Dépucelage

C'est dans une berline noire qui puait le fric que nous roulions vers… je ne savais où. Pas une seule seconde je n'avais songé que s'il voulait me faire du mal, nul ne s'en émouvrait. Sur une large esplanade bordée de peupliers, le moteur a arrêté de ronronner et l'homme s'est tourné vers moi. D'abord, j'ai cru qu'il voulait m'enlacer pour m'embrasser, et déjà je m'apprêtais à me défendre ; il n'en était rien !

— Vous savez… c'était une façade. Votre amie et Victor, je crois qu'ils nous ont monté un bateau juste pour vous ficher les jetons.
— Comment cela ?
— Ben… je suppose qu'ils voulaient vous sensibiliser aux dangers, aux risques de prendre ce genre de chemin de traverse.
— C'était aussi simple d'en parler tout bêtement ; je ne suis pas idiote et je comprends parfaitement ce genre de… possibilité.
— Alors pourquoi êtes-vous assise là, à mes côtés ? Je suis peut-être le pire des satyres… Vous n'avez donc pas peur ?
— Si… mais la peur n'a jamais rien évité ; et puis… un homme qui a dîné proche de moi ne peut pas avoir de mauvaises intentions. Je ne vous ai pas senti – comment dire ? – plus que cela attiré par les simagrées des deux amants.
— C'est vrai que ce que Victor a laissé entrevoir existe, mais ce n'est pas pour moi ; et je suppose que vous n'y seriez vous-même pas favorable.
— Là, vous avez raison.
— Alors dites-moi vos problèmes et nous verrons si une solution peut se concevoir. Je suis seul, pas aussi timide que mon ami a voulu vous faire croire, mais pas très hardi près d'une aussi jolie femme. Et il y a cette différence d'âge…
— Mais surtout, il y a l'absence d'amour entre vous et moi. Je ne suis pas une… fille qui fait cela pour de…
— Chut ! Pas de mots définitifs, s'il vous plaît. Ce serait juste un peu d'aide.
— La contrepartie de cette assistance me semble bien au-dessus de mes moyens.
— Ou la peur de tomber amoureuse ? Une possibilité que vous ne voulez pas seulement envisager ; ça reste dans l'ordre du possible, non ? Je n'ai rien d'un monstre.
— Oui, c'est vrai. Mais il n'entre pas dans mes intentions de faire du mal à quiconque, et encore moins à moi. Vous êtes bel homme, j'en conviens, sauf que vous devez avoir l'âge de ma mère ou de mon père…
— Au moins, vous avez la franchise de le dire. Si ce n'est pas agréable à entendre, ça a le mérite d'être clair.
— Ne vous vexez pas… je ne suis pas faite du même bois que Peggy.
— Oh, je ne pense pas qu'elle aime Victor, non ! Leur collaboration est surtout basée sur… enfin, chacun y trouve son compte. J'aurais aimé avoir une petite chance auprès de cette femme que vous me montrez ici.
— Je…
— Je sais. Et puis vous êtes vraiment…
— Vierge, vous voulez dire ? Pucelle ? Eh bien oui : c'est que ça ne s'est jamais trouvé, je n'ai jamais fréquenté aucun garçon.
— C'est votre choix ; je le respecte. Par contre, si le cœur vous en dit, je veux bien vous aider pour vos études.
— …
— Je peux… vous embrasser ?

Il venait de me demander tout de go s'il pouvait ! Cette attention délicate m'avait, je ne savais pas pourquoi, émue plus que la normale. Et j'ai fermé les yeux et approché mon visage du sien. Les lèvres qui se sont soudés aux miennes m'ont surprise par leur douceur, puis ma bouche s'est entrouverte sous la pression d'une langue inconnue qui cherchait son chemin. Je ne savais plus trop où j'allais, ni même pourquoi je faisais cela.

Lui le faisait en connaissance de cause. Et son bras, qui maintenait nos visages rapprochés en encerclant mon cou, était fort et musclé. L'effet de ce baiser me surprit soudainement. Le voyage initiatique de nos langues qui se câlinaient devint bizarrement magique. Maxime a ensuite délicatement cajolé ma joue, puis mon menton. Il était un homme, et je découvrais ce genre de détail.

Enfin, la main qui effleurait ma poitrine ne cherchait absolument pas à me faire du mal. Je respirais seulement plus fort, plus vite. Loin de repousser cet assaut, je me sentais – comment dire ? – désirable et désirée. Et que le type qui me frôlait ait des années de plus ne changeait rien. De longs frissons secouaient ce corps qui ne connaissait pas ce genre d'attrait. Maxime pinçait maintenant ce téton qui, par un curieux mécanisme, se dressait sans me demander mon avis dans le balconnet de mon soutien-gorge.

— Vous… seriez d'accord pour que l'on aille chez moi ?
— … Chez vous ? Où est-ce, chez vous ?
— Oh, pas très loin d'ici. Je vous offre un verre, on discute un peu et je vous dépose là où vous voudrez.
— Je ne sais pas trop si c'est bien convenable…
— Convenable ? Me croyez-vous suffisamment crétin pour vous faire du mal ? Voyons ! Je suis déjà fou de vous, mais je suis aussi un homme sensé, et il vous suffirait d'aller voir les flics pour que j'aie les pires ennuis. Et puis c'est tellement bien quand c'est offert plutôt que volé…
— Je…
— Il vous suffit de dire oui ou non. Et ne me dites pas que vous n'êtes pas réceptive : je sais faire la distinction entre une femme qui a envie d'aller un peu plus loin dans un flirt et un glaçon.
— … !
— Vous avez tout de la femme prête à se donner. C'est votre choix ; je n'insisterai absolument pas : un non, c'est non.
— Juste un verre, alors ?
— Promis… sauf si c'est vous qui voulez aller de l'avant.

Il venait de remettre en marche le moteur de la voiture. La route de nouveau défilait sous les roues et je ne voyais que ce long ruban gris qui dans les phares me semblait si anonyme. Combien de temps avons-nous passé sans dire un mot ? Les kilomètres devaient bien prendre fin à un moment ou à un autre. Cette fois le pinceau des lampes de l'automobile éclairait une façade. Un endroit à l'écart, mais qui me semblait plutôt huppé.

— Voilà, c'est chez moi. Je coupe le moteur ou vous préférez que je vous raccompagne tout de suite ?
— … Un verre ? Juste un verre ? C'est promis ?
— Oui, vous avez ma parole. Mais soyez gentille, soyez franche avec moi : ai-je une petite chance de vous séduire ?
— …

Pour toute réponse je suis sortie de l'habitacle. Il en fit autant et contourna l'avant de sa belle tire. La nuit nous entourait, et seuls quelques bruits provenant du moulin qui se mettait au repos arrivaient à mes oreilles. La main de Maxime prit la mienne et nous pénétrâmes dans l'entrée de son « chez lui ». Une lumière tamisée vint éclairer sans crudité le vestibule. L'homme se tourna vers moi.

— Vous… tu es si belle, Sarah ! Je suis sous le charme.
— …

Il était planté là, ma patte toujours dans sa paume, et ce pas que je redoutais tellement de sa part, c'est bel et bien moi qui le fis. Ma petite tête se logea contre son torse, et comme dans un rêve un baiser nous réunit durant quelques secondes. Un goût très sucré qui écartait mes peurs, rassurant, et surtout tellement… ambigu sur mes intentions. Les siennes n'avaient plus de raisons de l'être. Cette fois, sa main ne s'embarrassait plus de préjugés ou de tergiversations : il admettait sans le dire que mon assentiment lui était acquis.

Mon sein se trouva une fois de plus sous ses doigts qui, sur le tissu, en pressaient le volume. Quand mon corsage s'ouvrit, mes deux menottes tirèrent, elles aussi, sur le tee-shirt du bonhomme. Le torse halé qui apparut à mon regard avait de quoi me surprendre : mon audace me fichait la trouille ! L'envie que je ressentais au creux de mes reins aurait-elle une suite logique ? Ou alors allais-je craquer et reculer lamentablement à la dernière minute ?

Mes certitudes, ma bonne volonté, tout cela fut éliminé, oublié, malmené, et lorsque mon soutien-gorge s'évada, je me sus perdue : il allait sûrement se passer quelque chose dans cette maison. Contre moi, malgré son âge, le type tremblait vraisemblablement autant que moi. Je le laissai tranquillement retirer ce qui couvrait encore la partie basse de mon corps ; lui était toujours en pantalon.

À quel moment une main arriva-t-elle entre mes cuisses ? Ma jupe était depuis quelques instants déjà chiffonnée au milieu de cette entrée inconnue. Ma culotte ne représentait plus qu'un pâle barrage à l'intrusion de la patte de Maxime. J'avais chaud d'une fièvre que je ne maîtrisais plus du tout. L'effet incroyable de l'élastique de ce triangle alors soulevé, lequel s'avérait être le dernier rempart à ma féminité, oui, cet effet me creusait le ventre, mais je ne refusais plus ces attouchements. Au fond de mon esprit, ce soir… je n'étais déjà plus pucelle.