Les fléaux technologiques

Dans le ciel toujours gris apparaissaient parfois d'étranges engins volants, mus par des pales qui produisaient un bruit infernal, et terriblement rapides. Ils avaient été inventés pour mener une guerre sans fin, complètement autonomes, et continuaient le combat même après la disparition tant de leurs concepteurs que de leurs ennemis initiaux. Capables de planer en altitude durant plusieurs jours, moteur coupé, afin de s'approcher silencieusement, ils semblaient tout à coup surgir de nulle part, et il fallait très vite se cacher sous un tas de détritus sous peine de finir hachée par les balles que ces appareils, surnommés « dragons », crachaient sur toutes celles restées à découvert avant de s'éloigner à la recherche de nouvelles victimes : tout être humain non pourvu d'un émetteur radio émettant un code cryptographique définissant le camp ami.
Malheureusement, il ne restait plus un seul de ces boîtiers en état de fonctionnement.

Il était très difficile de les abattre en plein vol. Parfois, ils se posaient sur ce qui semblait être des stations de ravitaillement, mais d'une manière très brève, avant de décoller à nouveau à la recherche de leurs cibles. À ce moment-là, il était possible de détruire un dragon, mais il fallait beaucoup de chance pour le découvrir pendant sa période de vulnérabilité.

Cette terre obscure possédait également, conçus dans le même esprit diabolique, bien d'autres pièges mortels que Velléda dut apprendre à combattre au contact de ses sœurs d'infortune. Durant la nuit pouvaient attaquer d'étranges araignées métalliques dont les pattes étaient montées sur des vérins et prolongées de patins en mousse. Peints en noir et d'environ deux mètres de diamètre, ces engins arachniformes se déplaçaient silencieusement, aussi vite que n'importe quel véhicule sur roues, parcourant les déserts en groupes d'une dizaine d'appareils, mus par une intelligence artificielle qui les rendait particulièrement redoutables.

Ces araignées de métal attaquaient en priorité les campements les moins bien défendus. Dépourvues d'armes à feu, elles étaient par contre munies d'un long aiguillon d'acier injectant un venin dans le corps de leur victime qui mourait après quelques heures de convulsions, dans de grandes souffrances, sans qu'il soit possible de la soulager, sinon en l'achevant. Elles étaient recouvertes d'un blindage en uranium appauvri sur lequel même les balles explosives étaient sans effet, rebondissant à leur surface, même à bout portant. Personne ne savait lutter contre elles : le seul salut éventuel pour le groupe était dans la fuite dans des directions différentes, car elles n'étaient généralement pas suffisamment nombreuses pour être capables de poursuivre toutes les survivantes en même temps.

Velléda se souvint de l'araignée de Babylone et découvrit la seule façon possible de neutraliser ces engins diaboliques : il fallait se jeter entre les pattes, sous l'abdomen, en prenant garde à éviter l'aiguillon, afin de coller une charge de plastic en un emplacement précis qui constituait leur point faible, au plus près de leur ordinateur de bord, puis fuir rapidement en se faufilant de nouveau sans se laisser piétiner juste avant qu'explose la bombe, réduisant l'arachniforme en un tas informe de métal tordu. C'était bien sûr extrêmement dangereux.

Velléda expérimenta cette procédure et la reproduisit plusieurs fois avant de l'enseigner à ses compagnes qui l'imitèrent. La seule apparence, sous l'éclairage lunaire, de ces engins de mort aux déplacements rapides avait déjà de quoi terroriser quiconque les apercevait. Répandre la terreur était bien sûr le but de celui qui les avait conçues et les avait fait fabriquer par millions afin d'en infester le monde.

Mais à côté de ces heures d'effroi, cette communauté de femmes connaissait aussi des moments de joie que leur chef parvint à leur ménager. À l'aide de déchets qu'elle avait trouvés ici et là, elle sut se fabriquer à nouveau son instrument à cordes dont elle aimait jouer. Elle chantait en même temps des airs entraînants, et ses compagnes dansaient, inlassablement, sur les ruines fumantes du monde que les rêves déments de dictateurs mégalomanes avaient conduit à sa destruction. Elle fredonnait des chansons de paix quand bien même la sororité était harcelée par des bandes rivales ainsi que toute une panoplie d'engins tueurs. Elle leur apprit, ou réapprit pour les plus anciennes, une chose depuis longtemps oubliée : à rire et à s'amuser, non pas d'une manière frivole comme avant, mais en pleine conscience de leur tragédie.

En l'absence d'hommes – la cause réelle de la disparition complète de ceux-ci restait un mystère –, il n'était plus question de repeupler la planète. L'avenir de l'humanité semblait bouché : la dernière génération ne tenait qu'à peine debout. Alors, dans un élan désespéré de leur chair maladive, les survivantes s'accouplaient entre elles, et à défaut d'être fécondées elles vivaient leurs étreintes d'une manière extraordinairement intense. Souvent, après la marche harassante et les combats acharnés, elles s'unissaient au cours de vastes orgies lesbiennes d'où émanaient des hurlements de plaisir et de désespoir. Les armes étaient jetées en tas et l'on s'unissait sans penser au lendemain. Velléda prenait part, elle aussi, à ces étreintes de groupe qui calmaient son angoisse. Chacune vociférait pour oublier que tout était absurde et qu'il n'y avait plus d'espoir.

Velléda n'avait pas encore découvert toute l'horreur qu'avait pu produire le sombre génie des hommes ; elle en avait seulement entendu parler à voix basse, d'un murmure, la gorge serrée, comme pour ne pas provoquer l'apparition soudaine de ces créatures qui peuplaient ce monde de cauchemar. Puis elle en aperçut au loin, en compagnie de Tanit, devenue l'une de ses fidèles lieutenantes, dont le visage décomposé et la fuite immédiate suggéraient le pire : c'était les hommes-serpents, appelés aussi « ophimorphes », issu de modifications de l'ADN humain afin de remplacer leurs jambes par un long corps écailleux et froid d'une dizaine de mètres environ. Ils avaient de grands yeux orangés en forme d'amande, dépourvus de paupières, et deux rangées de crocs pointus avec de puissantes mâchoires, comme des requins. Capables de se déplacer en silence, ils attaquaient en bandes de cinq ou six individus, seulement la nuit car ils se cachaient dans des trous durant la journée.

Ils ne se contentaient pas de dévorer leurs proies : ils les violaient impitoyablement, empalant leurs victimes sur leur sexe qu'ils avaient plus imposant que les hommes ordinaires, que la plupart des survivantes n'avaient jamais vus. Celles qui se laissaient surprendre, veilleuses après du feu qui, épuisées, se laissaient glisser malgré elles dans le sommeil, éclaireuses inattentives ou seulement malchanceuses, n'avaient aucune chance : elles étaient rapidement désarmées par les bras puissants des ophimorphes, immobilisées par la queue serpentiforme, et aussitôt pénétrées d'une façon très brutale. Souvent elles retournaient leur arme contre elles-mêmes, préférant se suicider qu'avoir à subir cela. Rares étaient celles pouvant se vanter d'en avoir vus de près, mais celles-là en garderaient longtemps un souvenir d'effroi.

Une nuit, le groupe constitué autour de Velléda partageait du pain ; elles avaient eu la chance de découvrir un entrepôt rempli de sacs de farine, et Salma, qui avait été boulangère, savait préparer de délicieuses miches dorées au feu, à l'odeur si douce que des survivantes venues d'autres groupes les rejoignaient spontanément, prêtant allégeance à la commandante, seulement pour y goûter.

Velléda émit l'idée que la semence des ophimorphes était peut-être féconde, afin d'engendrer à nouveau des garçons. Tanit éclata de rire.

— J'en ai déjà vues qui ont des fantasmes assez épicés, mais là, qui serait assez cinglée pour tenter un truc aussi dingo ? Tu sais, Velléda, ces bestioles n'ont pas trop le sens de l'humour. Si par miracle la téméraire qui veut jouer à ça parvient à ne pas de faire dévorer par la bête – ce qui serait déjà un bel exploit – elle accouchera sans doute d'un petit ophimorphe qui ne prendra même pas la peine de sortir par les voies naturelles et bouffera sa mère de l'intérieur avec ses petites dents pointues.
— Tu veux savoir qui serait assez cinglée pour tenter l'expérience ? Moi… avec votre aide à toutes, bien sûr. Si on n'essaie pas, on ne saura jamais si ça aurait pu bicher, et l'humanité crèvera alors que, si ça se trouve, il y a là une solution au problème. Même s'il n'y a qu'une chance sur mille, il faut tenter le coup.

Bouche bée, comprenant qu'elle ne pourrait jamais la faire changer d'avis, Tanit en laissa tomber son morceau de pain par terre. Velléda en profita pour le lui voler et l'avaler, et manqua de s'étouffer en riant. Elle n'avait jamais ri de si bon cœur en voyant l'expression de stupéfaction sur le visage de son amie.

Deux semaines plus tard, la commandante se sentit prête, c'est à dire son ventre disposé à recevoir la vie de la part d'un ophimorphe. Un chalut récupéré dans un port de pêche permit de préparer de grands et solides filets. Velléda servit d'appât en restant seule durant la nuit alors qu'une dizaine de filles la surveillaient, cachées. Les hommes-serpents repéraient leurs proies à l'odeur, et il était connu que celle de la cyprine les attirait particulièrement. Velléda se masturba afin d'en sécréter plus, d'une main, en tendant fermement son pistolet de l'autre.

Comme prévu, les ophimorphes attaquèrent sans tarder. Il y en avait une dizaine ; le but était d'en capturer au moins un vivant avec les filets, quitte à abattre les autres. Velléda se jeta de côté afin d'éviter d'être elle-même capturée, puis ouvrit le feu. Une autre créature essaya à son tour de la saisir, mais un filet tomba sur elle, puis un autre ; la bête se débattit, tenta de couper les cordes avec ses crocs, mais un coup de bâton asséné derrière la tête par Tanit l'envoya pour quelque temps au pays de Morphée.

Ligotée, muselée, la créature mi-serpent mi humaine était réellement effrayante sous la lumière du feu du camp. Les dents acérées apparaissaient sous la solide muselière de fer qui forçait la gueule à demeurer ouverte, inoffensive. Plusieurs tours de corde immobilisaient les bras. La longue queue, d'une couleur indéfinissable située entre le jeune et le vert avec des nuances de marron, était également bloquée par des liens. Sous la flamme, les yeux orangés étaient plus luisants et plus terrifiants que jamais. Velléda pensa aussitôt à ceux des harpies du désert, et aux siens qu'elle voyait ainsi dans le miroir lorsqu'elle était possédée par le désir de vengeance.

La plupart des femmes du groupe – une cinquantaine – faisaient cercle autour de l'ophimorphe ; même rendu inoffensif, il restait terrifiant par son aspect monstrueux où sa figure vaguement humaine renforçait son allure effroyable. Et si certaines ressentaient de la curiosité et s'approchaient pour mieux voir, beaucoup éprouvaient un sentiment de nausée devant une telle créature et restaient prudemment à distance. Surtout, l'homme-serpent était pourvu d'une imposante érection qui impressionnait beaucoup les filles les plus jeunes, celles qui n'avaient jamais vu d'homme de leur vie. Elles se demandaient comment Velléda allait s'ensemencer.

Ce fut pourtant simple : elle s'assit sur son prisonnier couché sur le dos et inséra le phallus dans sa gaine vulvaire, puis agita circulairement son bassin. L'expression du visage de la commandante n'exprimait aucune peur ; au contraire, tout montrait qu'elle éprouvait de la volupté. Elle ne fuyait pas le regard de l'ophimorphe qui, loin de rester inexpressif, semblait exprimer un lointain reliquat d'humanité. Velléda éprouva une jouissance d'une intensité qui la surprit, la saisissant d'un plaisir qui lui incendia d'un seul coup le bassin et les seins pour la conduire à émettre un râle trahissant sa joie. Tanit eut peur et lui demanda si tout allait bien, prête à abattre le prisonnier qu'elle tenait en joue à la moindre alerte, mais la commandante la rassura d'un signe de la tête.

Velléda croyait les ophimorphes incapables d'éprouver des sentiments de par leur cerveau reptilien, prisonniers de leurs pulsions. Mais à l'acmé du plaisir, alors que son partenaire laissait déborder son abondante semence, le contact des pensées s'établit soudain, clair et brutal, comme le cri d'un cauchemar au milieu d'une nuit silencieuse. Sans ouvrir sa bouche, il lui parla ainsi :

Vois ! Mon humanité s'est perdue, dévoyée
Aux méandres étranges et noirs de démesure.
Telle est ma destinée, ma profonde nature :
Ma conscience aujourd'hui s'est perdue, s'est noyée.

L'humanité ainsi s'est sciemment rayée
Du monde des vivants dans sa version future.
Nos concepteurs ont vu en nous leur géniture,
La perfection maudite où la grâce est broyée.

Je suis un cauchemar, mais un rêve éveillé :
Quand l'espérance a fui, la mort peut festoyer
Dans un déferlement technique abominable.

Tue-moi, je t'en supplie, mets fin à la douleur
Que mon corps monstrueux a rendu intenable,
Toi qui pourtant sait de toute la vie la valeur.

Les filles les plus jeunes n'avaient jamais assisté à un accouplement hétérosexuel. Assister à la scène les troublait ; elle étaient à la fois séduites et terrifiées, surtout à l'idée de devoir imiter Velléda dans l'hypothèse où le procédé s'avérerait efficace pour engendrer une descendance.

L'ophimorphe ne bougea plus, prêt à recevoir enfin l'estocade qui viendrait le délivrer de ce corps abominable. Ses grands yeux orangés suppliaient Velléda, silencieusement, pour qu'elle fît ce qu'elle avait à faire. Elle prit son pistolet et tira trois coups, ce qui arracha la tête de l'homme-serpent qui trépassa sans souffrir. Telle une mante religieuse, elle ne voulait pas laisser vivre son partenaire qui aurait fait courir un danger aux filles qui l'accompagnaient.

Un mois plus tard, elle n'avait toujours pas eu ses règles : tous les espoirs étaient permis. Joyeusement, la petite communauté fit la fête ; on ouvrit les boîtes des meilleures nourritures qu'on avait pu trouver et qu'on gardait pour les occasions comme celle-ci.

Le ventre de Velléda s'arrondissait de jour en jour. Sur le conseil de Tanit, le groupe se mit en quête de matériel de gynécologie afin de surveiller la grossesse et de préparer l'accouchement. On trouva ce qu'il fallait parmi les décombres d'une métropole, mais encore fallut-il transporter le grand fauteuil et les appareils jusqu'au pied d'une éolienne afin de disposer d'énergie car le réseau électrique était complètement hors d'usage. Cela fut réalisé en deux jours et deux nuits de sueur intense pendant que Velléda avait été invitée à se reposer.

Entourée d'une partie de ses compagnes, pendant que les autres montaient la garde à l'extérieur, elle s'allongea enfin dans le fauteuil d'examen. Les yeux s'écarquillèrent d'horreur devant l'écran de l'échographe qui montrait clairement que l'embryon que portait Velléda était celui d'un ophimorphe, avec une longue queue et des membres supérieurs déjà bien formés. Il n'y avait malheureusement aucun doute là-dessus.

Velléda pleura et envisagea de le garder, mais, sur les conseils de Tanit, elle dut se rendre à l'évidence : vouloir accoucher d'un petit ophimorphe serait suicidaire, celui-ci ayant toutes les chances de dévorer sa mère. Avec le matériel disponible, Tanit se mit en devoir de procéder à un avortement, opération à haut risque, n'ayant aucune expérience dans ce domaine, si ce n'est d'avoir elle-même fait interrompre sa grossesse dans les temps du confort et de l'abondance, quand elle était encore dans l'adolescence.

Cela ne se passa pas bien. Certes, l'embryon fut retiré, et déjà vivace, il s'en fallut de peu pour qu'il ne mordît avec ses minuscules dents pointues Tanit qui le manipulait à l'extrémité d'une pince. Velléda perdit beaucoup de sang et fut prise d'une fièvre qui ne tombait pas.

Les filles se relayaient à son chevet et lui tenaient la main. Elles avaient si peur de perdre celle qui savait les guider qu'elles se reprochaient de ne pas avoir tenté l'expérience à sa place. Tanit, comme toujours, ne pleurait pas et se contentait de poser son regard grave sur son amie en lui tenant la main, épongeant la sueur qui coulait de son front sous ses longs cheveux blonds.

Pendant trois jours et trois nuits, Velléda flotta un état de semi-conscience où la douleur ne s'éloigna jamais. Quand elle fermait les yeux, elle voyait à nouveau les harpies aux yeux orange qui la harcelaient continuellement, comme dans le désert, lorsqu'elle avait été mordue par un serpent. Cette morsure-là, celle qui venait du sexe, était plus redoutable encore. Elle les entendait se moquer d'elle, s'éloigner et revenir aussitôt, et frapper de leur bec son ventre douloureux. Tanit vit son amie faire désespérément des moulinets avec ses bras pour chasser d'invisibles intrus, et pas un seul instant ne cessa de veiller sur elle.

De nouveau, Velléda survécut à l'épreuve. Elle se releva et emmena ses compagnes avec elle à la recherche d'une autre solution.

Six mois plus tard, alors qu'elle se trouvait déjà à la tête d'effectifs bien plus importants, elle découvrit l'usine où étaient fabriqués les dragons et les araignées mécaniques, et où les ophimorphes naissaient dans des utérus artificiels, le tout dans un environnement totalement automatisé où chaque robot effectuait sa tâche depuis peut-être un siècle.

Velléda ordonna de disséminer des charges de dynamite dans tous les bâtiments, notamment au niveau du dépôt de carburant, puis éloigna la troupe et fit tout sauter. Les explosions projetèrent quantité de débris autour des survivantes, dont un sexe minuscule d'ophimorphe en gestation, sanglant et visqueux. Une fille décida de le garder en souvenir.

Puis elles reprirent leur route d'errance et de conquêtes, sans guère d'espoir de sauver l'espèce humaine de la disparition, mais soudées dans une sororité que rien n'entamait.

Un jour, l'une de ses soldates nommée Iris – une fille qui, ainsi que beaucoup d'autres, l'aimait plus que sa propre vie – lui offrit une pierre lisse qu'elle avait trouvée dans les décombres, décorée d'étranges motifs vermillon, qu'elle gardait sur elle depuis longtemps en guise de porte-bonheur. Alors Velléda se souvint de la nuit où elle avait peint ce dessin avec le sang de ses menstrues, sous la clarté de la lune, sans comprendre ce qu'elle représentait.

Par miracle, le caillou avait traversé les millénaires pour revenir vers elle, presque intact. Elle regarda le tracé sur la surface calcaire, et soudain tout lui parut clair. Elle sut enfin son véritable nom, celui qu'elle portait avant d'émerger de l'océan et qu'elle avait oublié sur la Terre. Elle embrassa chaleureusement Iris qui ne comprenait pas l'enthousiasme de sa commandante et lut enfin dans sa tête ce qui ne peut se prononcer dans aucune langue humaine, un vocable provenant des profondeurs de la voûte céleste où la voix est radicalement différente de celle des hommes. Concrètement, on y voyait représenté un soleil dont seule la partie inférieure était remplie, entouré d'une sorte de vague aux traits précis.

Velléda fit percer cette pierre au vilebrequin de part en part afin de la porter autour du cou comme un talisman. À compter de ce jour, une vision claire de son destin lui apparut et s'imposa, incontournable : elle sut qu'elle était appelée à régner sur le monde afin de le sauver, et la peur disparut de son esprit.