jambes, un homme qui tient entre ses doigts son sexe bandé. Il fait coulisser la peau du prépuce, se masturbe sans vergogne, sans doute excité par le spectacle des deux amazones que nous sommes. Les fesses de mon amie sont en droite ligne de son regard et Adeline, la tête penchée sur le côté, ne sait plus si elle doit continuer ou stopper notre jeu.

Les muscles de mes cuisses qui avaient débuté un tremblement intense, prélude à cette jouissance qui montait du fond de mon corps, persistent à grelotter. L'homme, imperturbable, continue ses mouvements, se branlant devant deux cochonnes qui s'envoient en l'air sous un coin de ciel bleu, entourées d'herbe fraîche et de forêt. Je me fiche pas mal de sa présence, tant qu'il ne tente pas de nous approcher plus que cela. Il est à environ trois mètres de nous et je perçois, tout comme Adeline, ses gémissements. Je pose ma main sur la chevelure de mon amie, appuie dessus sans forcer, et elle recommence à me brouter le minou. L'autre n'a pas cessé de s'astiquer d'une main vigoureuse, trop heureux de voir que nous savons qu'il est là. Trop content sans doute aussi de se dire que nous ne l'avons pas chassé d'un mot méchant.

La bouche qui revient se fait plus gourmande, plus douce, plus… chaude, aussi. Elle comme moi, nous sommes soudain plus chattes, et le mec qui se secoue la bite à quelques pas de là n'est pas étranger à cet état d'excitation exacerbée. Du coin de l'œil, alors que ma jouissance revient au grand galop, j'épie ce gars châtain qui, la culotte au bas des jambes, se donne un plaisir solitaire devant le bouquet changeant de nos deux corps nus qui s'offrent à sa vue. Je ne cherche même plus à retenir ces cris qui montent tout seuls à mes lèvres tant c'est violent, tellement ce que me fait Adeline est bon. Et là, sur l'herbe de la clairière, mes gémissements font écho aux piaillements des oiseaux qui doivent aussi observer cet étrange manège depuis leur perchoir.

Le soupir de l'homme qui crache sa semence se confond avec mon hurlement de bonheur quand mon ventre explose de cette envie qu'a si bien réussi à canaliser ma jolie blonde. Quand je rouvre les yeux, c'est pour voir simplement le dos de l'homme qui s'est rhabillé vite fait et qui s'apprête à disparaître sans un mot dans le petit bois tout proche.

— Wouah ! C'était torride… Il y a longtemps qu'il nous matait ?
— Franchement, je n'en sais foutre rien. À un moment, j'ai cru percevoir un bruit bizarre, et en me retournant je l'ai vu. Mais il n'a rien fait pour nous déranger, et le plaisir des yeux qu'il a pris a suffi à son bonheur, apparemment. Dommage ! Il avait l'air… bien monté.
— Bof ! Un de perdu… dix d'oubliés.
— Tu as raison. Il n'avait sans doute pas de sous et nous sommes… trop chères pour lui ; enfin, je crois.

Nous rions à ce bon mot, et de nouveau la couverture nous retrouve.

Quand nous reprenons le chemin de la maison, la rougeur du dos d'Adeline m'impressionne. Par contre, au fond de mon crâne, le souvenir d'Alain est omniprésent et je ne sais vraiment plus comment me débarrasser de ces visions drôlement tenaces. Je ne m'explique pas non plus pourquoi elles m'arrivent par vagues successives et d'une précision extrême. Il est près de moi sans y être ; un mauvais trip alors que je n'ai ni fumé ni bu. Ensuite, dans notre « chez nous », Adeline me demande de lui passer le dos à la pommade ; elle a peur de ses coups de soleil. Couchée sur le canapé, je lui enduis le dos d'un gel apaisant, et tout comme mes mains qui se baladent sur sa peau, mon esprit se promène dans ce chalet de mes plus belles années.

Bien sûr, c'est à mon tour, après elle, d'être badigeonnée de ce calmant magique. Mais mon amie ne se contente pas de ces frôlements anodins et médicaux. Ses doigts s'infiltrent sous l'élastique de ma culotte, la font glisser lentement plus bas que mes fesses. Il faut aussi dire que je ne crie pas pour qu'elle stoppe ses manœuvres. Alors, après avoir massé mon derrière un long moment, oubliant volontairement ou non les endroits rougis par les UV, sa langue entrouvre ma raie et l'enduit de salive. Le frémissement léger qui s'empare de moi lui donne de précieuses indications sur le degré de mes envies. La pointe de cette touriste corporelle s'ingénie à percer le mystère de cet œil qui me fait tressauter à chacun de ses passages. Elle relève la tête et, entre deux léchouilles, me murmure des mots que je ne saisis pas tous.

— Tu as compris ce que je t'ai dit ?
— Non, pas vraiment.
— On devrait acheter des godes, des bites pour jouer.
— De quoi ?
— Oui, tu sais, il y en a de très réalistes… elles sont si bien faites et la matière est si douce qu'on croirait des vraies.
— Continue ce que tu faisais ; ne t'arrête pas au milieu du chemin, maintenant que tu m'as appâtée avec tes coups de langue. Au moins, finis ce que tu as si bien débuté.
— Ah ! Madame devient gourmande !
— Ben, il ne fallait pas y mettre la main et autre chose.

Nous repartons dans un fou-rire. Cet intermède a pourtant le don de me faire perdre le fil des images de mon ex-mari. Je vois maintenant des trucs étranges, des phallus de latex, des bites de toutes les tailles, de tous les diamètres, et cette vision me fait de nouveau frémir. Je ne rends aucune des caresses qu'Adeline me donne. Je me contente de ressentir chaque geste, d'en goûter toutes les dérives, d'en apprécier les moindres chatouillis. J'aime ce qu'elle me fait au point d'en jouir soudain. Elle se trouve elle aussi surprise par cette mouille qui semble couler de mon sexe sans retenue. Le canapé, heureusement protégé par une housse, ne va pas garder une jolie carte de ce petit bonheur.

Qu'est-ce qui a bien pu m'exciter à ce point ? Les fameux godes dont me parlait ma coloc, ou ces attouchements si particuliers ? Elle, de toute façon, ne se pose aucune question existentielle.

— Ben, ma cochonne, si tu n'avais pas envie, tu m'expliqueras ! Qu'est ce que ça va être, le jour où tu seras vraiment chaude… Une bonne petite salope ! Allez, on se rhabille et on va courir les magasins.
— On a le temps de prendre une douche ? Pour faire les courses, j'aime bien sentir bon.
— Pour celles que je veux faire, sentir le cul pourrait être un atout. Mais bon… vas-y, sinon tu vas m'en faire tout un plat.
— Et tu veux m'emmener où ? De quoi avons-nous besoin de si urgent ?
— Pour une fois, ne pose donc pas de questions ; contente-toi de me suivre, tu veux ?
— Bon, allez ! Nous y allons alors, puisque c'est tellement pressant. Je me doucherai en revenant.

Nous voici à nouveau sur la route, direction la ville. Dans les petites rues, je cherche le chemin, mais Adeline semble exactement savoir où aller. Au bout d'un moment qui me paraît interminable, nous arrivons devant une devanture rouge, complètement masquée, sans aucun signe distinctif.

— Qu'est ce que tu veux bien acheter dans un magasin pareil ?
— Ne t'occupe donc pas de ça. Contente-toi de suivre, tu vas voir dans une seconde.

Je me tais et la suis. Nous entrons dans une échoppe, et soudain je sais où nous sommes. Partout des étagères avec des choses auxquelles je ne m'attendais pas. Des sexes dans tous les coins, des bas, des tenues, des livres, des DVD ; enfin je viens pour la première fois de ma vie de découvrir l'univers glauque d'un sex-shop. Nous devons tout d'abord affronter le regard du type derrière sa caisse. Pour lui aussi, voir deux nanas débouler ensemble dans son réduit doit lui paraître tenir du miracle. Il nous adresse un grand bonjour et ses yeux ne quittent plus nos silhouettes. Je dirais même qu'ils sont appuyés sur un endroit bien précis de notre anatomie.

Deux autres hommes restent avec les mains en suspens, tenant en l'air un livre pour l'un, et un DVD pour l'autre. Là encore, les regards se portent sur nos hanches et tentent sans doute de deviner ce qui se cache sous nos jupes. Mes joues doivent devenir aussi rouges que mon dos. Mais dans la pénombre, je réalise que les mecs ne doivent s'apercevoir de rien, et surtout pas de ce trouble qui me prend aux tripes. Ma peste de copine en profite pour me serrer par la taille ; elle se colle à moi comme une sangsue. Sa main glisse sur l'arrière de ma jupe, lisse mes fesses, et je suis certaine qu'elle affole les types qui maintenant se sont carrément tournés vers nous.

Mes yeux se portent sur tous ces trucs qui sont étalés partout ; dans mon champ de vision un homme passe et disparaît, happé par un mur pourtant étrangement lisse. Adeline poursuit son avancée dans le magasin et déjà ses mains ont empoigné un blister contenant un sexe en latex plus vrai que nature, mais avec des dimensions qui feraient pâlir d'envie le mec le mieux monté. Elle me le colle sous le nez avec un éclat de rire.

— Imagine ce machin… On va bien jouir avec ça, non ?
— …
— Allez, ne fais pas ta chochotte. Tu es comme moi : tu aimes ça, le cul ! Alors ne sois pas timide.

Je me sens de plus en plus gênée, mais elle n'a pas l'air de s'en formaliser plus que cela. Nous sommes près de l'endroit où le mur a avalé le type que j'ai vu passer. Et soudain Adeline me prend par la main, me regarde droit dans les yeux et me tire vers la cloison. Une porte s'ouvre comme par enchantement et nous atterrissons dans un local entièrement fermé. Un téléviseur diffuse un film de cul et un homme – celui que j'ai vu, sans doute – est là, nu, la queue à la main.

— Oh, pardon ! On vous dérange ? Hum… tu as vu, Maryse, la jolie bite du monsieur ? Tu n'aurais pas envie d'y goûter ?

L'autre n'a pas fait un mouvement, simplement surpris par cette intrusion dans son espace intime. Puis, s'habituant à ces deux silhouettes qui entrent, il doit bien comprendre que nous sommes deux femmes. Il ne répond rien, et moi non plus je ne dis rien aux allégations de mon amie. Elle me pousse dans le dos, refermant du même coup la porte derrière nous. Nous voici dans la cabine où je distingue désormais un canapé assez long et l'homme qui s'y trouve. Ses traits ne sont pas très nets, mais la gaule qu'il tient entre les doigts est bien proportionnée. Adeline me tient toujours par la main et me fait avancer vers l'engin qui reste raide malgré notre intrusion.

— Restez assis, Monsieur ; mon amie va vous sucer. N'est-ce pas, Maryse ? Allez, assieds-toi près de ce gentil garçon et occupe-toi de cette belle queue.

L'autre se pousse sur le côté pour me faire de la place ; et moi, comme une conne, je m'assois près de lui.

— Non, ma belle : à genoux devant le canapé ; c'est moi qui m'assois.

Pourquoi est-ce que j'obéis ? Aucune idée, mais je fais ce qu'elle demande. Je n'ai plus aucune volonté, et l'autre – trop heureux de cette aubaine – a vite fait de présenter le pieu à ma bouche. À genoux, j'ouvre les lèvres, et lui, sans effort, me le met entre les lèvres. Il ne donne aucun à-coup, se contentant de me laisser le lécher. J'ai un haut-le-cœur tant son odeur est forte, écœurante : un mélange d'urine et de transpiration qui me monte au nez et me soulève presque l'estomac. Il se permet de me maintenir en place en me posant une main sur la nuque. Je fais un effort pour ne pas vomir et Adeline, elle, m'attrape par les seins, et sur les vêtements elle me pince les tétons. Je serre les dents, mais la queue dans ma bouche est prise en étau entre mes mâchoires.
Alors l'homme me tire les cheveux en arrière et se met à vociférer :

— Hé, la salope ! Ne me bouffe pas le nœud. Si tu me mords, je t'en colle une sur les étiquettes !

Je ferme les yeux et tente d'oublier l'odeur qui me prend aux narines. Et juste avant que mes stores ne soient totalement clos, je perçois un simple rai de lumière. Une sorte de remue-ménage se fait tout autour de nous. Inondée par la lumière de l'écran qui continue de diffuser le film de boules, j'ai cette nette sensation que d'autres personnes sont entrées. J'en ai vite la certitude quand, en rouvrant les quinquets, je vois un gars qui tripote la croupe d'Adeline qui s'est relevée pour lui faciliter la tâche. Contre ma joue, une autre bite vient se frotter dans l'espoir que j'abandonne à son profit le vit que je suce. Alors je ressors la chose immonde au goût d'égout dégoûtant que je suce pour enfourner la seconde. Celle-là est plus propre sans doute, donc sans odeur particulière.

Près de moi, les deux gars s'engueulent. Celui que j'ai laissé tomber et celui qui vient de me clore le bec avec son sexe. Je devine vite que l'objet de cette rivalité idiote est ma bouche, tous les deux désirant que celle-ci leur donne la priorité. Quant à mon amie, elle est sur le canapé, à demi fléchie, et son cavalier lui a remonté la jupe sur les reins. J'ai sous les yeux cette pine qui entre et sort de son minou, ce qui me file une envie monumentale. Le premier essaie encore une fois de remettre dans ma bouche son phallus puant mais je l'envoie promener vertement :

— C'est bon, mec ! Va te laver et tu reviendras après. Elle pue, ta machine, elle est crade. Je ne veux plus sucer ton truc malpropre.

Vexé, le type se rhabille, reprend son DVD et sort rapidement de la cabine. Enfin nous sommes à égalité. Deux couples qui s'envoient en l'air, une partouze équilibrée en quelque sorte. Je continue à lui faire reluire le jonc à grands coups de langue. Mes doigts se sont refermés sur ses bourses et je sens ses roubignoles qui sont bien chaudes dans ma main. Au bout d'un long moment, le gaillard m'attire à lui, s'enfonçant au maximum dans ma gorge, et je manque d'étouffer. Puis soudain, ce que je pressens depuis quelques minutes arrive : de longues giclées m'éclaboussent le fond de la gorge. Il me semble que ces jets ne s'arrêteront jamais. Je n'arrive pas à déglutir tout ce sperme qui me coule dans le gosier. Et sans vraiment bouger, le mec se vide avec de petits couinements ; il affiche en soupirant son plaisir.

Quant à Adeline, elle se fait mettre par l'autre gars qui ne cesse pas ses allers et retours, et j'entends claquer son ventre contre le cul de la blonde. Là aussi, le coït dure une éternité ; l'autre ne semble pas pressé de prendre son pied. Quand il entend son collègue se mettre à gémir, alors je le vois accélérer la cadence et mon amie se fait secouer comme un prunier. Le large sexe qui lui taraude la chatte finit par cracher son venin. Il se cramponne aux hanches de ma copine en poussant un cri de bête blessée. De la voir frissonner, mon épiderme en attrape, lui également, la chair de poule.

En quelques secondes, nos partenaires occasionnels se sont fait la malle, profitant de la semi-obscurité pour s'éclipser. Pas un merci, pas un au-revoir. Des mecs, quoi.

— Pff… C'était rude, mais comme c'était bon !

Adeline a jeté cette phrase sans se préoccuper de ma présence, comme si elle le disait pour le monde entier. À peine notre partie de jambes en l'air terminée, les flashs de ma vie antérieure – et notamment ceux des jours heureux avec Alain – refont immédiatement surface. Quelque part en moi, un tiroir semble s'être ouvert et déverse des flots de souvenirs. Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais cette étrange envie de revoir mon ex-mari devient impérieuse.

— Ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, Maryse. On achève nos achats et nous rentrons à la maison. Si tu veux, pour me faire pardonner de t'avoir un peu forcé la main, je t'invite au restaurant.
— J'ai besoin d'une bonne douche. Et puis j'ai des haut-le-cœur ; le premier type était plutôt sale. Il puait.
— Tu as raison, ça nous change des hommes bien propres et bien nets que nous rencontrons habituellement. Pour le restaurant, j'aimerais bien manger chinois. Tu es partante ?
— Oui, bien sûr !

Nous sommes rentrées avec tout un attirail hétéroclite. Adeline a acheté toute une cargaison de godes. Des longs, des courts, de toutes les couleurs. Elle a aussi pris un gode-ceinture d'un joli marron, d'une taille raisonnable mais nervuré, ressemblant à s'y méprendre à un sexe réel. Dans la culotte qui sert à le maintenir en place, une partie vient s'enfoncer dans le minou de la porteuse. Cet engin est censé donner autant de plaisir à l'une qu'à l'autre, quel que soit le sexe de celui ou celle qui sera pris avec cette bite de latex.

La douche m'a donné un vrai bonheur, une joie toujours renouvelée. Mais là, aucun secret : j'ai toujours adoré l'eau tiède coulant en cascade sur ma peau. Un long brossage de mes dents n'a cependant pas réussi à chasser les relents de la queue sale, mais je pense que ceux-ci sont surtout dans ma tête.

Adeline est sortie de sa chambre la première ; elle m'attend gentiment avec un verre à la main. Maquillée de frais, belle comme une rose épanouie, elle porte superbement un ensemble jupe-tailleur en lamé couleur or qui se marie de belle manière avec ses boucles blondes. Une paire de hauts talons assortie laisse voir deux fuseaux bien modelés. En un mot comme en cent, cette femme est canon ! Elle me détaille d'un air tranquille, sans dire un mot.

— Tu prends un verre avec moi, Maryse ? Tu veux bien trinquer à notre amitié ?
— Un doigt de porto, juste pour t'accompagner.
— Merci. Tu es… d'une beauté… époustouflante !
— Je dois avoir l'air fade à côté de toi, Adeline.
— Tu rigoles ? Je ne t'arrive pas à la cheville. Tu es trop… belle.

Nous voici de nouveau côte à côte, direction le restaurant Lumière d'Asie. Pourtant j'y arrive avec en toile de fond l'obsédante pensée d'Alain. Pourquoi ? Mystère. Quelque part, je commence à me dire que je vais l'appeler. Dans un jour ou deux, sans doute, je n'arriverai plus à me défaire de ces images qui me remontent de partout à l'esprit. Chaque endroit… Par exemple ce restaurant où je venais aussi avec lui ; je le vois avec son assiette de nems. Comme il aimait cela… mais il doit finalement toujours les aimer : il n'y a pas de raison que cela ait changé.

Notre repas me trouve songeuse, et si elle s'en aperçoit, mon amie ne m'en touche pas un seul mot.
Le ver est dans le fruit…