L'engrenage

Je rêve, sans aucun doute. Pas d'une manière brutale, pas un cauchemar : non, c'est plus feutré que cela. L'impression que mon esprit réagit alors que la place se rétrécit sur ce canapé largement déployé en guise de plumard. Une sorte de sixième sens qui m'avertit que quelque chose ne tourne pas – plus – rond. Et dans ce rêve très ouaté, pas de remue-ménage, pas de chambardement qui peut m'alerter plus que cela. Juste une sensation de ne plus être seule, sans fondement, à l'instar de tous les songes.

Inconsciemment je me pelotonne, me positionne en fœtus, remontant mes genoux contre ma poitrine. Et une chaleur des plus étranges chahute mon esprit. Je suis entre éveil et endormissement, un inconfortable tunnel dont je ne sais pas me dépêtrer. De quelque côté que je me tourne, l'espace me semble restreint. Et dans mes hallucinations nocturnes, sans que j'en devine la cause, ma respiration se saccade, avec cette sensation que je vais étouffer. Je me revois fouetter furieusement l'air de mon bras dans l'obscurité. Ce sont les draps, d'où curieusement sort une voix féminine, qui me répond. Me répondent ?

La vérité toute crue me fait sursauter. J'ai des sueurs, et cette fois je me tourne et retourne sur le matelas. Dans ce qui devient un cauchemar, pas de visage, pas de sexe : simplement une forme que ma main palpe là où ne devrait se trouver que le vide de la place libre. Alors, à quel moment est-ce que je réalise pour de bon que je ne suis peut-être plus aussi endormie que mon esprit veut me le suggérer ?

Prise de panique, je me redresse d'un bond dans la couche en tâtonnant le long du mur à ma droite. L'interrupteur de la lampe de chevet, où peut-il bien se cacher ? Je dois savoir, je désire en avoir le cœur net ! Et je pousse un hurlement de terreur qui remplit non seulement le salon, mais l'appartement tout entier. Et ce qui remue à mes côtés ne peut en aucun cas être une pièce de mon rêve de départ.

— Hé, calme-toi ! Ne réveille pas tout l'immeuble, bon sang ! Ce n'est que moi.
— Mais… Carine, qu'est-ce que tu fiches là ? Quelle heure est-il ? J'ai raté un épisode ; tu n'étais pas dans ta chambre, dans ton lit ?
— Si, mais je n'arrivais pas à roupiller et j'avais besoin de sentir une présence. Et tu étais là.
— Tu m'as filé une de ces trouilles… pour un peu j'en aurais fait une crise cardiaque. Tu n'es pas malade de venir sans raison au beau milieu de la nuit t'enfiler dans ce qui me sert de couche ?
— Arrête, tu veux ! Je ne vais pas te violer. Je n'avais pas envie de rester seule ; je n'ai pas besoin de toucher ou de l'être : je veux bêtement sentir une présence.
— Prends un chien, et tu auras la même chose…
— J'y ai pensé, figure-toi. Et j'ai renoncé à ce projet parce que je me suis dit que la journée, il serait très malheureux. Ta réflexion se voulait méchante, je suppose ? Je te souhaite de ne jamais avoir peur un jour… peur du vide de la vie, peur de la différence. Tu sais, Sarah, je ne suis rien, moi… Juste une femme perdue, paumée dans un monde qui me dépasse. Et je vous envie, Virginie, Clothilde, Chloé et toi d'assumer des relations normales avec les autres.
— Pardon. Je ne voulais pas te blesser. Mais le réveil en sursaut…
— C'est bon, n'en parlons plus.

Je viens de fermer la lumière, et j'entends dans la nuit sa respiration. À quel moment est-ce que je sais qu'elle pleure ? Ce n'est pas long ; trop cependant pour elle. Elle s'est tournée, le côté pile de son corps recroquevillé reste placé de manière à ce que nous ne nous touchions pas. Ses sanglots presque silencieux me font de la peine. Pour l'apaiser, je lui murmure des mots que je ne voudrais pas prononcer :

— Ne pleure pas Carine… Allons, tu sais bien que l'on t'aime ; que je t'aime et que tu le mérites.

Elle perçoit ces phrases ; le mouvement de sa grande carcasse qui se retourne déplace l'air autour de moi. Ce faisant, son bras encercle ma taille. Elle rapproche dangereusement son visage du mien. Quand ses lèvres embrassent ma joue, je ne trouve rien à redire. De fil en aiguille, une de ses jambes monte sur une de mes guibolles. La bouche qui me fait des bisous sonores, les larmes qui mouillent ma peau… je me sens d'un coup toute petite dans cet immense lit.

Il n'y a plus assez de place pour nous contenir les deux ? Carine est tout contre moi. Sa chaleur m'envahit, et ses mains se frottent à mes épaules, me câlinent sans gêne. Je ne réagis pas vraiment, me rendant bien compte que si je la laisse faire, ses illusions vont grandir. Je ne me sens pas le cœur à la rejeter, malgré la nette sensation que ses attouchements dépassent les bornes permises par l'amitié. Elle le sait, je le sais… et curieusement, je ne fuis plus.

— Si tu savais comme je rêve d'être comme vous toutes…
— … ?
— Je voudrais aimer les hommes, faire l'amour avec eux, être une fois, une unique fois normale… Mais c'est au-dessus de mes forces. Je ne supporte pas les pattes de ces types… J'ai bien essayé, je te le jure, mais je n'ai jamais pu conclure avec un seul d'entre eux.
— Mais… pourquoi tu me dis cela ?
— Parce que je t'assure que, de temps en temps, je suis toute prête à péter les plombs. Et si tu n'étais pas là cette nuit… je crois que j'avalerais un tube de cachets.
— Tu es folle ? Vis ta vie comme tu l'entends. On s'en fiche du regard des autres. Tu es ce que tu es, et nous sommes tes amies.
— Je n'ai pas envie ni besoin de faire l'amour ce soir, Sarah. Je ne veux que me rassurer, savoir que je vis, que j'existe. Et tu es là ! Tu me sauves la vie, tu peux me croire.
— Ne dis donc pas de sottises… Tu ne vas pas déprimer…
— C'est facile pour toi. Tu as tout : l'intelligence, la beauté, tout te sourit et sans doute as-tu le plus bel étalon de tout le bahut, même si tu t'en défends et si tu nous le caches.
— Tais-toi… Je n'ai rien de tout cela, et mon assurance n'est qu'une façade. Tu veux que je te dise…
— Oui. Vas-y. Dis-moi. Parle, je ne répèterai rien.
— Je n'ai jamais couché avec un garçon.
— Mais… alors, explique-moi. Je ne comprends plus, là !
— C'était un vieux bonhomme, et il m'a rémunéré pour cela.
— Non ! Tu veux dire que tu fais la… incroyable !
— Chut…

Et je commets l'erreur de poser ma main sur sa bouche. Elle prend de suite cela pour une autre invitation. Cette fois, elle vient plus franchement au-devant de ce qu'elle croit être sincèrement un appel sexuel. Et que croyez-vous que je fasse ? Eh bien, rien. Je subis ses effleurements. Nous nous embrassons sur la bouche, et ce n'est pas si mauvais. Le reste se perd dans des grincements de matelas et des gémissements d'alcôve. Une expérience qui me prouve que le sexe peut aussi se conjuguer au féminin sans que ce soit véritablement dégradant.


Un papier est tombé de ma poche bien longtemps plus tard. Il avait une histoire. Pas très reluisante en fait, mais un retour en arrière était impossible. Alors comme ça, par bravade, je m'étais dit qu'aller le revoir, ce Maxime… et puis je prenais goût à un luxe trop longtemps interdit par mes finances. Quoi de plus normal, dans ce cadre-là, que d'aller le retrouver dans ce bar qu'il fréquentait ? Mon bon sens me lâchait lui aussi ?

Dans la glace, le visage peinturluré de la femme qui s'y reflétait, était-ce bien le mien ? J'avais de gros doutes en voyant le gloss brillant qui se chargeait de me vieillir. Et puis, mille fois sur le chemin qui menait à ce troquet, mon courage s'absentait. Devant l'épaisse porte de bois, alors que je m'apprêtais à appuyer sur le bouton pour me faire ouvrir, j'hésitais encore. Dans mon dos, un type m'interpella ; mon sursaut l'a surpris.

— Hé, n'ayez pas peur ! Je veux seulement savoir si vous entrez ou pas. Je suis désolé de vous avoir donné des frayeurs.
— Ben… je venais voir un ami.
— Un ami ici ? Mais il n'y a que des personnes âgées, un peu à mon image. Enfin, venez, c'est ouvert.

La porte venait de s'entrouvrir, et bien entendu celui qui filtrait les entrées pensait sans doute que j'accompagnais le gus qui se trouvait près de moi. L'intérieur était cossu. Tout était fait pour la relaxation, et surtout… ça puait l'argent. Ce club n'accueillait donc que des riches ? Un long silence se fit à mon arrivée au milieu de ces messieurs tous très… ridés. Finalement, je n'apercevais pas de Maxime dans ce… je n'avais pas de mots pour cataloguer l'endroit.

— Vous ne voyez pas votre… ami ?
— Non.
— Je m'appelle Gérard, et si la compagnie d'un vieux fou ne vous effraye plus, vous pouvez attendre ce monsieur en buvant un verre avec moi. Je vous l'offre, bien entendu.
— Vous… je ne sais pas s'il va venir ou si je ne me suis pas trompée tout bêtement de lieu.
— En tous cas, vous apportez un peu de soleil et de chaleur dans cette boutique, Mademoiselle…
— Sarah. Je m'appelle Sarah, pardon.
— Et elle boit quoi, Mademoiselle Sarah ?
— Oh, je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse…
— Allons, ne faites pas l'enfant… Charles !

Ce Gérard venait d'appeler un serveur. L'autre accourait, raide comme un piquet dans son habit noir.

— Charles, apportez-nous une bouteille de Dom Pérignon et deux flûtes, s'il vous plaît.
— Bien, Monsieur.

Il est reparti vers son bar, toujours aussi guindé dans sa tenue d'apparat. Je regardais partout, tout ce qui m'entourait. Et mon hôte s'aperçut vite de mon trouble.

— Rassurez-vous : c'est juste du tape-à-l'œil. C'est fait pour bluffer les gens, et parfois les invitées qui entrent ici. Nous avons des années au compteur et nous aimons les effacer par ce clinquant qui nous entoure.
— Dans quel but ?
— Ben… je dois avouer que c'est plaisant, un frais minois ; et je peux vous dire que là… en cet instant… tous ces messieurs qui nous observent sont un peu jaloux de ma position, et surtout de ma bonne fortune. Nous rêvons tous d'une jeunesse prolongée ; nous avons les moyens financiers, peut-être moins le physique…
— Je ne comprends pas…
— C'est pourtant simple. Nous échangeons parfois avec des dames gentilles quelques images vertes ou violettes pour une heure ou deux de rêve… Des instants magiques qui nous font croire en une éternelle jeunesse…
— … ?
— Vous êtes belle et jeune. Je suppose que si vous cherchez un ami ici, c'est que vous avez envie de vivre mieux. Parce que, comme vous pouvez le constater, les membres de ce parterre ne sont plus très actifs… sauf pour ouvrir leur portefeuille.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne vous suis pas, là…
— Votre « ami », s'il cotise chez nous, ne doit pas être beaucoup moins âgé que nous, non ? À moins qu'il ne soit de votre famille, auquel cas je vous fais toutes mes excuses.
— Non : il s'appelle Maxime.
— Oh, je vois… Mais si vous le permettez, je peux vous offrir le même service.
— Pardon ?
— Nous avons un boudoir au premier étage, et nous y serons plus tranquilles pour boire notre vin…

Il fit signe au serveur ; le gaillard est revenu à notre table. Quelque chose est passé de la patte de mon hôte à celle du garçon. Je ne savais pas de quoi il retournait, mais les deux hommes ont également échangé deux ou trois murmures, puis le bras de ce Gérard s'est tendu dans ma direction : il voulait visiblement que je lui prenne la main. Nous avons alors traversé la salle sous les regards sulfureux de bonhommes sans âge… enfin si, mais avec tellement d'années qu'il était compliqué de leur en donner un.

Une fois de plus je subissais les évènements. Nous avons grimpé une dizaine de marches et débouché sur un palier qui donnait sur un corridor. Une moquette lie-de-vin au sol et quatre portes dans ce couloir tapissé de tentures elles aussi d'un rouge en accord avec le sol, s'étalaient devant mes yeux. Au-dessus de chacune des portes, un nom de fleur. Il choisit, sans que je sache pourquoi, celle nommée Rose. À l'intérieur, le mobilier me semblait vieillot, mais en parfait état.

Ce qu'il nommait « boudoir » s'apparentait plutôt à une bibliothèque avec quelques fauteuils et un immense divan, puis des livres sur le pan d'un mur. À elle seule, cette pièce était trois fois plus volumineuse que ma piaule d'étudiante. Il m'invita à m'asseoir alors que celui qui servait dans la salle du bas débarquait avec un plateau et nos verres, ainsi que la bouteille de champagne.

— Merci, Charles.

Une fois encore quelque chose changea de main. Gérard le suivit vers la sortie ; il me sembla que les deux hommes se parlaient à voix basse. Enfin mon hôte revint lentement vers moi.

— Bien, jeune dame. De quoi avez-vous besoin ?
— Besoin ? Je ne vois pas trop…
— Si vous visitez l'un d'entre nous, c'est bien que vous avez un service à demander… ou à rendre.
— Mais non ! C'était simplement pour découvrir l'endroit qu'il m'avait indiqué… où il est censé venir fréquemment.
— D'accord. Je peux être plus direct avec vous ?
— C'est-à-dire ?
— Eh bien… je peux aussi de mon côté vous offrir – comment vous expliquer – les mêmes avantages. Seulement, je ne finirai pas : Dame Nature ne me le permet plus. Disons que je me sers d'autres arguments et que je suis… un contemplatif.
— Je ne saisis pas vraiment…
— Vous n'avez pas peur de moi ? Enfin, je suppose que vu mon grand âge, vous savez bien que vous ne risquez rien… plus rien, je veux dire. Mais j'aime prendre de menus plaisirs, ceux que la vieillesse nous laisse… La vue, par exemple, mais aussi le toucher. Je ne vous fais pas un dessin ; je ne pense pas que ce soit nécessaire…
— Vous voulez dire que vous regardez et tripotez ?
— Bien peu, je l'avoue ; je suis généreux, également… et je me suis arrangé avec Charles si… la tension devenait trop violente chez vous.
— Qu'est-ce à dire ? Parce que là, je ne comprends vraiment rien de ce que vous me racontez.
— Mon Dieu, vous êtes un diamant brut ! Je suis en train de vous expliquer que je peux vous masser, que j'adorerais vous voir sans fard, et que si le feu vous dévorait… mon pompier s'appellerait Charles.
— C'est de la folie douce à ce niveau ! Vous êtes un vieux détraqué, c'est cela ? Un vieux pervers !
— C'est la rançon de l'âge, ma belle. Mais tenez… ceci est pour vos frais.

Le barbon me tendit les mêmes images que Maxime et les colla dans ma main. Je nageais en plein délire : j'étais venue pour tenter de revoir Maxime et je trouvais un plus ancien encore qui me demandait… merde ! Je n'arrivais pas à y croire. De plus, celui-ci affichait clairement son incapacité à aller au bout de l'action dont il rêvait, mais il songeait à m'offrir au larbin de service ! Un vrai cauchemar…

Calée au fond de mon fauteuil, j'envisageais la possibilité d'une fuite rapide, mais lui ne l'entendait pas de cette oreille. Il s'agenouilla devant moi ; « se prosterna » aurait été mieux choisi. Ses mains fines et blanches constellées de taches brunes prirent l'un de mes pieds.

— Vous avez des chevilles magnifiques ! Je peux ?
— Quoi ?
— Retirer cette chaussure qui cache ce joli peton.
— … !

Il n'a pas attendu mon assentiment : mon pied nu se retrouva entre ses mains. Lentement, il massa mes orteils, remontant délicatement vers ma cheville tout en psalmodiant des mots doux :

— Il est de toute beauté. Vos pieds sont des œuvres d'art, ma belle Sarah. J'ai envie de…

Sa phrase à peine terminée il se pencha davantage. Son visage vint à la rencontre de cette partie de moi si utile pour mes déplacements et il inonda cet endroit de bisous. Puis lentement, au même rythme que ses mains, sa bouche se mit à embrasser ma jambe depuis mes orteils jusqu'au genou ; il n'osa pas monter plus haut. Mais comme il levait désormais ma jambe pour la maintenir à hauteur de ses lèvres, il devait avoir une vue plongeante sur mon entrejambe.

L'idée même que ce vieillard me tripotait, si elle me dégoûtait quelque peu, m'amenait des frissons bizarres, une étrange langueur et un éveil de mes sens incompréhensibles. Mon pied atterrit sur l'épaule de ce Gérard alors que ses deux pattes frictionnaient maintenant le haut de ma cuisse. Et toujours aucune réaction de ma part, hormis la fermeture de mes paupières sous lesquelles des couleurs imprécises déclinaient un nouvel arc-en-ciel.

Les doigts étaient très doux – je devais l'admettre – et mon ventre, aussi débile que cela puisse paraître, me mettait clairement en transe. Le bonhomme ne s'embarrassait plus de parlottes inutiles : il laissait libre cours à ses pulsions, et ses caresses encore chastes n'allaient pas le rester encore très longtemps. Sa bouche humide longeait cette cuisse nue de plus en plus haut. Depuis une seconde ou deux, sa langue flirtait avec le bord inférieur de ma culotte ; je pouvais sentir le souffle chaud de sa respiration très près de mon sexe.

Un énorme tressaillement me surprit alors que la ventouse de sa bouche se colla au tissu qui masquait mon intimité. Ma tête rejetée en arrière, à demi-couchée sur l'accoudoir du fauteuil que j'occupais, ma jambe relevée et ma jupe retroussée sur mes hanches, je devais faire figure de salope. Le pire étant bien sûr que je ne cherchais pas à me dégager de cette position ignoble. Encouragé par mon inertie, le gaillard, de sa seconde main, repoussa sur le côté le chiffon blanc. Une reddition sans condition qui devait flatter son ego ?

Le souffle recula d'un coup de quelques centimètres : il devait se gorger de la vue de cette conque ainsi présentée. Ce fut pour mieux revenir en écarter les deux pans. Cette fois, au cœur du sujet, la baveuse me renvoyait des milliers de petites pointes d'épingle qui me faisaient frissonner. Et aussi incroyable que ce fût, mon corps en redemandait. Comment mes deux imbéciles de mains sont-elles venues se loger sur le haut du crâne du vieillard ? Peu importait la langue, je ne cherchais plus que l'ivresse de ses passages.

Heureux comme tout, il s'en donnait à cœur joie, ce type qui deux heures plus tôt était un parfait inconnu. Du reste, je n'avais pour toute présentation que son prénom. Ce qu'il m'avait placé dans la main était éparpillé sur et autour du fauteuil tandis qu'il continuait son travail de sape en sourdine. Nul doute qu'il savait que je venais de jouir sous ses flatteries linguales, et… j'adorais ça. Il insista, renouvelant maints passages sur mon clitoris.

L'effet consista en une accentuation de mon désir tandis que d'un doigt enfoncé en moi, il tentait de faire redescendre la pression de ce corps de plus en plus enfiévré. Mais c'était trop avec la langue, et trop peu digitalement. Il ne parlait plus, bien trop occupé des lèvres pour le faire. Mais à un moment je sentis qu'un objet me frôlait le visage. Comment était-ce possible, Gérard ayant les deux mains très affairées à me donner du plaisir ? Je ne compris pas de suite : pour le faire, il m'aurait fallu ouvrir les yeux.

Paresseuse ? Indolente au point de ne pas vouloir savoir ? Un mix de tout cela, sans doute, et lorsque le truc vint se porter contre mes lippes, eh bien… d'instinct j'ouvris en grand mes mâchoires : un sexe bien raide prenait ses aises dans ma cavité buccale. Rien à voir avec les léchouilles persistantes de mon géronte : c'était de la belle bite, bien raide et solide. Je ne tentai pas une résistance qui se serait avérée stérile ; au point où j'en étais rendue, le besoin de plus que des bécots se faisait sentir.